Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la réouverture du musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole (le LaM), Villeneuve d'Ascq le 21 septembre 2010.

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Circonstance : Inauguration du musée d'art moderne de Lille métropole (LaM) à Villeneucve d'Ascq le 21 septembre 2010

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La réouverture d'un musée est toujours un moment rare, un instant privilégié. Ce sentiment plonge ses racines dans l'invention même de l'idée de musée, à la Révolution, autour d'hommes comme Vivant Denon et Alexandre Lenoir. A Villeneuve d'Ascq, dans cette ville nouvelle à l'architecture soignée, résolument tournée vers l'avant garde, à une époque où les collections publiques d'art moderne et contemporain n'étaient pratiquement pas représentées dans la Région Nord-Pas-de-Calais, Roland Simounet a conçu à un lieu fascinant. Un lieu empreint d'une certaine écriture méditerranéenne, un lieu également ancré dans l'inspiration des pays du Nord, afin d'abriter la prestigieuse donation faite par Geneviève et Jean Masurel en 1979.
Respect des lieux, respect des hommes... Ces principes, hérités de Le Corbusier, guidèrent toujours les réalisations de ce grand architecte né près d'Alger qui, après des études à l'école des Beaux-arts de Paris, retourna en Algérie en 1952 pour étudier l'habitat populaire et appliqua ses recherches à des ensembles de logements. De retour à Paris, d'importants programmes culturels lui valent une reconnaissance internationale. Trois musées confirment que la lumière et l'espace sont ses terrains de prédilection: le musée de la Préhistoire à Nemours, le musée Picasso et ce musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq inauguré en 1983, pensé comme l'alliage harmonieux d'une collection, d'une architecture et d'un parc exceptionnels.
Roland Simounet a accompli ici un travail admirable dont il définissait lui-même les ambitions et les enjeux par ces quelques mots « ... géométrie claire, espaces qui s'enchaînent et appellent d'autres espaces, tout à la faveur des oeuvres. »
Restructuré et agrandi, c'est à ce défi que répond magistralement aujourd'hui, après quatre années de travaux, le LaM, le musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole. Ce dernier propose l'accès à une prestigieuse collection d'art moderne, à un ensemble d'oeuvres d'art contemporain de référence et à une collection d'art brut sans égale en France.
La nouvelle identité du musée, le LaM, doit beaucoup au soutien sans faille que Lille Métropole Communauté Urbaine apporte à l'établissement depuis vingt-cinq ans. La Communauté urbaine de Lille développe, chère Martine AUBRY, une politique culturelle particulièrement dynamique et innovante, en tirant bénéfice de la formidable vitrine que fut Lille 2004 Capitale européenne de la Culture, mais aussi avec l'ambition de préparer ce que seront les contours de la métropole en l'an 3000. Riche de musées de référence internationale et forte de grandes institutions, telles que l'Orchestre National de Lille et l'Opéra, elle encourage par ailleurs les nouvelles formes de création grâce au réseau des Fabriques culturelles et l'ensemble des maisons « Folie », qui forment à leur manière de nouvelles maisons de la culture. Elle compte également de nombreux lieux émergents parmi lesquels se distinguent la gare Saint Sauveur, le Tripostal qui accueillera prochainement « La route de la soie » de la Fondation Saatchi, et une multitude de lieux animés de collectifs, d'artistes et de créateurs en tout genre.
Je me réjouis du soutien de l'Etat à ce grand projet en région qui nous réunit aujourd'hui. L'Etat depuis des années accompagne la Région Nord Pas de Calais dans tous les domaines culturels, et notamment dans la conservation et la mise en valeur du patrimoine du XXe siècle et du patrimoine industriel, très présents sur le territoire.
Le gouvernement français a déposé, je le rappelle, le 25 janvier dernier le dossier de proposition d'inscription du Bassin minier du Nord et du Pas de Calais sur la Liste du Patrimoine mondial. Le patrimoine minier est en effet le témoignage du labeur et de l'activité de ces femmes et de ces hommes qui ont contribué à l'industrialisation de notre pays et au tournant de la modernité. Je me félicite de cette candidature exceptionnelle par son contenu et son ampleur. Je sais qu'elle est portée avec passion et exigence par toute la population régionale. Il me paraît essentiel de consacrer cette mémoire, celle du travail et de la mine, qui a marqué plusieurs générations, qui a façonné les paysages du Nord. Aujourd'hui préservé, ce patrimoine industriel riche d'enseignements sur l'histoire des techniques, sur l'histoire de l'architecture et de l'habitat, mais aussi sur les rapports de l'Homme et de son environnement.
