Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la place de l'Europe face à l'émergence de l'Asie et la consolidation des relations avec cette région du monde, Le Havre le 9 février 2012.
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Circonstance : Déplacement d'Alain Juppé au Havre à l'Institut d'études politiques le 9 février 2012
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Monsieur le Maire,Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
Cest toujours pour moi un plaisir déchanger avec des étudiants en sciences politiques. Je sais trouver en eux des interlocuteurs avertis, un public curieux, exigeant et passionné. Je sais aussi pouvoir débattre denjeux majeurs pour lavenir de la France, de lEurope et du monde.
Cest le cas du sujet que jai choisi dévoquer aujourdhui : la France et lEurope en Asie - un sujet auquel vous vous intéressez tout particulièrement ici, sur ce campus délocalisé de lInstitut dÉtudes politiques consacré aux problématiques euro-asiatiques, dans cette ville du Havre, premier port commercial français historiquement tourné vers lAsie. Je voudrais dailleurs vous rendre hommage, Monsieur le Maire : cest largement à vous que les Havrais doivent limplantation de cet établissement dexcellence sur leurs terres.
Derrière cet intitulé, cest bien plus que la relation entre nos continents qui est en jeu. Ce sont les mutations dun monde désormais multipolaire, où de nouveaux équilibres se dessinent et où chaque État et chaque pôle doivent pouvoir trouver leur place.
Dans ce nouveau monde, nous assistons depuis quelques décennies à la remarquable montée en puissance du continent asiatique.
Cette émergence est désormais une réalité incontestable : aujourdhui, 2 des 3 plus grandes économies mondiales sont asiatiques, 6 pays dAsie sont membres du G20 et la modernisation successive du Japon, de la Corée, de lAssociation des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN), de la Chine, et maintenant de lInde, a ponctué les dernières décennies.
À la source de ce phénomène, il y a évidemment dabord un formidable dynamisme économique. Si la crise de 2008-2009 na pas épargné lAsie, la plupart des pays asiatiques affichent une croissance forte. Avec une part de marché mondiale qui est passée de 25 % en 2000 à 32 % en 2010 - contre 35 % pour lEurope, la région dans son ensemble est aujourdhui le moteur de la reprise mondiale, sans compter son affirmation sur la scène financière et commerciale.
Mais on aurait tort de réduire lémergence de lAsie à cette seule dimension économique.
Elle sexprime en effet également en termes politiques et diplomatiques. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le souffle de la démocratie se propage sur le continent. DInde, il a gagné le Japon, la Corée du Sud et lIndonésie, plus grande démocratie musulmane au monde, sans parler des Philippines, du Cambodge ou du cas particulier de Taïwan. Aujourdhui, cest au tour de la Birmanie de sengager sur la voie de la modernité - jai pu le constater il y a un mois, lors de ma visite aux autorités birmanes et au prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi. Au cur du Printemps arabe, cette émergence démocratique est une leçon despoir pour le monde. Avec celle de lAmérique latine et de lEurope de lEst, elle montre - et la disparition du concept de «valeurs asiatiques» en témoigne - que la démocratie, la liberté et au respect des droits de lHomme sont universelles.
Sur le plan diplomatique, les puissances asiatiques jouent aujourdhui un rôle accru dans le concert des nations, à lheure où les politiques étrangères asiatiques sortent de leur environnement régional. Il suffit, pour sen convaincre, dobserver le rôle croissant de la Chine en Afrique ou au Proche et au Moyen-Orient, linfluence grandissante de lIndonésie ou le positionnement de lInde sur tous les grands sujets internationaux. Quil sagisse du changement climatique, de la non-prolifération des armes nucléaires, du désarmement ou de la résolution des crises, il faut compter avec les acteurs asiatiques.
Laffirmation asiatique se traduit aussi par une forte vitalité scientifique et culturelle. La multiplication des Instituts Confucius en est un symbole fort - le premier a été inauguré en 2004 ; on en compte 350 en 2011. Mais on pourrait également citer lattractivité de lInde, première destination en termes dinvestissements directs à létranger en recherche et développement, et le développement du réseau des Indian Council for Cultural Relations.
Je noublie pas, enfin, lexpression militaire de cette montée en puissance asiatique, avec un budget de défense chinois qui double tous les 5 ans depuis 20 ans et des dépenses militaires indiennes, multipliées par deux en dix ans en valeur absolue.
