Lettre de M. Nicolas Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, adressée aux Français sur son programme électoral, le 5 avril 2012.
Texte intégral
Mes chers compatriotes,Il nest rien de plus beau en démocratie que lamour de son pays dont témoigne chaque bulletin de vote glissé dans lurne le jour dune élection. Cest avec lamour de la France gravé au plus profond de votre cur que vous vous rendrez dans les bureaux de vote les 22 avril et 6 mai prochains, conscients de limportance de votre choix. Cest avec ce même amour de la France chevillé au corps que je veux vous parler de ma vision de lavenir de notre pays, des défis quil doit à mon sens relever, et de la manière dont il peut réussir à le faire.
Je veux madresser à vous sans aucun intermédiaire.
Quelques jours avant lélection, je veux madresser à chacun de vous. Je veux le faire le plus directement possible, sans aucun intermédiaire. Je veux le faire par écrit, car lécrit demeure, lécrit engage.
A lheure de la domination de limage, de la surinformation permanente, de la communication instantanée, jai voulu prendre le temps décrire cette lettre avec lespérance que vous prendrez le temps de la lire. Je veux vous parler de convictions et de valeurs. Je veux vous dire ce que mont appris de la France, de lEurope et du monde, ces cinq années dune grande intensité à la tête de notre pays. Je veux vous indiquer la direction dans laquelle je mettrai toute mon énergie à le conduire si vous maccordez votre confiance. Je veux partager avec vous une vision de la France et de son avenir.
Un monde nouveau est en train de naître.
Jai longuement réfléchi avant de prendre la décision de me présenter à lélection présidentielle. Jai conscience de lhonneur que vous mavez déjà fait en maccordant vos suffrages en mai 2007. Je sais la détermination, limagination, lengagement de chaque instant quexige lexercice de cette fonction. Agir est la seule justification de lengagement politique. Me présenter à nouveau navait donc de sens à mes yeux que pour vous proposer un projet que je crois nécessaire à notre pays et susceptible de vous rassembler.
Ce qui a le plus compté dans ma décision est la complexité de la situation que connaissent aujourdhui simultanément le monde, lEurope, et, bien sûr, la France. Jamais sans doute, depuis la Seconde Guerre mondiale, notre pays en particulier, et le monde occidental en général, nont eu autant de défis à relever au même moment.
Pendant des siècles, et jusquà encore récemment, lOccident a dominé le monde sur les plans politique, économique, culturel, intellectuel. Ce nest plus le cas aujourdhui. Des puissances nouvelles ont émergé qui pèsent autant que nous, et parfois davantage.
Pendant des siècles, le sort de notre pays a dépendu pour lessentiel des choix que nous faisions nous-mêmes, chez nous. Ce nest plus le cas aujourdhui. La grande leçon des crises qui nont cessé de se succéder depuis 2008 est que notre avenir se joue chaque jour autant à lautre bout du monde quici en France.
Un monde ancien disparaît, un monde nouveau est en train de naître dont nous ne discernons pas encore les contours. Nous pouvons choisir de laisser ce monde décider à notre place. Ou nous pouvons choisir de rester maître de notre destin.
Je crois en la France. Je crois dans son talent. Je crois dans son histoire singulière. Je crois dans son génie. La France est une nation qui peut tout à la fois se réclamer dune identité vieille de plusieurs siècles et continuer à pouvoir prétendre jouer un rôle dans le nouvel ordre mondial. Elle peut rester un pays libre et souverain. Elle peut préserver ses valeurs, son identité, son mode de vie. Mais si nous voulons continuer à faire vivre cette France que nous aimons, il nous faut reconstruire, redéfinir, réinventer nos politiques, sans rien ignorer des difficultés de la tâche et de lampleur des enjeux.
Dans ce monde nouveau, si la France ne veut pas subir, la France doit être forte : forte pour garder la maîtrise de son destin, forte pour agir et pour peser, forte pour donner sa chance à sa jeunesse, forte pour permettre à chacun de vous de garder la maîtrise de sa vie. Je sais que cest possible. Je veux vous en convaincre.
Vivre en sécurité dans un monde ouvert
Nous avons tous été bouleversés par la tragédie de Toulouse et de Montauban.
Parce que la France a été attaquée, son armée a été frappée, son école a été meurtrie, des enfants, nos enfants ont été assassinés ; sur la terre de France, des hommes et des enfants ont été tués parce quils étaient juifs ; des hommes ont été abattus parce que leur mission était de combattre, à lautre bout du monde, le fondamentalisme, la haine, lesclavage de la femme, le terrorisme.
