Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président du Conseil Exécutif,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames, Messieurs,
J'arrive en Corse au moment où les difficultés qu'elle connaît depuis un peu plus de vingt ans semblent portées à leur paroxysme. L'ignoble attentat qui a frappé Bastia il y a quelques jours n'a pas seulement endeuillé le chef lieu de la Haute-Corse, mais bien la France tout entière.
J'ai, comme vous, conscience que l'heure est grave.
Parce que le Gouvernement veut vous aider à construire l'avenir de la Corse, ma visite, Mesdames, Messieurs, a un double objectif :
* je viens faire comprendre aux Corses qui veulent la paix et qui attendent plus de prospérité - c'est-à-dire à l'immense majorité - que la République est là, attentive et solidaire.
* je viens dire aussi à ceux qui propagent le culte de la violence et sèment la mort - et donc la haine - qu'ils n'ont rien, je dis bien rien, à espérer en persévérant dans des comportements indignes d'une société civilisée. Le message est très clair : ceux qui ont franchi depuis trop longtemps la frontière de la légalité seront poursuivis sans défaillance et traduits devant la justice. Qu'ils n'attendent du Gouvernement et des autorités de la République aucune complaisance ni compromission ; je voudrais aussi qu'ils ne puissent compter sur la complicité ou la duplicité de quiconque.
Construire l'avenir de la Corse, c'est d'abord garantir la stabilité de ses institutions.
Un cadre institutionnel existe, il a été approuvé en son temps par le Parlement.
Je l'ai dit à Paris et je le redis donc devant vous : je n'ajouterai pas aux difficultés actuelles de la Corse un nouveau débat institutionnel dont je crains qu'il ne contribue à vous diviser davantage encore. Je crois par contre - et je m'y emploierai - qu'il est possible de donner un nouvel essor à la coopération contractuelle entre l'État et la collectivité territoriale de Corse.
La priorité du Gouvernement aujourd'hui est double : faire respecter l'état de droit, garant des libertés publiques, en réaffirmant l'unité et l'indivisibilité de la République d'une part, donner un nouveau souffle à l'économie corse, en prenant en compte la spécificité de l'île d'autre part.
Pour rétablir la paix publique, l'État entend assumer toutes ses responsabilités. Mais la Corse elle-même peut et doit y contribuer.
Chacun, ici, je veux le croire, en a bien conscience : la sécurité est la première des libertés. Mais cette conviction prend trop souvent en Corse les allures d'une pétition de principe.
Que devient la liberté, cette valeur républicaine, à laquelle tous les Corses sont passionnément attachés, cette valeur pour laquelle beaucoup de vos aînés ont donné leur vie sur les champs de bataille ou dans la Résistance, lorsque la simple possibilité d'aller et de venir en sécurité est menacée ?
Que devient la liberté lorsque des journalistes dont c'est le métier d'enquêter sur le terrain et d'informer sont menacés physiquement ?
Que devient la République lorsque ses lois sont ouvertement bafouées, par des groupes armés qui ont trop longtemps échappé à tout contrôle et dont certains membres périssent aujourd'hui, victimes du cycle infernal de la violence qu'ils ont eux-mêmes contribué à enclencher ?
Que devient la démocratie, lorsque des militants qui prétendent agir pour le bonheur de la Corse et de ceux qui y sont nés décident de contourner le suffrage universel et d'instaurer en règle de conduite, la menace, l'intimidation, le racket et puis, par un engrenage fatal, l'attentat ou l'assassinat ?
Ce qui est en jeu en Corse depuis vingt ans, ce n'est pas seulement l'avenir de l'île, ce ne sont pas seulement ses perspectives de développement. Ce qui est en jeu, c'est d'abord la conception qui est la nôtre de la démocratie, de la République et de la liberté.
Je le redis donc avec solennité.
Le Gouvernement ne peut accepter aucune atteinte à l'intégrité de la République, une et indivisible.
Le Gouvernement n'accepte pas davantage que l'autorité de l'État puisse être ouvertement défiée en Corse. Il n'accepte pas que des atteintes graves aux biens et aux personnes puissent être commises en Corse sans que leurs auteurs ne soient activement recherchés, placés en état d'arrestation, déférés à la justice et condamnés selon les rigueurs de la loi. Il n'accepte pas non plus que des groupes mafieux cherchent à étendre leurs activités en profitant de la situation actuelle de la Corse et du désarroi de certains de ses habitants.
Non la Corse n'est pas et ne saurait être une zone de non-droit. C'est l'État et lui seul qui est le garant de la sécurité des personnes et des biens. Les troubles que connaît la Corse depuis des années ne sauraient faire oublier ce principe qui est au cur du contrat social et l'un des fondements de la République.
Depuis plus d'un an, le Gouvernement conduit en Corse une action résolue et continue contre toutes les formes de violence et de criminalité.
Ceux qui en ont douté ont eu tort. L'action de la police et de la justice pour rechercher et punir ceux qui ont enfreint la loi exige à la fois le respect des procédures légales, la ténacité et donc la durée indispensable au succès de toute enquête. Les premiers résultats ont été enregistrés dès le printemps dernier, avec plusieurs arrestations et des découvertes de caches d'armes.
Le moment est venu d'accentuer cet effort.
De nouvelles arrestations et de nouvelles condamnations ont eu lieu il y a quelques jours. Le ministre de l'Intérieur dont je salue l'action a donné, à ma demande, des instructions nouvelles au sujet du contrôle des détentions d'armes et ces instructions ont immédiatement été appliquées. Comme le Président de la République l'a indiqué dimanche, les armes illégalement détenues devront être détruites ou neutralisées. Enfin, le transfert au Parquet de Paris d'une série d'infractions à caractère terroriste commises au cours des dernières années ou des derniers mois devrait permettre à la justice de se prononcer dans la sérénité.
