Texte intégral
Monsieur le Député-Maire,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis de Mulhouse,
Quil vive éternellement dans notre souvenir cet heureux passage de votre République dans les bras de la France.
Cest sur ces mots forts et émouvants que Jean-Ulrich Metzger, chargé, au nom du Directoire, de la négociation du traité de réunion, saluait le 29 janvier 1798 la décision des Mulhousiens de rejoindre la République Française.
Aujourdhui, fidèles à cette invitation, nous commémorons ensemble, sur cette place de la Réunion qui en fut le théâtre, le bicentenaire dun événement majeur pour lhistoire de la ville de Mulhouse, comme la fort bien rappelé à linstant le Maire de cette belle cité, et aussi pour la France.
Majeur parce quil parachève, démocratiquement, le rattachement de lAlsace à la France, entamé au XVIIème siècle dans le fracas des armes.
Majeur parce quil préfigure limportance quallait prendre votre région dans notre imaginaire collectif. Car lAlsace, bien que située aux confins de ce que lon nappelait pas encore lhexagone, allait conquérir la première place dans le coeur de nos compatriotes. Elle allait devenir la plus française de toutes les régions françaises parce que la plus espérée et toujours la plus attendue.
Majeur parce que la démarche des Mulhousiens a, plus que jamais, valeur dexemple. Elle nous rappelle que lappartenance à la nation française ce nest pas seulement un héritage de lhistoire. Cest avant tout un acte du coeur et de la volonté. Un choix librement consenti. Ladhésion aux valeurs de la République quévoquait tout à lheure Monsieur le Maire.
Ce sont ces valeurs qui ont inspiré les habitants de Mulhouse en 1798. Elles nont rien perdu de leur force. Ce sont elles qui fondent, aujourdhui encore, le pacte qui nous unit. Ce sont elles qui donnent à la France son visage, sa culture, son identité.
La réunion de Mulhouse à la France ne sest pas faite en un jour. Les négociations, entamées dès les premiers mois de la Révolution, furent longues et elles furent parfois difficiles.
Certes, il y eut des réticences à lintégration dune commune florissante et dynamique. En outre certaines grandes familles mulhousiennes, tournées par tradition vers la Suisse toute proche, hésitaient à rejoindre la nation française.
Pourtant, en 1798, tout va très vite. Le 4 janvier, les autorités de la ville se prononcent à une très large majorité en faveur du rattachement à la France. Le 28 janvier, cest lensemble des bourgeois de la cité qui approuve ce choix. Le traité de réunion, négocié par trois hommes décidés, Nicolas Thierry, Jean-François Reubell et Jean-Ulrich Metzger, est ratifié le 1er mars 1798.
Pourquoi les Mulhousiens renoncent-ils ainsi à une indépendance parfois tumultueuse, chèrement acquise et si souvent défendue ? Une indépendance qui a permis à « la cité du BOLLWERK » de traverser sans heurts les nombreux conflits qui ont secoué la plaine du Rhin au cours des siècles et de jeter les bases dun essor industriel prometteur ?
Ne nous y trompons pas : il entre dans le choix fait par les habitants de Mulhouse une part dintérêts bien compris. Depuis 1792, la ville est soumise à un blocus douanier qui compromet son développement économique. Le rattachement à la France permet de sortir de cette impasse. Il favorise la prospérité de la ville qui va confirmer au siècle suivant sa vocation de centre industriel majeur.
Mais ce serait méconnaître la portée réelle de lévénement que dexpliquer la réunion de Mulhouse à la République par de seules considérations dordre commercial.
Les raisons sont, avant tout, dordre politique et philosophique.
Fidèle à sa tradition douverture et de progrès, Mulhouse nest pas restée indifférente à leffervescence qui agite notre pays en cette fin de siècle. Là comme ailleurs, les idées nouvelles gagnent les esprits. Des sociétés révolutionnaires se créent. Les habitants, et notamment les plus jeunes dentre eux, sont séduits par lidéal de liberté, dégalité et de fraternité que porte notre République française.
La réunion de Mulhouse à la France, cest dabord un acte de foi politique et humaniste. Cet acte de foi et dadhésion saccomplit sans que Mulhouse renonce en rien à son originalité et à sa liberté. Bien au contraire, les Mulhousiens se donnent, pour reprendre les termes de Jean-Ulrich Metzger, une liberté plus étendue au sein de la nation française.
