Texte intégral
Q - Lavenir du programme européen daide alimentaire aux plus démunis (PEAD) va se décider aujourdhui. Êtes-vous optimiste ?
R - Jai mené un intense travail diplomatique pour sauver ce programme. Je suis allé au Danemark, en République tchèque, en Allemagne. Je me suis entretenu avec le commissaire européen à lagriculture, Dacian Ciolos, avec la Présidence polonaise et avec tous mes homologues concernés. Jai réuni à Berlin les associations caritatives françaises et allemandes. Ni optimiste ni pessimiste, je suis déterminé. Mais il ne faut pas se le cacher : la négociation est très difficile.
Q - Pourquoi ?
R - Parce quil y a deux conceptions très divergentes de lEurope. Dun côté, certains États estiment que lEurope na pas à soccuper de politiques sociales. Cest la position constante de Berlin. De lautre, il y a ceux - comme la France - qui considèrent que lEurope a cette vocation sociale et quelle ne peut pas laisser tomber les plus démunis de ses concitoyens. Derrière le PEAD, la vraie question, cest donc celle de la conception que nous nous faisons de lUnion européenne.
Q - Le problème nest donc ni juridique ni financier...
R - Les difficultés juridiques ont été levées. La Commission a trouvé une solution pour répondre aux critiques de la Cour européenne de justice. Ce nest pas non plus un problème financier. Pour lannée prochaine, largent est disponible puisque les crédits sont votés depuis 2007. Les blocages ne seraient pas aussi lourds si cétait uniquement une question budgétaire.
Q - Six pays refusent de prolonger ce programme. Ensemble, ils disposent dune minorité de blocage. Lequel vous semble être le plus proche de basculer ?
R - Jai senti, au cours de mon déplacement à Prague, que les Tchèques étaient probablement les plus ouverts. Sils sortent de la minorité, cela suffit pour maintenir le PEAD. Néanmoins, la stratégie que jai suivie et que jassume, même si elle est plus difficile, est de trouver un accord avec lAllemagne. Je my suis de nouveau rendu hier soir pour dultimes discussions. Jestime que défaire la minorité dans le dos des Allemands nest pas une bonne solution. On ne passera pas en force sur un sujet aussi important.
Q - Quavez-vous mis dans la balance pour tenter de les faire changer davis ?
R - Cest une négociation sensible que je ne peux dévoiler. Ils savent que nous sommes face à une crise économique sans précédent, quelle suscite des réactions de plus en plus fortes partout en Europe. Notre devoir est de trouver des solutions. Pour la France, couper les crédits aux associations caritatives nest pas responsable.
Q - En cas déchec, quelles seront les conséquences pour lEurope ?
R - Si la proposition de la Commission de renouveler le PEAD sur de nouvelles bases juridiques est rejetée, le programme et les financements tombent. Ce serait une défaite majeure pour lEurope. Elle doit faire le choix de la solidarité, pas celui des égoïsmes nationaux.
Q - Dans ce cas, la France compensera-t-elle le manque à gagner pour les associations ?
R - Le Premier ministre ma indiqué quil était déterminé à ne pas laisser tomber les associations caritatives. Mais je ne suis pas sûr que les gouvernements grec, espagnol ou portugais auront les moyens de faire de même. Nous verrons en Europe des enfants et des familles qui nauront pas de quoi se nourrir parce quon a suspendu ce programme. Je trouve cela scandaleux.
Q - La Commission présente aujourdhui ses propositions de réforme de la politique agricole commune pour laprès-2013. Vous paraissent-elles de nature à moderniser la PAC ?
R - La priorité pour nous, cétait le maintien du budget global. Nous lavons obtenu à leuro près, à lissue dune bataille très difficile. Le deuxième point important concerne le «verdissement» de la PAC. Jy suis favorable car lagriculture européenne doit pouvoir conjuguer développement de la production et respect de lenvironnement. Mais en létat, le projet de réforme est administrativement trop complexe pour les agriculteurs. Il faudra revoir cela. Enfin, je tenais à ce que soient mis en place des instruments de régulation. Cest en partie fait, mais le compte ny est pas encore.
Q - La réforme prévoit la disparition, en 2016, des quotas de production de vin et de sucre. Quen pensez-vous ?
R - Cest un problème. Supprimer les droits de plantations viticoles reviendrait à rayer dun trait de plume tous les efforts fournis par les vignerons pour aller vers une plus grande compétitivité et une plus grande qualité. Le président de la République et Angela Merkel lont clairement dit. Pour le sucre, la proposition de la Commission est tout aussi inacceptable. Je ne veux pas dune agriculture qui serait celle de la quantité la plus importante possible au prix le plus bas.
Q - La nouvelle PAC prévoit aussi une harmonisation des aides entre les pays et entre les filières. Soutenez-vous ce principe ?
