Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Le « contrat première embauche » et le « contrat nouvelle embauche » qu'il vient compléter sont représentatifs de toute la politique que le gouvernement appelle cyniquement « politique pour l'emploi ». Ces contrats sont une infamie.
Condamner un salarié à être, pendant deux ans, constamment dans l'incertitude, dans la crainte d'être licencié du jour au lendemain sans motif, c'est-à-dire sans raison, est la pire des choses. Pendant deux ans, ceux qui sont embauchés ainsi ne savent pas ce qu'ils vont devenir, ne peuvent pas, de fait, louer un logement car les propriétaires sont entièrement libres de le louer à qui ils veulent.
Un tel contrat pourrait à la rigueur se justifier pour un artisan travaillant seul et qui veut essayer d'embaucher un salarié sans être certain que cela puisse durer. Mais, lorsque c'est étendu à de grandes entreprises, quelle que soit leur taille, c'est vraiment un cadeau au patronat et au grand capital. C'est instaurer la précarité pour tous les travailleurs.
Villepin ose se vanter, à la télévision, et parler du redressement des chiffres du chômage. Mais les emplois créés par ces « contrats nouvelle embauche » comme les emplois qui seront créés par les « contrats première embauche », ce ne sont pas des emplois mais des fraudes de statistiques ! Quant aux chiffres du chômage, chacun sait que, s'il diminue, c'est en grande partie à cause des manipulations statistiques, des stages mal payés, voire par payés du tout, c'est à cause de tous les artifices que tous les gouvernements s'ingénient à inventer et qui permettent de radier des milliers de chômeurs de l'ANPE.
Non, ces nouveaux contrats ne créeront pas un seul emploi supplémentaire ! Les gens qui seront embauchés, ce sont des gens dont les entreprises ont normalement besoin. Car, bien sûr, il y a tout le temps de l'embauche dans l'une ou l'autre des centaines de milliers d'entreprises du pays. Le problème du chômage, c'est qu'il y a plus de licenciements que d'emplois créés. SEB est la dernière en date de ces entreprises très profitables qui ferme trois de ses usines dans les Vosges, le Jura et la Sarthe. Mille emplois supprimés en comptant les sous-traitants et peut-être plus. Et, parmi les travailleurs qui seront jetés sur le carreau, il y a ceux de l'usine de Fresnay-sur-Sarthe, une ancienne usine Moulinex reprise par SEB. Et ma camarade a rappelé combien d'autres usines ferment ou licencient ici, dans la région.
Alors, ce que ces nouveaux contrats changeront, c'est que ceux qu'on licenciera cette année d'un emploi stable, s'ils retrouvent du travail, ils retrouveront un emploi précaire à la place de leur emploi stable perdu.
Alors oui, ces nouveaux contrats vident progressivement la législation du travail du peu qui protégeait les travailleurs. La précarité se généralise depuis des années. Mais ces nouveaux contrats, c'est un pas de plus. La précarité devient la règle et le contrat à durée indéterminée, une exception.
Alors, il ne faut pas laisser passer cette loi. Ceux qui ont commencé à protester dans les différentes manifestations du mardi dernier, notamment ici, à Lyon, ont raison. Et, bien entendu, j'appelle à participer le plus massivement possible, le plus largement possible, à toutes les manifestations qui seront organisées le 7 février prochain !
Oui, il faut réagir contre cette loi infâme ! Mais, au-delà, il faut exprimer son opposition à toute la politique réactionnaire menée par ce gouvernement qui ne laisse pas passer une semaine sans porter un nouveau coup contre les travailleurs.
Rien que depuis le début de l'année, les coups se suivent sans discontinuer.
Toute une série de mesures sont entrées en application depuis le 1er janvier. Les cotisations vieillesse ont augmenté. Les cotisations d'assurance maladie, aussi. Et, en même temps, la protection sociale diminue. Ainsi, le forfait hospitalier passe de 14 à 15 euros par jour, plus que ce qu'un érémiste touche par jour pour vivre. Le remboursement de certains médicaments sera diminué une fois de plus.
Ce qu'ils appellent le « parcours de santé coordonné », c'est-à-dire l'obligation de passer par un médecin traitant, entraînera des diminutions de remboursement pour ceux qui n'auront pas choisi de médecin traitant, et une consultation de plus avant d'aller voir un spécialiste. Hausse des mutuelles, hausses des primes d'assurance habitation.
Sans même parler des mesures d'austérité dans la Fonction publique. Les salariés de la Fonction publique et des services territoriaux ont protesté, hier, contre la politique d'austérité du gouvernement. Le ministre de la Fonction publique vient de proposer pour l'année 2006 une augmentation des salaires inférieure à l'inflation. Mais il n'y a pas que la baisse du pouvoir d'achat pour les salariés de ce secteur. Il y a, aussi, la suppression de plusieurs milliers d'emplois qui se traduira par la fermeture de nombre de services de proximité et une dégradation des services publics.
Les enseignants ont été nombreux dans les manifestations d'hier. Et pour cause ! Au moment même où de nombreux incidents, parfois graves, illustrent le fait que les établissements scolaires manquent cruellement de personnel en nombre suffisant pour assurer l'enseignement dans des conditions convenables, il est question de ne pas remplacer une partie de celles et ceux qui partent à la retraite. On nous parle de la nécessité d'économies budgétaires. Mais pourquoi c'est précisément sur les dépenses indispensables pour les classes populaires que l'on fait des économies ?
Pourquoi pas sur les cadeaux faits aux possédants ?
Pourquoi pas sur le fameux « bouclier fiscal », qui vient d'être voté pour protéger ces malheureux riches du risque d'être trop imposés en établissement un plafond sur le total de leurs impôts cumulés ?
Et, à côté de ce cadeau destiné exclusivement aux plus riches, et qui peut représenter des milliers d'euros d'économisés pour les heureux bénéficiaires, combien d'autres destinés aux possédants petits et grands, comme des abattements ou des conditions plus favorables sur les donations ou sur l'héritage ?
Oh, bien sûr, ces mesures sont présentées comme des cadeaux fiscaux à l'ensemble des Français, comme ils disent. Mais combien de familles ouvrières, combien de chômeurs sont en situation de faire des donations à leurs proches ou même de laisser un héritage, à part peut-être un petit appartement ou un pavillon de banlieue ?
Et ce sont encore les possédants qui bénéficient pour l'essentiel de ces quelque 400 niches fiscales, dont le montant total dépasse les 50 milliards d'euros.
Si les choses vont de mieux en mieux pour une fraction de la population, en gros pour tous ceux qui vivent des revenus du capital, elles vont de plus en plus mal pour ceux qui ne vivent que de leur salaire, s'ils en ont un. Pourtant, ce sont ceux-là qui sont utiles à la collectivité, ceux qui travaillent, qui produisent, qui accroissent la richesse sociale, et pas cette minorité qui vit en parasite sur les richesses crées par d'autres !
Le gouvernement a amputé les retraites en prétextant que c'était pour les sauver. Il a aggravé le sort des chômeurs sous prétexte de sauver l'Unedic. Dans le nouvel accord Unedic, que trois confédérations syndicales n'ont pas eu honte de ratifier, c'est aux chômeurs qu'on se prépare à faire payer le prétendu déficit de l'Unedic. La cotisation chômage sera augmentée, en même temps qu'est réduit le montant de l'allocation, et il faudra avoir travaillé plus longtemps pour pouvoir la toucher.
L'Etat fonctionne de plus en plus ouvertement comme une immense pompe destinée à prélever sur toutes les couches populaires, avant tout sur les travailleurs, des sommes de plus en plus importantes drainées ensuite vers la classe riche.
Pourtant, cette année encore, les entreprises ont battu des records de bénéfices. 22% de plus pour les CAC40, c'est à dire les 40 entreprises les plus riches du pays !
Ces bénéfices ne servent à rien pour la société. Ils ne sont pas investis dans la production et ne créent pas d'emplois. Ils ne sont pas utilisés pour la recherche. Ils sont distribués aux actionnaires, dont les plus riches deviennent encore plus riches. Ils sont dilapidés en consommation de luxe ou en placements spéculatifs.
Regardez la bataille boursière qui vient d'être déclenchée dans la sidérurgie ! Mittal Steel, qui est le premier trust mondial de sidérurgie, a lancé une offre publique d'achat sur les actions du trust Arcelor qui est, lui, le numéro deux. Les travailleurs de la sidérurgie ont toutes les raisons de s'inquiéter devant cette opération boursière. Si Mittal Steel parvient à avaler Arcelor, il y aura des restructurations qui se traduiront inévitablement par des suppressions d'emplois. Si Arcelor parvient à résister, la direction fera payer à ses travailleurs le prix de sa résistance. Arcelor n'a d'ailleurs pas attendu l'OPA de Mittal Steel pour prévoir de fermer d'ici 2010 plusieurs usines, notamment les derniers hauts fourneaux de Lorraine, près de Thionville.