Dans le contexte de crise financière que nous connaissons aujourdhui, cette émergence du continent asiatique est souvent présentée comme une menace.
Aujourdhui, nous le voyons bien, certains cherchent à donner à lopinion publique le sentiment que le développement de lAsie ne peut se faire quà sommes nulles, comme dans un jeu de vases communicants où lenrichissement des uns signifierait mécaniquement lappauvrissement des autres. Dans cette vision simpliste, les chiffres de notre déficit commercial avec la Chine et des réserves de devises accumulées par Pékin sont brandis comme des vérités qui se suffiraient à elles-mêmes. Lémergence est accusée dêtre lunique cause de la désindustrialisation, la responsable dune marginalisation inéluctable de lEurope.
Elle est également présentée comme une menace pour notre sécurité, quand certains sinquiètent du potentiel dinstabilité dans une région où coexistent quatre puissances nucléaires et où les foyers de tensions sont nombreux. Je pense aux différends frontaliers entre lInde et la Chine et entre lInde et le Pakistan. Je pense aux crises complexes, comme la crise afghane ou la crise coréenne - sur laquelle la succession politique de Kim Jong-Il relance les spéculations. Je pense aux délicates questions de souveraineté, que ce soit au cur-même de certains États asiatiques, dont lintégrité est remise en cause par des mouvements rebelles et dinsurgés, ou en mer de Chine du Sud, où se produisent des accrochages préoccupants entre marines. Les craintes exprimées après les premiers essais en mer du premier porte-avions chinois sont tout à fait éloquentes.
Lémergence de lAsie est enfin présentée comme une menace pour nos valeurs, à lheure où les divergences de position - sur le «Printemps arabe» et la responsabilité de protéger ou sur Internet et la liberté dexpression - font craindre à certains le recul dune vision occidentale du monde.
Pourtant, ce discours ne reflète pas la réalité des choses.
On loublie souvent, mais la puissance de lAsie nest pas une nouveauté. À la fin du XVIIe siècle, lInde était la première puissance économique mondiale. Au début du XIXe siècle, cétait la Chine. Lémergence nest pas une vague implacable et destructrice qui viendrait balayer notre continent. Cest une réémergence, un phénomène de rattrapage, un retour de balancier qui permet à lAsie de retrouver une position temporairement perdue. Cest une concurrence nouvelle qui doit nous encourager à nous adapter, à innover et à aller de lavant. Plus quune menace, cest donc un défi.
Rappelons-le aussi : ce que nous percevons comme un mouvement dune puissance irrépressible, les Asiatiques le vivent comme autant dobstacles à franchir.
- En 2020, sur les 12 villes du monde de plus de 15 millions dhabitants, on estime que 7 devraient se trouver en Asie. Cest dire lampleur des besoins en infrastructures de transport, en approvisionnement en eau et en énergie ou en lutte contre la pollution auxquels le continent devra répondre. Cest dire aussi limportance des enjeux liés au vieillissement de la population, qui a déjà touché le Japon et commence à poser problème en Chine.
- Autre défi : la répartition des revenus. Si la misère a reculé de manière spectaculaire au cours de ces dernières décennies, la pauvreté, voire lextrême pauvreté, reste très présente. Ce phénomène est dautant plus préoccupant quil se conjugue avec un écart de revenus grandissant entre les plus riches et les plus pauvres, la Chine faisant figure aujourdhui de pays parmi les plus inégalitaires au monde.
Mais si lémergence de lAsie ne doit pas nous faire peur, cest avant tout parce quelle est pour lEurope une véritable chance.
Aujourdhui, vous le savez, lAsie est le premier partenaire commercial de lUnion européenne. Elle représente 43 % et 33 % des importations et des exportations extra-européennes, soit 19 % et 8 % pour la seule Chine. Les pays asiatiques apportent une part de plus en plus importante de la croissance des exportations françaises. Demain, nous devrons répondre aux immenses besoins dun continent qui est aujourdhui, et vraisemblablement pour longtemps, le premier moteur de la croissance mondiale. Pour nos entreprises, nos investisseurs et nos exportations, cela signifie laccès à de nouveaux marchés de centaines de millions de consommateurs.
Lémergence de lAsie représente aussi un potentiel considérable en termes déchanges humains et denrichissement réciproque.
