Déclaration de Mme Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière, sur les raisons de la participation de LO aux élections européennes, Presles le 31 mai 2009

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Circonstance : Fête de Lutte ouvrière à Presles, du 30 mai au 1er juin 2009

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis !
Cette année, notre fête se déroule en pleine campagne des élections des députés au Parlement européen où nous présentons une liste dans chacune des sept circonscriptions de métropole.
Nous qui militons tout au long de l'année pour défendre une politique pour la classe ouvrière face aux représentants des politiques bourgeoises, nous nous devons d'être présents dans cette campagne électorale.
Il était d'autant moins question de laisser le terrain aux partis qui défendent les intérêts de la bourgeoisie que les élections européennes interviennent alors que sévit une des crises les plus graves de l'économie capitaliste depuis plusieurs décennies. La crise a amplifié et intensifié les attaques de la grande bourgeoisie et de ses serviteurs politiques contre les classes populaires.
Des commentateurs se répandent en jérémiades pour déplorer que, dans cette campagne, on parle plus de la situation en France que de l'Europe !
Mais, d'un bout à l'autre, toute l'Europe présente le même spectacle d'usines qui ferment ou suppriment des emplois. Partout, s'aggrave le chômage. Partout, se délabrent, faute de crédits, les hôpitaux, les écoles, les transports publics. Partout, la complaisance et les aides des gouvernements vont aux riches parasites, pendant que tous ceux qui travaillent, créent les richesses, font vivre la société, doivent se battre pour survivre.
Les travailleurs salariés, n'ont en rien bénéficié de la période dite de croissance, quand les profits flambaient, les actions en Bourse s'envolaient comme s'envolaient toutes les autres formes de revenus du capital . Et aujourd'hui, ce sont encore les salariés qui sont en première ligne. Ce sont eux qui subissent de plein fouet la crise de l'économie capitaliste dont pourtant ils ne sont pas responsables.
Exploités, usés, pour produire ce taux de profit à deux chiffres dont se vantaient les grandes entreprises, ils sont aujourd'hui jetés dehors, souvent après vingt ou trente ans de travail. Et, même celles et ceux qui conservent leur emploi savent que la menace de licenciement pèse sur tout le monde et que tous les travailleurs sont des chômeurs en puissance.
Les licenciements collectifs ou la fermeture d'une usine ont des conséquences d'autant plus dramatiques par les temps qui courent, que le licencié n'a pratiquement aucune chance de retrouver du travail.
Eh bien, il y a de quoi être révolté par cette organisation économique et sociale capable d'engendrer une telle catastrophe.
Cette catastrophe n'est pas due à quelques financiers trop pressés de gagner trop d'argent en peu de temps, comme l'expliquent les partis de droite. Elle n'est pas due non plus à une politique, la politique libérale, comme l'explique la gauche officielle, qui l'a d'ailleurs menée elle-même.
Elle est due au fonctionnement même du capitalisme qui ne peut pas se passer de ces purges périodiques que sont les crises.
Les patrons ne visent pas seulement à compenser au détriment des salariés la diminution de leurs ventes, ils anticipent l'aggravation de la crise. Ils suppriment préventivement des emplois, ils diminuent les salaires par le biais du chômage partiel, et les déclarations des ministres qui annoncent périodiquement la sortie du tunnel n'y changent rien.
La guerre déclenchée par le grand capital ne l'est pas seulement contre les salariés, mais contre toutes les classes laborieuses.
Lorsque les trusts de l'agro-alimentaire ou les mammouths de la distribution réduisent de 30 % le prix auquel ils achètent le lait aux petits producteurs, tout en ne bougeant pas d'un centime le prix de vente aux consommateurs, qu'est-ce donc, si ce n'est du vol pur et simple et une attaque directe contre les petits paysans ?
Et puis, il y a bien d'autres catégories populaires qui, même lorsqu'elles ne sont pas directement attaquées par les groupes capitalistes, subissent les contrecoups des attaques contre les salariés. Lorsqu'une usine ferme ou licencie, c'est une agression non seulement contre les salariés, mais aussi contre tous ceux, épiceries, boulangeries, bistrots, dont les travailleurs constituent la clientèle.
