Texte intégral
Monsieur linspecteur général des finances,
Monsieur le vice-président du Conseil national des barreaux,
Monsieur le président de la conférence des bâtonniers,
Monsieur le bâtonnier de lordre des avocats de Paris,
Mesdames et Messieurs les représentants des avocats, des juristes dentreprise et du monde économique,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir en ces lieux à loccasion de la discussion sur les suites à donner au rapport que Monsieur PRADA nous a remis, à Christine LAGARDE et moi-même, à la fin du mois davril, pour échanger et débattre de cette question importante quest la place du droit dans nos entreprises.
Dans le cadre de votre mission, Monsieur PRADA, vous avez pris le soin de rencontrer lensemble des acteurs concernés, dont beaucoup sont parmi nous aujourdhui : représentants du monde de lentreprise, de la profession davocat, mais aussi des juridictions judiciaires et des autorités de contrôle.
Je tenais tout dabord à vous féliciter et à vous remercier pour la grande qualité du travail que vous nous avez remis, et qui nous a incité à organiser aujourdhui cette table ronde à lissue dune large consultation qui sest déroulée tout au long du mois de mai. Leurs principales conclusions vous ont été présentées par Laurent VALLEE en début de réunion.
Je ne peux que me réjouir de la richesse de la concertation engagée qui aura permis tant aux représentants institutionnels quaux professionnels de terrain de sexprimer.
Vous le savez, Christine LAGARDE devait, à mes côtés, clôturer cette manifestation. Elle na pu malheureusement être avec nous aujourdhui au regard des contraintes qui simposent à elle. Elle en est sincèrement désolée car la compétitivité économique de nos entreprises constitue une priorité de son action au ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie.
La France a en effet des points forts qui favorisent limplantation de sociétés étrangères : savoir-faire industriel, qualité de la main-duvre et de la formation, infrastructures de qualité et énergie de bon marché. Ce sont plus de 20.000 entreprises étrangères et plus de 2 millions de personnes qui en bénéficient.
Mais la compétitivité économique va de pair avec la compétitivité juridique et notamment la capacité de nos entreprises à maîtriser les risques juridiques au regard de la complexification des opérations économiques et de la concurrence forte entre les différents systèmes juridiques. Or, la situation actuelle des juristes en entreprise constitue un désavantage concurrentiel clairement identifié par les états-majors des groupes internationaux. Elle représente à ce titre un frein à lattractivité de notre territoire, un frein à limplantation des centres de décisions des grandes entreprises en France.
Au cur de ces enjeux, le renforcement du rôle du juriste au sein de lentreprise constitue une préoccupation forte du gouvernement et votre rapport M. PRADA permet à ce titre davancer vers la création dun statut davocat en entreprise.
Depuis 1988, de nombreux rapports lont explorée en préconisant différentes options, allant de la création dun statut particulier pour les juristes dentreprise à limportation pure et simple du statut de lavocat au sein de lentreprise avec ses règles et sa déontologie propres.
Or, nous le savons et vous avez eu loccasion de le rappeler aujourdhui lors de vos débats, ces voies nemportent pas ladhésion de tous.
Si les associations représentatives des juristes dentreprise sont favorables à linstauration dun statut davocat en entreprise dès lors quil ne leur serait pas fermé, les différents représentants des avocats ont eu des positions plus contrastées.
Les dernières positions que nous connaissons sont celles :
- du conseil de lOrdre du barreau de Paris qui, sest, en 2009, prononcé en faveur de la création dun statut davocat en entreprise, position réitérée lors de la rentrée solennelle en 2010 ainsi que lors du bicentenaire en présence du Président de la République ;
- de la Conférence des bâtonniers qui la rejetée en 2010 à une large majorité ;
- du Conseil national des Barreaux qui en octobre dernier a rejeté la fusion des professions davocat et de juriste en entreprise mais sans parvenir à se départager sur lopportunité de créer un nouveau statut davocat en entreprise (vote 41 voix pour et 41 voix contre).
Cest dans ce contexte, M. PRADA, quune mission vous a été confiée en octobre dernier afin dexplorer les voies de compromis possibles. Il sagit notamment dexplorer la possibilité de règles appropriées de confidentialité des avis juridiques internes des entreprises.
Privilégiant une démarche fonctionnelle, vous avez su traiter lancienne question du rapprochement de lavocat et de lentreprise sous un angle nouveau : comment lintroduction de lavocat en entreprise peut-elle être opérationnelle ?
Vous y avez répondu en proposant un dispositif selon lequel :
- lavocat conserverait son identité en restant inscrit au barreau, mais sur une liste ad hoc, et soumis aux principes déontologiques et éthiques de la profession ;
- cet avocat, qui serait salarié de lentreprise, bénéficierait dun « privilège de confidentialité » susceptible dêtre levé ou de ne pas être opposable selon des conditions à définir en cas de procédure dinvestigation administrative ou pénale ; il sagit là, je le sais, dun point important de discussion au regard du secret professionnel dont les avocats bénéficient en France ;
- des passerelles seraient mises en place entre juristes dentreprise et avocats afin de faciliter la mobilité entre les différentes professions et progresser vers la grande profession du droit.