- Pour nos laboratoires et nos centres de recherche, ce sont de nombreuses possibilités déchanges et de partenariats.
- Pour nos étudiants, ce sont des horizons qui sélargissent, la perspective qui souvre détudier dans des systèmes denseignement supérieur performants, capables daccueillir les étudiants internationaux dans dexcellentes conditions.
- Pour nos universités, cest la possibilité dattirer les meilleurs parmi les étudiants et les professeurs asiatiques. En 2010, sur un effectif total de 285.000 étudiants internationaux présents sur son territoire, la France a ainsi accueilli environ 40.000 des quelque 1,25 millions détudiants asiatiques dans le monde. Ce chiffre fait de la France la troisième destination des étudiants asiatiques en Europe derrière le Royaume-Uni et lAllemagne. Mais nous avons encore beaucoup à faire, car pour beaucoup de grands pays asiatiques, je pense notamment à lInde, nous restons encore trop peu attractifs.
Sur le plan politique, enfin, lémergence peut permettre de renforcer la stabilité de la région et de contribuer à la construction du monde multipolaire que nous appelons de nos vux. En favorisant un dialogue dégal à égal entre les civilisations, meilleur rempart contre lextrémisme, elle nourrit notre vision du monde et conforte notre conviction que la mondialisation nest pas nécessairement synonyme duniformisation du monde.
Ces chances, la France et lEurope peuvent et doivent les saisir.
Riche dune identité forgée par les siècles, forte dune culture prestigieuse et dun système éducatif et universitaire reconnu dans le monde, dotée dune image dexcellence scientifique et technologique, la France a tous les atouts pour nouer avec les pays émergents des coopérations dynamiques et fructueuses :
- Une présence ancienne sur le continent asiatique ;
- Un réseau diplomatique dense, avec 25 ambassades et 14 consulats, et des établissements denseignement reconnus pour leur excellence - 41 établissements scolaires scolarisant 16.000 élèves et 78 alliances françaises accueillant 115.000 étudiants ;
- Des grands groupes français nombreux et dynamiques 17,9 % des implantations françaises dans le monde ;
- Des communautés françaises dont le nombre a triplé en 20 ans, soit trois fois plus vite quailleurs dans le monde, et qui se distinguent par leur créativité et leur esprit dentreprise.
Fort de ces atouts et conscient des enjeux, notre pays a défini dès les années 1990 une politique ambitieuse à légard de lAsie, «nouvelle frontière de sa diplomatie».
Le premier axe de cette politique, cest létablissement de partenariats stratégiques avec plusieurs grands acteurs avec lesquels la France souhaite développer une vision commune du monde : la Chine, lInde, la Corée du Sud et le Japon, dabord, et, depuis peu, lIndonésie. Ces partenariats nous fournissent un cadre pour des échanges approfondis et des coopérations renforcées dans des domaines essentiels pour nos intérêts nationaux respectifs.
Le deuxième axe, cest la contribution à la sécurité régionale et internationale, quil sagisse de notre présence en Afghanistan, de notre lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, notamment à travers notre participation à la Proliferation Security Initiative, ou de notre présence active dans le Pacifique-Sud et dans lOcéan indien.
Le troisième axe de cette politique, cest la contribution au renforcement de lÉtat de droit et à lémergence dune société civile pluraliste. Nous avons joué un rôle moteur dans la création dun dialogue euro-chinois sur les droits de lHomme. Celui-ci est particulièrement important dans la période actuelle, où le progrès économique et social contraste durement avec la dégradation de la situation des défenseurs des droits de lHomme en Chine et avec une détérioration de la situation au Tibet et dans les autres zones de peuplement tibétain. Nous appelons à une solution par le dialogue, respectueuse de lidentité culturelle et religieuse tibétaine, dans le cadre de la République populaire de Chine.
Nous sommes également aux avant-postes pour promouvoir une stratégie de levée progressive des sanctions européennes en accompagnement des réformes en Birmanie. Nos instruments de coopération et notre aide publique au développement pour lAsie - un milliard deuros par an - sont des outils essentiels pour y parvenir.
Mais laffirmation asiatique prend aujourdhui une telle ampleur que nous devons également inscrire le développement de nos relations bilatérales dans un cadre plus large, celui de lUnion européenne, dont la taille critique correspond à celle des géants de ce continent.