Voilà ce qui se passe, pas seulement en France, mais partout en Europe. Le responsable de cette situation désastreuse n'est pas l'Europe, mais le capitalisme. L'Europe, comme tous les pays qui la composent, est dominée par les mêmes grands groupes capitalistes qui ont pour préoccupation exclusive d'accroître leurs profits, quitte à ruiner toute la société. Alors, les véritables frontières ne passent pas entre les différents pays d'Europe, mais entre les classes sociales : d'un côté, les banquiers, les gros actionnaires des entreprises, la bourgeoisie qui non seulement s'en tire malgré la crise mais qui, bien souvent, accroît sa richesse et ses privilèges grâce à la crise ; et de l'autre côté, tous ceux dont l'avidité des possédants démolit les conditions d'existence.
Il n'est évidemment pas dans le pouvoir du Parlement européen de porter remède à cette catastrophe sociale. Les grands partis qui prétendent que, si l'on vote pour leurs listes, l'Europe sera meilleure, sont de fieffés menteurs. Ils savent que ce Parlement n'a pas le pouvoir d'interdire les licenciements, ni celui d'imposer des hausses de salaire. Il n'a surtout pas le pouvoir de toucher au grand patronat et à ses intérêts.
Pour convaincre les électeurs qu'il faut quand même aller voter alors qu'ils sont préoccupés par des problèmes bien plus graves, on leur serine que la majorité des lois viennent désormais des institutions européennes. Mais les décisions importantes ne sont prises que si les gouvernements nationaux se sont mis d'accord. Ce Parlement européen, même si ses pouvoirs législatifs s'élargissent peu à peu, n'est qu'un décorum pseudo-démocratique pour donner aux institutions européennes la caution des électeurs.
Alors, ce que cherchent les grands partis dans ces élections, ce n'est pas faire prévaloir une certaine idée de l'Europe.
Si son score est bon, la majorité de droite s'en servira pour dire que l'électorat a confirmé la politique de Sarkozy, ses prétendues réformes qui sont autant d'attaques contre les classes populaires.
Le Parti socialiste, lui, se servira de son propre score pour conforter sa prétention à revenir au gouvernement et gouverner, comme il le fait chaque fois qu'il en a la possibilité, au profit du grand patronat.
Les partis de droite sont dans leur rôle lorsqu'ils font une vertu de leur servilité envers la grande bourgeoisie. Ce sont des ennemis ouverts des travailleurs et ils s'en cachent d'autant moins qu'ils trouvent leur électorat dans cette partie réactionnaire de la petite bourgeoisie, nombreuse en France, qui hait les ouvriers.
Cette petite bourgeoisie réactionnaire et anti-ouvrière navigue, au gré des circonstances, entre les candidats de droite et d'extrême droite. Lors de la présidentielle, Sarkozy avait réussi à la conquérir au détriment de Le Pen en reprenant le langage et les gestes politiques de ce dernier.
Eh bien, pour remobiliser cet électorat, les ténors de l'UMP ressortent les mêmes ficelles qu'il y a deux ans ! Et Darcos de partir à la chasse aux armes dans les lycées et les collèges. Portiques de détection de métaux à l'entrée des établissements scolaires, transformation des proviseurs en officiers de police, et des professeurs en matons chargés de fouiller les élèves...
C'est parfaitement ridicule, surtout en supprimant en même temps des milliers de postes d'enseignants et de surveillants. Cette démagogie sécuritaire a non seulement une utilité électorale, mais elle sert aussi à masquer la grande misère des écoles des quartiers populaires.
Et puis, voilà aussi la droite repartie en croisade contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Et Xavier Bertrand de faire frissonner dans les bonnes familles devant la menace d'une Europe qui aurait une frontière commune avec l'Irak !