Oui, les travailleurs de la sidérurgie et leurs familles ont gardé le douloureux souvenir de toutes les restructurations entreprises dans ce secteur depuis 1970. On parlait à l'époque de la nécessité de moderniser et de rationaliser le secteur. Au nom de cette prétendue nécessité, l'Etat avait versé une quantité colossale d'argent aux patrons de la sidérurgie, à travers des plans sidérurgiques qui se sont succédés. Les actionnaires des entreprises de sidérurgie étaient gagnant aussi bien lorsque leurs entreprises ont été nationalisées moyennant rachat au prix fort que lorsqu'elles furent reprivatisées, à prix d'ami. Les subsides de l'Etat à la sidérurgie ont été encaissés par les grandes familles qui dominaient le secteur dans le temps, les de Wendel, les Seillière et compagnie. Ces gens-là ont pu utiliser les sommes récupérées pour les placer ailleurs, dans d'autres secteurs plus rentables. Au final, les seuls bénéficiaires des décennies de « modernisation » ont été les actionnaires, passés et présents, de la sidérurgie.
Pour les travailleurs en revanche, le bilan de ces quelques 30 ans de « modernisation » est désastreux. 100.000 emplois ont été supprimés alors que la production reste identique ! Des régions entières ont été ruinées, en Lorraine notamment.
Quant à l'Etat, il a déboursé une somme totale estimée à quelque 100 milliards de francs, environ 15 milliards d'euros !
Voilà de quelle façon a été creusé le déficit de l'Etat, au nom duquel on s'en prend aujourd'hui à la Sécurité sociale, aux services publics, aux salaires et à l'emploi de leurs salariés !
Cette fois-ci, on ne nous parle pas de modernisation. Et le gouvernement fait même mine de s'alarmer devant l'OPA de Mittal Steel. Mais le ministre de l'économie, Thierry Breton vient de préciser : l 'Etat n'a pas à intervenir, c'est aux actionnaires de décider !
Le patron de Mittal Steel a pu mettre plus de 18 milliards sur la table pour tenter de racheter son concurrent. S'il réussit son opération, il en sortira un trust plus gigantesque encore mais qui ne se traduira par aucune capacité de production supplémentaire pour la société, pas une usine en plus, et des emplois plutôt en moins.
Et ce qui se passe dans la sidérurgie se passe un peu partout dans l'économie. Les profits colossaux des groupes industriels ne servent qu'à alimenter des batailles boursières.
Rien que l'annonce de l'OPA sur Arcelor a fait s'envoler le prix en Bourse de ses actions, 28 % en une journée ! Vous imaginez ce que 28 % de plus représentent sur des fortunes en actions qui représentent des centaines de millions d'euros ! Toute la presse a rapporté que l'actionnaire principal, Mittal Steel, troisième fortune du monde, qui vit en Grande-Bretagne, a choisi pour marier sa fille de le faire à Versailles et, pour que son millier d'invités ne soit pas à l'étroit, il a loué le château de Vaux-le-Vicomte et le parc de Saint-Cloud pour la modique somme de 50 millions d'euros !
Voilà à quoi servent les profits gigantesques dont se vantent les grandes entreprises ! Voilà dans quel but on diminue les effectifs dans les entreprises et on licencie au nom de la rentabilité ! Voilà à qui profitent les nouvelles formes de précarité que le gouvernement s'ingénie à inventer ! Voilà pourquoi on fait crever les uns au travail pendant que les autres, transformés en chômeurs, n'ont qu'à crever de misère !
Il n'y a même plus besoin d'être chômeur pour tomber dans la misère. Un tiers des sans-domicile, condamnés à errer d'asile en refuge, sont des gens qui ont pourtant un emploi, mais un salaire misérable. Comment payer un logement quand on est précaire ou en temps partiel non choisi, touchant en bout de mois la moitié ou le tiers du Smic ? Comment en trouver un, même lorsqu'on a le SMIC, mais on n'a pas de quoi payer la caution exigée ?
Mais, bien au-delà de ceux qui, n'ayant pas de logement du tout, sont contraints de dormir dehors, même par ce temps glacial, combien d'autres vivent dans le provisoire ou chez des parents ? Le rapport de la Fondation Abbé Pierre pour 2005, qui vient d'être rendu public, estime à plus de 5 millions le nombre total de personnes qui vivent dans des conditions d'hygiène et de confort inacceptables ou fragiles. Et, ici même, dans la région Rhône-Alpes, 9.000 personnes sont sans logement, hébergées dans les centres d'urgence ou en hébergements sociaux. Et il manque 40.000 logements sociaux. Et on voit réapparaître, aux abords des grandes villes, comme ici, à Villeurbanne ou à Vénissieux, ces bidonvilles dont on croyait qu'ils avaient été définitivement liquidés dans les années 1970.
Et l'Etat, au lieu de chercher à diminuer le fossé entre les riches et le restant de la population, contribue à le creuser.
L'exploitation aggravée des travailleurs, que traduit la hausse spectaculaire des profits, arrose toute une classe de privilégiés, qui vivent bien. Ceux-là ont de solides raisons de considérer ce gouvernement comme le leur, à applaudir comme « courageuse » la politique qui diminue la part des travailleurs, car elle augment leur part, à eux.
C'est à ceux-là qu'un Sarkozy cherche à plaire. Jusqu'à son langage, son mépris des pauvres, et ce ramassis de slogans ou de gestes réactionnaires qu'il envoie tous azimuts en attendant que l'écho lui en revienne, sous la forme de quelques points gagnés dans les sondages.
Le Conseil des ministres examinera, au cours de ce mois de février, la nouvelle loi sur l'immigration. C'est encore une infamie. Une loi qui aggrave les conditions d'obtention de la carte de séjour au point de rendre pratiquement impossible pour un sans-papiers la régularisation de sa situation, même s'il peut justifier de dix ans de présence dans le pays. Des milliers de sans-papiers seront condamnés à le rester jusqu'à la fin des temps, à la merci des rafles et des expulsions.
Mais la loi rendra plus dure la vie de tous les travailleurs immigrés, en interdisant pratiquement le regroupement familial, en rendant plus difficile l'accès aux soins.
Sarkozy et ses semblables savent que les chaînes de production des grandes entreprises ne peuvent pas se passer des travailleurs immigrés. Alors, ils parlent « d'immigration choisie ». Les immigrés doivent être célibataires, en bonne santé, en bonne condition physique, être utiles au patronat, exploitables à merci, sans les frais d'une famille ou de la maladie. Et il faudrait, en plus, qu'ils considèrent le droit de se faire exploiter ici comme un privilège, qu'ils se fassent tout petits et qu'ils acceptent tout.
La loi qui se prépare est un coup contre tous les travailleurs. Car, si le gouvernement parvenait à rendre une fraction de la classe ouvrière plus malléable, c'est l'ensemble des travailleurs qui serait affaibli.
Mais je suis convaincue que ce calcul, pour être barbare, est en même temps stupide car, lorsque le monde du travail se mettra en branle pour se défendre, il n'y aura plus de différences en fonction des origines des uns et des autres. Il n'y aura que le combat d'une seule et même classe ouvrière.
Eh bien, je suis fière, et nous à LO nous sommes tous fiers, de ne pas avoir appelé à voter pour Chirac en 2002, contrairement aux grands partis réformistes, qui se sont littéralement couchés devant cet homme de droite. Oui, nous sommes fiers d'avoir été les seuls à rejeter fermement Le Pen, sans pour autant nous jeter dans les bras de Chirac. On voit bien aujourd'hui que voter pour Chirac, c'était voter pour les requins qui l'entourent. Entre autres, pour les idées de Le Pen à travers Sarkozy, qui ne vaut guère mieux que Le Pen et qui, lui, deviendra peut-être président en 2007.
Le Pen n'a pas fini de servir d'alibi à la gauche réformiste. En présentant systématiquement comme fasciste le démagogue d'extrême droite, elle attribue par la même occasion un label « démocrate » à des hommes qui ne sont guère différents, ni par leur langage, ni par leurs intentions.
Mais le fascisme n'est pas qu'une affaire d'individu ou d'intentions. C'est bien plus encore une affaire de circonstances sociales. Il serait vain de vouloir compter toutes les crapules qui, dans le passé, se sont rêvées en chefs fascistes? Mais si ce rêve a pu devenir le cauchemar des peuples que l'on sait, en Italie ou en Allemagne, c'est parce que le grand patronat de ces pays, confronté à une grave crise sociale, a fait le choix de financer les bandes fascistes recrutées parmi des boutiquiers ruinés ou des chômeurs prêts à tout, pour briser la classe ouvrière.
