Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, le débat qui souvre aujourdhui intervient dans un contexte très particulier.
Dabord, la Grèce a été sauvée de la faillite. Est-il utile de rappeler que ce nest pas lEurope qui a mis la Grèce dans létat où elle se trouve ? Est-il utile de rappeler que, comme lavouait sincèrement M. Papandréou, ce sont des fautes accumulées par les dirigeants grecs qui ont creusé une dette insoutenable, leuro ayant souvent masqué une économie faible et un endettement exagéré ?
Dire que lEurope ne vient pas au secours de la Grèce alors quelle apporte plus de 237 milliards deuros, dire que lEurope napporte pas daide à la Grèce alors que cette aide significative lui permet déviter la faillite du pays, le non-paiement des fonctionnaires, limpossibilité de recourir au moindre endettement ou au moindre prêt ultérieurement, cest une contrevérité, cest un mensonge.
LEurope est solidaire de la Grèce. Qui a été à linitiative de laide à la Grèce face à la réticence dun certain nombre dÉtats européens ? Cest la France et cest le Président de la République.
Jentends dire que le peuple grec souffre, et cest une réalité. Jentends dire aussi que, dans ce contexte, lEurope devrait se désintéresser du sort de la Grèce.
Nous pensons, nous, quil faut aider la Grèce pour des raisons morales, parce quelle fait partie de la famille européenne et de la famille de leuro. Cest aussi une mission économique et politique car il y a un risque de contamination et la crise pourrait sétendre demain au Portugal, à lEspagne ou à dautres pays. Cest donc lintérêt de la Grèce, de la France et de lEurope.
Dans ce contexte, il y a un deuxième élément pour éviter que lépisode grec ne se reproduise, le mécanisme européen de stabilité.
Il sagit dun fonds monétaire européen, un fonds aidant les États défaillants dans une spéculation financière mondialisée et les protégeant contre la finance ( ).
Notre ennemi, cest la spéculation financière contre les États qui affame les peuples et les confine dans la misère. Pour lutter contre elle, nous utilisons des moyens efficaces. Le mécanisme européen de stabilité est le pare-feu que la France a proposé.
( )
En marge de ce Conseil, arrive aussi le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et avec lui le mot «discipline». Cela suscite beaucoup démotion du côté gauche de cet hémicycle, mais je madresse à lensemble des Français. Nos concitoyens acceptent-ils que la France et lensemble des pays européens paient pour la Grèce sans contrepartie, sans plan de redressement, sans discipline ?
Comment pouvez-vous imaginer que la solidarité ne soit pas assortie de la discipline ?
Comment pouvez-vous imaginer que nous puissions faire accepter à lensemble des peuples européens la solidarité vis-à-vis de la Grèce si nous ne sommes pas capables dadopter une discipline commune ?
Rousseau ( ) disait : «Lobéissance à la loi quon sest prescrite est liberté.» Eh bien, la liberté, pour les peuples européens, le moyen de ne pas se trouver endetté, cest daccepter la règle dor.
La règle dor nest pas une invention allemande. ( )
Cependant, la question doit être posée à nos concitoyens : est-il anormal de dire que nous ne dépenserons pas plus que ce que nous produirons et que, par solidarité, nous ne creuserons pas le déficit ?
Creuser le déficit, aujourdhui, cest altérer la solidarité envers les générations futures. ( )
Souveraineté : le peuple serait plus souverain, parce quil aurait transmis cette règle dor, et que nous laurions adoptée ensemble. Qui est libre ? Qui est libre dans une famille lorsque le créancier frappe à la porte et demande son dû ?
Qui est libre dans une entreprise quand on ne peut pas payer les salaires et quon est obligé de mettre la clé sous la porte ? Qui est libre dans un État dont lensemble des créanciers annoncent quil va être en faillite et le peuple dans la misère ?
