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La promotion du design est au cœur des missions de mon ministère. Le design, qu'on appelait encore « création industrielle » il y a quinze ans, s'il est en effet lié au monde de l'entreprise, a aussi acquis une forme d'autonomie qui le range du côté de l'art, et même, d'une certaine façon, de la pensée, au sens ou Léonard de Vinci pouvait parler de cosa mentale.
Le design est un intermédiaire idéal entre l'art et la technique, entre l'art et la vie : il est une sorte d'ambassadeur de la créativité dans notre quotidien. Chaque année les Designers Days permettent de le vérifier. Ils entament une nouvelle décennie : c'est une nouvelle étape qui s'engage après l'anniversaire exceptionnel de vos 10 ans, fêtés par les membres de l'Association, par un public fidèle et nombreux qui a répondu à tous les rendez vous de la dernière session.
L'objectif consiste bien à continuer cette belle aventure et à renforcer son rayonnement. La volonté qui guide votre Association depuis quelques mois peut se résumer à trois mots : renouveler, innover, approfondir l'action qui est la vôtre, afin que vos visiteurs aient de plus en plus de raisons de répondre assidument à nos rendez-vous annuels.
Je sais ce que cela représente pour celles et ceux qui vous appuient, pour celles et ceux qui vous accompagnent. Toutes vos initiatives sont réalisées grâce à la force de conviction et à la disponibilité de vos membres bénévoles et de vos partenaires, tous acteurs incontournables de la visibilité sociale du design.
Durant 10 ans, Designer's Days a parfaitement joué son rôle de creuset fédérateur, en s'adressant à toute une série de publics : les professionnels, les journalistes bien sûr, mais aussi les amateurs, les simples curieux.
C'est la raison pour laquelle le thème 2011 « Conversations » a une résonance toute particulière. Tout en conservant ce qui a fait la spécificité et le succès de votre manifestation - les scénographies ouvertes et accessibles à tous - vous avez voulu enrichir votre programmation à cette dimension du dialogue et de l'échange au sein de la Cité. J'aime ce terme de « Cité » : il désigne à la fois le lieu de vie qu'est la ville, un espace urbain, mais aussi un espace citoyen.
Il dit les échanges, le vivre-ensemble des disciplines, des activités, des personnes, qui ont vocation à être accueillies dans un même espace ' à l'image de la Cité du design de Saint-Etienne, que j'ai eu le plaisir d'inaugurer en octobre 2009 - dans une continuité entre la création, la recherche, l'enseignement bien sûr, mais aussi l'industrie. « L'esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu'à en faire trouver aux autres : celui qui sort de votre entretien content de soi et de son esprit, l'est de vous parfaitement » disait un moraliste comme La Bruyère. Loin de « l'entre soi » contemporain, loin de la discussion virtuelle par écrans interposés ' qui sont les tentations de notre temps - entrer en conversation avec un interlocuteur, quel qu'il soit, c'est s'ouvrir à lui, autant qu'il s'ouvre à soi. C'est faire naître une nouvelle forme de pensée, une idée renouvelée à partir d'un débat, d'une disputatio comme disaient les Anciens, qui nourrit l'esprit en même temps qu'il en transforme les codes.
Parmi toutes disciplines créatives, le design remplit pleinement ce rôle de catalyseur des échanges. Un objet de design, n'est-il pas la traduction exacte d'une conversation entre un designer, un éditeur, un industriel ou un artisan.
L'édition 2011 de Designer's Days, en proposant « Conversations » comme fil directeur de son parcours, invitera à visiter la mise en forme de dialogues entre les disciplines, entre les cultures, entre les générations. Témoin concret de l'époque ou du territoire culturel qui l'a vu naître, l'objet de design se fera passage, fruit du partage et des échanges entre les designers, les créateurs, parfois les artistes invités à participer à la Semaine parisienne du design.
C'est pourquoi je me réjouis que l'association Designers Days ait engagé une collaboration étroite avec le Ministère de la Culture et de la Communication et qu'elle ait accepté d'inscrire dans son parcours l'exposition présentée dans les vitrines de la rue de Valois, Talkie Walkie.
Les vitrines présentent la gestation de plusieurs objets de design, les différents métiers qui y contribuent et surtout l'importance de leur dialogue. C'est la diversité des méthodes et des univers des acteurs qui fait la force du design car, au-delà de cette pédagogie, c'est la transmission de valeurs qui est exposée. Et cette exposition montre comment le design réunit l'économie et la culture, que ces logiques sont conciliables et peuvent être conciliées. Et cela dans un objectif commun : rompre avec la logique uniformisatrice du monde global, enchanter le quotidien ! Je souhaite que le design français, l'un des plus dynamiques du monde, puisse continuer à bénéficier d'une caisse de résonance comme les Designers'Days et qu'il continue à rayonner et à faire connaître sa culture, sa singularité, en d'autres termes cet oeil sur le monde qui fait toute son originalité. Le succès international des designers français montre combien sur le terrain de la « société des écrans », le design ne peut être pensé et développé sans les valeurs et les principes qui sous-tendent la création et l'innovation artistique : une vision du monde, une poétique du regard. Je sais que les Designers'Days partagent cette vision et cette ambition.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 16 juin 2011