Forte de son rang de première puissance économique mondiale, et notamment de premier investisseur direct à létranger, lUnion européenne est particulièrement bien placée pour séduire lAsie. Sa population hautement qualifiée, la qualité de ses infrastructures, son cadre législatif attrayant et stable sont autant déléments susceptibles dattirer davantage encore les investissements asiatiques. Je pense notamment aux pays de lAssociation des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN), où lUnion européenne est le premier investisseur, mais dont elle nest que le deuxième partenaire, derrière la Chine. Nécoutons pas les déclinistes, qui nous disent quà mesure que lAsie émerge, lEurope sétiole. La vérité, cest que de même que lEurope a besoin de lAsie, lAsie a besoin de lEurope. Contrairement à lidée qui a pu circuler, la contribution chinoise à la stabilisation financière de la zone euro nest pas le fruit dune stratégie prédatrice. Dans un monde de plus en plus interdépendant, elle répond à une exigence de solidarité et de responsabilité, à la nécessité pour la Chine de participer - dans son propre intérêt - à la prospérité de son premier partenaire commercial.
Au-delà de son poids économique, lEurope représente également une réalisation politique attractive. Elle a su créer un modèle coopératif, qui a assuré au continent une paix et une stabilité inédites et qui nous rend dautant plus légitimes pour porter les valeurs de respect des droits de lHomme, de démocratie et dÉtat de droit. Ce modèle, lAssociation des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) sen est inspirée en mettant progressivement en place une intégration croissante, notamment depuis ladoption, en 2007, dune Charte politique. Aujourdhui, elle débat de la possibilité de mettre en place une communauté économique en 2015 et de jeter les bases dune politique étrangère commune.
Pour tirer pleinement parti de lémergence asiatique, la France et lEurope doivent établir avec lAsie une relation qui profite à tous.
Cela implique dabord de donner un nouveau souffle au dialogue euro-asiatique. Nous disposons pour cela de tous les canaux nécessaires :
- Les partenariats stratégiques que lUnion européenne, comme la France à titre bilatéral, a conclus avec lInde, la Chine et le Japon : nous devons leur donner toute leur portée.
- Les relations que lUnion européenne entretient avec lAssociation des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN), 9e puissance économique mondiale et pilier de la sécurité régionale. Ces relations sont déjà denses, non seulement en termes commerciaux et de coopération, mais aussi en matière politique, comme la illustré le succès de notre mission dobservation conjointe de laccord de paix dAceh. Mais nous devons aller plus loin, notamment en renforçant la participation de lUnion européenne au Forum régional de lASEAN (ARF), instance régionale de consultation sur les questions de sécurité appelée à jouer un rôle de plus en plus important.
- Troisième canal de dialogue euro-asiatique : lAsia-Europe Meeting (ASEM), qui regroupe plus de 50 % du PIB mondial, 58 % de la population mondiale et 60 % du commerce international, dont le bilan souffre de la dispersion et du manque de suivi des projets. Nous devons le rénover, en répondant de manière urgente aux trois questions qui se posent depuis longtemps : la création dun secrétariat permanent ; ladoption dune charte constitutive ; ladoption dun agenda davantage en phase avec lactualité internationale.
Établir avec lAsie une relation qui profite à tous, cest aussi construire avec elle une relation équilibrée, dégal à égal. Dans toutes ces enceintes de dialogue, nous devons placer le principe de réciprocité au cur de nos échanges. Lobjectif, cest de mettre en place un certain nombre de pratiques susceptibles de lutter contre la concurrence déloyale, et donc contre la désindustrialisation. Cest notamment vrai en matière daccès aux marchés publics, dans des pays où règne souvent louverture asymétrique, en matière de respect de la propriété intellectuelle, mais aussi sagissant des indications géographiques, de la libéralisation dans le domaine des services ou de lamélioration des normes sociales ou environnementales. Laccord de partenariat signé entre lUnion européenne et la Corée du Sud, qui est laccord de libre-échange le plus ambitieux et le plus complet que lEurope ait jamais négocié à ce jour, est un signal fort envoyé aux autres partenaires asiatiques de lUnion européenne.
Établir avec lAsie une relation qui profite à tous, cest enfin bâtir avec elle une relation responsable.
