Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à La Chaîne info LCI le 20 octobre 2010, sur les mouvements de protestation contre la réforme des retraites, le bilan du plan de relance de l'économie et la perspective d'un remaniement ministériel.
Texte intégral
C. Barbier.- P. Devedjian, bonjour.Bonjour.
Plusieurs dépôts de carburant débloqués par la police, tôt ce matin. Pourquoi ce choix de la force ?
De la part des manifestants, vous voulez dire ? De la part des casseurs ?
Eh bien non, de la part des forces de lordre !
Non, mais parce que la loi doit être établie, défendue. On ne fait pas la politique dun pays par la rue, par la violence, et par des actes illégaux. Vous plaisantez.
Est-ce que la violence narrange pas, quand même le Gouvernement ? O. Besancenot dit même : « Ces incidents sont voulus par le gouvernement, cest signé « Furax ». Que lui répondez-vous ?
Je lui réponds quil a déclaré lui-même quil fallait refaire un mai 68. Je linvite à réfléchir sur la manière, dailleurs, dont mai 68 sest terminé, très mal pour la gauche.
Dans des législatives après une dissolution, mais il y avait eu des avancées sociales en mai 68.
Bien sûr, mais on nest plus dans cette situation, aujourdhui. On est dans une situation économique beaucoup plus difficile, une retraite sur dix est payée par lemprunt, on nest pas en situation de distribuer des avantages sociaux. Et puis je vais vous dire, ce qui se passe aujourdhui dans la rue, dans le pays, les grèves, les blocages, tout ça appauvrit le pays et rend encore plus difficile la distribution davantages sociaux.
Eh bien justement, lintersyndicale a lieu demain, demandez-vous aux syndicats darrêter leur mouvement, espérez-vous la fin de lunité syndicale ?
Non, mais, ce que jespère surtout, cest que les syndicats appellent à la responsabilité et au respect des lois. Quand je vois quand même que même la CFDT envoie un certain nombre de militants, qui dégonflent les pneus de transporteurs de carburant, qui bloquent, qui se livrent à des actes de violence, cest quand même assez navrant, je dirais, sur la responsabilité de gens qui ont toujours montré un grand respect de la République.
Cest tout simple pour que cela sarrête, il suffit que N. Sarkozy accepte douvrir une table-ronde, des états généraux des retraites. B. Thibault, lui, demande de reprendre cette négociation.
Mais, attendez, la négociation elle na jamais cessé. La loi sur les retraites, elle a évolué 18 fois.
Concertation, mais, vraiment négociations ?
18 fois ! Il y a eu 18 modifications importantes, significatives, dans le projet de loi. Vous ne pouvez pas trouver, vraiment, plus douverture quil ny en a eues de la part du Gouvernement dans cette situation.
Une fois le texte voté, est-ce que vous serez favorable, quand même, à un grand Grenelle des retraites, pour préparer la suite ?
Le Gouvernement demeure ouvert à la négociation, à la discussion, au débat, mais cest le Parlement qui fait la loi. On est dans une démocratie. Ce nest pas par la violence quune minorité, et une minorité violente, peut imposer son point de vue à une majorité.
Vous tirez aujourdhui le bilan de cette relance, dont vous êtes le ministre, avec un document : « Le bilan du plan de relance 2009/2010 ». 400 000 emplois créés, dites-vous, de 18 000 à 72 000 maximum, répond la Cour des Comptes, alors, pouvez-vous prouver ce que vous dites ?
Mais oui, bien sûr. Dabord, la Cour des Comptes, elle ne sest placée quà un moment donné du développement du plan de relance. Moi je fais le bilan au bout de deux ans. Ensuite, nous les avons comptés pratiquement un par un, les emplois créés. Chaque fois que nous avons soutenu une entreprise qui était au bord du dépôt de bilan, par exemple, et cest arrivé assez souvent, eh bien nous avons compté le nombre demplois que nous avons évité denvoyer au chômage.
Alors, est-ce que cette relance na pas coûté plus cher aux finances publiques quelle na rapporté ? En termes de croissance, ça se débat, dit la Cour des Comptes.
Mais, écoutez, cest très simple, la France a la plus petite récession dEurope en 2009, - 2,5. LAllemagne, à laquelle on se compare tout le temps, cest - 4,9. Donc cest un succès de ce point de vue-là.
Oui, mais cest cher payé, quand même.