La France na pas cédé à la terreur. Elle na pas plié devant lintimidation. Les Français se sont sentis solidaires des familles, de notre armée, des forces de lordre, dans une profonde émotion nationale. Les autorités religieuses juives et musulmanes ont appelé ensemble au refus de tout amalgame. Nous nous sommes retrouvés dans cette aspiration à lunité nationale contre lintolérance et le fondamentalisme.
Pour autant, ce drame pose nécessairement des questions sur lorganisation de notre société. Nous vivons dans un monde ouvert et tolérant. Les communications sont libres ; grâce à Internet, les idées circulent dun bout à lautre de la planète, sans filtre, sans intermédiaire ; voyager est devenu un acte banal, y compris dans des pays dans lesquels nous naurions même pas imaginé pouvoir aller il y a 20 ans. Cest évidemment une grande chance.
Mais ce monde doit rester sûr. Sûr pour nous, sûr pour nos enfants à légard desquels nous avons un devoir de protection.
Une des grandes questions que notre époque pose aux démocraties est de concilier les libertés individuelles auxquelles nous sommes attachés, liberté de circulation, de communication, dexpression, avec la protection de notre territoire, de lintégrité physique de la population, et au-delà, de nos valeurs et de notre manière de vivre. Entre laxisme et obsession sécuritaire, entre aveuglement coupable et Etat policier, il faut trouver le bon équilibre. Mais il ne faut pas être naïf. Il y a une idéologie extrémiste qui travaille à la destruction des valeurs occidentales. Nous devons être sans faiblesse à son égard. Il y a des filières criminelles qui profitent de notre ouverture et des libertés reconnues- dans notre société pour faire prospérer leurs trafics en tous genres, armes, drogue, êtres humains, contrefaçon, etc.
Depuis 2002, le gouvernement a agi pour réduire linsécurité dans notre pays. Le parti socialiste na voté aucune des lois que nous avons fait adopter pour combattre la délinquance, ni les peines planchers pour les récidivistes, ni le renforcement de la vidéo-protection, ni la rétention de sûreté qui permet de protéger la société contre des personnes qui ne peuvent réprimer des pulsions sexuelles et criminelles, ni le renforcement des fichiers des empreintes digitales et génétiques alors que ces fichiers ont permis de multiplier par deux le taux délucidation des crimes et des délits.
Le parti socialiste prétend que les mesures que jai annoncées à la suite du drame de Toulouse et de Montauban sont inutiles parce que la législation antiterroriste a déjà été renforcée ces dernières années et quelle est suffisante : mais il na voté aucune de ces mesures, ni en 2006, ni en 2011.
Aucune idéologie de haine ne peut être tolérée dans notre pays.
Nous devons être intraitables contre le fondamentalisme. Il faut combattre les manifestations criminelles de cette idéologie de haine par le renseignement, la surveillance des réseaux, la coopération policière internationale. Mais il faut aussi la combattre à sa racine intellectuelle, dans les prisons, dans les prêches de certains prédicateurs extrémistes, ou encore sur les sites Internet.
Faire lapologie du terrorisme et de la violence sur Internet na rien à voir avec la liberté dexpression et de communication. La liberté dInternet est précieuse, mais Internet nest pas une zone de non-droit dans laquelle on peut impunément déverser des messages de haine, faire circuler des images pédophiles, piller le droit dauteur. La société a le devoir de se protéger contre ceux qui attaquent ses valeurs. Rester inertes face à ceux qui se radicalisent dans la haine et la violence par la consultation de sites Internet illicites serait une faute morale.
La délinquance nest pas de la faute de la société.
Expliquer lacte de ce fanatique par un climat social est non seulement absurde, mais cest inacceptable car cela revient à le justifier. Cest la même erreur que celle qui consiste à justifier la délinquance en culpabilisant la République qui ne serait pas assez généreuse. Comment peut-on reprocher à la France de ne pas être assez généreuse ? La France est un des pays les plus ouverts et les plus tolérants du monde. Elle offre à tous léducation et la santé. Son niveau de redistribution sociale est parmi les plus élevés du monde.
Cest en refusant de reconnaître les efforts de ceux qui travaillent et qui partagent, que lon divise la République. Cest en donnant uniquement des droits aux uns et exclusivement des devoirs aux autres, que lon dresse les Français les uns contre les autres. Cest en justifiant la délinquance par la pauvreté et les difficultés de lintégration que lon crée des amalgames entre pauvreté, immigration et délinquance.