N'en doutez pas, Mesdames, Messieurs: ce que souhaite le Gouvernement, c'est que force reste à la loi. Mais ce principe est d'abord l'expression d'une conviction politique : dans une démocratie, il n'y a pas de violence légitime ou justifiée. Le drame de la Corse, c'est que des organisations qui prétendent - et c'est leur droit - avoir pour l'avenir de l'île un projet qui exalte les particularismes de son histoire, de sa culture et de son économie ont choisi la violence plutôt que le débat d'idées, la loi des armes plutôt que le suffrage universel.
Mais la violence et le sang versé ont leur logique et l'horrible attentat de Bastia est venu souligner aux yeux de tous qu'il s'agit d'une logique infernale. Le Gouvernement mettra tout en uvre pour retrouver ses auteurs et les faire châtier.
Dès avant cet attentat de nombreuses voix s'étaient élevées en Corse pour dénoncer cette violence dont les Corses sont les premières victimes.
Je pense notamment à ces femmes - vos mères, vos femmes, vos filles - qui dans l'épreuve qui les atteint parfois personnellement montrent une force de caractère, une dignité, une lucidité politique qui devraient être un exemple pour tous ceux qui ont, jusqu'alors, préféré se dissimuler lâchement sous des cagoules.
C'est en pensant à elles, mais aussi à toutes les victimes de cette folie sanguinaire qui frappe la Corse depuis des années que je le dis : il n'est plus tolérable qu'une partie de la collectivité nationale vive dans un climat d'intimidation permanente.
La Nation ne peut pas l'accepter, ni pour elle-même, ni pour la Corse.
Le 28 mai dernier, à l'Assemblée Nationale, j'en ai appelé à la responsabilité de tous les Corses. Mais je voudrais aujourd'hui devant cette assemblée où sont représentées toutes les tendances de l'opinion publique de l'île en appeler à la responsabilité des élus corses.
La Corse est dans la Nation !
La Corse est française !
Elle l'est par le sang versé : plus de 30 000 morts pendant la première guerre mondiale ; elle l'est aussi par le suffrage de ses électeurs qui ont toujours confié leurs communes, leurs cantons, les deux départements et la région à des élus attachés à la République et à la Nation françaises.
La communauté nationale est profondément attachée à la Corse, de même que l'immense majorité des Corses n'envisagent aucun avenir en dehors de cette communauté.
Construire pour la Corse un avenir sans violence suppose que la démocratie y soit vivante et votre assemblée a, à cet égard, un rôle irremplaçable. Vos opinions politiques sont diverses, mais vous partagez, je crois, la même vision de la personne humaine et de sa dignité. L'attentat de Bastia qui a fait l'objet, ici même, d'une condamnation unanime montre que la Corse est à un tournant. La Corse est lasse de la violence. Depuis vingt ans, depuis une génération, l'immense majorité des Corses ont fait le constat douloureux que la violence était une impasse.
Dimanche dernier, le Président de la République a parlé du dialogue positif. La démocratie se nourrit d'abord du dialogue et c'est à vous, élus de Corse, de le faire vivre.
Je vous invite donc - et je m'adresse à tous les membres de cette assemblée - au dialogue : dialogue entre vous, dialogue avec l'ensemble des organisations syndicales, professionnelles et associatives de l'île, dialogue avec l'État enfin.
Au nom du Gouvernement, je veux maintenant vous présenter ses intentions pour ouvrir ce dialogue et lui donner un contenu.
Donner un nouveau souffle à l'économie corse s'impose, parce qu'au fil des années celle-ci a été progressivement asphyxiée ou anémiée. Ses productions traditionnelles ont décliné. Le tourisme, source essentielle de prospérité pour l'île a été découragé par la paralysie périodique et irresponsable des transports maritimes et aériens et par les troubles à l'ordre public alors que s'intensifie la concurrence d'autres pays méditerranéens.
Pour rattraper le retard accumulé depuis vingt ans, le Gouvernement a décidé de manifester la solidarité de la Nation en érigeant la Corse en zone franche.
Il ne s'agit pas de remettre en cause le statut qui est celui de la Corse, depuis le Directoire, dans le domaine fiscal. Le Gouvernement veillera à ce que ce statut soit maintenu.
Il ne s'agit pas non plus, de multiplier les avantages au profit de catégories particulières de contribuables. La zone franche bénéficiera aux entreprises de l'île.
Il ne s'agit pas enfin, comme des idéologues l'ont prétendu, d'un désengagement de l'État qui aurait choisi de précipiter la société corse dans un modèle de développement étranger à nos traditions parce que privé du rôle régulateur de l'État.
Il s'agit d'offrir en accord avec la Commission Européenne une nouvelle chance aux entreprises corses grâce à un ensemble de dispositions fiscales et sociales.
Sur le plan fiscal, pendant cinq ans, les entreprises seront exonérées d'impôts sur les sociétés ou d'impôts sur le revenu pour leurs activités industrielles, commerciales et agricoles.
Parallèlement les établissements situés en Corse seront exonérés de taxe professionnelle. Les pertes de recettes correspondantes pour les collectivités locales seront compensées par l'État.
Ces différents avantages seront consentis dans la limite d'un plafond.
Sur le plan social, les cotisations patronales de Sécurité sociale feront l'objet, pour les salariés du secteur privé employés en Corse, d'une ristourne dégressive. En contrepartie, les entreprises concernées devront participer à l'insertion professionnelle des jeunes et à la lutte contre le travail clandestin.
Ce dispositif d'ensemble s'appliquera sans limitation de taille à toutes les entreprises nouvelles et aux extensions d'entreprises existantes.
S'agissant des entreprises existantes, le dispositif que je viens de présenter s'appliquera dans la limite de 30 salariés, sauf pour certains secteurs - commerce, construction, services domestiques, services collectifs - où cette limite est portée à 50 salariés.