La Région Nord Pas de Calais est aussi la première à avoir signé une convention avec l'Etat en faveur de la rénovation d'un grand nombre de ses musées. Ceux-ci s'inscrivent dans un réseau particulièrement riche et diversifié. Il s'agit d'une politique d'aménagement du territoire d'autant plus exemplaire qu'elle couvre toute la région et concerne des établissements très divers par leur taille et par la thématique de leurs collections. Dans ce cadre, plusieurs établissements ont déjà été rénovés, notamment les musées des Beaux-Arts de Cambrai, de Valenciennes et le Palais des Beaux-Arts de Lille, le Centre minier de Lewarde, la Chapelle du musée de la Chartreuse de Douai, le musée Matisse du Cateau-Cambrésis, l'hôtel Sandelin de Saint-Omer. D'autres ont été créés : la Piscine de Roubaix, la cité internationale de la Dentelle et de la Mode de Calais. Parmi les projets en cours, il y a bien sûr la construction du Louvre Lens, et nous inaugurerons le mois prochain la rénovation de l'un des fleurons de l'architecture civile flamande du XVIe siècle, l'Hôtel de la Noble-Cour abritant le musée départemental de Flandre à Cassel et l'extension du musée des Beaux-Arts de Tourcoing- Eugène Leroy. Je sais aussi que la rénovation du musée d'histoire naturelle de Lille est un projet qui est à l'étude ; c'est un projet à très fort potentiel.
J'ai annoncé le 9 septembre la mise en place d'un plan pour les Musées en régions. A travers une sélection de 79 musées, répartis dans l'ensemble des régions de France, j'ai souhaité mettre en lumière de remarquables projets de création, de rénovation, d'extension de musées afin de mieux faire connaître les richesses artistiques de notre territoire. Par ce plan, je souhaite réaffirmer le rôle majeur des musées dans l'aménagement et le développement culturel et économique des territoires.
Les Musées de France sont des points d'appui solides pour notre politique culturelle mais aussi pour l'attractivité de notre pays, comme j'ai pu le constater dans le « tour de France» des musées que j'ai entrepris depuis plus d'un an. Des réussites récentes, comme le magnifique musée Fesch d'Ajaccio que j'ai eu le plaisir de découvrir cet été, ont ainsi fait la démonstration de l'attractivité des musées dès lors qu'ils bénéficient d'un effort d'investissement suffisant et d'une gestion active. D'autres projets sont près d'aboutir et rencontreront, je n'en doute pas, un grand succès, comme le musée Lalique de Wingen-sur-Moder, en Alsace, qui s'appuie sur un projet de revitalisation du territoire mais aussi sur le stimulant projet architectural de Jean-Michel Wilmotte.
Avec ce plan, je fais de cet engagement pour les musées en régions une priorité forte de mon ministère, qui mobilisera près de 70 millions d'euros sur le projet de loi de finances 2011-2013.
Par ce plan, l'Etat réaffirme sa volonté de renforcer le rééquilibrage territorial, dans le cadre d'une « nouvelle donne » et d'un dialogue rénové avec les collectivités locales. Car c'est aussi une manière de reconnaître l'investissement et l'engagement des collectivités territoriales, qui sont les premiers acteurs en régions, et de donner la plus grande visibilité aux projets qu'elles portent.
Dans la Région Nord-Pas-de-Calais, le plan musées concernera quatre établissements. Le projet de rénovation du musée des Beaux-arts d'Arras, installé dans une abbaye bénédictine construite pendant la deuxième partie du XVIIIe siècle, constituera l'un des axes majeurs d'un projet de pôle culturel intégrant musée, médiathèque, conservatoire, associations culturelles et patrimoniales. A Roubaix, l'extension du musée d'art et d'industrie - La Piscine permettra d'accueillir l'atelier-musée Henri Bouchard, et de reconstituer in situ l'atelier du sculpteur. La réalisation d'un niveau supplémentaire au musée des Beaux-arts de Tourcoing permettra d'abriter la donation importante des fils de l'artiste Eugène Leroy, originaire de la région. Enfin, la construction d'un nouveau bâtiment à proximité de l'atelier permettra au musée de Sars Poteries, actuellement installé dans une maison de maître trop exigüe, de répondre aux exigences nouvelles de présentation des collections et d'accueil du public.