Si l'on veut le prototype d'un politicien en phase avec l'électorat réactionnaire, on peut prendre ce député de l'UMP, affectueusement surnommé « le pitbull de Sarkozy » qui a eu l'idée de proposer, il y a quelques jours, que les travailleurs en congé maladie ou les femmes en congé maternité puissent continuer à exercer leur activité par le télétravail. Il a présenté son idée comme un « nouveau droit » pour les travailleurs ! Même le parti gouvernemental l'a désavoué, en tout cas pour le moment. Mais ce sont des gens comme ceux-là qui se posent en représentants du peuple !
Le Parti socialiste, lui, aimerait pouvoir capter à son profit le vote de tous ceux qui sont, à juste raison, dégoûtés de la clique de Sarkozy-Fillon, de ses « réformes », de sa politique anti-ouvrière. Mais, apparemment, il a du mal. L'électorat populaire, tout en n'ayant pas envie de voter pour Sarkozy, n'a pas envie pour autant de voter pour le Parti socialiste.
Les cinq ans de pouvoir de la « gauche plurielle », c'est-à-dire d'un gouvernement dirigé par les socialistes, flanqués du Parti communiste, n'ont pas laissé de souvenirs impérissables. En tout cas, pas de bons !
Quant à la politique défendue par le Parti socialiste à l'occasion de ces élections, elle n'a vraiment pas de quoi attirer. Le Parti socialiste parle dans cette campagne d'« Europe sociale ».
Mais l'« Europe sociale », c'est une expression creuse qui ne veut rien dire, c'est de la fumisterie ! Par moment, même la droite la reprend à son compte. Le capitalisme social n'a pas plus de sens pour l'Europe qu'il n'en a pour la France.
Alors, il ne reste au Parti socialiste qu'à employer le vieux slogan du « vote utile » ou du « vote efficace ». Mais efficace à quoi et à qui ? C'est un slogan qui vise toujours à amener les électeurs à ne pas voter selon leurs convictions.
L'expression d'« Europe sociale » a été reprise aussi sur la gauche du Parti socialiste, notamment par la coalition du Front de gauche qui réunit le Parti communiste et le Parti de gauche. Mais elle n'a pas plus de sens dans la bouche de Mélenchon et de Marie-George Buffet que dans celle de Martine Aubry, voire de Bayrou ou de Barnier.
Le Front de gauche brandit aussi comme argument électoral son opposition au traité de Lisbonne, accusé d'être responsable de ce qu'il appelle « la dérive libérale de l'Europe », en sous-entendant par là la crise, les licenciements et, au bout du compte, toutes les attaques contre les classes populaires.
Cela pourrait n'être que stupide car, il faut le rappeler, le traité de Lisbonne n'a même pas encore été adopté.
Mais brandir le traité de Lisbonne, c'est surtout une tromperie visant plus particulièrement l'électorat populaire.
Le Parti communiste s'est fait une spécialité d'accuser les traités pour ne pas accuser le système capitaliste lui-même que, par ailleurs, le PC comme Mélenchon ont justifié et servi en participant au gouvernement Jospin.
Bien sûr que tous les traités qu'ont édifié au fil des ans les institutions de l'Union européenne sont des traités faits par et pour la bourgeoisie. Le traité de Lisbonne est, de plus, la copie conforme du projet de Constitution européenne. Il a été rejeté en France par l'électorat en 2005, avant que Sarkozy l'impose en le faisant voter par des députés à sa botte. Nous avons été de ceux qui ont appelé lors du référendum à voter contre ce projet. Mais faire de ce traité la source de tous les maux du capitalisme est une escroquerie.
Ce ne sont pas ces traités qui fondent la dictature des groupes capitalistes sur la société. Un patron n'a pas besoin que le traité de Lisbonne entre en application pour exploiter en temps ordinaire ses travailleurs ou pour les licencier lorsque tel est son intérêt.
Le Front de gauche qui se veut en guerre contre ce qu'il appelle le « social-libéralisme » retrouve le vieux discours des réformistes. Au lieu de désigner aux travailleurs leur véritable ennemi, ils agitent un leurre.