Enfin les entreprises de moins de 250 salariés en difficulté bénéficieront de la zone franche dès lors qu'elles s'engageront dans un processus de restructuration.
La mise en uvre de la zone franche est une décision d'une portée sans précédent pour l'économie corse. Elle doit permettre de relancer l'activité et donc l'emploi dans l'île. Aux jeunes Corses qui s'interrogent sur leur avenir professionnel et pour lesquels je vais signer tout à l'heure un programme régional d'insertion, je veux dire que la zone franche sera un atout décisif dans la bataille de l'emploi en Corse.
Je me réjouis de la qualité de la concertation - tant avec les organisations socio-professionnelles qu'avec la Commission Européenne - qui a présidé à la préparation de ces mesures, sous l'autorité notamment de Jean-Claude Gaudin.
Mais le Gouvernement ne veut pas seulement donner à l'économie corse une puissante impulsion. Il veut aussi améliorer de manière durable les conditions de financement des entreprises corses.
C'est la raison pour laquelle je propose à votre assemblée que la collectivité territoriale de Corse s'associe à l'État pour permettre aux banques d'offrir aux entreprises corses dont la situation financière le justifie des prêts à un taux très favorable. Ces prêts seront financés grâce au produit d'un emprunt que j'invite la collectivité territoriale de Corse à lancer. Il s'agit de mobiliser l'épargne - nationale et locale - pour le redressement de l'économie corse. Cette initiative qui est une première symbolise, avec la zone franche, la solidarité de la Nation à l'égard de la Corse.
La troisième priorité de mon Gouvernement est de prendre en compte dans tous les domaines l'originalité de la Corse tout en préparant son entrée dans le XXIe siècle.
Nous devons ensemble construire une Corse plus moderne. Rénover son outil de production, la doter d'infrastructures adaptées et y faire évoluer les services publics. Je vous propose, à cette fin, de donner à la coopération contractuelle entre l'État et la collectivité territoriale de Corse un nouvel élan.
Dans le domaine économique, chacun connaît d'abord les particularités de l'agriculture corse.
Je préciserai demain à Corte les mesures arrêtées par le Gouvernement en sa faveur.
S'agissant de l'endettement des exploitants, votre collectivité a manifesté, semble-t-il, son intention de s'associer aux efforts de l'État, de la profession et du Crédit Agricole. Je n'y verrai pour ma part que des avantages dès lors que serait sauvegardé le principe de l'examen au cas par cas des situations individuelles et que votre engagement, qui n'a de sens que sur une durée assez courte, serait rapidement précisé dans son montant.
S'agissant des routes et de manière plus générale des transports. L'État est conscient de l'étendue du réseau des routes départementales en Corse et des charges qui en résultent pour les deux collectivités concernées. Un effort exceptionnel de 60 millions de francs sur deux ans viendra donc compléter les investissements des deux départements.
Au-delà des investissements traditionnels, le moment est venu de s'interroger sur un élargissement des compétences de la collectivité territoriale de Corse dans le domaine des transports. Vous en avez exprimé le souhait dans votre délibération du 30 juin 1995. Le Gouvernement a étudié vos propositions. Il partage votre avis sur l'opportunité de mieux utiliser les crédits disponibles et singulièrement la dotation de continuité territoriale.
S'agissant des entreprises et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, j'avais souhaité dès le 27 mars que le plan que j'avais moi-même annoncé à Bordeaux en novembre de l'année dernière puisse comporter un volet corse. Celui-ci est désormais au point. Il comporte notamment la signature de conventions d'objectifs avec les chambres de métiers et les chambres de commerce pour favoriser l'apprentissage, faciliter les créations et les transmissions d'entreprise et promouvoir la reconquête des centres villes.
Parallèlement, des modifications ont été décidées pour les tarifications de France Télécom et d'EDF : pour cette dernière - et cette mesure, je le sais, était très attendue -, le tarif jaune - jusqu'alors réservé au continent - sera appliqué en tenant compte des caractéristiques de la production d'électricité dans l'île.
L'État propose également à votre collectivité la création d'un fonds régional de soutien aux métiers d'art dont chacun connaît l'importance en Corse.
Je ne serais pas complet, si je ne mentionnais pas, d'une part la mise en place avec votre concours et celui du Crédit Local de France, d'une procédure d'accélération du règlement des dettes des collectivités locales à l'égard des entreprises, d'autre part l'adoption par les organisations professionnelles de l'assurance de nouvelles règles qui faciliteront la prise en charge, par le pool des risques aggravés créé en 1988, des affaires qui ne trouvent pas une couverture d'assurance incendie explosion.
Cette énumération pourrait faire sourire quelques esprits continentaux ou provoquer l'inquiétude de ceux qui ont, comme moi, le souci d'économiser les deniers publics. Mais les mesures que je viens de présenter sont l'investissement que la Nation solidaire doit consentir pour ramener la Corse sur la voie de la prospérité.
Ces mesures dépendent pour leur mise en uvre du concours de la collectivité territoriale de Corse. Je sais que vous aurez à cur d'en vérifier et d'en améliorer encore, si c'est possible, la pertinence au regard des besoins de la Corse.
Cette spécificité, j'ai souhaité la prendre en compte aussi dans le domaine social.
Je m'étais engagé notamment à améliorer les conditions du dialogue social en reconnaissant la représentativité d'une organisation syndicale corse. Promesse tenue, puisque votre assemblée a été saisie de deux projets de décrets en ce sens.
Toujours dans le domaine social, l'État ne pouvait ignorer la situation difficile des deux offices départementaux d'HLM. Des plans de redressement sont en cours de négociation à l'initiative des préfets. Ils bénéficieront d'un soutien de la Caisse de Garantie du Logement Social qui, à la demande de l'État, complétera, dans des conditions exceptionnelles, les contributions financières de toutes les collectivités concernées.