Cette liberté, cette souveraineté sont reconquises par une meilleure intégration européenne. LEurope est un équilibre entre la solidarité et la discipline, entre la rigueur et la croissance.
( )
Comme lont très bien expliqué Pierre Lequiller et Rudy Salles, demain, 80 milliards seront redistribués selon deux axes. Le premier est la formation et lemploi des jeunes, pour lesquels seront dégagés 22 milliards de fonds de solidarité européens. Nest-ce pas une forme de plan de relance ? Nest-ce pas une façon de considérer que le chômage des jeunes, qui atteint 46 % en Espagne et 23 % dans lensemble de la zone euro est un problème auquel il faut que sattaque lEurope ? Eh bien, il a été décidé, en marge de ce sommet européen, dattribuer 22 milliards à ce problème spécifique.
Le second axe, ce sont les petites et moyennes entreprises. Elles sont le fer de lance de léconomie de demain car elles représentent la capacité dentreprendre, et elles ont souvent eu la force de résister à une crise très difficile. Comment pouvons-nous les aider ? Dabord, par une législation plus permissive et plus ouverte, en allégeant les contraintes, en réduisant la complexité, en étendant les capacités de capital-risque, en faisant en sorte que les petites et moyennes entreprises soient moins assujetties à une administration tatillonne et que les marchés publics leur soient davantage ouverts, avec des critères écologiques, sociaux, dinnovation. Voilà lélément de la croissance.
LEurope met 82 milliards deuros sur les petites et moyennes entreprises et le chômage des jeunes. ( ).
La réciprocité, ce nest pas la fermeture de nos frontières, ce nest pas le retour au franc, ni le retour à la France des années soixante. Cest dire que lEurope sest dotée de critères : développement durable, innovation, critères sociaux Ce sommet abordera lEurope sociale. Il faut désormais exiger la réciprocité des pays qui nappliquent pas les mêmes règles écologiques et sociales que la France et lEurope.
Une Europe nouvelle est en train de naître. ( )
Q - (À propos de la participation des pays émergents au mécanisme européen de stabilité)
R - Monsieur Caresche, vous avez raison de poser cette question, car cest celle de lindépendance et de linterdépendance sur la scène internationale. Nous avons bien compris que, dans le monde daujourdhui, chacun dépend de lautre. Pourquoi la Chine, pourquoi nos amis britanniques ou les États-Unis se posent-ils des questions sur la zone euro ? Parce que si, demain, cette zone seffondrait, toutes les économies seraient en difficulté.
Ensuite, louverture des marchés est mondiale. Toutefois, je tiens à vous rassurer : le mécanisme européen de stabilité nest pas ouvert à lensemble des marchés mondiaux. Oui à linterdépendance, qui fait émerger une nouvelle solidarité mondiale et une force européenne, que nous devons opposer, mais non à la dépendance aux marchés financiers, qui contribueraient abusivement à laide que nous pouvons apporter au niveau européen et sen prévaudraient pour influer sur nos économies ! Le mécanisme européen de stabilité nest pas ouvert aux marchés internationaux.
Q - (À propos de la suppression des droits de plantation en matière viticole)
R - Robert Lecou sait, bien sûr, que cette question nest pas à lordre du jour du prochain Conseil européen. Néanmoins, elle le préoccupe à juste titre, comme elle préoccupe beaucoup de nos viticulteurs. Cest pourquoi je veux lui apporter des informations extrêmement positives.
En 2008, malgré nous, la Commission a envisagé de supprimer les droits de plantation à partir de 2016. Cest dans cette perspective, et dans celle du plan de financement européen 2014-2020, que le problème se pose ; il nest donc pas immédiat mais il est préoccupant.
Le souci de la France est heureusement relayé par de nombreux pays, treize au total, et non des moindres, tels que lAllemagne, lItalie, lEspagne, ainsi que dautres plus modestes, comme Chypre ou la Grèce. Ces pays se sont émus dune telle situation, car elle présente deux inconvénients.
