Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à Europe 1 le 20 mars 2012, sur l'enquête concernant le tueur de Montauban et de Toulouse.
Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH En quelques jours, à intervalle régulier, le tueur a récidivé. Ce matin, est-ce que vous craignez, vous, quil recommence ?CLAUDE GUEANT Il y a bien sûr une inquiétude. Il a déjà frappé trois fois. Nous ne savons pas aujourd'hui qui il est, et tant quil ne sera pas interpellé, déféré à la justice, nous sommes sur nos gardes, nous sommes en vigilance maximum, doù dailleurs la décision qui a été prise hier par le président de la République et le Premier ministre de porter au niveau écarlate le plan Vigipirate. Nous sommes vraiment en vigilance maximum dans toute la région Midi-Pyrénées.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les drames de Montauban et de Toulouse, toutes les réactions aussi le montrent, provoquent un sentiment de peur. Lurgence est donc, comme vous le dites, de retrouver lassassin. Est-ce quil pourrait vous échapper ? Est-ce que vous pensez quil est encore sur le territoire national et dans la région où vous vous trouvez ?
CLAUDE GUEANT Personne nen sait rien, mais ce que je puis assurer, cest que la totalité des moyens sont mobilisés. Nous faisons vraiment limpossible, les enquêteurs travaillent jour et nuit, toutes les pistes sont explorées, tous les indices sont approfondis : il y a vraiment un travail formidable qui est à loeuvre et ce que nous voulons, cest aboutir. Il est effectivement de salut national que nous puissions interpeller cet individu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Pour linterroger et le juger. Les policiers le préfèrent vivants, je suppose.
CLAUDE GUEANT Oh, bien entendu. Cest de toute façon la justification de la police que darrêter les assassins pour les déférer à la justice.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Pour se rassurer, lopinion veut savoir, monsieur le ministre de lIntérieur, si les deux cents enquêteurs qui sont avec vous et dont vous coordonnez le travail sont en train de progresser. Est-ce quils disposent ce matin de quelques nouveaux indices ?
CLAUDE GUEANT Chaque heure de travail apporte de nouveaux éléments. Des vérifications sont faites
JEAN-PIERRE ELKABBACH Par exemple ?
CLAUDE GUEANT De nouveaux éléments, c'est-à-dire quon vérifie le passé dun certain nombre de personnes, on vérifie des éléments matériels, on vérifie la crédibilité des témoignages. À chaque fois, cest une petite pierre qui est apportée à lédifice.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et quest-ce que ça donne pour le moment ?
CLAUDE GUEANT Pour linstant, le travail continue. Nous ne sommes pas plus avancés que cela.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Que disent les témoignages et les vidéosurveillances ?
CLAUDE GUEANT Les vidéosurveillances ont donné quelques éléments sur la moto qui a été utilisée, le scooter plus exactement qui a été utilisé hier par lassassin à Toulouse. Ce sont des éléments fragiles, ce sont des éléments aussi qui révèlent la scène qui sest passée et qui est une horreur absolue. Nous avons atteint le sommet de la barbarie hier matin, il faut le savoir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous lavez identifié ou vous avez commencé à lidentifier ?
CLAUDE GUEANT Non. Sil était identifié, nous aurions beaucoup progressé ; nous nen sommes malheureusement pas là. Vous savez quune enquête comme celle-là demande beaucoup defforts. Tous ces efforts sont déployés. Je suis sûr que nous allons aboutir mais il nous faut encore travailler.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Le parquet de Paris, Claude GUEANT, était chargé de centraliser les trois enquêtes. Cest lui qui a une compétence antiterroriste. Est-ce que ça veut dire quà Montauban et à Toulouse, il sagit dun attentat terroriste ?
CLAUDE GUEANT Ce que nous savons, cest quà Montauban comme à Toulouse deux fois, cest un homme seul qui est intervenu. Alors la question se pose de savoir sil a derrière lui un groupe dappui, un réseau.
JEAN-PIERRE ELKABBACH On ne le sait pas encore.
CLAUDE GUEANT Ça, nous ne le savons pas actuellement, mais ce qui est de terroriste, ce sont les objectifs quil a frappés. Enfin, quand on frappe des enfants dans une école juive, cest un acte à connotation antisémite, un acte à connotation raciste, de la même façon quil nest pas indifférent de tuer des militaires de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Jusquà présent, vous êtes nombreux, Claude GUEANT, à avoir trouvé dans ces crimes de Montauban et de Toulouse des signes dantisémitisme et de racisme. Est-ce que vous continuez ce matin de le croire ?
CLAUDE GUEANT Je crois que dans des enfants juifs sont tués dans une école juive, il sagit dantisémitisme. Ça me semble tout à fait clair. Je ne sais pas quelles sont les motivations générales de lassassin, mais en tous cas hier il a fait preuve dun antisémitisme barbare.
JEAN-PIERRE ELKABBACH On ne doit pas découper le racisme ? Cest apparemment un tout, un bloc : est-ce quil faut lutter tout le temps contre toutes les formes de xénophobie, dantisémitisme et de racisme ?
CLAUDE GUEANT Oh mais cest un impératif national constant. Vous savez, il y a eu dimanche dernier à Paris un congrès des communautés juives de France et je suis intervenu sur ce thème. Je suis intervenu devant les responsables nationaux de la communauté plus tard dans la soirée et il sétait passé quelque chose dans laprès-midi de dimanche : cest que la police à Reims avait trouvé des sépultures juives profanées, sept, et cétait un élément qui incitait à la vigilance. Nous étions loin de nous douter que lhorreur frapperait lundi matin.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Daprès Sud Ouest quon me tend à linstant, Pascal THOMAS, selon un témoignage, le tueur pourrait avoir une petite caméra autour du cou pour filmer les faits quand il passe à laction.