Le Gouvernement ne saurait enfin oublier la culture corse dans son acception la plus large. La culture c'est d'abord la reconnaissance d'un terroir, de ses richesses naturelles, de son patrimoine édifié par les hommes au fil des siècles et de leur langue. Mais c'est aussi la sauvegarde de ce patrimoine et sa transmission aux générations futures.
Dès le mois de mars, j'avais donné mandat au préfet de région d'élaborer, en étroite collaboration avec votre collectivité, une charte culturelle. Elle sera signée à l'automne et engagera l'État à hauteur de 15 millions de francs. Par anticipation, l'État s'engage dès maintenant à consacrer 6 millions de francs à l'inventaire général, d'ici 1999, du patrimoine corse.
J'aurai l'occasion demain à Corte de préciser l'effort de l'État en faveur de l'enseignement de la langue corse et de sa promotion dans le cadre des émissions audiovisuelles. Là aussi, les engagements pris en mars seront tenus.
Le tourisme est aujourd'hui un moyen privilégié de découverte de la culture corse. C'est la raison pour laquelle la situation difficile de ce secteur mérite une considération particulière. Il sera sans doute le principal bénéficiaire des nouveaux prêts à l'économie qui pourraient, avec l'accord de la collectivité de Corse, comporter un différé de remboursement jusqu'au lendemain de la saison touristique 1997. J'ai décidé par ailleurs de reconduire et d'améliorer le dispositif des aides en trésorerie décidé à son profit au printemps.
L'application du taux réduit de TVA - 8 % - sur les ventes de forfaits touristiques à destination de la Corse par les agences de voyages et sur les locations de véhicules de tourisme en Corse a été demandée à la Commission européenne.
Mais je crois que le moment est venu d'aller plus loin : je vous propose que l'État, la collectivité de Corse et les professionnels unissent leurs efforts pour adopter un programme concerté d'action touristique dont le double objectif serait d'améliorer la gamme des prestations proposées et d'assurer la promotion de la Corse auprès d'une clientèle nouvelle. L'État est prêt naturellement, d'ici la fin du contrat de plan, à apporter à ce nouveau programme un complément de financement à hauteur de 10 millions de francs.
Ne laissons pas la Corse, joyau de la Méditerranée, se laisser distancer par des îles rivales, moins belles, parfois moins bien dotées par la nature et par l'histoire, mais plus entreprenantes au cours des dernières années !
J'ajoute, pour dissiper toute inquiétude, que le développement du tourisme peut aller de pair avec une protection renforcée de l'environnement. C'est dans cet esprit que l'État vient de déléguer les crédits nécessaires au lancement du parc marin des Bouches de Bonifacio et à la préfiguration du projet de parc marin de Scandola.
Toutes ces actions, Monsieur le Président de l'Assemblée, Monsieur le Président du Conseil exécutif, Mesdames et Messieurs les Conseillers et Conseillers exécutifs, l'État veut les conduire avec vous pour construire l'avenir de la Corse dans le respect de son identité.
Emprunt et prêts participatifs, réaménagement de la dette agricole, accélération des paiements des collectivités locales, fonds de soutien aux métiers d'art, sauvegarde du logement social, charte culturelle, programme concerté d'action touristique, autant de domaines nouveaux qui peuvent s'ouvrir à une coopération plus audacieuse entre l'État et la collectivité territoriale. Le Gouvernement le souhaite et il ne doute pas de votre détermination à agir en ce sens.
Au nom du Gouvernement tout entier, je vous ai précisé quelles sont les intentions de l'État, mais si j'ai affiché une volonté - faire respecter la loi - et annoncé une décision - la zone franche - j'ai surtout fait des propositions. A vous d'en discuter. A vous de les compléter, si vous le jugez utile en faisant des propositions nouvelles. A vous, surtout, de les mettre en uvre avec l'État et ses représentants. Tel est le sens du dialogue que le Gouvernement vous propose et qu'il propose à la Corse toute entière.
Je tiens d'ailleurs à remercier tout particulièrement vos présidents Jean-Paul de Rocce Serra, Jean Baggioni et Tony Casalonghe pour la disponibilité dont ils ont su faire preuve au cours des derniers mois pour participer à l'étude des propositions du Gouvernement.
Cessons de nous interroger sur le statut de la Corse ! Ayons ensemble pour la Corse une grande ambition : celle de l'action conjointe de toutes celles et de tous ceux - et j'en suis - qui croient en son avenir.
Le moment venu, en 1998, vous aurez la possibilité d'élargir encore votre débat sur l'avenir de la Corse, à l'occasion notamment du renouvellement de votre assemblée.
La communauté nationale regarde aujourd'hui avec inquiétude cette île qui est sienne depuis plus de deux siècles et qui, tant de fois dans notre histoire, a donné à notre pays des motifs de fierté.
Certes, l'histoire a souvent une dimension tragique et la Corse y a donné plus que sa part.
L'heure est venue d'ouvrir des perspectives plus sereines et plus heureuses. Je veux être optimiste pour la Corse parce que je la crois capable de se ressaisir au nom de son histoire, de sa dignité et de son honneur.
La Corse a montré qu'elle est capable du meilleur lorsque l'essentiel est en jeu. C'est le cas aujourd'hui puisqu'il en va à la fois du bon fonctionnement de notre démocratie, de l'unité de la République et de la cohésion de la société corse. Notre fierté commune doit être désormais de rendre l'espoir à tous les Corses.
La République qui a tant de fois demandé des sacrifices à la Corse lui tend la main. Je ne doute pas que la Corse saura la saisir.
Vive la Corse, vive la République et vive la France !