Au total, jai la conviction, et les interventions de ce matin la confortent, que lensemble de vos préconisations, si elles méritent dêtre encore précisées, notamment sagissant du privilège de confidentialité, peuvent constituer lossature de ce nouveau statut si longtemps recherché.
Cette table ronde qui sest tenue ce matin a permis un échange entre les principales « parties prenantes ». Dans notre esprit, cest une première étape.
La profession davocat embrasse de très nombreux domaines pour défendre les intérêts de chacun : particuliers, famille, entreprises, associations... Votre dynamisme et votre capacité dadaptation sont des atouts essentiels.
Nous lavons vu récemment, votre profession a su sadapter aux spécificités de nouvelles activités pour parvenir à apporter son expertise et ses compétences : ainsi en 2009 avec lavocat fiduciaire, qui ne peut, au regard de la réglementation spécifique applicable, opposer son secret professionnel ; ou encore plus récemment en mars dernier avec lavocat mandataire de sportifs dans le cadre de la loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires.
Comment imaginer que vous ne soyez pas en mesure dapporter, de la même manière, une réponse pragmatique, avec les juristes dentreprise, au besoin fort et constant exprimé par nos plus grandes sociétés commerciales ?
Je note dailleurs, que le Président de la République a eu loccasion dindiquer quà titre personnel, il ne serait pas choqué dune telle évolution. Dans ces conditions, je ne doute pas que vous aurez à cur den faire une des questions essentielles de vos débats, notamment lors de votre convention nationale qui se tiendra à la mi-octobre.
Quoiquil en soit, le temps me semble venu de faire progresser les réflexions de chacun sur la base dun texte. Non pas quà ce stade je vous annonce un dépôt dun projet de loi ; ce serait prématuré. Mais au point où nous en sommes, le cadre général et les différentes exigences à prendre en compte ayant été expertisés par M. Prada et éclairés par vos réactions, en particulier ce matin, cest au regard dun dispositif précis que nous pourrons prendre définitivement parti. Jai donc demandé au directeur des affaires civiles et du Sceau, que je remercie davoir animé cette table-ronde, de préparer un avant- projet qui sera soumis, au cours de lautomne, à votre appréciation ainsi quà celle de tous les acteurs qui se sont mobilisés depuis quelques semaines.
Mesdames et Messieurs, jen appelle donc à lintérêt général, qui excède celui de telle ou telle catégorie professionnelle. Il en va de la place du Droit et de la compétitivité juridique de nos entreprises.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 22 juin 2011
Monsieur le vice-président du Conseil national des barreaux,
Monsieur le président de la conférence des bâtonniers,
Monsieur le bâtonnier de lordre des avocats de Paris,
Mesdames et Messieurs les représentants des avocats, des juristes dentreprise et du monde économique,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir en ces lieux à loccasion de la discussion sur les suites à donner au rapport que Monsieur PRADA nous a remis, à Christine LAGARDE et moi-même, à la fin du mois davril, pour échanger et débattre de cette question importante quest la place du droit dans nos entreprises.
Dans le cadre de votre mission, Monsieur PRADA, vous avez pris le soin de rencontrer lensemble des acteurs concernés, dont beaucoup sont parmi nous aujourdhui : représentants du monde de lentreprise, de la profession davocat, mais aussi des juridictions judiciaires et des autorités de contrôle.
Je tenais tout dabord à vous féliciter et à vous remercier pour la grande qualité du travail que vous nous avez remis, et qui nous a incité à organiser aujourdhui cette table ronde à lissue dune large consultation qui sest déroulée tout au long du mois de mai. Leurs principales conclusions vous ont été présentées par Laurent VALLEE en début de réunion.
Je ne peux que me réjouir de la richesse de la concertation engagée qui aura permis tant aux représentants institutionnels quaux professionnels de terrain de sexprimer.
Vous le savez, Christine LAGARDE devait, à mes côtés, clôturer cette manifestation. Elle na pu malheureusement être avec nous aujourdhui au regard des contraintes qui simposent à elle. Elle en est sincèrement désolée car la compétitivité économique de nos entreprises constitue une priorité de son action au ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie.
La France a en effet des points forts qui favorisent limplantation de sociétés étrangères : savoir-faire industriel, qualité de la main-duvre et de la formation, infrastructures de qualité et énergie de bon marché. Ce sont plus de 20.000 entreprises étrangères et plus de 2 millions de personnes qui en bénéficient.
Mais la compétitivité économique va de pair avec la compétitivité juridique et notamment la capacité de nos entreprises à maîtriser les risques juridiques au regard de la complexification des opérations économiques et de la concurrence forte entre les différents systèmes juridiques. Or, la situation actuelle des juristes en entreprise constitue un désavantage concurrentiel clairement identifié par les états-majors des groupes internationaux. Elle représente à ce titre un frein à lattractivité de notre territoire, un frein à limplantation des centres de décisions des grandes entreprises en France.