Pour le moment, le grand patronat n'est pas confronté à une telle situation. Il n'en est pas à financer des bandes fascistes pour briser des grèves, pour incendier des bourses du travail, pour faire matraquer des militants ouvriers. Oh, ce n'est pas que le grand patronat d'aujourd'hui soit moins anti-ouvrier que ne l'était le grand patronat en Italie au début des années 20, ou en Allemagne au début des années 30 ! C'est que, pour le moment en tout cas, le contexte, la nature de la crise n'ont pas fait surgir le besoin de meutes fascistes que le grand patronat pourrait financer et lâcher contre les travailleurs. Il n'en éprouve pas la nécessité et il n'est pas prêt à en subir les inconvénients pour lui-même.
Alors, la barrière infranchissable que la gauche réformiste fait passer entre un Le Pen, homme d'extrême droite et démagogue xénophobe, et un Sarkozy n'est qu'un artifice. Leurs démagogies respectives ciblent le même électorat d'extrême droite, sensible aux déclarations anti-immigrés et aux mouvements de menton sécuritaires.
La droite au gouvernement mène une politique si clairement antipopulaire que les dirigeants de la gauche croient qu'il leur suffira d'attendre, et que le mécontentement contre la politique de la droite leur donnera une chance de l'emporter aux élections de 2007.
Ce en quoi ils se trompent peut-être. Car le dégoût de ce petit jeu politique, entre une droite vraiment anti-ouvrière et une gauche qui l'est hypocritement, finit par dégoûter un nombre croissant d'électeurs des classes populaires. Les uns se détournent seulement des élections. Mais combien, parmi les moins conscients, penseront en 2007 qu'en votant Le Pen, ils donneront un bon coup de pied dans la fourmilière ? Ce serait un calcul irresponsable, mais la responsabilité en incombe aux partis de gauche qui ont ôté aux travailleurs jusqu'à l'idée qu'ils doivent se défendre eux-mêmes.
Mais quelle raison positive auraient donc les travailleurs de voter pour le Parti socialiste ? Qu'est-ce qui, dans ses promesses, pourrait leur donner l'espoir que leur vie pourrait changer, avec le changement électoral ?
Contrairement à ce qu'on nous reproche bien souvent, nous ne disons pas que les partis de droite et les partis de gauche sont identiques. Ce que nous disons, c'est que les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois, car ni les uns ni les autres ne veulent toucher à l'ordre social existant mais, au contraire, le gérer tel qu'il est, avec son économie de marché aveugle, sa classe capitaliste rapace, ses injustices sociales criantes.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les partis de gauche ont cependant pris quelques mesures progressistes. Mitterrand a aboli la peine de mort, ce qui est certainement un pas en avant du point de vue tout simplement humain. C'est encore un gouvernement socialiste qui a décidé le PACS. Mais l'une comme l'autre de ces mesures avaient l'avantage pour le PS de ne pas toucher aux intérêts du patronat, et ne pouvaient en rien changer la situation des salariés.
Les rares fois où les socialistes ont pris des mesures un peu favorables aux travailleurs, comme la loi des 35 heures, ils ont craint la réaction du patronat. Alors, pour que celui-ci n'ait pas le sentiment que ses intérêts étaient lésés, ils ont assorti la réduction de l'horaire hebdomadaire de travail de tellement de concessions au patronat, comme la flexibilité des horaires, les exonérations de charges sur les bas salaires, le Smic à plusieurs niveaux, que, pour bien des travailleurs, ce qu'ils ont perdu était supérieur à ce qu'ils ont gagné.
Mais le patronat n'en a même pas été reconnaissant au Parti socialiste.
Cette année 2006 va entièrement tourner autour de l'élection présidentielle à venir. D'autant plus que cette présidentielle conditionnera les législatives organisées dans la foulée, et dont dépend la place des 577 députés. Les élections municipales suivront un peu plus tard. Tout cela représente bien des sinécures et bien des retombées pour les amis.
Du côté de la droite, on verra bien qui, de Sarkozy ou de Villepin, parviendra à se débarrasser de l'autre. Pour sanglant que soit leur affrontement, l'issue ne recèle nulle surprise pour les travailleurs, en tout cas pas une bonne surprise. Que ce soit l'un ou l'autre qui soit élu, il poursuivra la politique qui est menée par l'actuel gouvernement, probablement en l'aggravant, fort de la légitimité d'être fraîchement élu.
Et il est peu probable que Bayrou parvienne à surclasser les deux rivaux de l'UMP. Oh, il fait des efforts ! Il votera même contre le « contrat nouvelle embauche ». Son parti, qui était dans la majorité de droite, n'y garde plus qu'un doigt de pied en la personne de Robien. Et l'UDF s'appelle désormais le Parti libre. Il faut croire qu'il ne l'était pas avant !
Du côté de la gauche, il y a bien pléthore de candidats à la candidature. Mais s'il y a un suspense pour savoir qui, au PS, s'imposera, il y en a bien moins sur le fait que c'est le candidat du PS qui sera présent au deuxième tour. Si tant est, du moins, qu'il y ait un candidat de la gauche au deuxième tour, et pas une répétition du scénario de 2002, avec Le Pen comme challenger de Sarkozy, à moins que ce soit Villepin.
La droite a beau faire par toute sa politique la campagne électorale de la gauche, il n'est pas dit que la gauche s'impose. Car il ne faut pas oublier l'importance numérique dans ce pays de l'électorat de droite, de la bourgeoisie au sens très large, y compris les cohortes de la petite bourgeoisie, complétées par des cadres, des chefs petits et grands dans les entreprises, de bien des professions dites libérales.
Nous ne savons pas si la menace qu'il n'y ait pas de candidat de gauche au deuxième tour de l'élection amènera certaines formations liées à feu l'Union de la gauche à ne pas présenter cette fois-ci de candidats. En particulier, nous ne savons pas quelle sera l'attitude du PC. Apparemment, ses dirigeants sont partagés sur cette question, entre ceux qui pensent, à juste raison, que ne pas présenter de candidat aggraverait le déclin du PC, et ceux qui préfèreraient s'effacer pour éviter le risque que se reproduise ce qui s'est passé en 2002. Le choix ne sera pas fait en fonction des seules inclinations politiques de ceux qui prendront la décision ! Dans les tractations entre le PC et le PS, il y a, dans la balance, des postes de députés, des postes de conseillers municipaux, et tout ce qui s'ensuit.
Pour le moment, les partis de l'ex-Gauche plurielle, en sont aux pressions, publiques ou secrètes, sur le PS pour obtenir de ce dernier son soutien dans les circonscriptions qu'ils réclament. Les Verts ont même décidé, dans un premier temps, de bouder la réunion au sommet des partis de gauche, convoquée par le PS pour le 8 février. Mais la bouderie n'a duré que quelques jours. Les Verts sont rentrés dans le rang, derrière le PS qui, vu la loi électorale, est le seul à pouvoir laisser aux autres quelques circonscriptions où ils peuvent avoir des élus.
Le PCF est réduit au même sort que les Verts, les chevènementistes ou les Radicaux dits de gauche.
Car tel est le résultat inéluctable de dizaines d'années de politique d'abandon du terrain de la lutte de classe par le PCF. Ce parti, qui avait la présence que l'on sait dans la classe ouvrière, a usé tout son crédit auprès des travailleurs pour les détourner de la lutte de classe et pour les convaincre depuis trente ans que la seule perspective pour les travailleurs, le seul débouché politique possible, était un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. Mais, malgré la présence de ses ministres au gouvernement pendant trois ans sous Mitterrand, pendant cinq ans avec Jospin, le PCF, jamais en situation de peser sur la politique menée, n'a fait que la cautionner devant les travailleurs, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
C'est à cause de cette politique que le PCF a perdu une grande partie de ses militants et une grande partie de son influence dans la classe ouvrière. Et, aujourd'hui, sa direction en est réduite à n'avoir aucune autre perspective à proposer que de se rallier, à nouveau, tôt ou tard, au PS.
Nous ne savons pas non plus à quoi aboutiront les grands manoeuvres autour de José Bové. Il a dit qu'il ne se présenterait que s'il était soutenu par tous les partis qui sont à la gauche du Parti socialiste. Ce qui pourrait signifier le Parti communiste, une partie des Verts, des altermondialistes et la LCR.