Monsieur le Président du Conseil Exécutif,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames, Messieurs,
J'arrive en Corse au moment où les difficultés qu'elle connaît depuis un peu plus de vingt ans semblent portées à leur paroxysme. L'ignoble attentat qui a frappé Bastia il y a quelques jours n'a pas seulement endeuillé le chef lieu de la Haute-Corse, mais bien la France tout entière.
J'ai, comme vous, conscience que l'heure est grave.
Parce que le Gouvernement veut vous aider à construire l'avenir de la Corse, ma visite, Mesdames, Messieurs, a un double objectif :
* je viens faire comprendre aux Corses qui veulent la paix et qui attendent plus de prospérité - c'est-à-dire à l'immense majorité - que la République est là, attentive et solidaire.
* je viens dire aussi à ceux qui propagent le culte de la violence et sèment la mort - et donc la haine - qu'ils n'ont rien, je dis bien rien, à espérer en persévérant dans des comportements indignes d'une société civilisée. Le message est très clair : ceux qui ont franchi depuis trop longtemps la frontière de la légalité seront poursuivis sans défaillance et traduits devant la justice. Qu'ils n'attendent du Gouvernement et des autorités de la République aucune complaisance ni compromission ; je voudrais aussi qu'ils ne puissent compter sur la complicité ou la duplicité de quiconque.
Construire l'avenir de la Corse, c'est d'abord garantir la stabilité de ses institutions.
Un cadre institutionnel existe, il a été approuvé en son temps par le Parlement.
Je l'ai dit à Paris et je le redis donc devant vous : je n'ajouterai pas aux difficultés actuelles de la Corse un nouveau débat institutionnel dont je crains qu'il ne contribue à vous diviser davantage encore. Je crois par contre - et je m'y emploierai - qu'il est possible de donner un nouvel essor à la coopération contractuelle entre l'État et la collectivité territoriale de Corse.
La priorité du Gouvernement aujourd'hui est double : faire respecter l'état de droit, garant des libertés publiques, en réaffirmant l'unité et l'indivisibilité de la République d'une part, donner un nouveau souffle à l'économie corse, en prenant en compte la spécificité de l'île d'autre part.
Pour rétablir la paix publique, l'État entend assumer toutes ses responsabilités. Mais la Corse elle-même peut et doit y contribuer.
Chacun, ici, je veux le croire, en a bien conscience : la sécurité est la première des libertés. Mais cette conviction prend trop souvent en Corse les allures d'une pétition de principe.
Que devient la liberté, cette valeur républicaine, à laquelle tous les Corses sont passionnément attachés, cette valeur pour laquelle beaucoup de vos aînés ont donné leur vie sur les champs de bataille ou dans la Résistance, lorsque la simple possibilité d'aller et de venir en sécurité est menacée ?
Que devient la liberté lorsque des journalistes dont c'est le métier d'enquêter sur le terrain et d'informer sont menacés physiquement ?
Que devient la République lorsque ses lois sont ouvertement bafouées, par des groupes armés qui ont trop longtemps échappé à tout contrôle et dont certains membres périssent aujourd'hui, victimes du cycle infernal de la violence qu'ils ont eux-mêmes contribué à enclencher ?
Que devient la démocratie, lorsque des militants qui prétendent agir pour le bonheur de la Corse et de ceux qui y sont nés décident de contourner le suffrage universel et d'instaurer en règle de conduite, la menace, l'intimidation, le racket et puis, par un engrenage fatal, l'attentat ou l'assassinat ?
Ce qui est en jeu en Corse depuis vingt ans, ce n'est pas seulement l'avenir de l'île, ce ne sont pas seulement ses perspectives de développement. Ce qui est en jeu, c'est d'abord la conception qui est la nôtre de la démocratie, de la République et de la liberté.
Je le redis donc avec solennité.
Le Gouvernement ne peut accepter aucune atteinte à l'intégrité de la République, une et indivisible.
Le Gouvernement n'accepte pas davantage que l'autorité de l'État puisse être ouvertement défiée en Corse. Il n'accepte pas que des atteintes graves aux biens et aux personnes puissent être commises en Corse sans que leurs auteurs ne soient activement recherchés, placés en état d'arrestation, déférés à la justice et condamnés selon les rigueurs de la loi. Il n'accepte pas non plus que des groupes mafieux cherchent à étendre leurs activités en profitant de la situation actuelle de la Corse et du désarroi de certains de ses habitants.
Non la Corse n'est pas et ne saurait être une zone de non-droit. C'est l'État et lui seul qui est le garant de la sécurité des personnes et des biens. Les troubles que connaît la Corse depuis des années ne sauraient faire oublier ce principe qui est au cur du contrat social et l'un des fondements de la République.
Depuis plus d'un an, le Gouvernement conduit en Corse une action résolue et continue contre toutes les formes de violence et de criminalité.
Ceux qui en ont douté ont eu tort. L'action de la police et de la justice pour rechercher et punir ceux qui ont enfreint la loi exige à la fois le respect des procédures légales, la ténacité et donc la durée indispensable au succès de toute enquête. Les premiers résultats ont été enregistrés dès le printemps dernier, avec plusieurs arrestations et des découvertes de caches d'armes.
Le moment est venu d'accentuer cet effort.
De nouvelles arrestations et de nouvelles condamnations ont eu lieu il y a quelques jours. Le ministre de l'Intérieur dont je salue l'action a donné, à ma demande, des instructions nouvelles au sujet du contrôle des détentions d'armes et ces instructions ont immédiatement été appliquées. Comme le Président de la République l'a indiqué dimanche, les armes illégalement détenues devront être détruites ou neutralisées. Enfin, le transfert au Parquet de Paris d'une série d'infractions à caractère terroriste commises au cours des dernières années ou des derniers mois devrait permettre à la justice de se prononcer dans la sérénité.