CLAUDE GUEANT Cest un indice qui a été signalé effectivement. Cest un appareil denregistrement de vue qui se place sur la poitrine, qui est ajusté par des sangles et on la vu effectivement, un témoin la dit, avec cet appareil.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Patrick THOMAS (sic), qui le répète, indique bien que sil a ces caméras autour du cou, il filme tout et vous lavez vu sur les vidéosurveillances.
CLAUDE GUEANT Je ne sais pas sil filme tout, mais cet appareil a été vu effectivement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Parmi les pistes, Claude GUEANT, est-ce que figurent les trois militaires chassés de larmée pour néonazisme il y a quelques mois ?
CLAUDE GUEANT Dans une enquête comme celle-là, on vérifie toutes les hypothèses. Et bien entendu, ce sont des milliers de vérifications qui ont déjà été faites, il faut le savoir. Effectivement, des enquêtes ont lieu sur les militaires qui ont pu être chassés de larmée et qui pourraient avoir à lesprit un désir de revanche également à légard de militaires qui ont pu exprimer des opinions néonazies, ça cest vrai.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Cest une piste ? Cest une piste ?
CLAUDE GUEANT Cest une piste mais parmi dautres. Elle nest pas spécialement privilégiée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Quand on dit que cest un ancien militaire, même un ancien commando, ça vous semble possible ?
CLAUDE GUEANT Mais tout est possible, mais nous nen savons rien. Je répète quil ne sagit pas dune piste à privilégier parmi dautres. Cest une piste et évidemment il faut lapprofondir, aller jusquau bout.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Le gouvernement sera-t-il encore plus sévère plus sévère à propos de la détention et de la circulation illégale darmes en tous genres, darmes de guerre en France aujourd'hui ?
CLAUDE GUEANT Oui. Cest un sujet dont on parle de façon récurrente dailleurs parce que depuis quelques années, notamment du fait des conflits qui sont intervenus en Europe centrale, il y a en France des importations darmes de guerre contre lesquelles nous luttons. Nous avons augmenté considérablement les saisies de ces armes mais je voudrais signaler que le Parlement, voici quelques semaines seulement, à lunanimité aussi bien à lAssemblée nationale quau Sénat a adopté une législation plus dure contre les trafics et les détentions darmes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Monsieur le ministre, je comprends ou nous comprenons tous votre discrétion parfois ; elle est prévisible. Mais vous, vous savez plus que ce que vous nous dites.
CLAUDE GUEANT Jen sais forcément un petit peu plus, Jean-Pierre ELKABBACH, mais je ne peux pas livrer des indices qui mettraient en péril le succès de lenquête. Notre impératif, cest dinterpeller le coupable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc vous êtes en train de progresser avec vos deux cents enquêteurs.
CLAUDE GUEANT Chaque jour effectivement, ne serait-ce que parce que, comme on le dit en langage policier, nous fermons des portes. C'est-à-dire que nous mettons un terme à des hypothèses de travail, nous avançons, les hypothèses se resserrent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que vous estimez que désormais chacun doit faire attention aux mots quil emploie. Une nouvelle fois, la preuve est faite que les mots tuent ou peuvent tuer.
CLAUDE GUEANT En loccurrence, ce sont des armes qui ont tué mais si vous faites allusion à certains commentaires qui ont été faits hier, je répèterai ce que jai dit à la synagogue hier soir à Toulouse, à savoir quau-delà de ce moment de douleur nationale, de recueillement, il serait possible, il serait nécessaire, que nous fassions aussi de ce moment de deuil un moment de détermination, dunanimité autour des valeurs de la République. Les valeurs de la République, c'est-à-dire les droits de lhomme, lhumanisme, la laïcité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est-à-dire quil faut approuver là où vous êtes et vous-même lappel au rejet de la haine, à lintolérance et au respect de lautre ?
CLAUDE GUEANT Mais ça me semble être un impératif constant de notre vie démocratique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Cest exceptionnel ce qui est en train de se passer : tous les candidats ont suspendu la campagne présidentielle au moins jusqu'à jeudi. Une campagne à votre avis différente devrait alors commencer, monsieur le ministre de lIntérieur ?
CLAUDE GUEANT Je crois que cest une campagne qui doit être marquée davantage encore par le respect des valeurs que je rappelais à linstant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Merci dêtre intervenu sur Europe 1 en direct avec nous ce matin et bonne journée. Arrêtez-le.
BRUCE TOUSSAINT Merci à Claude GUEANT et merci à Jean-Pierre ELKABBACH quon retrouve évidemment demain matin sur Europe 1. Je précise quand même que le ministre de lIntérieur vient dannoncer sur Europe 1 dabord quil navait pas de nouvelles précisions sur lidentité du tueur. En revanche, il a confirmé ce qui circulait depuis plusieurs heures à propos donc dune petite caméra autour du cou du tueur : Claude GUEANT confirme quun témoin a bien vu cette petite caméra autour du cou.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Monsieur GUEANT, si vous êtes encore là, cest vraiment quelqu'un qui est organisé, qui veut rationnellement tuer.
CLAUDE GUEANT Cest vrai que tous les témoins ont observé que cétait quelqu'un dune froideur extrême, dune grande cruauté, qui est déterminé, très maître de lui.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 26 mars 2012
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