Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à Canal Plus le 24 juin 2011, sur l'avenir de la centrale nucléaire de Fessenheim, le renforcement du rôle de l'AIEA en matière de sécurité nucléaire et son livre intitulé "Le Front antinational".
Texte intégral
MAÏTENA BIRABEN Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, ministre de lEcologie, du Développement durable, des Transports et du Logement est linvitée de « La matinale. » Elle a choisi de faire de la politique pure et dure, et publie pour ce faire, un réquisitoire contre le FN, à lheure où une partie de sa famille politique semble, elle, tentée par les thèses de la droite nationale. Son dossier du jour, cest la centrale de Fessenheim. Le doyen des réacteurs français aurait encore quelques belles années devant lui. Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, bonjour.NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bonjour.
MAÏTENA BIRABEN Soyez la bienvenue !
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Merci.
CAROLINE ROUX Bonjour. Effectivement, cétait une information révélée par LE FIGARO hier, le rapport dexperts de lAutorité de Sûreté Nucléaire approuverait la prolongation pour 10 ans, du réacteur 1, de la centrale de Fessenheim. Est-ce que vous approuvez ces conclusions de lASN ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Dabord ce que je napprouve pas, cest la façon dont LE FIGARO semble rapporter une information qui, à ce jour, nest pas avérée. Et les conclusions qui en sont tirées dans larticle. Il y a régulièrement une revue quon appelle décennale, des réacteurs. Elle est engagée depuis plusieurs années sur Fessenheim et lAutorité de Sûreté Nucléaire, qui est une autorité indépendante, doit rendre son rapport bientôt. Ce ne sera pas avant le 4 juillet. Et les commissaires ne se sont pas toujours réunis, pour décider de ce que seront les conclusions du rapport. Donc quand on dit, il devrait y avoir prolongation, on savance beaucoup. Par ailleurs, ce rapport cest la proposition de lAutorité de Sûreté Nucléaire sur la base de travaux qui ont été faits avant Fukushima. On est en train, par ailleurs, de mener un audit de toutes nos centrales pour tirer les enseignements de Fukushima. Et on la annoncé, aucune décision définitive ne sera prise sur le prolongement de Fessenheim avant cet audit, qui tire les conséquences de laccident de Fukushima, c'est-à-dire en fait, avant la mi-novembre. Donc si vous voulez, la façon dont les choses sont titrées, comme si, ça y est, on allait prolonger de 10 ans Fessenheim, cest simplement faux. Aucune décision nest prise, dabord sur la base dun rapport qui nest pas sortie encore et de toute façon qui ne doit pas être celui sur la base de laquelle sont prises les conclusions finales.
CAROLINE ROUX Alors les candidats potentiels pour lécologie, pour la primaire écolo, Nicolas HULOT et Eva JOLY nont pas attendu la confirmation pour réagir. Ils ont dénoncé lentêtement de la France sur ce dossier-là. Quest-ce que vous allez suivre comme avis ? Vous avez parlé de laudit que vous avez demandé, il y a plusieurs stress-tests qui sont commandés aussi au niveau européen. Quel sera le rapport que vous avez lire, avec le plus dattention ? Celui que la France a commandé ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Tous et le président de la République la dit très clairement : on ne prendra aucun risque. C'est-à-dire que si un seul de ces rapports soulève un problème qui ne peut pas être résolu, si vous voulez par des investissements, la centrale comme les autres dailleurs, sera fermée. C'est-à-dire quon ne prend pas de risque avec la sûreté nucléaire. Cest pour ça que je suis très surprise de la façon dont les uns ou les autres y compris les écologistes dailleurs, pour certains étant à lenvers de ce quils disent eux-mêmes, courent aux conclusions. Il y a un rapport un peu positif, ça y est, ça veut dire que lon va prolonger Fessenheim. Je veux dire, ce quon dit, cest quaucun risque ne sera pris. Aucun vis-à-vis daucun des processus de revue de sûreté, que vous avez cités. Et jajoute que ce qui est très particulier dans laccident de Fukushima, cest la perte simultanée de source froide. Leau pour le refroidissement et de source électrique. Ca cest particulier dans cet accident-là. Il faut bien sûr, attendre davoir le retour dexpérience de cet accident-là sur les réacteurs, pour prendre une décision.