N'en doutez pas, Mesdames, Messieurs: ce que souhaite le Gouvernement, c'est que force reste à la loi. Mais ce principe est d'abord l'expression d'une conviction politique : dans une démocratie, il n'y a pas de violence légitime ou justifiée. Le drame de la Corse, c'est que des organisations qui prétendent - et c'est leur droit - avoir pour l'avenir de l'île un projet qui exalte les particularismes de son histoire, de sa culture et de son économie ont choisi la violence plutôt que le débat d'idées, la loi des armes plutôt que le suffrage universel.
Mais la violence et le sang versé ont leur logique et l'horrible attentat de Bastia est venu souligner aux yeux de tous qu'il s'agit d'une logique infernale. Le Gouvernement mettra tout en uvre pour retrouver ses auteurs et les faire châtier.
Dès avant cet attentat de nombreuses voix s'étaient élevées en Corse pour dénoncer cette violence dont les Corses sont les premières victimes.
Je pense notamment à ces femmes - vos mères, vos femmes, vos filles - qui dans l'épreuve qui les atteint parfois personnellement montrent une force de caractère, une dignité, une lucidité politique qui devraient être un exemple pour tous ceux qui ont, jusqu'alors, préféré se dissimuler lâchement sous des cagoules.
C'est en pensant à elles, mais aussi à toutes les victimes de cette folie sanguinaire qui frappe la Corse depuis des années que je le dis : il n'est plus tolérable qu'une partie de la collectivité nationale vive dans un climat d'intimidation permanente.
La Nation ne peut pas l'accepter, ni pour elle-même, ni pour la Corse.
Le 28 mai dernier, à l'Assemblée Nationale, j'en ai appelé à la responsabilité de tous les Corses. Mais je voudrais aujourd'hui devant cette assemblée où sont représentées toutes les tendances de l'opinion publique de l'île en appeler à la responsabilité des élus corses.
La Corse est dans la Nation !
La Corse est française !
Elle l'est par le sang versé : plus de 30 000 morts pendant la première guerre mondiale ; elle l'est aussi par le suffrage de ses électeurs qui ont toujours confié leurs communes, leurs cantons, les deux départements et la région à des élus attachés à la République et à la Nation françaises.
La communauté nationale est profondément attachée à la Corse, de même que l'immense majorité des Corses n'envisagent aucun avenir en dehors de cette communauté.
Construire pour la Corse un avenir sans violence suppose que la démocratie y soit vivante et votre assemblée a, à cet égard, un rôle irremplaçable. Vos opinions politiques sont diverses, mais vous partagez, je crois, la même vision de la personne humaine et de sa dignité. L'attentat de Bastia qui a fait l'objet, ici même, d'une condamnation unanime montre que la Corse est à un tournant. La Corse est lasse de la violence. Depuis vingt ans, depuis une génération, l'immense majorité des Corses ont fait le constat douloureux que la violence était une impasse.
Dimanche dernier, le Président de la République a parlé du dialogue positif. La démocratie se nourrit d'abord du dialogue et c'est à vous, élus de Corse, de le faire vivre.
Je vous invite donc - et je m'adresse à tous les membres de cette assemblée - au dialogue : dialogue entre vous, dialogue avec l'ensemble des organisations syndicales, professionnelles et associatives de l'île, dialogue avec l'État enfin.
Au nom du Gouvernement, je veux maintenant vous présenter ses intentions pour ouvrir ce dialogue et lui donner un contenu.
Donner un nouveau souffle à l'économie corse s'impose, parce qu'au fil des années celle-ci a été progressivement asphyxiée ou anémiée. Ses productions traditionnelles ont décliné. Le tourisme, source essentielle de prospérité pour l'île a été découragé par la paralysie périodique et irresponsable des transports maritimes et aériens et par les troubles à l'ordre public alors que s'intensifie la concurrence d'autres pays méditerranéens.
Pour rattraper le retard accumulé depuis vingt ans, le Gouvernement a décidé de manifester la solidarité de la Nation en érigeant la Corse en zone franche.
Il ne s'agit pas de remettre en cause le statut qui est celui de la Corse, depuis le Directoire, dans le domaine fiscal. Le Gouvernement veillera à ce que ce statut soit maintenu.
Il ne s'agit pas non plus, de multiplier les avantages au profit de catégories particulières de contribuables. La zone franche bénéficiera aux entreprises de l'île.
Il ne s'agit pas enfin, comme des idéologues l'ont prétendu, d'un désengagement de l'État qui aurait choisi de précipiter la société corse dans un modèle de développement étranger à nos traditions parce que privé du rôle régulateur de l'État.
Il s'agit d'offrir en accord avec la Commission Européenne une nouvelle chance aux entreprises corses grâce à un ensemble de dispositions fiscales et sociales.
Sur le plan fiscal, pendant cinq ans, les entreprises seront exonérées d'impôts sur les sociétés ou d'impôts sur le revenu pour leurs activités industrielles, commerciales et agricoles.
Parallèlement les établissements situés en Corse seront exonérés de taxe professionnelle. Les pertes de recettes correspondantes pour les collectivités locales seront compensées par l'État.
Ces différents avantages seront consentis dans la limite d'un plafond.
Sur le plan social, les cotisations patronales de Sécurité sociale feront l'objet, pour les salariés du secteur privé employés en Corse, d'une ristourne dégressive. En contrepartie, les entreprises concernées devront participer à l'insertion professionnelle des jeunes et à la lutte contre le travail clandestin.
Ce dispositif d'ensemble s'appliquera sans limitation de taille à toutes les entreprises nouvelles et aux extensions d'entreprises existantes.