Nombreux sont ces projets exemplaires qui illustrent l'ambition partagée des collectivités et de l'Etat pour nos musées. Je crois que l'extension de ce musée d'art contemporain, d'art moderne et d'art brut que nous avons la joie d'inaugurer aujourd'hui en est un des symboles les plus éclatants.
L'impressionnante collection d'art brut de L'Aracine donnée à la Communauté urbaine de Lille en 1999 est au coeur de ce projet d'extension du musée. En le confiant à l'agence Manuelle GAUTRAND, la Communauté a fait le choix de la continuité et de l'audace. L'architecte a signé un projet personnel qui présente une architecture aux formes souples et organiques qui s'inscrit pleinement dans la continuité de l'oeuvre de son prédécesseur, Roland Simounet, inscrite depuis 2000 à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Architecte notamment de l'étonnante façade Citroën sur les Champs Elysées, de la nouvelle Cité des affaires de Saint-Etienne, grand jeu de cubes coloré de jaune et de noir béton, de la restructuration de la Gaîté lyrique qui devrait être inaugurée d'ici à décembre, Manuelle GAUTRAND fait partie de ces architectes, que la difficulté ne décourage pas.
Je tiens à saluer la qualité architecturale de cette réalisation qui embrasse les façades nord et est de l'édifice historique. Sans s'imposer, elle se déploie en forme de doigts, de racines ouvertes sur le parc. Elle respecte l'esprit et la mémoire du lieu, en instaurant un dialogue d'une grande subtilité avec le paysage. Les deux constructions si différentes finissent par se rejoindre dans les multiples points de résonances empruntés par Manuelle GAUTRAND au bâtiment de son aîné.
Je voudrais saluer également la belle scénographie imaginée par Renaud PIERARD et le réaménagement du parc confié à l'agence d'architectes paysagistes AWP, conçu comme un musée à ciel ouvert et enrichi encore, récemment, d'un bel ensemble de sculptures de Eugène DODEIGNE. Les liens unissant les oeuvres du parc et celles des cimaises se révèleront d'autant à la nuit tombée, lorsque l'éclairage intérieur du musée fonctionnera comme une lanterne. A mes yeux, il n'est d'invention du musée au XXIe siècle sans geste architectural fort : de nombreux exemples en France et dans le monde en témoignent, comme le centre Pompidou-Metz ou le musée Guggenheim de Bilbao.
Avec une surface d'exposition de plus de 4 000 m2, le LaM est désormais le premier musée à présenter simultanément des collections d'art moderne, avec la prestigieuse donation de Jean et Geneviève Masurel, dont je salue très chaleureusement les héritiers qui nous font le plaisir d'être parmi nous aujourd'hui. Des collections d'art contemporain, grâce à une remarquable politique d'acquisition complétée par un transfert de propriété du FNAC en 2007 de trente-cinq oeuvres dont La cabane éclatée aux trois peaux de Daniel Buren. Enfin la plus grande collection française d'art brut issue de la donation de l'association L'Aracine, dont je salue le Président Bernard CHEROT. Bernard CHEROT a succédé à Madeleine LOMMEL qui nous a quittés en avril 2009 et qui avait constitué cette fabuleuse collection avec deux autres amateurs passionnés, Michel NEDJAR et Claire TELLIER.
La présentation simultanée de ces collections permet une approche renouvelée de l'art des XXe et XXIe siècles. Elle modifie notre lecture de l'histoire de l'art, notamment dans le cadre des grandes expositions temporaires qui seront proposés. Conçue comme une promenade, comme une constellation rassemblant les différents espaces du musée, l'exposition inaugurale Habiter poétiquement le monde, ouvre ce nouvel âge du musée en mettant en évidence les liens existants entre l'art brut et l'art contemporain. Je félicite Savine FAUPIN, conservatrice en chef en charge de l'art brut au LaM, Christophe BOULANGER, attaché de conservation au LaM et François PIRON, critique d'art, qui ont assuré le commissariat de cette manifestation.