Tout dabord, elle risque de déstabiliser les revenus, déjà relativement précaires et fragiles, de toute une partie des travailleurs, mais elle peut aussi altérer la qualité de nos produits.
Cest la raison pour laquelle, sur intervention de la France, la Commission a décidé, par lintermédiaire du commissaire Ciolos, de mettre en place un groupe de travail chargé détudier lensemble de ces problèmes. Une telle annonce est le premier résultat de notre remise en cause de la libéralisation des droits de plantation.
Si la Commission avait décidé de passer outre et de ne pas revenir sur sa décision, elle naurait pas créé ce groupe de travail qui aboutira, jen suis sûr, sous limpulsion de la France et de Bruno Le Maire, à renoncer à lidée funeste de supprimer les droits de plantation.
Q - (À propos de lorganisation éventuelle dun référendum sur ladoption de la règle dOr)
R - Monsieur Dolez, la Constitution, vous le savez, peut être modifiée par deux voies : celle du Congrès et celle du référendum. Vous savez aussi que la règle dor ne peut être quune réforme constitutionnelle. Dès lors, ou bien il y a une majorité au Congrès, ou bien on organise un référendum si lon veut changer la Constitution sur ce point. Enfin, je rappelle que ces deux voies existent en France, alors que dans dautres pays que lon cite en exemple, telle lIrlande, il ny a quune voie : la voie référendaire.
( )
Q - (À propos de la Syrie)
R - Monsieur Rudy Salles, votre question est quasiment une réponse puisque vous qui connaissez très bien le sujet avez évoqué toutes les sanctions qui, à linitiative de la France et de lEurope, ont été prises vis-à-vis du régime syrien, qui massacre son peuple et bafoue la démocratie la plus élémentaire.
Le plan de la Ligue arabe est la seule voie crédible et la seule possible. Vous savez que la réunion des Amis du peuple syrien a eu lieu à Tunis, à linitiative de la France, le 24 février, et quils ont envoyé un message de soutien au peuple syrien ainsi quà lensemble des personnes en rébellion ; Les prochaines étapes de la mobilisation internationale, y compris toutes les pistes lancées par la Ligue arabe, se poursuivent au niveau européen. Jen veux pour preuve les éléments que vous avez évoqués, quil sagisse de la Banque centrale syrienne ou de lembargo sur le fret, mais aussi bien sûr les mesures dembargo sur les armes, appliquées depuis longtemps.
Le gouvernement va continuer à intensifier sa pression sur le régime de Bachar Al-Assad et rappeler que la France souhaite aussi linterdiction des exportations de phosphates syriens vers lUnion européenne, ce qui sera un élément supplémentaire pour assécher les ressources du régime.
Nous sommes persuadés que nous devons continuer à affirmer notre position et que la révolte légitime dun peuple qui aspire à la liberté ainsi que le soutien international de la France, de lUnion européenne et dautres États feront plier le gouvernement syrien.
Je tiens à donner des nouvelles de Mme Bouvier, qui a été blessée gravement à Homs. Les autorités françaises, vous le savez, sont pleinement mobilisées ainsi que la communauté internationale, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge. La procédure est bien entendu en cours pour la mettre hors de tout danger.
Q - (À propos de la régulation et de la réforme du système financier international)
R - ( ) il me paraît nécessaire de rappeler que, pour lutter contre les marchés financiers, on est obligé dintervenir au niveau international. ( )
Un certain nombre de directives sont en train dêtre mises en place, par exemple celle sur la garantie des dépôts et celle sur les produits dérivés. Jajoute quaucune banque française na aujourdhui des avoirs dans les paradis fiscaux.