Nous ne sommes dans le secret de personne, mais il serait étonnant que si le PCF choisissait de disparaître à la présidentielle, ce soit derrière Bové qui ne peut pas lui garantir aux législatives les places de députés que seul l'accord avec le PS peut lui garantir.
Il est donc peu vraisemblable que José Bové maintienne ses conditions et que sa candidature soit possible. Si, cependant, par extraordinaire, il réalise cette union derrière son nom, nous ne participerons pas à cette alliance hétéroclite, surtout pas avec deux partis, le PCF et les Verts, qui ont fait partie du gouvernement Jospin et qui sont responsables de sa politique et, donc, du désaveu de son propre électorat et de sa défaite.
Et puis, ce que nous avons à dire, José Bové ne le dira pas. C'est pourquoi, de toute façon, Lutte ouvrière présentera une candidature. Mais il y a de fortes chances que la LCR en fasse autant, si elle le peut? même si elle n'ose pas le dire pour le moment.
Nous serons présents dans ces campagnes électorales pour nous adresser au monde du travail et pour y défendre les intérêts vitaux de tous ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre lorsqu'ils ont du travail : ouvriers, employés, cheminots, enseignants, postiers, personnel des hôpitaux et des services publics, ou qui, aujourd'hui à la retraite après une vie de travail, n'ont qu'une pension encore plus dérisoire.
Et, puisque les campagnes électorales, et plus particulièrement l'élection présidentielle, sont les seules occasions qui nous sont données de nous faire entendre de l'ensemble des classes populaires de ce pays, nous saisirons bien sûr cette occasion pour le faire. En sachant cependant que, pour pouvoir le faire, nous avons des conditions légales à remplir et beaucoup d'obstacles à franchir.
Mais d'ici les élections, il se passera plus d'un an. Et j'espère, je souhaite que, d'ici là, les travailleurs réagissent aux coups qui leur sont portés.
Il y a eu, tout au long de l'année dernière, un grand nombre de conflits, bien souvent contre des projets de licenciements, des suppressions d'emplois ou des délocalisations, parfois sur les salaires. Ces mouvements étaient plus ou moins déterminés, plus ou moins longs.
Nathalie Arthaud en a relaté plusieurs à Lyon ou dans la région.
Il n'est pas difficile de prévoir qu'il y aura de tels mouvements l'année qui vient. Tout simplement parce que l'attitude du patronat ne sera pas moins dure cette année qu'elle ne l'a été l'année dernière et que, devant la fermeture de leurs entreprises ou d'importantes suppressions d'emplois, un certain nombre des travailleurs qui en seront victimes estimeront, à juste raison, que, même le dos au mur, il vaut mieux se battre que de se résigner.
Mais il est évident aussi que, dans le contexte d'aujourd'hui, marqué par l'importance du chômage, le rapport des forces est favorable aux patrons.
Aucun travailleur ne peut espérer dans ces conditions remporter de victoires décisives dans le cadre d'une seule entreprise ou d'une seule corporation. C'est seulement un mouvement social de grande ampleur, déterminé, touchant le gros des bataillons de la classe ouvrière, qui peut faire peur au grand patronat et au gouvernement et bouleverser le rapport des forces au point d'imposer les exigences vitales du monde du travail. Mais tout le problème est de savoir comment parvenir à cette réaction d'ensemble, qui ne se décrète pas mais qui pourrait se préparer. Et c'est là où les grandes directions syndicales ne sont pas à la hauteur des exigences de la situation, et ne veulent pas l'être !
Les confédérations syndicales ne proposent pas la politique qui serait nécessaire pour que les travailleurs reprennent confiance dans la lutte.
Les deux seules journées d'action de l'année dernière ont été tellement éloignées dans le temps l'une de l'autre qu'elles ne pouvaient pas constituer des étapes de la mobilisation nécessaire. Même l'appel à la protestation ponctuel contre le CPA le 7 février n'est pas suivi d'autres propositions pour la suite.
Les syndicats en restent aux appels catégoriels et limités, de telle façon qu'en dehors de la corporation visée, aucun travailleur ne puisse se sentir concerné.
Ce qui est grave, c'est qu'au lieu d'inspirer confiance aux travailleurs, ce type d'appel les décourage. Bien sûr, les travailleurs d'un secteur peuvent être prêts à se mettre en grève alors que les autres ne le sont pas ou pas encore. Mais une stratégie corporatiste qui transforme dès le départ les autres travailleurs en spectateurs passifs, risque de creuser le fossé entre travailleurs. Au lieu d'être un exemple à suivre pour les autres, ceux qui luttent risquent de reprendre avec le sentiment d'avoir été abandonnés.
Mais nous savons aussi que la plupart des grandes luttes du passé, celles en tout cas qui ont fait réellement trembler le grand patronat et le gouvernement, celles qui les ont obligés à reculer, sont parties de la classe ouvrière elle-même, et que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont obligé les syndicats à les suivre.
Il n'est, bien sûr, pas en notre pouvoir de provoquer cette explosion sociale. Mais il est de notre devoir de contribuer à populariser les objectifs qui répondent aux intérêts vitaux de la classe ouvrière, pour stopper l'offensive permanente du patronat et de son gouvernement.
Cela fait bien des années que nous avons commencé à développer, sous le nom de « plan d'urgence », un ensemble de revendications qui correspondent à ces objectifs. Ces revendications n'ont rien perdu de leur actualité. Bien au contraire.
Il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits, et imposer le maintien de tous les emplois en prenant sur ces profits.
Il faut que les salariés, les consommateurs et la population aient accès à toute la comptabilité des grandes entreprises. Il faut éclairer les circuits de l'argent, voir d'où il vient, par où il passe, où il va et à qui il va. Il faut connaître et rendre publics, à l'avance, les projets des grandes sociétés. La gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration, en fonction de la seule rentabilité financière, montre jour après jour à quel point elle est nuisible pour la collectivité.
Il faut une augmentation générale d'au moins 300 euros du Smic et de tous les bas salaires.
Il faut mettre fin aux contrats précaires -y compris ceux baptisé frauduleusement « nouvelle embauche » ou « première embauche ». Il faut mettre fin au temps partiel imposé. Il faut des salaires en aucun cas inférieurs au Smic ainsi augmenté, quel qu'en soit le prétexte invoqué : âge, stage?
Il faut imposer la construction par l'Etat, et non par les municipalités, d'habitats sociaux dans toutes les villes, en réquisitionnant les terrains nécessaires. Car on ne sait que trop bien que les municipalités des villes bourgeoises sont surtout sensibles à la pression de leur clientèle électorale et que les notables préfèrent payer les amendes dérisoires dont la loi les menace plutôt que de construire des logements corrects à la portée de salaires de travailleurs. Sans parler de cette dernière ignominie que vient de voter la majorité de droite qui consiste à intégrer dans le quota de logements sociaux l'accession à la propriété dans le secteur des HLM.
Il faut embaucher des enseignants en nombre suffisant pour que, dans les quartiers populaires, surtout dans les plus défavorisés, tous les enfants, et en particulier ceux issus de l'immigration et qui maîtrisent mal le français, trouvent des classes maternelles en nombre suffisant, pour que leurs effectifs permettent aux enseignants de transmettre à ces enfants les connaissances élémentaires que leurs familles sont dans l'incapacité de leur transmettre.
Il faut en conséquence contraindre l'Etat à prendre sur la classe riche, sur ses revenus et, au besoin, sur sa fortune, de quoi faire face à ces obligations. En commençant d'abord par arrêter toute subvention ouverte ou déguisée aux entreprises, et tout cadeau aux riches particuliers.
Pour imposer tout cela, il faut une lutte déterminée et radicale du monde du travail. Si dur que cela paraisse aujourd'hui, c'est moins utopique qu'espérer que les élections de 2007, quels qu'en soient les résultats, changent en quoi que ce soit le sort des travailleurs.
Voilà, amis et camarades, les revendications que nous aurons à populariser pendant la période qui vient, car elles correspondent aux intérêts vitaux du monde du travail. Nous le ferons autour de nous, dans nos entreprises comme en dehors, avec nos moyens qui sont certes limités, mais nous le ferons avec détermination. Nous le ferons pendant la campagne électorale, avec les moyens plus larges dont nous disposerons peut-être, à la télévision, à la radio, dans la grande presse.
Et j'espère, je souhaite, que tous ceux qui sympathisent avec nos idées ou qui, simplement, se retrouvent dans les objectifs que je viens d'énumérer, nous rejoignent pour mener ce combat, avant comme pendant la campagne électorale !
Alors, camarades, bonsoir, bon courage et à bientôt !