CAROLINE ROUX Ca veut dire quaujourdhui, vous navez aucune inquiétude sur le réacteur 1 de Fessenheim ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ca veut dire quaujourdhui, aucune décision définitive nest prise sur le réacteur 1. Il y a un certain nombre de questions qui sont soulevées dans le rapport de lASN, par exemple .
CAROLINE ROUX Sur lépaisseur de la dalle justement ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, lépaisseur de ce quon appelle le radié.
CAROLINE ROUX Parce quil y a 100 000 euros (sic) de travaux qui sont, donc Encore une fois, on parle dun rapport qui nest pas sorti, qui aurait fuité
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, le chiffre de 100 millions dailleurs, est incertain. Ce qui est certain cest que ce quon appelle le radié
CAROLINE ROUX En tout cas, il y a un problème sur lépaisseur de la dalle, ce qui est un petit peu inquiétant. Vous en convenez ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, ce quon appelle le radié, c'est-à-dire le plancher de la centrale est moins épais à Fessenheim, il est de lordre de 1,50 mètres quailleurs où il est entre 2 et 3 mètres. Pas 8 mètres à Fukushima comme on la dit, cétait 8 pieds. Les pieds et les mètres, cest entre 2 et 3 mètres.
CAROLINE ROUX En tout cas, la question cétait : est-ce que vous avez une inquiétude sur le réacteur 1 de Fessenheim ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a des questions qui se posent sur le réacteur 1 de Fessenheim. Lépaisseur du radié
CAROLINE ROUX Ca veut dire que vous avez encore des inquiétudes sur ce
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Lépaisseur du radié, vous lavez soulevé. Certaines sont soulevées par lAutorité de Sûreté Nucléaire, et aucune décision nest prise avant les tests de sûreté.
CAROLINE ROUX Est-ce que vous considérez que la France a suffisamment tiré les leçons de ce qui sest passé à Fukushima ? Parce quon a limpression que la France est un peu à contre-courant de ce qui se passe ailleurs en Europe, que ce soit en Allemagne ou en Italie qui a voté un référendum sur le sujet. Est-ce que vous considérez quon a déjà tiré les leçons ou quon est en train de le faire ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, je ne considère pas quon ait déjà tiré les leçons, on est en train de le faire. Cest le sens des audits qui ont été commandés dans la suite de laccident de Fukushima. Laccident de Fukushima, il soulève des sujets très sérieux qui probablement doivent amener à des modifications dans la façon de gérer la sûreté. Par exemple, une autre particularité de laccident de Fukushima, cest la destruction totale dun site, voilà. Or notre sûreté, elle est beaucoup organisée à partir de moyens qui sont sur site. La redondance de ces moyens fait partie de la sûreté. Par exemple vous avez plusieurs diesels de sûreté, au cas, où il y en ait un qui tombe en panne. Mais si le site lui-même est dévasté, laccident de Fukushima, pose la question de savoir, sil ne faut pas avoir des moyens projetables, qui viennent de lextérieur, quon peut amener sur le site, et dailleurs cest une question que jai soulevée récemment à Vienne à la réunion mondiale de lAgence Internationale de lEnergie Atomique, et on a réussi à arracher des conclusions, dans lesquelles on propose une force régionale de projection. La possibilité pour la communauté internationale de se porter de lextérieur au secours dune centrale en détresse.
CAROLINE ROUX Alors un mot justement sur lAIEA. Le directeur de lAIEA estime quil faut donner les moyens à lAIEA de jouer les gendarmes en la matière. On a compris que les pays eux-mêmes étaient plutôt sceptiques sur cette notion-là. Est-ce quil ne faudrait pas à un moment, justement, avoir une espèce dautorité indiscutable au niveau international
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais cest la position de la France
CAROLINE ROUX Pour trancher en dernier lieu ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais cest la position de la France, la France a usé de toute son autorité. Cest le président de la République qui présidait le G8 et le G20, pour amener ce sujet en mai et en juin, le 7 juin on organisait une réunion ministérielle de la sûreté, une réunion de toutes les autorités de sûreté à Paris, cest très paradoxal aujourdhui. En fait, il y a plus de coopération internationale sur le nucléaire militaire, et la non-prolifération, ce qui est bien ce que je ne critique pas. Mais il y a plus de coopération internationale sur ce sujet que sur le nucléaire civil. Le nucléaire civil est vécu, comme pas mal de pays, comme un sujet de souveraineté, on ne sen mêle pas, cest chacun chez soi. Cest un problème, parce que quand il y a un accident, tout le monde est concerné, le nuage ne sarrête pas aux frontières. Donc certes cest un sujet de souveraineté, mais il faut pouvoir coopérer.