Par conséquent, Monsieur Garrigue, les choses sont très claires : le gouvernement a agi à la fois au niveau national, au niveau européen mais aussi international, au travers du G20 et du G8. ( )
Q - (À propos de laction de lUnion européenne contre la fraude fiscale)
R - Vous avez raison, la fraude fiscale est une plaie pour la Grèce. Quand on pense quelle équivaut à peu près au déficit annuel du pays on imagine les conséquences pour le peuple grec, qui se trouve dans la situation que nous connaissons.
Dans ce contexte, la liste noire publiée au niveau européen et renforcée par la France est lun des moyens de la lutte globale contre les paradis fiscaux.
Il nest pas suffisant, il en faut dautres, parmi lesquels laction de la Suisse vis-à-vis de lévasion fiscale en provenance dautre pays.
Vous le savez, la Suisse a pris attache avec la Grande-Bretagne et lAllemagne et elle a signé avec ces deux pays des accords que nous contestons car ils ne se font pas dans la transparence et parce quils ne servent quà amnistier pour un prix forfaitaire et global toute la fraude fiscale concernée. Ce nest pas notre conception de la transparence et de la lutte contre la fraude fiscale. La Commission a été saisie et je suis sûr quelle va considérer que ces deux accords passés avec lAllemagne et la Grande-Bretagne ne sont pas acceptables.
Voilà pourquoi il faut des experts et la troïka auprès de la Grèce : 5 milliards deuros ont été rapatriés en Grèce à la suite de laide que nous apportons au peuple grec.
La Grèce a besoin dune aide substantielle pour éviter la faillite, dune assistance structurelle en ce qui concerne la collecte de limpôt et la fraude fiscale, et aussi des moyens dassurer la relance. Dici à 2013, 16 milliards deuros de fonds structurels vont être débloqués afin de permettre la relance pour le peuple grec.
Voyez quil ny a pas que de laustérité mais aussi de la solidarité, de la croissance et de la relance par lintermédiaire de lUnion européenne. La lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale en Grèce fait partie des priorités européennes.
Q - (À propos des moyens à mettre en uvre pour relancer la croissance en Europe)
R - Monsieur le Député, vous posez la vraie question. Lincendie est éteint et les pare-feux sont montés, mais nous devons être capables de trouver la stabilité, et aussi la croissance, car cest elle qui permettra également de réduire les déficits.
Comment allier la discipline budgétaire à la relance et à la croissance ? Lexemple français montre que lon peut appliquer une discipline budgétaire sans diminuer le salaire des fonctionnaires, sans augmenter le chômage de manière phénoménale, sans être contraints de renoncer à des fondamentaux qui font partie de notre pacte social. Personne ne peut contester que nous y sommes parvenus.
Cela étant, comment relancer léconomie ? Les 35 milliards deuros investis dans les dépenses davenir permettent à la recherche française dêtre à la pointe au niveau européen. Sagissant des perspectives financières européennes, nous devons être capables de nous imposer une rigueur budgétaire tout en trouvant les éléments de la relance. Quels sont-ils ? Un meilleur dynamisme des petites et moyennes entreprises et une lutte contre le chômage des jeunes.
Faut-il déréguler le marché, le libéraliser totalement ? La France y est opposée car nous ne voulons pas mettre en concurrence un centre communal daction sociale ou une crèche avec des structures privées, parce que nous pensons que le service public à la française est un élément de stabilité de notre pacte social.
Cest la raison pour laquelle nous navons pas adhéré à la proposition des douze États en faveur dune libéralisation totale du marché que vous avez mentionnée. Néanmoins, nous travaillons sur les perspectives financières, pour quau lieu de dépenser plus nous dépensions mieux à lavenir.
Dans les politiques de cohésion, de relance ou de recherche, nous pouvons définir des éléments qui seront des moteurs pour lEurope - à lexemple dITER ou de GEMS - sans pour autant augmenter de manière exagérée le budget européen.
Lobjectif est une discipline budgétaire qui ne soit pas austérité et une relance qui ne soit pas gaspillage dargent public mais vision dun développement économique et dune nouvelle croissance pour une Europe nouvelle.