S'agissant des entreprises existantes, le dispositif que je viens de présenter s'appliquera dans la limite de 30 salariés, sauf pour certains secteurs - commerce, construction, services domestiques, services collectifs - où cette limite est portée à 50 salariés.
Enfin les entreprises de moins de 250 salariés en difficulté bénéficieront de la zone franche dès lors qu'elles s'engageront dans un processus de restructuration.
La mise en uvre de la zone franche est une décision d'une portée sans précédent pour l'économie corse. Elle doit permettre de relancer l'activité et donc l'emploi dans l'île. Aux jeunes Corses qui s'interrogent sur leur avenir professionnel et pour lesquels je vais signer tout à l'heure un programme régional d'insertion, je veux dire que la zone franche sera un atout décisif dans la bataille de l'emploi en Corse.
Je me réjouis de la qualité de la concertation - tant avec les organisations socio-professionnelles qu'avec la Commission Européenne - qui a présidé à la préparation de ces mesures, sous l'autorité notamment de Jean-Claude Gaudin.
Mais le Gouvernement ne veut pas seulement donner à l'économie corse une puissante impulsion. Il veut aussi améliorer de manière durable les conditions de financement des entreprises corses.
C'est la raison pour laquelle je propose à votre assemblée que la collectivité territoriale de Corse s'associe à l'État pour permettre aux banques d'offrir aux entreprises corses dont la situation financière le justifie des prêts à un taux très favorable. Ces prêts seront financés grâce au produit d'un emprunt que j'invite la collectivité territoriale de Corse à lancer. Il s'agit de mobiliser l'épargne - nationale et locale - pour le redressement de l'économie corse. Cette initiative qui est une première symbolise, avec la zone franche, la solidarité de la Nation à l'égard de la Corse.
La troisième priorité de mon Gouvernement est de prendre en compte dans tous les domaines l'originalité de la Corse tout en préparant son entrée dans le XXIe siècle.
Nous devons ensemble construire une Corse plus moderne. Rénover son outil de production, la doter d'infrastructures adaptées et y faire évoluer les services publics. Je vous propose, à cette fin, de donner à la coopération contractuelle entre l'État et la collectivité territoriale de Corse un nouvel élan.
Dans le domaine économique, chacun connaît d'abord les particularités de l'agriculture corse.
Je préciserai demain à Corte les mesures arrêtées par le Gouvernement en sa faveur.
S'agissant de l'endettement des exploitants, votre collectivité a manifesté, semble-t-il, son intention de s'associer aux efforts de l'État, de la profession et du Crédit Agricole. Je n'y verrai pour ma part que des avantages dès lors que serait sauvegardé le principe de l'examen au cas par cas des situations individuelles et que votre engagement, qui n'a de sens que sur une durée assez courte, serait rapidement précisé dans son montant.
S'agissant des routes et de manière plus générale des transports. L'État est conscient de l'étendue du réseau des routes départementales en Corse et des charges qui en résultent pour les deux collectivités concernées. Un effort exceptionnel de 60 millions de francs sur deux ans viendra donc compléter les investissements des deux départements.
Au-delà des investissements traditionnels, le moment est venu de s'interroger sur un élargissement des compétences de la collectivité territoriale de Corse dans le domaine des transports. Vous en avez exprimé le souhait dans votre délibération du 30 juin 1995. Le Gouvernement a étudié vos propositions. Il partage votre avis sur l'opportunité de mieux utiliser les crédits disponibles et singulièrement la dotation de continuité territoriale.
S'agissant des entreprises et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, j'avais souhaité dès le 27 mars que le plan que j'avais moi-même annoncé à Bordeaux en novembre de l'année dernière puisse comporter un volet corse. Celui-ci est désormais au point. Il comporte notamment la signature de conventions d'objectifs avec les chambres de métiers et les chambres de commerce pour favoriser l'apprentissage, faciliter les créations et les transmissions d'entreprise et promouvoir la reconquête des centres villes.
Parallèlement, des modifications ont été décidées pour les tarifications de France Télécom et d'EDF : pour cette dernière - et cette mesure, je le sais, était très attendue -, le tarif jaune - jusqu'alors réservé au continent - sera appliqué en tenant compte des caractéristiques de la production d'électricité dans l'île.
L'État propose également à votre collectivité la création d'un fonds régional de soutien aux métiers d'art dont chacun connaît l'importance en Corse.
Je ne serais pas complet, si je ne mentionnais pas, d'une part la mise en place avec votre concours et celui du Crédit Local de France, d'une procédure d'accélération du règlement des dettes des collectivités locales à l'égard des entreprises, d'autre part l'adoption par les organisations professionnelles de l'assurance de nouvelles règles qui faciliteront la prise en charge, par le pool des risques aggravés créé en 1988, des affaires qui ne trouvent pas une couverture d'assurance incendie explosion.
Cette énumération pourrait faire sourire quelques esprits continentaux ou provoquer l'inquiétude de ceux qui ont, comme moi, le souci d'économiser les deniers publics. Mais les mesures que je viens de présenter sont l'investissement que la Nation solidaire doit consentir pour ramener la Corse sur la voie de la prospérité.
Ces mesures dépendent pour leur mise en uvre du concours de la collectivité territoriale de Corse. Je sais que vous aurez à cur d'en vérifier et d'en améliorer encore, si c'est possible, la pertinence au regard des besoins de la Corse.
Cette spécificité, j'ai souhaité la prendre en compte aussi dans le domaine social.
Je m'étais engagé notamment à améliorer les conditions du dialogue social en reconnaissant la représentativité d'une organisation syndicale corse. Promesse tenue, puisque votre assemblée a été saisie de deux projets de décrets en ce sens.
Toujours dans le domaine social, l'État ne pouvait ignorer la situation difficile des deux offices départementaux d'HLM. Des plans de redressement sont en cours de négociation à l'initiative des préfets. Ils bénéficieront d'un soutien de la Caisse de Garantie du Logement Social qui, à la demande de l'État, complétera, dans des conditions exceptionnelles, les contributions financières de toutes les collectivités concernées.