Eh bien, oui, c'est le capitalisme qu'il faut combattre, pas un traité parmi les myriades de traités qui accompagnent son histoire. L'ennemi de la classe ouvrière n'est pas un chiffon de papier, mais une classe exploiteuse en chair et en os, la bourgeoisie.
Pour notre part, le programme que nous défendons dans ces élections n'est pas un programme électoral. Il ne l'est pas au sens que nous n'en espérons la réalisation ni du Parlement européen ni du parlement national ni d'aucune des institutions qui sont toutes des institutions de la bourgeoisie.
Les exigences formulées dans ce programme, qui sont vitales pour empêcher la classe capitaliste de pousser vers la déchéance les classes productives de la société, ne pourront être réalisées que par de grandes luttes ouvrières comparables à celles qu'avaient provoquées en son temps la crise des années 1930.
Nous ne disons pas « votez pour ce programme pour que le Parlement européen le réalise ». Nous disons « votez pour ce programme pour que tous ceux qui s'y retrouvent puissent l'exprimer avec nous, se reconnaître et se compter ».
L'idée centrale de ce programme est avant tout qu'il ne faut pas laisser aux grands groupes industriels et financiers le droit de décider sans le moindre contrôle la stratégie de leurs entreprises, de ce qu'elles produisent ou ne produisent pas, dans quoi elles investissent, où et pourquoi.
Aujourd'hui, les travailleurs d'une entreprise, leurs familles et la collectivité dans laquelle ils vivent sont les derniers à apprendre que l'usine ferme. Pourtant, lorsque des centaines et des milliers de travailleurs sont jetés à la rue, toute la vie sociale d'une ville se trouve bouleversée.
Eh bien, il ne faut pas laisser les groupes capitalistes décider souverainement d'une délocalisation ou de la fermeture d'une entreprise !
Tous les maux de la vie sociale, le chômage, la pauvreté croissante dans les classes populaires, viennent en dernier ressort de ce que la vie économique est dirigée par quelques dizaines, ou tout au plus quelques centaines, de conseils d'administration de grandes sociétés capitalistes qui n'ont rien à faire de la vie des hommes et qui ne sont préoccupés que du profit de leurs actionnaires.
Il n'y a pas d'autre moyen de conjurer la catastrophe sociale que de nous en prendre à la dictature de ces groupes capitalistes et les soumettre au contrôle de la population.
Il faut supprimer le secret bancaire et le secret des affaires afin de rendre transparent et public ce qui se passe dans les finances des entreprises. Il faut savoir d'où vient l'argent et où il va. Il faut démasquer les circuits de la spéculation qui détournent l'argent des investissements productifs et qui ont conduit à la crise financière. Il faut dévoiler, par avance, les projets des patrons afin que les travailleurs et la collectivité puissent réagir contre les projets qui sont nuisibles.
Il faut connaître les relations entre les grandes entreprises et leurs sous-traitants, comme entre les petits producteurs et les grandes chaînes commerciales. Qui empoche les marges ? Quels sont les dessous-de-table ? Qui étrangle qui ?
Et on verrait qu'il est possible de préserver tous les emplois et d'assurer à tous les travailleurs un pouvoir d'achat correct. A condition de faire ce choix-là plutôt que de se préoccuper exclusivement des dividendes des actionnaires et des intérêts à verser aux banques.
Les profits présents et passés qui partent dans la spéculation seraient mieux utilisés à stopper les licenciements en finançant la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire. Ils seraient mieux utilisés à augmenter les salaires et les retraites pour relancer la consommation populaire. Votez Lutte Ouvrière pour marquer votre opposition radicale au gouvernement actuel, servile devant les riches et ennemi ouvert des classes populaires et pour vous démarquer de ceux qui veulent le remplacer sans remettre en cause le système capitaliste.
Votez Lutte Ouvrière pour exprimer la colère de l'électorat populaire contre ceux qui l'exploitent et le grugent !
Prononcez-vous pour une Europe unie d'un bout à l'autre du continent, ouverte sur le monde mais débarrassée des exploiteurs !

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 12 juin 2009