Source : http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2012
Dabord, la Grèce a été sauvée de la faillite. Est-il utile de rappeler que ce nest pas lEurope qui a mis la Grèce dans létat où elle se trouve ? Est-il utile de rappeler que, comme lavouait sincèrement M. Papandréou, ce sont des fautes accumulées par les dirigeants grecs qui ont creusé une dette insoutenable, leuro ayant souvent masqué une économie faible et un endettement exagéré ?
Dire que lEurope ne vient pas au secours de la Grèce alors quelle apporte plus de 237 milliards deuros, dire que lEurope napporte pas daide à la Grèce alors que cette aide significative lui permet déviter la faillite du pays, le non-paiement des fonctionnaires, limpossibilité de recourir au moindre endettement ou au moindre prêt ultérieurement, cest une contrevérité, cest un mensonge.
LEurope est solidaire de la Grèce. Qui a été à linitiative de laide à la Grèce face à la réticence dun certain nombre dÉtats européens ? Cest la France et cest le Président de la République.
Jentends dire que le peuple grec souffre, et cest une réalité. Jentends dire aussi que, dans ce contexte, lEurope devrait se désintéresser du sort de la Grèce.
Nous pensons, nous, quil faut aider la Grèce pour des raisons morales, parce quelle fait partie de la famille européenne et de la famille de leuro. Cest aussi une mission économique et politique car il y a un risque de contamination et la crise pourrait sétendre demain au Portugal, à lEspagne ou à dautres pays. Cest donc lintérêt de la Grèce, de la France et de lEurope.
Dans ce contexte, il y a un deuxième élément pour éviter que lépisode grec ne se reproduise, le mécanisme européen de stabilité.
Il sagit dun fonds monétaire européen, un fonds aidant les États défaillants dans une spéculation financière mondialisée et les protégeant contre la finance ( ).
Notre ennemi, cest la spéculation financière contre les États qui affame les peuples et les confine dans la misère. Pour lutter contre elle, nous utilisons des moyens efficaces. Le mécanisme européen de stabilité est le pare-feu que la France a proposé.
( )
En marge de ce Conseil, arrive aussi le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et avec lui le mot «discipline». Cela suscite beaucoup démotion du côté gauche de cet hémicycle, mais je madresse à lensemble des Français. Nos concitoyens acceptent-ils que la France et lensemble des pays européens paient pour la Grèce sans contrepartie, sans plan de redressement, sans discipline ?
Comment pouvez-vous imaginer que la solidarité ne soit pas assortie de la discipline ?
Comment pouvez-vous imaginer que nous puissions faire accepter à lensemble des peuples européens la solidarité vis-à-vis de la Grèce si nous ne sommes pas capables dadopter une discipline commune ?
Rousseau ( ) disait : «Lobéissance à la loi quon sest prescrite est liberté.» Eh bien, la liberté, pour les peuples européens, le moyen de ne pas se trouver endetté, cest daccepter la règle dor.
La règle dor nest pas une invention allemande. ( )
Cependant, la question doit être posée à nos concitoyens : est-il anormal de dire que nous ne dépenserons pas plus que ce que nous produirons et que, par solidarité, nous ne creuserons pas le déficit ?
Creuser le déficit, aujourdhui, cest altérer la solidarité envers les générations futures. ( )
Souveraineté : le peuple serait plus souverain, parce quil aurait transmis cette règle dor, et que nous laurions adoptée ensemble. Qui est libre ? Qui est libre dans une famille lorsque le créancier frappe à la porte et demande son dû ?
Qui est libre dans une entreprise quand on ne peut pas payer les salaires et quon est obligé de mettre la clé sous la porte ? Qui est libre dans un État dont lensemble des créanciers annoncent quil va être en faillite et le peuple dans la misère ?
Cette liberté, cette souveraineté sont reconquises par une meilleure intégration européenne. LEurope est un équilibre entre la solidarité et la discipline, entre la rigueur et la croissance.