Au cur de ces enjeux, le renforcement du rôle du juriste au sein de lentreprise constitue une préoccupation forte du gouvernement et votre rapport M. PRADA permet à ce titre davancer vers la création dun statut davocat en entreprise.
Depuis 1988, de nombreux rapports lont explorée en préconisant différentes options, allant de la création dun statut particulier pour les juristes dentreprise à limportation pure et simple du statut de lavocat au sein de lentreprise avec ses règles et sa déontologie propres.
Or, nous le savons et vous avez eu loccasion de le rappeler aujourdhui lors de vos débats, ces voies nemportent pas ladhésion de tous.
Si les associations représentatives des juristes dentreprise sont favorables à linstauration dun statut davocat en entreprise dès lors quil ne leur serait pas fermé, les différents représentants des avocats ont eu des positions plus contrastées.
Les dernières positions que nous connaissons sont celles :
- du conseil de lOrdre du barreau de Paris qui, sest, en 2009, prononcé en faveur de la création dun statut davocat en entreprise, position réitérée lors de la rentrée solennelle en 2010 ainsi que lors du bicentenaire en présence du Président de la République ;
- de la Conférence des bâtonniers qui la rejetée en 2010 à une large majorité ;
- du Conseil national des Barreaux qui en octobre dernier a rejeté la fusion des professions davocat et de juriste en entreprise mais sans parvenir à se départager sur lopportunité de créer un nouveau statut davocat en entreprise (vote 41 voix pour et 41 voix contre).
Cest dans ce contexte, M. PRADA, quune mission vous a été confiée en octobre dernier afin dexplorer les voies de compromis possibles. Il sagit notamment dexplorer la possibilité de règles appropriées de confidentialité des avis juridiques internes des entreprises.
Privilégiant une démarche fonctionnelle, vous avez su traiter lancienne question du rapprochement de lavocat et de lentreprise sous un angle nouveau : comment lintroduction de lavocat en entreprise peut-elle être opérationnelle ?
Vous y avez répondu en proposant un dispositif selon lequel :
- lavocat conserverait son identité en restant inscrit au barreau, mais sur une liste ad hoc, et soumis aux principes déontologiques et éthiques de la profession ;
- cet avocat, qui serait salarié de lentreprise, bénéficierait dun « privilège de confidentialité » susceptible dêtre levé ou de ne pas être opposable selon des conditions à définir en cas de procédure dinvestigation administrative ou pénale ; il sagit là, je le sais, dun point important de discussion au regard du secret professionnel dont les avocats bénéficient en France ;
- des passerelles seraient mises en place entre juristes dentreprise et avocats afin de faciliter la mobilité entre les différentes professions et progresser vers la grande profession du droit.
Au total, jai la conviction, et les interventions de ce matin la confortent, que lensemble de vos préconisations, si elles méritent dêtre encore précisées, notamment sagissant du privilège de confidentialité, peuvent constituer lossature de ce nouveau statut si longtemps recherché.
Cette table ronde qui sest tenue ce matin a permis un échange entre les principales « parties prenantes ». Dans notre esprit, cest une première étape.
La profession davocat embrasse de très nombreux domaines pour défendre les intérêts de chacun : particuliers, famille, entreprises, associations... Votre dynamisme et votre capacité dadaptation sont des atouts essentiels.
Nous lavons vu récemment, votre profession a su sadapter aux spécificités de nouvelles activités pour parvenir à apporter son expertise et ses compétences : ainsi en 2009 avec lavocat fiduciaire, qui ne peut, au regard de la réglementation spécifique applicable, opposer son secret professionnel ; ou encore plus récemment en mars dernier avec lavocat mandataire de sportifs dans le cadre de la loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires.
Comment imaginer que vous ne soyez pas en mesure dapporter, de la même manière, une réponse pragmatique, avec les juristes dentreprise, au besoin fort et constant exprimé par nos plus grandes sociétés commerciales ?
Je note dailleurs, que le Président de la République a eu loccasion dindiquer quà titre personnel, il ne serait pas choqué dune telle évolution. Dans ces conditions, je ne doute pas que vous aurez à cur den faire une des questions essentielles de vos débats, notamment lors de votre convention nationale qui se tiendra à la mi-octobre.
Quoiquil en soit, le temps me semble venu de faire progresser les réflexions de chacun sur la base dun texte. Non pas quà ce stade je vous annonce un dépôt dun projet de loi ; ce serait prématuré. Mais au point où nous en sommes, le cadre général et les différentes exigences à prendre en compte ayant été expertisés par M. Prada et éclairés par vos réactions, en particulier ce matin, cest au regard dun dispositif précis que nous pourrons prendre définitivement parti. Jai donc demandé au directeur des affaires civiles et du Sceau, que je remercie davoir animé cette table-ronde, de préparer un avant- projet qui sera soumis, au cours de lautomne, à votre appréciation ainsi quà celle de tous les acteurs qui se sont mobilisés depuis quelques semaines.
Mesdames et Messieurs, jen appelle donc à lintérêt général, qui excède celui de telle ou telle catégorie professionnelle. Il en va de la place du Droit et de la compétitivité juridique de nos entreprises.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 22 juin 2011