Source http://www. lutte-ouvrière.org, le 8 février 2006
Le « contrat première embauche » et le « contrat nouvelle embauche » qu'il vient compléter sont représentatifs de toute la politique que le gouvernement appelle cyniquement « politique pour l'emploi ». Ces contrats sont une infamie.
Condamner un salarié à être, pendant deux ans, constamment dans l'incertitude, dans la crainte d'être licencié du jour au lendemain sans motif, c'est-à-dire sans raison, est la pire des choses. Pendant deux ans, ceux qui sont embauchés ainsi ne savent pas ce qu'ils vont devenir, ne peuvent pas, de fait, louer un logement car les propriétaires sont entièrement libres de le louer à qui ils veulent.
Un tel contrat pourrait à la rigueur se justifier pour un artisan travaillant seul et qui veut essayer d'embaucher un salarié sans être certain que cela puisse durer. Mais, lorsque c'est étendu à de grandes entreprises, quelle que soit leur taille, c'est vraiment un cadeau au patronat et au grand capital. C'est instaurer la précarité pour tous les travailleurs.
Villepin ose se vanter, à la télévision, et parler du redressement des chiffres du chômage. Mais les emplois créés par ces « contrats nouvelle embauche » comme les emplois qui seront créés par les « contrats première embauche », ce ne sont pas des emplois mais des fraudes de statistiques ! Quant aux chiffres du chômage, chacun sait que, s'il diminue, c'est en grande partie à cause des manipulations statistiques, des stages mal payés, voire par payés du tout, c'est à cause de tous les artifices que tous les gouvernements s'ingénient à inventer et qui permettent de radier des milliers de chômeurs de l'ANPE.
Non, ces nouveaux contrats ne créeront pas un seul emploi supplémentaire ! Les gens qui seront embauchés, ce sont des gens dont les entreprises ont normalement besoin. Car, bien sûr, il y a tout le temps de l'embauche dans l'une ou l'autre des centaines de milliers d'entreprises du pays. Le problème du chômage, c'est qu'il y a plus de licenciements que d'emplois créés. SEB est la dernière en date de ces entreprises très profitables qui ferme trois de ses usines dans les Vosges, le Jura et la Sarthe. Mille emplois supprimés en comptant les sous-traitants et peut-être plus. Et, parmi les travailleurs qui seront jetés sur le carreau, il y a ceux de l'usine de Fresnay-sur-Sarthe, une ancienne usine Moulinex reprise par SEB. Et ma camarade a rappelé combien d'autres usines ferment ou licencient ici, dans la région.
Alors, ce que ces nouveaux contrats changeront, c'est que ceux qu'on licenciera cette année d'un emploi stable, s'ils retrouvent du travail, ils retrouveront un emploi précaire à la place de leur emploi stable perdu.
Alors oui, ces nouveaux contrats vident progressivement la législation du travail du peu qui protégeait les travailleurs. La précarité se généralise depuis des années. Mais ces nouveaux contrats, c'est un pas de plus. La précarité devient la règle et le contrat à durée indéterminée, une exception.
Alors, il ne faut pas laisser passer cette loi. Ceux qui ont commencé à protester dans les différentes manifestations du mardi dernier, notamment ici, à Lyon, ont raison. Et, bien entendu, j'appelle à participer le plus massivement possible, le plus largement possible, à toutes les manifestations qui seront organisées le 7 février prochain !
Oui, il faut réagir contre cette loi infâme ! Mais, au-delà, il faut exprimer son opposition à toute la politique réactionnaire menée par ce gouvernement qui ne laisse pas passer une semaine sans porter un nouveau coup contre les travailleurs.
Rien que depuis le début de l'année, les coups se suivent sans discontinuer.
Toute une série de mesures sont entrées en application depuis le 1er janvier. Les cotisations vieillesse ont augmenté. Les cotisations d'assurance maladie, aussi. Et, en même temps, la protection sociale diminue. Ainsi, le forfait hospitalier passe de 14 à 15 euros par jour, plus que ce qu'un érémiste touche par jour pour vivre. Le remboursement de certains médicaments sera diminué une fois de plus.
Ce qu'ils appellent le « parcours de santé coordonné », c'est-à-dire l'obligation de passer par un médecin traitant, entraînera des diminutions de remboursement pour ceux qui n'auront pas choisi de médecin traitant, et une consultation de plus avant d'aller voir un spécialiste. Hausse des mutuelles, hausses des primes d'assurance habitation.
Sans même parler des mesures d'austérité dans la Fonction publique. Les salariés de la Fonction publique et des services territoriaux ont protesté, hier, contre la politique d'austérité du gouvernement. Le ministre de la Fonction publique vient de proposer pour l'année 2006 une augmentation des salaires inférieure à l'inflation. Mais il n'y a pas que la baisse du pouvoir d'achat pour les salariés de ce secteur. Il y a, aussi, la suppression de plusieurs milliers d'emplois qui se traduira par la fermeture de nombre de services de proximité et une dégradation des services publics.
Les enseignants ont été nombreux dans les manifestations d'hier. Et pour cause ! Au moment même où de nombreux incidents, parfois graves, illustrent le fait que les établissements scolaires manquent cruellement de personnel en nombre suffisant pour assurer l'enseignement dans des conditions convenables, il est question de ne pas remplacer une partie de celles et ceux qui partent à la retraite. On nous parle de la nécessité d'économies budgétaires. Mais pourquoi c'est précisément sur les dépenses indispensables pour les classes populaires que l'on fait des économies ?
Pourquoi pas sur les cadeaux faits aux possédants ?
Pourquoi pas sur le fameux « bouclier fiscal », qui vient d'être voté pour protéger ces malheureux riches du risque d'être trop imposés en établissement un plafond sur le total de leurs impôts cumulés ?
Et, à côté de ce cadeau destiné exclusivement aux plus riches, et qui peut représenter des milliers d'euros d'économisés pour les heureux bénéficiaires, combien d'autres destinés aux possédants petits et grands, comme des abattements ou des conditions plus favorables sur les donations ou sur l'héritage ?
Oh, bien sûr, ces mesures sont présentées comme des cadeaux fiscaux à l'ensemble des Français, comme ils disent. Mais combien de familles ouvrières, combien de chômeurs sont en situation de faire des donations à leurs proches ou même de laisser un héritage, à part peut-être un petit appartement ou un pavillon de banlieue ?
Et ce sont encore les possédants qui bénéficient pour l'essentiel de ces quelque 400 niches fiscales, dont le montant total dépasse les 50 milliards d'euros.
Si les choses vont de mieux en mieux pour une fraction de la population, en gros pour tous ceux qui vivent des revenus du capital, elles vont de plus en plus mal pour ceux qui ne vivent que de leur salaire, s'ils en ont un. Pourtant, ce sont ceux-là qui sont utiles à la collectivité, ceux qui travaillent, qui produisent, qui accroissent la richesse sociale, et pas cette minorité qui vit en parasite sur les richesses crées par d'autres !
Le gouvernement a amputé les retraites en prétextant que c'était pour les sauver. Il a aggravé le sort des chômeurs sous prétexte de sauver l'Unedic. Dans le nouvel accord Unedic, que trois confédérations syndicales n'ont pas eu honte de ratifier, c'est aux chômeurs qu'on se prépare à faire payer le prétendu déficit de l'Unedic. La cotisation chômage sera augmentée, en même temps qu'est réduit le montant de l'allocation, et il faudra avoir travaillé plus longtemps pour pouvoir la toucher.
L'Etat fonctionne de plus en plus ouvertement comme une immense pompe destinée à prélever sur toutes les couches populaires, avant tout sur les travailleurs, des sommes de plus en plus importantes drainées ensuite vers la classe riche.
Pourtant, cette année encore, les entreprises ont battu des records de bénéfices. 22% de plus pour les CAC40, c'est à dire les 40 entreprises les plus riches du pays !
Ces bénéfices ne servent à rien pour la société. Ils ne sont pas investis dans la production et ne créent pas d'emplois. Ils ne sont pas utilisés pour la recherche. Ils sont distribués aux actionnaires, dont les plus riches deviennent encore plus riches. Ils sont dilapidés en consommation de luxe ou en placements spéculatifs.
Regardez la bataille boursière qui vient d'être déclenchée dans la sidérurgie ! Mittal Steel, qui est le premier trust mondial de sidérurgie, a lancé une offre publique d'achat sur les actions du trust Arcelor qui est, lui, le numéro deux. Les travailleurs de la sidérurgie ont toutes les raisons de s'inquiéter devant cette opération boursière. Si Mittal Steel parvient à avaler Arcelor, il y aura des restructurations qui se traduiront inévitablement par des suppressions d'emplois. Si Arcelor parvient à résister, la direction fera payer à ses travailleurs le prix de sa résistance. Arcelor n'a d'ailleurs pas attendu l'OPA de Mittal Steel pour prévoir de fermer d'ici 2010 plusieurs usines, notamment les derniers hauts fourneaux de Lorraine, près de Thionville.