Une telle démarche témoigne de façon exemplaire de la manière dont sest constitué notre pays au fil des siècles.
Votre ville a su prendre toute sa place au sein de la France, sans pour autant renier sa personnalité. Sans pour autant renoncer à sa tradition déchange et douverture.
La Nation est lune des formes essentielles de notre identité, mais cest une réalité évolutive. Aujourd'hui, elle repose certes sur notre rapport à lEtat mais aussi sur une communauté de valeurs partagées. C'est pour cela que l'idée de Nation, à l'heure de l'Europe, reste une idée résolument moderne. On peut à la fois être membre à part entière d'une communauté et s'insérer dans un ensemble plus vaste. On peut être ouvert sur le monde sans mettre en péril sa propre identité.
Parce que la réunion de Mulhouse à la France, cest d'abord une adhésion aux valeurs de la République, le bicentenaire que nous célébrons nous invite à prendre conscience de la modernité de ces valeurs. Certains leur trouvent un parfum suranné. Jai, au contraire, la conviction que lhéritage de 1789 demeure, plus que jamais, au coeur de notre pacte républicain.
Parmi les principes qui ont inspiré la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen et qui figurent en tête de notre Constitution, trois me semblent aujourdhui particulièrement essentiels : lunité, légalité et la fraternité.
Lunité, tout dabord. La France est une république indivisible. Ce principe conserve en cette fin de siècle toute sa force.
Bien sûr, notre pays est fort de ses diversités. Ainsi lAlsace a su conserver vivants sa langue, ses usages, ses règles, sa culture, tout ce qui lui confère sa personnalité si attachante. Lidentité nationale ne se nourrit pas de lidentique. Elle naît de la variété des expériences et des tempéraments. Elle résulte de différences comprises et acceptées.
Mais l'acceptation des différences nest pas la désagrégation de la cohésion sociale. La France nest pas, et ne sera jamais une mosaïque de communautés juxtaposées, le champ clos de groupes qui signorent ou qui saffrontent. Notre pays est un. Le communautarisme ny a pas sa place.
Notre tradition juridique fait de lindividu, et non de la collectivité à laquelle il sidentifie, un sujet de droit. Il sagit là pour chaque citoyen dune garantie de liberté et de tolérance. Cest pour cela que lunité de la Nation et ses corollaires, la laïcité, limpartialité de lEtat, sont des principes fondamentaux.
Notre pays sest toujours efforcé au fil des siècles dintégrer plutôt que de séparer. De créer des liens plutôt que de dresser des barrières. Cette volonté dintégration a permis de faire de la France une nation unie, au-delà de la diversité des habitants qui la composent.
Nous avons aujourdhui le sentiment que les voies de l'intégration, qui ont si bien fonctionné par le passé, donnent des signes de faiblesse. Les raisons en sont multiples ; elles tiennent aux difficultés économiques et sociales, aux ravages du chômage et de la précarité, à une immigration mal maîtrisée et qui a changé de nature, à lapparition de phénomènes nouveaux comme lintégrisme, et plus largement aux évolutions du monde.
Cest vrai : les choses sont moins faciles aujourdhui que durant les trente glorieuses. Pour autant, nous ne devons pas baisser les bras, nous ne devons pas accepter que soit remis en cause, insidieusement, lun des fondements de notre pacte social.
Lintégration reste une priorité. Il faut donner à toutes celles et tous ceux qui, en situation régulière, ont vocation à devenir Français, parce quils sont nés sur notre territoire ou parce quils y demeurent depuis longtemps, les moyens de trouver leur place dans la communauté nationale. Plus généralement nous devons aider tous nos enfants à sapproprier les valeurs et les principes qui forment la clef de voûte de notre système politique et social.
Au-delà de lactualité, il est urgent de redéfinir ensemble les voies dune intégration réussie.
Mais la cohésion, lunité nationale, cest aussi la paix publique et lordre républicain.
La Déclaration de 1789 inscrit la sûreté au nombre des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. La Nation ne peut être une que si elle est en paix avec elle-même.
La sécurité est la première des libertés. Cest elle qui permet lexercice de toutes les autres. Celle daller et de venir à sa guise. Celle de conserver ce que lon a acquis, parfois difficilement.
Si lordre public nest pas garanti partout, cest la peur, cest le doute qui sinstallent dans les esprits. Cest la démocratie qui est en péril. Il faut que la loi et le droit soient respectés sur lensemble de notre territoire.
