Entretien de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, avec Radio France Internationale le 3 avril 2012, sur la situation politique au Mali.
Texte intégral
Q - Henri de Raincourt, bonjour.R - Bonjour.
Q - Le Mali est secoué par une grave crise. À son niveau quelles mesures prend la France ?
R - La France adopte les mesures nécessaires tant que la situation nest pas stabilisée pour protéger ses ressortissants. Ils sont à peu près 4.500, cest la raison pour laquelle le ministre dÉtat vient dindiquer quil était souhaitable pour les gens dont la présence au Mali nétait pas absolument indispensable, de le quitter, au moins provisoirement, et pour ceux qui, en France, envisagent de se rendre au Mali, de reporter leur déplacement. Nous navons aucune menace spécifique en tant que telle, simplement notre responsabilité, cest de nous soucier en tout premier lieu du sort de nos compatriotes de façon à ce quil ny ait pas de difficulté pour eux.
Q - Craignez-vous des infiltrations dislamistes, de membres dAQMI, jusquà Bamako ?
R - Cela fait partie des possibilités. Ce sont des mesures un peu conservatoires, des mesures de précautions, quil faut analyser comme telles sans leur donner plus de portée quelles nen ont.
Q - Sur le plan militaire, larmée malienne semble en déroute depuis quelques jours. Après Gao et Tombouctou, est-ce que dautres villes du Mali, comme Mopti ou Ségou, pourraient tomber aux mains des rebelles ?
R - Il y avait des mouvements autour de Mopti. Concernant Ségou, je nai pas dinformations très précises. Néanmoins, compte tenu de ce que lon sait de la situation militaire sur le terrain, je ne vois pas de secteur géographique où larmée malienne serait en position de stopper lavancée des rebelles.
Q - Quand vous parlez de mouvements autour de Mopti, il sagit de mouvements des unités rebelles ?
R - Oui, tout à fait. Je crois quil y a des informations qui ont circulé indiquant queffectivement il pouvait y avoir déjà des mouvements dapproche des rebelles. Vous savez, jai limpression quavec peu de personnes mais des personnes très mobiles, on peut arriver dans une ville sans rencontrer dopposition majeure.
Q - Bamako pourrait-elle être menacée ?
R - Je ne le crois pas du tout, parce que Bamako nest pas à côté et que cest une grande ville. Je pense que la menace doit être, pour le moment, en tout cas, écartée.
Q - Si Bamako demande à la France dintervenir militairement, que répondrez-vous ?
R - La France nintervient plus aujourdhui militairement. La France peut apporter un soutien logistique. La France peut apporter tout son appui politique, diplomatique, ou en termes de formation. Mais en tant que tel, le temps où larmée française pouvait, répondant à la sollicitation dautorités locales, intervenir directement, ce temps-là est révolu. Cest la raison pour laquelle la France sinscrit résolument dans la démarche de la sous-région qui est portée par la CEDEAO, présidée par le président Ouattara, et que nous soutenons totalement.
Q - Cette aide logistique que vous pourriez apporter, cela pourrait-il être de larmement ?
R - Cela dépend de ce qui serait éventuellement demandé par la CEDEAO. De larmement en tant que tel, je ne crois pas aujourdhui que cela fasse partie des éventuelles demandes qui seraient à lordre du jour.
Q - Pourriez-vous aider à transporter une aide durgence de la CEDEAO voire des casques bleus ?
R - Ce qui est certain cest que la France nintervient, éventuellement et avec toutes les réserves nécessaires, que dans la mesure où cest une opération militaire qui est engagée par la communauté internationale et validée comme telle. Donc, laissons les organes de la CEDEAO faire tout leur travail politique. Nous navons, à lheure où nous parlons, aucune raison de penser que ce travail politique ne serait pas susceptible de déboucher sur des conclusions positives.
Q - Outre les rebelles touaregs du MNLA, il y a ce mouvement islamiste Ansar Dine qui fait partie des vainqueurs de la bataille de ces derniers jours. Est-ce que cela vous préoccupe ?
R - Il est bien évident quà partir du moment où nous voyons que les rebelles touaregs sont répartis entre plusieurs factions, cela complique les choses. Quand, parmi eux, il y a dune part des gens qui se réclament dAQMI et dautre part on a le mouvement Ansar Dine, il est certain que cela narrange pas la situation. Nous souhaitons que les rebelles qui ont lancé le mouvement, le MNLA, ne se laissent pas déborder par les uns et par les autres, de façon à ce que ce soit bien eux avec lesquels on puisse demblée engager les contacts nécessaires pour arriver à mettre sur pied dabord le cessez-le-feu de toute urgence et deuxièmement les discussions, les négociations entre les uns et les autres.
Q - La France a aidé à faire tomber le colonel Kadhafi mais est-ce quelle en a mesuré toutes les conséquences, notamment au Mali ?
R - Que dirait-on aujourdhui si on avait laissé le colonel Kadhafi venir tout simplement massacrer la population de Bengazi ?
Q - Oui, mais beaucoup disent : «La France na pas vu le coup daprès» ?
R - Beaucoup le disent, cest effectivement un commentaire, mais les situations sont toujours différentes dun lieu à lautre et on voit bien que la situation dans le Nord du Mali, plus précisément dans le Sahel, nest pas du tout de la même nature que la situation en Libye.
Q - La junte au pouvoir à Bamako accepte de rétablir la Constitution mais reste pour linstant en fonction, quel est votre message au capitaine Sanogo ?
R - Suivre les recommandations du président Compaoré de façon à rétablir le plus rapidement possible lordre constitutionnel. Ce que nous disons cest quil faut trouver un homme de consensus qui sera reconnu par tout le monde pour assurer la présidence de la transition.
Q - Monsieur le Ministre, merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 avril 2012
123000755