( )
Comme lont très bien expliqué Pierre Lequiller et Rudy Salles, demain, 80 milliards seront redistribués selon deux axes. Le premier est la formation et lemploi des jeunes, pour lesquels seront dégagés 22 milliards de fonds de solidarité européens. Nest-ce pas une forme de plan de relance ? Nest-ce pas une façon de considérer que le chômage des jeunes, qui atteint 46 % en Espagne et 23 % dans lensemble de la zone euro est un problème auquel il faut que sattaque lEurope ? Eh bien, il a été décidé, en marge de ce sommet européen, dattribuer 22 milliards à ce problème spécifique.
Le second axe, ce sont les petites et moyennes entreprises. Elles sont le fer de lance de léconomie de demain car elles représentent la capacité dentreprendre, et elles ont souvent eu la force de résister à une crise très difficile. Comment pouvons-nous les aider ? Dabord, par une législation plus permissive et plus ouverte, en allégeant les contraintes, en réduisant la complexité, en étendant les capacités de capital-risque, en faisant en sorte que les petites et moyennes entreprises soient moins assujetties à une administration tatillonne et que les marchés publics leur soient davantage ouverts, avec des critères écologiques, sociaux, dinnovation. Voilà lélément de la croissance.
LEurope met 82 milliards deuros sur les petites et moyennes entreprises et le chômage des jeunes. ( ).
La réciprocité, ce nest pas la fermeture de nos frontières, ce nest pas le retour au franc, ni le retour à la France des années soixante. Cest dire que lEurope sest dotée de critères : développement durable, innovation, critères sociaux Ce sommet abordera lEurope sociale. Il faut désormais exiger la réciprocité des pays qui nappliquent pas les mêmes règles écologiques et sociales que la France et lEurope.
Une Europe nouvelle est en train de naître. ( )
Q - (À propos de la participation des pays émergents au mécanisme européen de stabilité)
R - Monsieur Caresche, vous avez raison de poser cette question, car cest celle de lindépendance et de linterdépendance sur la scène internationale. Nous avons bien compris que, dans le monde daujourdhui, chacun dépend de lautre. Pourquoi la Chine, pourquoi nos amis britanniques ou les États-Unis se posent-ils des questions sur la zone euro ? Parce que si, demain, cette zone seffondrait, toutes les économies seraient en difficulté.
Ensuite, louverture des marchés est mondiale. Toutefois, je tiens à vous rassurer : le mécanisme européen de stabilité nest pas ouvert à lensemble des marchés mondiaux. Oui à linterdépendance, qui fait émerger une nouvelle solidarité mondiale et une force européenne, que nous devons opposer, mais non à la dépendance aux marchés financiers, qui contribueraient abusivement à laide que nous pouvons apporter au niveau européen et sen prévaudraient pour influer sur nos économies ! Le mécanisme européen de stabilité nest pas ouvert aux marchés internationaux.
Q - (À propos de la suppression des droits de plantation en matière viticole)
R - Robert Lecou sait, bien sûr, que cette question nest pas à lordre du jour du prochain Conseil européen. Néanmoins, elle le préoccupe à juste titre, comme elle préoccupe beaucoup de nos viticulteurs. Cest pourquoi je veux lui apporter des informations extrêmement positives.
En 2008, malgré nous, la Commission a envisagé de supprimer les droits de plantation à partir de 2016. Cest dans cette perspective, et dans celle du plan de financement européen 2014-2020, que le problème se pose ; il nest donc pas immédiat mais il est préoccupant.
Le souci de la France est heureusement relayé par de nombreux pays, treize au total, et non des moindres, tels que lAllemagne, lItalie, lEspagne, ainsi que dautres plus modestes, comme Chypre ou la Grèce. Ces pays se sont émus dune telle situation, car elle présente deux inconvénients.