Le deuxième des principes que nous ont transmis les hommes de 1789, cest légalité. Et nous navons cessé de nous battre pour une conception toujours plus moderne de légalité, aujourdhui légalité des chances.
La force de lidéal républicain est là, dans la conviction que chaque citoyen doit pouvoir, à condition de le vouloir, être lacteur de sa propre vie. Agir plutôt que subir.
Il sagit de donner à chaque enfant un ensemble de connaissances de base, un bagage pour la vie qui lui permettra den affronter les aléas. Il sagit dassurer à chacun une véritable formation. Il sagit de récompenser à leur juste valeur le mérite et leffort.
Depuis plus dun siècle, lécole est le lieu des apprentissages fondamentaux. Et elle doit le rester. Apprentissage du savoir, bien sûr, mais aussi du civisme, de la citoyenneté et des règles de la vie en commun.
Cest lécole qui pose des jalons, qui indique les repères, qui fixe les limites, sans lesquelles il nest pas de vie en société possible.
C'est l'école qui a la mission éminente de préparer nos enfants à leur avenir, de les ouvrir sur le monde tel qu'il est et tel qu'il devient, de les initier aux nouveaux savoirs, aux nouvelles technologies.
Parce que lécole est en première ligne, parce que les missions qui lui sont imparties sont aussi ambitieuses que difficiles, il faut lui donner les moyens dagir et de faire face, les moyens d'évoluer et de s'adapter dans ses rythmes comme dans ses pratiques pour devenir l'école du XXIème siècle.
La troisième des valeurs qui fondent le pacte social dans notre pays, c'est la fraternité. La fraternité, c'est-à-dire la solidarité.
Il ne sagit pas là dun vain mot dans une région dotée avant lheure - les vicissitudes de lhistoire ny sont pas étrangères - dun système de protection sociale efficace.
Il y a dans notre pays une véritable souffrance sociale. Son aggravation est liée, bien sûr, au chômage de longue durée, qui na cessé de sétendre. Malgré linstauration du revenu minimum dinsertion, notre système de protection sociale sest trouvé largement démuni devant cette réalité nouvelle. Il ne sagit plus seulement aujourdhui dindemniser le chômage, dassurer un revenu aux travailleurs âgés, de garantir laccès de tous aux soins, de compléter les ressources des familles ou de faciliter leur logement. Il faut désormais apprendre à retisser le lien social en ramenant vers lemploi des hommes et des femmes dans la force de lâge, souvent chargés de famille, qui perdent progressivement estime de soi, espoir et confiance.
La solidarité que nous leur devons est une solidarité digne et respectueuse.
Ces femmes et ces hommes que les mutations de léconomie ont parfois rejeté aux confins extrêmes de notre société, ce nest pas seulement une assistance financière quils réclament même si elle est nécessaire. Ce quils veulent vraiment, au plus profond deux-mêmes, cest réintégrer cette France active, dynamique, dont la santé économique sest affirmée au cours des années récentes, qui a recommencé depuis 1994 à créer des emplois, et qui les laisse, hélas, sur le bas côté de la route. Ce quils veulent, cest participer eux aussi à la création des richesses, être de nouveau reconnus pour leur contribution à la vie de notre société. Ils y ont toute leur place pourvu quon sache leur tendre la main, quon accompagne pas à pas leur retour vers lemploi et quon explore tous les chemins de la réinsertion professionnelle.
Lemploi reste le meilleur gage dintégration. Il constitue le remède le plus sûr au délitement des liens sociaux. Il constitue, en définitive, la vraie, la seule réponse au défi de lexclusion.
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
Il y a de cela deux siècles, Mulhouse préférait lunion à lisolement. Elle préférait les promesses de lavenir aux certitudes rassurantes du passé.
Cest en réalité le même choix qui soffre aujourdhui à la France. Forts de notre histoire et de notre identité, faisons, une fois encore, les choix de lavenir. Le choix de linitiative, de laudace créatrice, de lesprit de conquête. Le choix de la confiance, de lintégration, de la cohésion nationale. Le choix de lEurope, de la France dans lEurope, cest-à-dire le choix du progrès et de la paix.
Mais cela suppose avant tout que, rassemblés autour des valeurs de la République, nous retrouvions son inspiration, son souffle profond et surtout, mes chers Amis, son exigence morale.
Vive Mulhouse,
Vive la République,
Vive la France.