MAÏTENA BIRABEN On passe au Front national maintenant.
CAROLINE ROUX Vous publiez un livre sur le Front national, « le Front antinational ». Les sondages montrent depuis quelques jours, un tassement de la dynamique du Front national. Est-ce que vous considérez que le plus dur est passé ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Jai écrit ce livre parce que, moi, ce qui ma beaucoup surprise, choquée, étonnée, cest lespèce de banalisation quil y a aujourdhui, autour du Front national. Comme si le simple fait de changer de président changeait tout. Et je propose en 80 pages, une petite plongée dans le sujet, à travers deux angles, des personnes. Est-ce que les personnes ont changé ? Est-ce que les cadres en région du Front national ont changé ? Est-ce quil ny a pas toujours des parcours ou des déclarations qui sont scandaleuses ? Et le programme ? Et on nest pas déçu. Parce que sur les personnes, jai trouvé quand même, quelques grandes perles, des anciens de loeuvre française ou des actuels dailleurs de loeuvre française, parce que les choses ne sont pas très claires. Avec des déclarations, il y en a un par exemple dans le Rhône qui nous déclare que le protocole des Sages de Sion, vous savez ce célèbre antisémite est un livre prémonitoire, et puis il a récidivé encore récemment. Alors semble-t-il au Front national, on sen émeut un peu. Et récemment on a convoqué un conseil de discipline pour exclure, un certain nombre de personnes que je pointe dans ce livre. Jinvite à compléter la liste, parce quil y en a dautres. Et puis il y a le programme.
CAROLINE ROUX Alors cest intéressant ce que vous dites. Parce que donc vous dénoncez en gros lespèce de double-langage du Front national. Il y en a certains dans votre famille politique, à qui ça ne pose pas de problème. On vient de voir cette semaine, Claude GOASGUEN qui a donc réalisé un rapport sur la bi-nationalité, sur un sujet très polémique, lancé par Marine LE PEN. Est-ce que cette façon de voir votre famille politique surfer avec les thématiques du Front national, ne vous inquiète pas, puisque vous avez découvert ce que vous avez découvert sur
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ma famille politique ne surfe pas avec les thématiques du Front national. Dabord, il y a deux choses différentes. Il ny a pas de sujets réservés qui seraient des sujets dextrême droite. Tous les sujets qui intéressent les Français, intéressent tous les politiques. Et si vous prenez le sujet de la bi-nationalité, il y a eu quelques positions tout à fait isolées, à lintérieur de ma famille politique, le président de la République, le secrétaire général de lUMP on dit très clairement et je lécrivais dailleurs avant même, la polémique dans le livre, que la bi-nationalité elle était dans la culture et dans lhistoire française. On nest pas comme les Allemands sur le droit du sang en France. On est sur le droit du sol, ça amène dautres modes de fonctionnement.
CAROLINE ROUX Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, ça veut dire quune tentation existe, est-ce que vous le reconnaissez ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ca, la bi-nationalité, il y a eu un petit débat qui a été ouvert. Oui. Mais qui nest pas, qui na pas amené des prises de position générale contre la bi-nationalité, comme vous avez lair de le dire, dans ma famille politique, non cest le contraire.
CAROLINE ROUX Ca veut dire que vous navez pas détat dâme avec les thèses par exemple proposées par la droite populaire, qui fait partie de lUMP et
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Sur la bi-nationalité par exemple, Thierry MARIANI, il sest tout de suite exprimé, pour dire : mais les propositions de Marine LE PEN sont absurdes. La bi-nationalité, ce nest pas quelle fait partie de notre culture, ce nest pas un problème idéologique, cest quelle fait partie de notre vie. Le nombre de gens qui sont Franco-italien, parce que évidemment, quand on parle binationale, on amène toujours des exemples franco-maghrébin. La réalité, elle est beaucoup plus diverse que ça. Et dailleurs la réalité de limmigration dans le monde contemporain est beaucoup plus diverse que ça. Allez confondre immigration et banlieue, cest faire un contresens, sur ce que cest que la vie aujourdhui où les gens voyagent tout simplement.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 5 juillet 2011
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