Vous savez, la crise a de toute façon coûté très cher. Moi je préfère quelle ait coûté cher... Cest vrai que cest cher payé, dépenser 39 milliards, mais cest cher payé pour faire de linvestissement, cest-à-dire des choses qui vont durer, qui vont continuer à être utiles tout au long de la vie. Et puis cest cher payé, aussi, mais cest quelque chose qui nous a évité de payer encore plus, peut-être, si on avait simplement subi la crise, parce que la crise, ça coûte cher.
Alors, il y a un point qui semble navoir pas fonctionné, cest laide aux embauches dans les très petites entreprises. Le reconnaissez-vous et comment lexpliquez-vous ?
Oui... non non, je pense que ça a aidé les Très petites entreprises, mais que ça na pas amené des emplois supplémentaires, parce quil y a là un effet daubaine, disons-le clairement, les Très petites entreprises, elles embauchent, en gros, près de 1,8 million de personnes par an. Et donc, nous avons donné une prime à des personnes qui sans doute auraient été embauchées quand même. Mais, les Très petites entreprises subissaient la crise de plein fouet, mais cette prime les a aidées à soutenir leur activité pendant la crise.
Est-ce que la suite de votre relance, cest les propositions de la Commission Attali, cest-à-dire la hausse de la TVA et beaucoup de rigueur sur les dépenses ?
Eh bien alors, après, nous devons entrer dans une politique de croissance. La politique de la relance a été une politique pour endiguer la crise, la bloquer, et je crois que lon y est arrivé. Maintenant, il faut une politique de relance, pour gagner de la croissance et cest comme ça quon va désendetter notre pays.
En augmentant les impôts aussi ?
Pas nécessairement, dabord parce que les impôts de la France sont plus élevés que la moyenne européenne, et que de ce point de vue là on handicape notre économie et donc on atteint notre compétitivité si on augmente les impôts, mais surtout en faisant de la croissance, ce qui permettra peut-être, effectivement, de donner de la souplesse.
Quand on voit Cameron, en Grande-Bretagne, demander 25 % déconomies à tous les ministères...
Oui.
... on se dit que la vraie rigueur elle est là-bas et que nous, on est laxistes.
Enfin, excusez-moi, mais la Grande-Bretagne, elle a loupé son plan de relance, elle a fait ce que les socialistes avaient demandé, elle a haussé la TVA, enfin elle a baissé la TVA et monsieur Cameron vient de la rehausser maintenant, ce qui prouve que la mesure était totalement à contre-courant, et elle a fait - 4,6 en 2009, la Grande-Bretagne, avec sa politique de soutient prioritaire à la consommation.
J.-L. Borloo, Premier ministre, à 99 %, cest le Canard Enchaîné qui lassure, en citant N. Sarkozy. Confirmez-vous ?
Je nai aucun moyen de confirmer ni dinfirmer.
Alors, souhaitez-vous, J.-L. Borloo à Matignon ?
Ce serait un excellent Premier ministre, cest dailleurs le choix du président de la République... si cest le choix du président de la République, il est certainement bon.
Aimeriez-vous être ministre dans le gouvernement de J.-L. Borloo, puisque vous allez quitter ce poste de la Relance, mais il y en a dautres ?
Non, ça ce nest pas le sujet, moi ce qui mimporte cest dêtre utile, et je suis très attaché, aujourdhui au développement de mon département qui a quand même beaucoup souffert de la crise. Jai réussi mon plan de relance et cest normal que ma mission sachève. Pour le reste, cest le problème du président de la République.
Alors, dans votre département, justement, J. Sarkozy, le fils du Président, est candidat comme délégué de la circonscription Neuilly- Puteaux. Vous le soutenez ?
Mais bien sûr. De toute façon il ne va faire quune bouchée des quatre concurrents quil a eus. Cest normal quil ait des concurrents, cest la vie démocratique dun parti, mais il a fait un excellent travail dans sa circonscription, il sera réélu sans problème.
Ce nest pas un rival, pour vous, au département, ou plus tard ?
Mais non, mais non.
La garde à vue à la française, condamnée par la Cour de cassation, pour incompatibilité avec le droit européen, y compris en cas daffaires de terrorisme. Est-ce que lavocat que vous êtes est satisfait ?
Oui, bien sûr. Vous savez, cest ce qui se passe dans toutes les grandes démocraties, le droit à lavocat dès la première heure de garde à vue.
P. Devedjian, le bilan du plan de relance 2009/2010, merci, bonne journée.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 5 novembre 2010
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