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis de Mulhouse,
Quil vive éternellement dans notre souvenir cet heureux passage de votre République dans les bras de la France.
Cest sur ces mots forts et émouvants que Jean-Ulrich Metzger, chargé, au nom du Directoire, de la négociation du traité de réunion, saluait le 29 janvier 1798 la décision des Mulhousiens de rejoindre la République Française.
Aujourdhui, fidèles à cette invitation, nous commémorons ensemble, sur cette place de la Réunion qui en fut le théâtre, le bicentenaire dun événement majeur pour lhistoire de la ville de Mulhouse, comme la fort bien rappelé à linstant le Maire de cette belle cité, et aussi pour la France.
Majeur parce quil parachève, démocratiquement, le rattachement de lAlsace à la France, entamé au XVIIème siècle dans le fracas des armes.
Majeur parce quil préfigure limportance quallait prendre votre région dans notre imaginaire collectif. Car lAlsace, bien que située aux confins de ce que lon nappelait pas encore lhexagone, allait conquérir la première place dans le coeur de nos compatriotes. Elle allait devenir la plus française de toutes les régions françaises parce que la plus espérée et toujours la plus attendue.
Majeur parce que la démarche des Mulhousiens a, plus que jamais, valeur dexemple. Elle nous rappelle que lappartenance à la nation française ce nest pas seulement un héritage de lhistoire. Cest avant tout un acte du coeur et de la volonté. Un choix librement consenti. Ladhésion aux valeurs de la République quévoquait tout à lheure Monsieur le Maire.
Ce sont ces valeurs qui ont inspiré les habitants de Mulhouse en 1798. Elles nont rien perdu de leur force. Ce sont elles qui fondent, aujourdhui encore, le pacte qui nous unit. Ce sont elles qui donnent à la France son visage, sa culture, son identité.
La réunion de Mulhouse à la France ne sest pas faite en un jour. Les négociations, entamées dès les premiers mois de la Révolution, furent longues et elles furent parfois difficiles.
Certes, il y eut des réticences à lintégration dune commune florissante et dynamique. En outre certaines grandes familles mulhousiennes, tournées par tradition vers la Suisse toute proche, hésitaient à rejoindre la nation française.
Pourtant, en 1798, tout va très vite. Le 4 janvier, les autorités de la ville se prononcent à une très large majorité en faveur du rattachement à la France. Le 28 janvier, cest lensemble des bourgeois de la cité qui approuve ce choix. Le traité de réunion, négocié par trois hommes décidés, Nicolas Thierry, Jean-François Reubell et Jean-Ulrich Metzger, est ratifié le 1er mars 1798.
Pourquoi les Mulhousiens renoncent-ils ainsi à une indépendance parfois tumultueuse, chèrement acquise et si souvent défendue ? Une indépendance qui a permis à « la cité du BOLLWERK » de traverser sans heurts les nombreux conflits qui ont secoué la plaine du Rhin au cours des siècles et de jeter les bases dun essor industriel prometteur ?
Ne nous y trompons pas : il entre dans le choix fait par les habitants de Mulhouse une part dintérêts bien compris. Depuis 1792, la ville est soumise à un blocus douanier qui compromet son développement économique. Le rattachement à la France permet de sortir de cette impasse. Il favorise la prospérité de la ville qui va confirmer au siècle suivant sa vocation de centre industriel majeur.
Mais ce serait méconnaître la portée réelle de lévénement que dexpliquer la réunion de Mulhouse à la République par de seules considérations dordre commercial.
Les raisons sont, avant tout, dordre politique et philosophique.
Fidèle à sa tradition douverture et de progrès, Mulhouse nest pas restée indifférente à leffervescence qui agite notre pays en cette fin de siècle. Là comme ailleurs, les idées nouvelles gagnent les esprits. Des sociétés révolutionnaires se créent. Les habitants, et notamment les plus jeunes dentre eux, sont séduits par lidéal de liberté, dégalité et de fraternité que porte notre République française.
La réunion de Mulhouse à la France, cest dabord un acte de foi politique et humaniste. Cet acte de foi et dadhésion saccomplit sans que Mulhouse renonce en rien à son originalité et à sa liberté. Bien au contraire, les Mulhousiens se donnent, pour reprendre les termes de Jean-Ulrich Metzger, une liberté plus étendue au sein de la nation française.