Avec la bibliothèque Dominique BOZO, riche de plus de 40 000 ouvrages augmenté récemment d'un fonds important légué par Maurice JARDOT, et son centre de recherches, complété d'un auditorium et d'un centre de restauration, le LaM est aussi un lieu d'études, de formation, et de rencontres. Le LAM témoigne de la vitalité et de la créativité de nos musées, tout à la fois projets urbains, pôles touristiques, lieux de connaissance et source d'émerveillement. Ils sont aujourd'hui des lieux vivants, innovants, stimulants ; ils sont aussi de véritables laboratoires ouverts aux nouvelles pratiques culturelles.
La réussite de cette réalisation nous la devons à la volonté et à l'engagement financier de Lille Métropole Communauté urbaine et au soutien du Département du Nord auxquels se sont ajoutés des fonds européens. Je salue tout particulièrement, l'action des équipes municipales successives de la Communauté Urbaine de Lille qui ont porté ce projet avec constance, et plus particulièrement ses deux présidents successifs, Pierre MAUROY et Martine AUBRY.
Il est aussi le fruit des efforts étroitement concertés des présidents du musée, Jean-Michel STIEVENARD et, depuis 2008, Olivier HENNO, sans oublier naturellement Joëlle PIJAUDIER-CABOT qui a dirigé le musée pendant de nombreuses années et à porter le projet scientifique de cette réalisation avec toute l'équipe de conservation, notamment Savine FAUPIN et Nicolas SURLAPIERRE.
Je tiens également à féliciter Olivier DONAT, administrateur général du LaM qui, avec efficacité, a assuré, avec toute l'équipe de conservation, l'intérim de la direction du musée après le départ de Joëlle PIJAUDIERCABOT, et qui a permis au musée de demeurer actif durant cette période de travaux, avec des expositions comme « Des fantômes et des Anges », en 2007 au musée des Arts contemporains du Grand-Hornu et « Hypnos » en 2009 au musée de l'Hospice Comtesse dans le cadre de Lille 3000.
Je tiens à adresser toutes mes félicitations à Sophie LÉVY directrice-conservatrice du LaM qui en a pris la direction en juillet 2009. Elle s'est investie avec passion et ténacité pour que cette aventure humaine et artistique aboutisse.
L'Etat s'est engagé dès le début dans ce programme en apportant son soutien financier mais également la compétence de ses services : ceux de la direction générale des patrimoines et tout particulièrement du service des musées de France, mais aussi, chère Véronique CHATENAY-DOLTO, ceux de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) qui ont toujours été présents et attentifs.
Musée de collections, mais aussi musée de collectionneurs, ouvert à de nombreux publics, le LaM sera porté par les relations qu'il entretient avec de nombreux partenaires publics et privés comme les universités, les grandes écoles, les institutions culturelles et les entreprises. Il sera amené à rayonner sur l'Europe du Nord, à travers notamment une coopération renforcée avec la Belgique. Je tiens à saluer à cette occasion mon homologue Melchior WATHELET, ministre fédéral belge, ainsi que les élus et les directeurs d'établissements culturels belges qui sont aujourd'hui présents.
Je forme des voeux de très grand succès pour ce musée qui offre aujourd'hui la possibilité d'une réflexion sur la genèse de l'oeuvre d'art et sur la pluralité des formes d'expression de l'art vivant, depuis les oeuvres les plus spéculatives jusqu'aux créations les plus spontanées.
Avec le LaM, chaque visiteur peut accéder au patrimoine et à la création contemporaine dans un dialogue permanent et stimulant. En créant un dialogue entre art brut et art contemporain, en empruntant des chemins qui empruntent autant au rhyzome de Gilles Deleuze qu'à la correspondance selon Baudelaire, le LaM revient à la source même de la création.
Il participe à l'idée que je me fais du musée pour le XXIe siècle, un lieu souvent magique, un lieu de plaisir et de découvertes, un lieu accessible à chacun. Un lieu qui ne doit pas être ce « pays lointain » réservé à quelques uns mais bien cet « univers familier ». Car « c'est à la vue des chefs d'oeuvre qu'on se sent né pour de grandes choses et qu'on s'essaye à vivre dans la postérité », ainsi que le rappelle François-Marie Puthod, député du Mâconnais à la Constituante de 1790 et membre de la Commission des Monuments.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 27 septembre 2010