Dans un monde désormais multipolaire, notre pays sengage en faveur dun multilatéralisme rénové, un multilatéralisme qui ne soit pas uniquement la résultante du choc des intérêts des puissances, mais qui permette lémergence dun intérêt supérieur, dun bien commun mondial.
Cela suppose dabord de donner aux émergents la place qui leur revient sur la scène internationale. Vous le savez, notre système international date de 1945. Aujourdhui, si son idéal reste intact - en relisant la Charte des Nations unies, on ne peut que saluer lesprit visionnaire de ses rédacteurs -, force est de constater que ses modes de fonctionnement ne correspondent plus à la réalité du monde. La France met tout en uvre pour que les pays émergents puissent sy investir pleinement. Cest dans cet esprit que nous avons soutenu lactivation du G20, que nous sommes favorables à la réforme du FMI et que nous soutenons la réforme du Conseil de sécurité de lONU, notamment les revendications du G4, où figurent deux pays asiatiques. Pourquoi appuyer la candidature de lInde et du Japon au statut de membre permanent du Conseil de sécurité ? Parce que ce sont deux géants asiatiques qui ont incontestablement leur mot à dire sur les questions de paix et de sécurité internationales.
Mais cela implique aussi de convaincre nos grands partenaires que la puissance ne va pas sans responsabilité, quà la défense de stricts intérêts nationaux, il faut associer une gestion concertée des défis qui se posent à tous à moyen et long terme. Je voudrais en donner trois exemples.
Le premier, cest le changement climatique. Aujourdhui, les émergents asiatiques semblent réticents à endosser des objectifs internationaux obligatoires de lutte contre ce fléau. Pour eux, le réchauffement climatique est davantage la conséquence du développement occidental que de leur rattrapage économique ou de leur industrialisation récente. Mais la Chine est depuis 2007 le premier pays émetteur de CO2 dans le monde en valeur absolue, devant les États-Unis. Du fait de lampleur de la déforestation, lIndonésie est aujourdhui le 3e émetteur mondial de gaz à effet de serre. Heureusement, une prise de conscience semble avoir eu lieu. En Chine, en Inde et en Indonésie, les gouvernements ont pris des mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Nous encourageons activement ce mouvement, notamment par le biais de lAgence française de développement.
Deuxième défi : les déséquilibres financiers. Les effets négatifs des excédents de la balance commerciale et des réserves de devises accumulées par la Chine ont été dénoncés depuis longtemps. La politique de sous-évaluation du yuan est également dénoncée comme favorisant de façon déséquilibrée la compétitivité des produits dorigine chinoise. Certes, Pékin a fait des concessions, en acceptant de réorienter progressivement son modèle économique vers la consommation intérieure et en faisant des pas vers une internationalisation de sa monnaie. Mais beaucoup reste à faire pour lutter contre les déséquilibres de léconomie mondiale.
Troisième défi : la paix et la sécurité. Cest vrai, aujourdhui, de plus en plus de soldats indiens et chinois participent à des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Cest vrai, lInde et la Chine contribuent désormais à nos côtés à la lutte contre la piraterie au large de la Corne de lAfrique. Mais dans bien dautres domaines, nous avons encore besoin daméliorer notre compréhension mutuelle, quil sagisse du dossier nucléaire iranien ou de la situation actuelle en Syrie.
Mesdames, Messieurs,
Vous le voyez, loin du pessimisme ou du déclinisme, je suis convaincu que la montée en puissance de lAsie participe à lémergence de ce nouveau monde dans lequel lEurope a toute sa place et où il ne tient quà nous de demeurer un acteur de premier rang. Je le dis souvent : la mondialisation sera ce que nous en ferons.
Grâce à la formation dexcellence que vous êtes en train dacquérir, vous aurez la chance de pouvoir contribuer, demain, à la consolidation des relations entre lEurope et lAsie.
Ce défi, nous devons laborder avec confiance, curiosité et pragmatisme :
- Confiance dans ce que nos valeurs ont de meilleur et dans leur caractère universel, qui en fait des références pour lAsie et pour le monde ;
- Curiosité, pour être en mesure daccueillir avec intérêt et dans un esprit constructif les changements quapporte cette présence nouvelle de lAsie sur la scène internationale ;
- Pragmatisme, pour savoir nous libérer de ce qui nest pas essentiel et pour choisir ce qui nous porte en avant et nous rend plus fort.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2012
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