Le Gouvernement ne saurait enfin oublier la culture corse dans son acception la plus large. La culture c'est d'abord la reconnaissance d'un terroir, de ses richesses naturelles, de son patrimoine édifié par les hommes au fil des siècles et de leur langue. Mais c'est aussi la sauvegarde de ce patrimoine et sa transmission aux générations futures.
Dès le mois de mars, j'avais donné mandat au préfet de région d'élaborer, en étroite collaboration avec votre collectivité, une charte culturelle. Elle sera signée à l'automne et engagera l'État à hauteur de 15 millions de francs. Par anticipation, l'État s'engage dès maintenant à consacrer 6 millions de francs à l'inventaire général, d'ici 1999, du patrimoine corse.
J'aurai l'occasion demain à Corte de préciser l'effort de l'État en faveur de l'enseignement de la langue corse et de sa promotion dans le cadre des émissions audiovisuelles. Là aussi, les engagements pris en mars seront tenus.
Le tourisme est aujourd'hui un moyen privilégié de découverte de la culture corse. C'est la raison pour laquelle la situation difficile de ce secteur mérite une considération particulière. Il sera sans doute le principal bénéficiaire des nouveaux prêts à l'économie qui pourraient, avec l'accord de la collectivité de Corse, comporter un différé de remboursement jusqu'au lendemain de la saison touristique 1997. J'ai décidé par ailleurs de reconduire et d'améliorer le dispositif des aides en trésorerie décidé à son profit au printemps.
L'application du taux réduit de TVA - 8 % - sur les ventes de forfaits touristiques à destination de la Corse par les agences de voyages et sur les locations de véhicules de tourisme en Corse a été demandée à la Commission européenne.
Mais je crois que le moment est venu d'aller plus loin : je vous propose que l'État, la collectivité de Corse et les professionnels unissent leurs efforts pour adopter un programme concerté d'action touristique dont le double objectif serait d'améliorer la gamme des prestations proposées et d'assurer la promotion de la Corse auprès d'une clientèle nouvelle. L'État est prêt naturellement, d'ici la fin du contrat de plan, à apporter à ce nouveau programme un complément de financement à hauteur de 10 millions de francs.
Ne laissons pas la Corse, joyau de la Méditerranée, se laisser distancer par des îles rivales, moins belles, parfois moins bien dotées par la nature et par l'histoire, mais plus entreprenantes au cours des dernières années !
J'ajoute, pour dissiper toute inquiétude, que le développement du tourisme peut aller de pair avec une protection renforcée de l'environnement. C'est dans cet esprit que l'État vient de déléguer les crédits nécessaires au lancement du parc marin des Bouches de Bonifacio et à la préfiguration du projet de parc marin de Scandola.
Toutes ces actions, Monsieur le Président de l'Assemblée, Monsieur le Président du Conseil exécutif, Mesdames et Messieurs les Conseillers et Conseillers exécutifs, l'État veut les conduire avec vous pour construire l'avenir de la Corse dans le respect de son identité.
Emprunt et prêts participatifs, réaménagement de la dette agricole, accélération des paiements des collectivités locales, fonds de soutien aux métiers d'art, sauvegarde du logement social, charte culturelle, programme concerté d'action touristique, autant de domaines nouveaux qui peuvent s'ouvrir à une coopération plus audacieuse entre l'État et la collectivité territoriale. Le Gouvernement le souhaite et il ne doute pas de votre détermination à agir en ce sens.
Au nom du Gouvernement tout entier, je vous ai précisé quelles sont les intentions de l'État, mais si j'ai affiché une volonté - faire respecter la loi - et annoncé une décision - la zone franche - j'ai surtout fait des propositions. A vous d'en discuter. A vous de les compléter, si vous le jugez utile en faisant des propositions nouvelles. A vous, surtout, de les mettre en uvre avec l'État et ses représentants. Tel est le sens du dialogue que le Gouvernement vous propose et qu'il propose à la Corse toute entière.
Je tiens d'ailleurs à remercier tout particulièrement vos présidents Jean-Paul de Rocce Serra, Jean Baggioni et Tony Casalonghe pour la disponibilité dont ils ont su faire preuve au cours des derniers mois pour participer à l'étude des propositions du Gouvernement.
Cessons de nous interroger sur le statut de la Corse ! Ayons ensemble pour la Corse une grande ambition : celle de l'action conjointe de toutes celles et de tous ceux - et j'en suis - qui croient en son avenir.
Le moment venu, en 1998, vous aurez la possibilité d'élargir encore votre débat sur l'avenir de la Corse, à l'occasion notamment du renouvellement de votre assemblée.
La communauté nationale regarde aujourd'hui avec inquiétude cette île qui est sienne depuis plus de deux siècles et qui, tant de fois dans notre histoire, a donné à notre pays des motifs de fierté.
Certes, l'histoire a souvent une dimension tragique et la Corse y a donné plus que sa part.
L'heure est venue d'ouvrir des perspectives plus sereines et plus heureuses. Je veux être optimiste pour la Corse parce que je la crois capable de se ressaisir au nom de son histoire, de sa dignité et de son honneur.
La Corse a montré qu'elle est capable du meilleur lorsque l'essentiel est en jeu. C'est le cas aujourd'hui puisqu'il en va à la fois du bon fonctionnement de notre démocratie, de l'unité de la République et de la cohésion de la société corse. Notre fierté commune doit être désormais de rendre l'espoir à tous les Corses.
La République qui a tant de fois demandé des sacrifices à la Corse lui tend la main. Je ne doute pas que la Corse saura la saisir.
Vive la Corse, vive la République et vive la France !