Tout dabord, elle risque de déstabiliser les revenus, déjà relativement précaires et fragiles, de toute une partie des travailleurs, mais elle peut aussi altérer la qualité de nos produits.
Cest la raison pour laquelle, sur intervention de la France, la Commission a décidé, par lintermédiaire du commissaire Ciolos, de mettre en place un groupe de travail chargé détudier lensemble de ces problèmes. Une telle annonce est le premier résultat de notre remise en cause de la libéralisation des droits de plantation.
Si la Commission avait décidé de passer outre et de ne pas revenir sur sa décision, elle naurait pas créé ce groupe de travail qui aboutira, jen suis sûr, sous limpulsion de la France et de Bruno Le Maire, à renoncer à lidée funeste de supprimer les droits de plantation.
Q - (À propos de lorganisation éventuelle dun référendum sur ladoption de la règle dOr)
R - Monsieur Dolez, la Constitution, vous le savez, peut être modifiée par deux voies : celle du Congrès et celle du référendum. Vous savez aussi que la règle dor ne peut être quune réforme constitutionnelle. Dès lors, ou bien il y a une majorité au Congrès, ou bien on organise un référendum si lon veut changer la Constitution sur ce point. Enfin, je rappelle que ces deux voies existent en France, alors que dans dautres pays que lon cite en exemple, telle lIrlande, il ny a quune voie : la voie référendaire.
( )
Q - (À propos de la Syrie)
R - Monsieur Rudy Salles, votre question est quasiment une réponse puisque vous qui connaissez très bien le sujet avez évoqué toutes les sanctions qui, à linitiative de la France et de lEurope, ont été prises vis-à-vis du régime syrien, qui massacre son peuple et bafoue la démocratie la plus élémentaire.
Le plan de la Ligue arabe est la seule voie crédible et la seule possible. Vous savez que la réunion des Amis du peuple syrien a eu lieu à Tunis, à linitiative de la France, le 24 février, et quils ont envoyé un message de soutien au peuple syrien ainsi quà lensemble des personnes en rébellion ; Les prochaines étapes de la mobilisation internationale, y compris toutes les pistes lancées par la Ligue arabe, se poursuivent au niveau européen. Jen veux pour preuve les éléments que vous avez évoqués, quil sagisse de la Banque centrale syrienne ou de lembargo sur le fret, mais aussi bien sûr les mesures dembargo sur les armes, appliquées depuis longtemps.
Le gouvernement va continuer à intensifier sa pression sur le régime de Bachar Al-Assad et rappeler que la France souhaite aussi linterdiction des exportations de phosphates syriens vers lUnion européenne, ce qui sera un élément supplémentaire pour assécher les ressources du régime.
Nous sommes persuadés que nous devons continuer à affirmer notre position et que la révolte légitime dun peuple qui aspire à la liberté ainsi que le soutien international de la France, de lUnion européenne et dautres États feront plier le gouvernement syrien.
Je tiens à donner des nouvelles de Mme Bouvier, qui a été blessée gravement à Homs. Les autorités françaises, vous le savez, sont pleinement mobilisées ainsi que la communauté internationale, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge. La procédure est bien entendu en cours pour la mettre hors de tout danger.
Q - (À propos de la régulation et de la réforme du système financier international)
R - ( ) il me paraît nécessaire de rappeler que, pour lutter contre les marchés financiers, on est obligé dintervenir au niveau international. ( )
Un certain nombre de directives sont en train dêtre mises en place, par exemple celle sur la garantie des dépôts et celle sur les produits dérivés. Jajoute quaucune banque française na aujourdhui des avoirs dans les paradis fiscaux.
Par conséquent, Monsieur Garrigue, les choses sont très claires : le gouvernement a agi à la fois au niveau national, au niveau européen mais aussi international, au travers du G20 et du G8. ( )
Q - (À propos de laction de lUnion européenne contre la fraude fiscale)
R - Vous avez raison, la fraude fiscale est une plaie pour la Grèce. Quand on pense quelle équivaut à peu près au déficit annuel du pays on imagine les conséquences pour le peuple grec, qui se trouve dans la situation que nous connaissons.