Oui, les travailleurs de la sidérurgie et leurs familles ont gardé le douloureux souvenir de toutes les restructurations entreprises dans ce secteur depuis 1970. On parlait à l'époque de la nécessité de moderniser et de rationaliser le secteur. Au nom de cette prétendue nécessité, l'Etat avait versé une quantité colossale d'argent aux patrons de la sidérurgie, à travers des plans sidérurgiques qui se sont succédés. Les actionnaires des entreprises de sidérurgie étaient gagnant aussi bien lorsque leurs entreprises ont été nationalisées moyennant rachat au prix fort que lorsqu'elles furent reprivatisées, à prix d'ami. Les subsides de l'Etat à la sidérurgie ont été encaissés par les grandes familles qui dominaient le secteur dans le temps, les de Wendel, les Seillière et compagnie. Ces gens-là ont pu utiliser les sommes récupérées pour les placer ailleurs, dans d'autres secteurs plus rentables. Au final, les seuls bénéficiaires des décennies de « modernisation » ont été les actionnaires, passés et présents, de la sidérurgie.
Pour les travailleurs en revanche, le bilan de ces quelques 30 ans de « modernisation » est désastreux. 100.000 emplois ont été supprimés alors que la production reste identique ! Des régions entières ont été ruinées, en Lorraine notamment.
Quant à l'Etat, il a déboursé une somme totale estimée à quelque 100 milliards de francs, environ 15 milliards d'euros !
Voilà de quelle façon a été creusé le déficit de l'Etat, au nom duquel on s'en prend aujourd'hui à la Sécurité sociale, aux services publics, aux salaires et à l'emploi de leurs salariés !
Cette fois-ci, on ne nous parle pas de modernisation. Et le gouvernement fait même mine de s'alarmer devant l'OPA de Mittal Steel. Mais le ministre de l'économie, Thierry Breton vient de préciser : l 'Etat n'a pas à intervenir, c'est aux actionnaires de décider !
Le patron de Mittal Steel a pu mettre plus de 18 milliards sur la table pour tenter de racheter son concurrent. S'il réussit son opération, il en sortira un trust plus gigantesque encore mais qui ne se traduira par aucune capacité de production supplémentaire pour la société, pas une usine en plus, et des emplois plutôt en moins.
Et ce qui se passe dans la sidérurgie se passe un peu partout dans l'économie. Les profits colossaux des groupes industriels ne servent qu'à alimenter des batailles boursières.
Rien que l'annonce de l'OPA sur Arcelor a fait s'envoler le prix en Bourse de ses actions, 28 % en une journée ! Vous imaginez ce que 28 % de plus représentent sur des fortunes en actions qui représentent des centaines de millions d'euros ! Toute la presse a rapporté que l'actionnaire principal, Mittal Steel, troisième fortune du monde, qui vit en Grande-Bretagne, a choisi pour marier sa fille de le faire à Versailles et, pour que son millier d'invités ne soit pas à l'étroit, il a loué le château de Vaux-le-Vicomte et le parc de Saint-Cloud pour la modique somme de 50 millions d'euros !
Voilà à quoi servent les profits gigantesques dont se vantent les grandes entreprises ! Voilà dans quel but on diminue les effectifs dans les entreprises et on licencie au nom de la rentabilité ! Voilà à qui profitent les nouvelles formes de précarité que le gouvernement s'ingénie à inventer ! Voilà pourquoi on fait crever les uns au travail pendant que les autres, transformés en chômeurs, n'ont qu'à crever de misère !
Il n'y a même plus besoin d'être chômeur pour tomber dans la misère. Un tiers des sans-domicile, condamnés à errer d'asile en refuge, sont des gens qui ont pourtant un emploi, mais un salaire misérable. Comment payer un logement quand on est précaire ou en temps partiel non choisi, touchant en bout de mois la moitié ou le tiers du Smic ? Comment en trouver un, même lorsqu'on a le SMIC, mais on n'a pas de quoi payer la caution exigée ?
Mais, bien au-delà de ceux qui, n'ayant pas de logement du tout, sont contraints de dormir dehors, même par ce temps glacial, combien d'autres vivent dans le provisoire ou chez des parents ? Le rapport de la Fondation Abbé Pierre pour 2005, qui vient d'être rendu public, estime à plus de 5 millions le nombre total de personnes qui vivent dans des conditions d'hygiène et de confort inacceptables ou fragiles. Et, ici même, dans la région Rhône-Alpes, 9.000 personnes sont sans logement, hébergées dans les centres d'urgence ou en hébergements sociaux. Et il manque 40.000 logements sociaux. Et on voit réapparaître, aux abords des grandes villes, comme ici, à Villeurbanne ou à Vénissieux, ces bidonvilles dont on croyait qu'ils avaient été définitivement liquidés dans les années 1970.
Et l'Etat, au lieu de chercher à diminuer le fossé entre les riches et le restant de la population, contribue à le creuser.
L'exploitation aggravée des travailleurs, que traduit la hausse spectaculaire des profits, arrose toute une classe de privilégiés, qui vivent bien. Ceux-là ont de solides raisons de considérer ce gouvernement comme le leur, à applaudir comme « courageuse » la politique qui diminue la part des travailleurs, car elle augment leur part, à eux.
C'est à ceux-là qu'un Sarkozy cherche à plaire. Jusqu'à son langage, son mépris des pauvres, et ce ramassis de slogans ou de gestes réactionnaires qu'il envoie tous azimuts en attendant que l'écho lui en revienne, sous la forme de quelques points gagnés dans les sondages.
Le Conseil des ministres examinera, au cours de ce mois de février, la nouvelle loi sur l'immigration. C'est encore une infamie. Une loi qui aggrave les conditions d'obtention de la carte de séjour au point de rendre pratiquement impossible pour un sans-papiers la régularisation de sa situation, même s'il peut justifier de dix ans de présence dans le pays. Des milliers de sans-papiers seront condamnés à le rester jusqu'à la fin des temps, à la merci des rafles et des expulsions.
Mais la loi rendra plus dure la vie de tous les travailleurs immigrés, en interdisant pratiquement le regroupement familial, en rendant plus difficile l'accès aux soins.
Sarkozy et ses semblables savent que les chaînes de production des grandes entreprises ne peuvent pas se passer des travailleurs immigrés. Alors, ils parlent « d'immigration choisie ». Les immigrés doivent être célibataires, en bonne santé, en bonne condition physique, être utiles au patronat, exploitables à merci, sans les frais d'une famille ou de la maladie. Et il faudrait, en plus, qu'ils considèrent le droit de se faire exploiter ici comme un privilège, qu'ils se fassent tout petits et qu'ils acceptent tout.
La loi qui se prépare est un coup contre tous les travailleurs. Car, si le gouvernement parvenait à rendre une fraction de la classe ouvrière plus malléable, c'est l'ensemble des travailleurs qui serait affaibli.
Mais je suis convaincue que ce calcul, pour être barbare, est en même temps stupide car, lorsque le monde du travail se mettra en branle pour se défendre, il n'y aura plus de différences en fonction des origines des uns et des autres. Il n'y aura que le combat d'une seule et même classe ouvrière.
Eh bien, je suis fière, et nous à LO nous sommes tous fiers, de ne pas avoir appelé à voter pour Chirac en 2002, contrairement aux grands partis réformistes, qui se sont littéralement couchés devant cet homme de droite. Oui, nous sommes fiers d'avoir été les seuls à rejeter fermement Le Pen, sans pour autant nous jeter dans les bras de Chirac. On voit bien aujourd'hui que voter pour Chirac, c'était voter pour les requins qui l'entourent. Entre autres, pour les idées de Le Pen à travers Sarkozy, qui ne vaut guère mieux que Le Pen et qui, lui, deviendra peut-être président en 2007.
Le Pen n'a pas fini de servir d'alibi à la gauche réformiste. En présentant systématiquement comme fasciste le démagogue d'extrême droite, elle attribue par la même occasion un label « démocrate » à des hommes qui ne sont guère différents, ni par leur langage, ni par leurs intentions.
Mais le fascisme n'est pas qu'une affaire d'individu ou d'intentions. C'est bien plus encore une affaire de circonstances sociales. Il serait vain de vouloir compter toutes les crapules qui, dans le passé, se sont rêvées en chefs fascistes? Mais si ce rêve a pu devenir le cauchemar des peuples que l'on sait, en Italie ou en Allemagne, c'est parce que le grand patronat de ces pays, confronté à une grave crise sociale, a fait le choix de financer les bandes fascistes recrutées parmi des boutiquiers ruinés ou des chômeurs prêts à tout, pour briser la classe ouvrière.