R - La France a été le premier État à reconnaître quil fallait renoncer aux «références historiques» car elles aboutissaient à des montants daides inéquitables entre pays européens. Nous acceptons cette convergence entre les États, mais sommes totalement opposés à une aide unique à lhectare de même montant pour tous les pays européens. Concernant la convergence nationale entre filières, elle doit être un objectif, mais il faut se donner du temps. La Commission propose de le faire en cinq ans. Cest trop court, on ny arrivera pas. Quand vous précipitez les décisions, vous perdez du temps au lieu den gagner.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2011
R - Jai mené un intense travail diplomatique pour sauver ce programme. Je suis allé au Danemark, en République tchèque, en Allemagne. Je me suis entretenu avec le commissaire européen à lagriculture, Dacian Ciolos, avec la Présidence polonaise et avec tous mes homologues concernés. Jai réuni à Berlin les associations caritatives françaises et allemandes. Ni optimiste ni pessimiste, je suis déterminé. Mais il ne faut pas se le cacher : la négociation est très difficile.
Q - Pourquoi ?
R - Parce quil y a deux conceptions très divergentes de lEurope. Dun côté, certains États estiment que lEurope na pas à soccuper de politiques sociales. Cest la position constante de Berlin. De lautre, il y a ceux - comme la France - qui considèrent que lEurope a cette vocation sociale et quelle ne peut pas laisser tomber les plus démunis de ses concitoyens. Derrière le PEAD, la vraie question, cest donc celle de la conception que nous nous faisons de lUnion européenne.
Q - Le problème nest donc ni juridique ni financier...
R - Les difficultés juridiques ont été levées. La Commission a trouvé une solution pour répondre aux critiques de la Cour européenne de justice. Ce nest pas non plus un problème financier. Pour lannée prochaine, largent est disponible puisque les crédits sont votés depuis 2007. Les blocages ne seraient pas aussi lourds si cétait uniquement une question budgétaire.
Q - Six pays refusent de prolonger ce programme. Ensemble, ils disposent dune minorité de blocage. Lequel vous semble être le plus proche de basculer ?
R - Jai senti, au cours de mon déplacement à Prague, que les Tchèques étaient probablement les plus ouverts. Sils sortent de la minorité, cela suffit pour maintenir le PEAD. Néanmoins, la stratégie que jai suivie et que jassume, même si elle est plus difficile, est de trouver un accord avec lAllemagne. Je my suis de nouveau rendu hier soir pour dultimes discussions. Jestime que défaire la minorité dans le dos des Allemands nest pas une bonne solution. On ne passera pas en force sur un sujet aussi important.
Q - Quavez-vous mis dans la balance pour tenter de les faire changer davis ?
R - Cest une négociation sensible que je ne peux dévoiler. Ils savent que nous sommes face à une crise économique sans précédent, quelle suscite des réactions de plus en plus fortes partout en Europe. Notre devoir est de trouver des solutions. Pour la France, couper les crédits aux associations caritatives nest pas responsable.
Q - En cas déchec, quelles seront les conséquences pour lEurope ?
R - Si la proposition de la Commission de renouveler le PEAD sur de nouvelles bases juridiques est rejetée, le programme et les financements tombent. Ce serait une défaite majeure pour lEurope. Elle doit faire le choix de la solidarité, pas celui des égoïsmes nationaux.
Q - Dans ce cas, la France compensera-t-elle le manque à gagner pour les associations ?
R - Le Premier ministre ma indiqué quil était déterminé à ne pas laisser tomber les associations caritatives. Mais je ne suis pas sûr que les gouvernements grec, espagnol ou portugais auront les moyens de faire de même. Nous verrons en Europe des enfants et des familles qui nauront pas de quoi se nourrir parce quon a suspendu ce programme. Je trouve cela scandaleux.
Q - La Commission présente aujourdhui ses propositions de réforme de la politique agricole commune pour laprès-2013. Vous paraissent-elles de nature à moderniser la PAC ?
R - La priorité pour nous, cétait le maintien du budget global. Nous lavons obtenu à leuro près, à lissue dune bataille très difficile. Le deuxième point important concerne le «verdissement» de la PAC. Jy suis favorable car lagriculture européenne doit pouvoir conjuguer développement de la production et respect de lenvironnement. Mais en létat, le projet de réforme est administrativement trop complexe pour les agriculteurs. Il faudra revoir cela. Enfin, je tenais à ce que soient mis en place des instruments de régulation. Cest en partie fait, mais le compte ny est pas encore.
Q - La réforme prévoit la disparition, en 2016, des quotas de production de vin et de sucre. Quen pensez-vous ?
R - Cest un problème. Supprimer les droits de plantations viticoles reviendrait à rayer dun trait de plume tous les efforts fournis par les vignerons pour aller vers une plus grande compétitivité et une plus grande qualité. Le président de la République et Angela Merkel lont clairement dit. Pour le sucre, la proposition de la Commission est tout aussi inacceptable. Je ne veux pas dune agriculture qui serait celle de la quantité la plus importante possible au prix le plus bas.
Q - La nouvelle PAC prévoit aussi une harmonisation des aides entre les pays et entre les filières. Soutenez-vous ce principe ?
R - La France a été le premier État à reconnaître quil fallait renoncer aux «références historiques» car elles aboutissaient à des montants daides inéquitables entre pays européens. Nous acceptons cette convergence entre les États, mais sommes totalement opposés à une aide unique à lhectare de même montant pour tous les pays européens. Concernant la convergence nationale entre filières, elle doit être un objectif, mais il faut se donner du temps. La Commission propose de le faire en cinq ans. Cest trop court, on ny arrivera pas. Quand vous précipitez les décisions, vous perdez du temps au lieu den gagner.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2011