Dans ce contexte, la liste noire publiée au niveau européen et renforcée par la France est lun des moyens de la lutte globale contre les paradis fiscaux.
Il nest pas suffisant, il en faut dautres, parmi lesquels laction de la Suisse vis-à-vis de lévasion fiscale en provenance dautre pays.
Vous le savez, la Suisse a pris attache avec la Grande-Bretagne et lAllemagne et elle a signé avec ces deux pays des accords que nous contestons car ils ne se font pas dans la transparence et parce quils ne servent quà amnistier pour un prix forfaitaire et global toute la fraude fiscale concernée. Ce nest pas notre conception de la transparence et de la lutte contre la fraude fiscale. La Commission a été saisie et je suis sûr quelle va considérer que ces deux accords passés avec lAllemagne et la Grande-Bretagne ne sont pas acceptables.
Voilà pourquoi il faut des experts et la troïka auprès de la Grèce : 5 milliards deuros ont été rapatriés en Grèce à la suite de laide que nous apportons au peuple grec.
La Grèce a besoin dune aide substantielle pour éviter la faillite, dune assistance structurelle en ce qui concerne la collecte de limpôt et la fraude fiscale, et aussi des moyens dassurer la relance. Dici à 2013, 16 milliards deuros de fonds structurels vont être débloqués afin de permettre la relance pour le peuple grec.
Voyez quil ny a pas que de laustérité mais aussi de la solidarité, de la croissance et de la relance par lintermédiaire de lUnion européenne. La lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale en Grèce fait partie des priorités européennes.
Q - (À propos des moyens à mettre en uvre pour relancer la croissance en Europe)
R - Monsieur le Député, vous posez la vraie question. Lincendie est éteint et les pare-feux sont montés, mais nous devons être capables de trouver la stabilité, et aussi la croissance, car cest elle qui permettra également de réduire les déficits.
Comment allier la discipline budgétaire à la relance et à la croissance ? Lexemple français montre que lon peut appliquer une discipline budgétaire sans diminuer le salaire des fonctionnaires, sans augmenter le chômage de manière phénoménale, sans être contraints de renoncer à des fondamentaux qui font partie de notre pacte social. Personne ne peut contester que nous y sommes parvenus.
Cela étant, comment relancer léconomie ? Les 35 milliards deuros investis dans les dépenses davenir permettent à la recherche française dêtre à la pointe au niveau européen. Sagissant des perspectives financières européennes, nous devons être capables de nous imposer une rigueur budgétaire tout en trouvant les éléments de la relance. Quels sont-ils ? Un meilleur dynamisme des petites et moyennes entreprises et une lutte contre le chômage des jeunes.
Faut-il déréguler le marché, le libéraliser totalement ? La France y est opposée car nous ne voulons pas mettre en concurrence un centre communal daction sociale ou une crèche avec des structures privées, parce que nous pensons que le service public à la française est un élément de stabilité de notre pacte social.
Cest la raison pour laquelle nous navons pas adhéré à la proposition des douze États en faveur dune libéralisation totale du marché que vous avez mentionnée. Néanmoins, nous travaillons sur les perspectives financières, pour quau lieu de dépenser plus nous dépensions mieux à lavenir.
Dans les politiques de cohésion, de relance ou de recherche, nous pouvons définir des éléments qui seront des moteurs pour lEurope - à lexemple dITER ou de GEMS - sans pour autant augmenter de manière exagérée le budget européen.
Lobjectif est une discipline budgétaire qui ne soit pas austérité et une relance qui ne soit pas gaspillage dargent public mais vision dun développement économique et dune nouvelle croissance pour une Europe nouvelle.
Source : http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2012