Une telle démarche témoigne de façon exemplaire de la manière dont sest constitué notre pays au fil des siècles.
Votre ville a su prendre toute sa place au sein de la France, sans pour autant renier sa personnalité. Sans pour autant renoncer à sa tradition déchange et douverture.
La Nation est lune des formes essentielles de notre identité, mais cest une réalité évolutive. Aujourd'hui, elle repose certes sur notre rapport à lEtat mais aussi sur une communauté de valeurs partagées. C'est pour cela que l'idée de Nation, à l'heure de l'Europe, reste une idée résolument moderne. On peut à la fois être membre à part entière d'une communauté et s'insérer dans un ensemble plus vaste. On peut être ouvert sur le monde sans mettre en péril sa propre identité.
Parce que la réunion de Mulhouse à la France, cest d'abord une adhésion aux valeurs de la République, le bicentenaire que nous célébrons nous invite à prendre conscience de la modernité de ces valeurs. Certains leur trouvent un parfum suranné. Jai, au contraire, la conviction que lhéritage de 1789 demeure, plus que jamais, au coeur de notre pacte républicain.
Parmi les principes qui ont inspiré la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen et qui figurent en tête de notre Constitution, trois me semblent aujourdhui particulièrement essentiels : lunité, légalité et la fraternité.
Lunité, tout dabord. La France est une république indivisible. Ce principe conserve en cette fin de siècle toute sa force.
Bien sûr, notre pays est fort de ses diversités. Ainsi lAlsace a su conserver vivants sa langue, ses usages, ses règles, sa culture, tout ce qui lui confère sa personnalité si attachante. Lidentité nationale ne se nourrit pas de lidentique. Elle naît de la variété des expériences et des tempéraments. Elle résulte de différences comprises et acceptées.
Mais l'acceptation des différences nest pas la désagrégation de la cohésion sociale. La France nest pas, et ne sera jamais une mosaïque de communautés juxtaposées, le champ clos de groupes qui signorent ou qui saffrontent. Notre pays est un. Le communautarisme ny a pas sa place.
Notre tradition juridique fait de lindividu, et non de la collectivité à laquelle il sidentifie, un sujet de droit. Il sagit là pour chaque citoyen dune garantie de liberté et de tolérance. Cest pour cela que lunité de la Nation et ses corollaires, la laïcité, limpartialité de lEtat, sont des principes fondamentaux.
Notre pays sest toujours efforcé au fil des siècles dintégrer plutôt que de séparer. De créer des liens plutôt que de dresser des barrières. Cette volonté dintégration a permis de faire de la France une nation unie, au-delà de la diversité des habitants qui la composent.
Nous avons aujourdhui le sentiment que les voies de l'intégration, qui ont si bien fonctionné par le passé, donnent des signes de faiblesse. Les raisons en sont multiples ; elles tiennent aux difficultés économiques et sociales, aux ravages du chômage et de la précarité, à une immigration mal maîtrisée et qui a changé de nature, à lapparition de phénomènes nouveaux comme lintégrisme, et plus largement aux évolutions du monde.
Cest vrai : les choses sont moins faciles aujourdhui que durant les trente glorieuses. Pour autant, nous ne devons pas baisser les bras, nous ne devons pas accepter que soit remis en cause, insidieusement, lun des fondements de notre pacte social.
Lintégration reste une priorité. Il faut donner à toutes celles et tous ceux qui, en situation régulière, ont vocation à devenir Français, parce quils sont nés sur notre territoire ou parce quils y demeurent depuis longtemps, les moyens de trouver leur place dans la communauté nationale. Plus généralement nous devons aider tous nos enfants à sapproprier les valeurs et les principes qui forment la clef de voûte de notre système politique et social.
Au-delà de lactualité, il est urgent de redéfinir ensemble les voies dune intégration réussie.
Mais la cohésion, lunité nationale, cest aussi la paix publique et lordre républicain.
La Déclaration de 1789 inscrit la sûreté au nombre des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. La Nation ne peut être une que si elle est en paix avec elle-même.
La sécurité est la première des libertés. Cest elle qui permet lexercice de toutes les autres. Celle daller et de venir à sa guise. Celle de conserver ce que lon a acquis, parfois difficilement.
Si lordre public nest pas garanti partout, cest la peur, cest le doute qui sinstallent dans les esprits. Cest la démocratie qui est en péril. Il faut que la loi et le droit soient respectés sur lensemble de notre territoire.