Pour le moment, le grand patronat n'est pas confronté à une telle situation. Il n'en est pas à financer des bandes fascistes pour briser des grèves, pour incendier des bourses du travail, pour faire matraquer des militants ouvriers. Oh, ce n'est pas que le grand patronat d'aujourd'hui soit moins anti-ouvrier que ne l'était le grand patronat en Italie au début des années 20, ou en Allemagne au début des années 30 ! C'est que, pour le moment en tout cas, le contexte, la nature de la crise n'ont pas fait surgir le besoin de meutes fascistes que le grand patronat pourrait financer et lâcher contre les travailleurs. Il n'en éprouve pas la nécessité et il n'est pas prêt à en subir les inconvénients pour lui-même.
Alors, la barrière infranchissable que la gauche réformiste fait passer entre un Le Pen, homme d'extrême droite et démagogue xénophobe, et un Sarkozy n'est qu'un artifice. Leurs démagogies respectives ciblent le même électorat d'extrême droite, sensible aux déclarations anti-immigrés et aux mouvements de menton sécuritaires.
La droite au gouvernement mène une politique si clairement antipopulaire que les dirigeants de la gauche croient qu'il leur suffira d'attendre, et que le mécontentement contre la politique de la droite leur donnera une chance de l'emporter aux élections de 2007.
Ce en quoi ils se trompent peut-être. Car le dégoût de ce petit jeu politique, entre une droite vraiment anti-ouvrière et une gauche qui l'est hypocritement, finit par dégoûter un nombre croissant d'électeurs des classes populaires. Les uns se détournent seulement des élections. Mais combien, parmi les moins conscients, penseront en 2007 qu'en votant Le Pen, ils donneront un bon coup de pied dans la fourmilière ? Ce serait un calcul irresponsable, mais la responsabilité en incombe aux partis de gauche qui ont ôté aux travailleurs jusqu'à l'idée qu'ils doivent se défendre eux-mêmes.
Mais quelle raison positive auraient donc les travailleurs de voter pour le Parti socialiste ? Qu'est-ce qui, dans ses promesses, pourrait leur donner l'espoir que leur vie pourrait changer, avec le changement électoral ?
Contrairement à ce qu'on nous reproche bien souvent, nous ne disons pas que les partis de droite et les partis de gauche sont identiques. Ce que nous disons, c'est que les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois, car ni les uns ni les autres ne veulent toucher à l'ordre social existant mais, au contraire, le gérer tel qu'il est, avec son économie de marché aveugle, sa classe capitaliste rapace, ses injustices sociales criantes.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les partis de gauche ont cependant pris quelques mesures progressistes. Mitterrand a aboli la peine de mort, ce qui est certainement un pas en avant du point de vue tout simplement humain. C'est encore un gouvernement socialiste qui a décidé le PACS. Mais l'une comme l'autre de ces mesures avaient l'avantage pour le PS de ne pas toucher aux intérêts du patronat, et ne pouvaient en rien changer la situation des salariés.
Les rares fois où les socialistes ont pris des mesures un peu favorables aux travailleurs, comme la loi des 35 heures, ils ont craint la réaction du patronat. Alors, pour que celui-ci n'ait pas le sentiment que ses intérêts étaient lésés, ils ont assorti la réduction de l'horaire hebdomadaire de travail de tellement de concessions au patronat, comme la flexibilité des horaires, les exonérations de charges sur les bas salaires, le Smic à plusieurs niveaux, que, pour bien des travailleurs, ce qu'ils ont perdu était supérieur à ce qu'ils ont gagné.
Mais le patronat n'en a même pas été reconnaissant au Parti socialiste.
Cette année 2006 va entièrement tourner autour de l'élection présidentielle à venir. D'autant plus que cette présidentielle conditionnera les législatives organisées dans la foulée, et dont dépend la place des 577 députés. Les élections municipales suivront un peu plus tard. Tout cela représente bien des sinécures et bien des retombées pour les amis.
Du côté de la droite, on verra bien qui, de Sarkozy ou de Villepin, parviendra à se débarrasser de l'autre. Pour sanglant que soit leur affrontement, l'issue ne recèle nulle surprise pour les travailleurs, en tout cas pas une bonne surprise. Que ce soit l'un ou l'autre qui soit élu, il poursuivra la politique qui est menée par l'actuel gouvernement, probablement en l'aggravant, fort de la légitimité d'être fraîchement élu.
Et il est peu probable que Bayrou parvienne à surclasser les deux rivaux de l'UMP. Oh, il fait des efforts ! Il votera même contre le « contrat nouvelle embauche ». Son parti, qui était dans la majorité de droite, n'y garde plus qu'un doigt de pied en la personne de Robien. Et l'UDF s'appelle désormais le Parti libre. Il faut croire qu'il ne l'était pas avant !
Du côté de la gauche, il y a bien pléthore de candidats à la candidature. Mais s'il y a un suspense pour savoir qui, au PS, s'imposera, il y en a bien moins sur le fait que c'est le candidat du PS qui sera présent au deuxième tour. Si tant est, du moins, qu'il y ait un candidat de la gauche au deuxième tour, et pas une répétition du scénario de 2002, avec Le Pen comme challenger de Sarkozy, à moins que ce soit Villepin.
La droite a beau faire par toute sa politique la campagne électorale de la gauche, il n'est pas dit que la gauche s'impose. Car il ne faut pas oublier l'importance numérique dans ce pays de l'électorat de droite, de la bourgeoisie au sens très large, y compris les cohortes de la petite bourgeoisie, complétées par des cadres, des chefs petits et grands dans les entreprises, de bien des professions dites libérales.
Nous ne savons pas si la menace qu'il n'y ait pas de candidat de gauche au deuxième tour de l'élection amènera certaines formations liées à feu l'Union de la gauche à ne pas présenter cette fois-ci de candidats. En particulier, nous ne savons pas quelle sera l'attitude du PC. Apparemment, ses dirigeants sont partagés sur cette question, entre ceux qui pensent, à juste raison, que ne pas présenter de candidat aggraverait le déclin du PC, et ceux qui préfèreraient s'effacer pour éviter le risque que se reproduise ce qui s'est passé en 2002. Le choix ne sera pas fait en fonction des seules inclinations politiques de ceux qui prendront la décision ! Dans les tractations entre le PC et le PS, il y a, dans la balance, des postes de députés, des postes de conseillers municipaux, et tout ce qui s'ensuit.
Pour le moment, les partis de l'ex-Gauche plurielle, en sont aux pressions, publiques ou secrètes, sur le PS pour obtenir de ce dernier son soutien dans les circonscriptions qu'ils réclament. Les Verts ont même décidé, dans un premier temps, de bouder la réunion au sommet des partis de gauche, convoquée par le PS pour le 8 février. Mais la bouderie n'a duré que quelques jours. Les Verts sont rentrés dans le rang, derrière le PS qui, vu la loi électorale, est le seul à pouvoir laisser aux autres quelques circonscriptions où ils peuvent avoir des élus.
Le PCF est réduit au même sort que les Verts, les chevènementistes ou les Radicaux dits de gauche.
Car tel est le résultat inéluctable de dizaines d'années de politique d'abandon du terrain de la lutte de classe par le PCF. Ce parti, qui avait la présence que l'on sait dans la classe ouvrière, a usé tout son crédit auprès des travailleurs pour les détourner de la lutte de classe et pour les convaincre depuis trente ans que la seule perspective pour les travailleurs, le seul débouché politique possible, était un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. Mais, malgré la présence de ses ministres au gouvernement pendant trois ans sous Mitterrand, pendant cinq ans avec Jospin, le PCF, jamais en situation de peser sur la politique menée, n'a fait que la cautionner devant les travailleurs, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
C'est à cause de cette politique que le PCF a perdu une grande partie de ses militants et une grande partie de son influence dans la classe ouvrière. Et, aujourd'hui, sa direction en est réduite à n'avoir aucune autre perspective à proposer que de se rallier, à nouveau, tôt ou tard, au PS.
Nous ne savons pas non plus à quoi aboutiront les grands manoeuvres autour de José Bové. Il a dit qu'il ne se présenterait que s'il était soutenu par tous les partis qui sont à la gauche du Parti socialiste. Ce qui pourrait signifier le Parti communiste, une partie des Verts, des altermondialistes et la LCR.