Le deuxième des principes que nous ont transmis les hommes de 1789, cest légalité. Et nous navons cessé de nous battre pour une conception toujours plus moderne de légalité, aujourdhui légalité des chances.
La force de lidéal républicain est là, dans la conviction que chaque citoyen doit pouvoir, à condition de le vouloir, être lacteur de sa propre vie. Agir plutôt que subir.
Il sagit de donner à chaque enfant un ensemble de connaissances de base, un bagage pour la vie qui lui permettra den affronter les aléas. Il sagit dassurer à chacun une véritable formation. Il sagit de récompenser à leur juste valeur le mérite et leffort.
Depuis plus dun siècle, lécole est le lieu des apprentissages fondamentaux. Et elle doit le rester. Apprentissage du savoir, bien sûr, mais aussi du civisme, de la citoyenneté et des règles de la vie en commun.
Cest lécole qui pose des jalons, qui indique les repères, qui fixe les limites, sans lesquelles il nest pas de vie en société possible.
C'est l'école qui a la mission éminente de préparer nos enfants à leur avenir, de les ouvrir sur le monde tel qu'il est et tel qu'il devient, de les initier aux nouveaux savoirs, aux nouvelles technologies.
Parce que lécole est en première ligne, parce que les missions qui lui sont imparties sont aussi ambitieuses que difficiles, il faut lui donner les moyens dagir et de faire face, les moyens d'évoluer et de s'adapter dans ses rythmes comme dans ses pratiques pour devenir l'école du XXIème siècle.
La troisième des valeurs qui fondent le pacte social dans notre pays, c'est la fraternité. La fraternité, c'est-à-dire la solidarité.
Il ne sagit pas là dun vain mot dans une région dotée avant lheure - les vicissitudes de lhistoire ny sont pas étrangères - dun système de protection sociale efficace.
Il y a dans notre pays une véritable souffrance sociale. Son aggravation est liée, bien sûr, au chômage de longue durée, qui na cessé de sétendre. Malgré linstauration du revenu minimum dinsertion, notre système de protection sociale sest trouvé largement démuni devant cette réalité nouvelle. Il ne sagit plus seulement aujourdhui dindemniser le chômage, dassurer un revenu aux travailleurs âgés, de garantir laccès de tous aux soins, de compléter les ressources des familles ou de faciliter leur logement. Il faut désormais apprendre à retisser le lien social en ramenant vers lemploi des hommes et des femmes dans la force de lâge, souvent chargés de famille, qui perdent progressivement estime de soi, espoir et confiance.
La solidarité que nous leur devons est une solidarité digne et respectueuse.
Ces femmes et ces hommes que les mutations de léconomie ont parfois rejeté aux confins extrêmes de notre société, ce nest pas seulement une assistance financière quils réclament même si elle est nécessaire. Ce quils veulent vraiment, au plus profond deux-mêmes, cest réintégrer cette France active, dynamique, dont la santé économique sest affirmée au cours des années récentes, qui a recommencé depuis 1994 à créer des emplois, et qui les laisse, hélas, sur le bas côté de la route. Ce quils veulent, cest participer eux aussi à la création des richesses, être de nouveau reconnus pour leur contribution à la vie de notre société. Ils y ont toute leur place pourvu quon sache leur tendre la main, quon accompagne pas à pas leur retour vers lemploi et quon explore tous les chemins de la réinsertion professionnelle.
Lemploi reste le meilleur gage dintégration. Il constitue le remède le plus sûr au délitement des liens sociaux. Il constitue, en définitive, la vraie, la seule réponse au défi de lexclusion.
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
Il y a de cela deux siècles, Mulhouse préférait lunion à lisolement. Elle préférait les promesses de lavenir aux certitudes rassurantes du passé.
Cest en réalité le même choix qui soffre aujourdhui à la France. Forts de notre histoire et de notre identité, faisons, une fois encore, les choix de lavenir. Le choix de linitiative, de laudace créatrice, de lesprit de conquête. Le choix de la confiance, de lintégration, de la cohésion nationale. Le choix de lEurope, de la France dans lEurope, cest-à-dire le choix du progrès et de la paix.
Mais cela suppose avant tout que, rassemblés autour des valeurs de la République, nous retrouvions son inspiration, son souffle profond et surtout, mes chers Amis, son exigence morale.
Vive Mulhouse,
Vive la République,
Vive la France.