Nous ne sommes dans le secret de personne, mais il serait étonnant que si le PCF choisissait de disparaître à la présidentielle, ce soit derrière Bové qui ne peut pas lui garantir aux législatives les places de députés que seul l'accord avec le PS peut lui garantir.
Il est donc peu vraisemblable que José Bové maintienne ses conditions et que sa candidature soit possible. Si, cependant, par extraordinaire, il réalise cette union derrière son nom, nous ne participerons pas à cette alliance hétéroclite, surtout pas avec deux partis, le PCF et les Verts, qui ont fait partie du gouvernement Jospin et qui sont responsables de sa politique et, donc, du désaveu de son propre électorat et de sa défaite.
Et puis, ce que nous avons à dire, José Bové ne le dira pas. C'est pourquoi, de toute façon, Lutte ouvrière présentera une candidature. Mais il y a de fortes chances que la LCR en fasse autant, si elle le peut? même si elle n'ose pas le dire pour le moment.
Nous serons présents dans ces campagnes électorales pour nous adresser au monde du travail et pour y défendre les intérêts vitaux de tous ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre lorsqu'ils ont du travail : ouvriers, employés, cheminots, enseignants, postiers, personnel des hôpitaux et des services publics, ou qui, aujourd'hui à la retraite après une vie de travail, n'ont qu'une pension encore plus dérisoire.
Et, puisque les campagnes électorales, et plus particulièrement l'élection présidentielle, sont les seules occasions qui nous sont données de nous faire entendre de l'ensemble des classes populaires de ce pays, nous saisirons bien sûr cette occasion pour le faire. En sachant cependant que, pour pouvoir le faire, nous avons des conditions légales à remplir et beaucoup d'obstacles à franchir.
Mais d'ici les élections, il se passera plus d'un an. Et j'espère, je souhaite que, d'ici là, les travailleurs réagissent aux coups qui leur sont portés.
Il y a eu, tout au long de l'année dernière, un grand nombre de conflits, bien souvent contre des projets de licenciements, des suppressions d'emplois ou des délocalisations, parfois sur les salaires. Ces mouvements étaient plus ou moins déterminés, plus ou moins longs.
Nathalie Arthaud en a relaté plusieurs à Lyon ou dans la région.
Il n'est pas difficile de prévoir qu'il y aura de tels mouvements l'année qui vient. Tout simplement parce que l'attitude du patronat ne sera pas moins dure cette année qu'elle ne l'a été l'année dernière et que, devant la fermeture de leurs entreprises ou d'importantes suppressions d'emplois, un certain nombre des travailleurs qui en seront victimes estimeront, à juste raison, que, même le dos au mur, il vaut mieux se battre que de se résigner.
Mais il est évident aussi que, dans le contexte d'aujourd'hui, marqué par l'importance du chômage, le rapport des forces est favorable aux patrons.
Aucun travailleur ne peut espérer dans ces conditions remporter de victoires décisives dans le cadre d'une seule entreprise ou d'une seule corporation. C'est seulement un mouvement social de grande ampleur, déterminé, touchant le gros des bataillons de la classe ouvrière, qui peut faire peur au grand patronat et au gouvernement et bouleverser le rapport des forces au point d'imposer les exigences vitales du monde du travail. Mais tout le problème est de savoir comment parvenir à cette réaction d'ensemble, qui ne se décrète pas mais qui pourrait se préparer. Et c'est là où les grandes directions syndicales ne sont pas à la hauteur des exigences de la situation, et ne veulent pas l'être !
Les confédérations syndicales ne proposent pas la politique qui serait nécessaire pour que les travailleurs reprennent confiance dans la lutte.
Les deux seules journées d'action de l'année dernière ont été tellement éloignées dans le temps l'une de l'autre qu'elles ne pouvaient pas constituer des étapes de la mobilisation nécessaire. Même l'appel à la protestation ponctuel contre le CPA le 7 février n'est pas suivi d'autres propositions pour la suite.
Les syndicats en restent aux appels catégoriels et limités, de telle façon qu'en dehors de la corporation visée, aucun travailleur ne puisse se sentir concerné.
Ce qui est grave, c'est qu'au lieu d'inspirer confiance aux travailleurs, ce type d'appel les décourage. Bien sûr, les travailleurs d'un secteur peuvent être prêts à se mettre en grève alors que les autres ne le sont pas ou pas encore. Mais une stratégie corporatiste qui transforme dès le départ les autres travailleurs en spectateurs passifs, risque de creuser le fossé entre travailleurs. Au lieu d'être un exemple à suivre pour les autres, ceux qui luttent risquent de reprendre avec le sentiment d'avoir été abandonnés.
Mais nous savons aussi que la plupart des grandes luttes du passé, celles en tout cas qui ont fait réellement trembler le grand patronat et le gouvernement, celles qui les ont obligés à reculer, sont parties de la classe ouvrière elle-même, et que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont obligé les syndicats à les suivre.
Il n'est, bien sûr, pas en notre pouvoir de provoquer cette explosion sociale. Mais il est de notre devoir de contribuer à populariser les objectifs qui répondent aux intérêts vitaux de la classe ouvrière, pour stopper l'offensive permanente du patronat et de son gouvernement.
Cela fait bien des années que nous avons commencé à développer, sous le nom de « plan d'urgence », un ensemble de revendications qui correspondent à ces objectifs. Ces revendications n'ont rien perdu de leur actualité. Bien au contraire.
Il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits, et imposer le maintien de tous les emplois en prenant sur ces profits.
Il faut que les salariés, les consommateurs et la population aient accès à toute la comptabilité des grandes entreprises. Il faut éclairer les circuits de l'argent, voir d'où il vient, par où il passe, où il va et à qui il va. Il faut connaître et rendre publics, à l'avance, les projets des grandes sociétés. La gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration, en fonction de la seule rentabilité financière, montre jour après jour à quel point elle est nuisible pour la collectivité.
Il faut une augmentation générale d'au moins 300 euros du Smic et de tous les bas salaires.
Il faut mettre fin aux contrats précaires -y compris ceux baptisé frauduleusement « nouvelle embauche » ou « première embauche ». Il faut mettre fin au temps partiel imposé. Il faut des salaires en aucun cas inférieurs au Smic ainsi augmenté, quel qu'en soit le prétexte invoqué : âge, stage?
Il faut imposer la construction par l'Etat, et non par les municipalités, d'habitats sociaux dans toutes les villes, en réquisitionnant les terrains nécessaires. Car on ne sait que trop bien que les municipalités des villes bourgeoises sont surtout sensibles à la pression de leur clientèle électorale et que les notables préfèrent payer les amendes dérisoires dont la loi les menace plutôt que de construire des logements corrects à la portée de salaires de travailleurs. Sans parler de cette dernière ignominie que vient de voter la majorité de droite qui consiste à intégrer dans le quota de logements sociaux l'accession à la propriété dans le secteur des HLM.
Il faut embaucher des enseignants en nombre suffisant pour que, dans les quartiers populaires, surtout dans les plus défavorisés, tous les enfants, et en particulier ceux issus de l'immigration et qui maîtrisent mal le français, trouvent des classes maternelles en nombre suffisant, pour que leurs effectifs permettent aux enseignants de transmettre à ces enfants les connaissances élémentaires que leurs familles sont dans l'incapacité de leur transmettre.
Il faut en conséquence contraindre l'Etat à prendre sur la classe riche, sur ses revenus et, au besoin, sur sa fortune, de quoi faire face à ces obligations. En commençant d'abord par arrêter toute subvention ouverte ou déguisée aux entreprises, et tout cadeau aux riches particuliers.
Pour imposer tout cela, il faut une lutte déterminée et radicale du monde du travail. Si dur que cela paraisse aujourd'hui, c'est moins utopique qu'espérer que les élections de 2007, quels qu'en soient les résultats, changent en quoi que ce soit le sort des travailleurs.
Voilà, amis et camarades, les revendications que nous aurons à populariser pendant la période qui vient, car elles correspondent aux intérêts vitaux du monde du travail. Nous le ferons autour de nous, dans nos entreprises comme en dehors, avec nos moyens qui sont certes limités, mais nous le ferons avec détermination. Nous le ferons pendant la campagne électorale, avec les moyens plus larges dont nous disposerons peut-être, à la télévision, à la radio, dans la grande presse.
Et j'espère, je souhaite, que tous ceux qui sympathisent avec nos idées ou qui, simplement, se retrouvent dans les objectifs que je viens d'énumérer, nous rejoignent pour mener ce combat, avant comme pendant la campagne électorale !
Alors, camarades, bonsoir, bon courage et à bientôt !
Source http://www. lutte-ouvrière.org, le 8 février 2006