LEurope est un continent ouvert. Elle ne doit pas être un continent passoire.
Cest un formidable avantage pour les Français de pouvoir circuler librement- en Europe. Avec leuro, avec les programmes Erasmus et Leonardo, qui permettent aux jeunes deffectuer une partie de leurs études dans un autre pays dEurope, la suppression des postes de douane est une des manifestations les plus concrètes et les plus positives de la construction européenne. Mais lEurope ne pourra pas garder ses frontières intérieures ouvertes si elle nest pas capable de maîtriser ses frontières extérieures.
LEurope est un continent ouvert. Elle ne doit pas être un continent passoire. LEurope est un continent tolérant. Elle ne peut pas être le continent de lamalgame insipide de toutes les cultures. LEurope a une identité. Ses racines plongent dans la culture gréco-latine dabord, judéo-chrétienne ensuite, dans celle des Lumières et du rationalisme enfin. Son histoire est faite de guerres et de haines douloureuses, mais surmontées entre ses peuples. Les traumatismes des deux grands conflits mondiaux, de la décolonisation puis de la guerre froide sont encore présents dans les mémoires. Nous respectons le besoin didentité et dapaisement des peuples avec lesquels nous avons été en conflit. La culture des peuples européens et leur demande didentité doivent aussi être respectées.
Aucun individu, aucune collectivité ne peut vivre sans frontières. Chacun est libre douvrir sa porte aussi souvent quil le souhaite, mais personne ne peut vivre dans une maison sans porte ouverte à tous les vents. Les frontières du cadastre sont ce qui permet à deux voisins de respecter le territoire de chacun et de se serrer la main de part et dautre. Les frontières des Etats fixent le cadre nécessaire dexercice de la démocratie et de la solidarité nationale. Un enfant sans frontières est un enfant sans éducation. Une société sans frontières est une société sans respect. Un pays sans frontières est un pays sans identité. Un continent sans frontières est un continent qui finit par élever des murs pour se protéger.
Il faut protéger les frontières extérieures de lEurope. Dabord contre la criminalité organisée qui profite de la porosité de certaines de nos frontières pour déployer tous ses trafics. Ensuite pour maîtriser limmigration parce quil y a une limite à nos capacités daccueil. La France a suffisamment agi pour construire lEurope, et récemment pour lui éviter dimploser : elle na pas à sexcuser ou à se justifier de demander des changements profonds dans la manière de contrôler les frontières extérieures de lEurope. Beaucoup dautres pays le réclament également.
Pour des raisons culturelles, linguistiques, historiques, sociales, la France est lun des pays les plus attractifs en matière dimmigration. La problématique est simple : une fois passée une frontière extérieure de lEurope, un migrant circule librement dans tout lespace Schengen. La France ne peut pas subir à la fois linsuffisance des contrôles aux frontières extérieures de lEurope et les différences de législation entre les pays qui font que les faiblesses et les failles sadditionnent alors quensemble, nous devrions être plus forts.
Les solutions dont je veux la mise en uvre sont des solutions de bon sens. LEurope doit sorganiser pour aider les pays qui ont du mal à sécuriser leurs frontières. Elle doit adopter une législation commune en matière dasile et dimmigration. Si cela nétait pas mis en uvre dans un délai dun an, la France rétablirait des contrôles ciblés à ses frontières et suspendrait sa participation à la zone Schengen.
Décider qui a le droit de sinstaller sur notre territoire fait partie de notre souveraineté.
Une fois les frontières extérieures de lEurope mieux protégées, nous devons retrouver le droit de décider qui a le droit dentrer et de se maintenir sur notre territoire. Cest un élément essentiel de la souveraineté. Cela ne veut pas dire quil faut fermer les frontières, cela veut dire que ce sont les Français qui doivent décider qui a le droit de sinstaller en France.
Je suis profondément attaché à ce que la France reste un pays ouvert. Mais nous ne pouvons accueillir que dans les limites de nos capacités daccueil. Un enfant qui vient darriver sur le territoire a besoin de beaucoup plus dattention de la part de ses maîtres quun enfant dune famille installée depuis longtemps en France. Notre régime de protection sociale est soumis à de lourdes contraintes financières, il ne peut plus assumer de nouvelles charges. Il y a des milliers de Français et détrangers vivant déjà en France qui attendent de pouvoir se loger mieux, et des quartiers où sinstallent chaque année plus de familles étrangères que nous ne pouvons en intégrer.
Il faut réduire de moitié les flux actuels dimmigration dans notre pays. Laccès à notre territoire sera donné en priorité aux réfugiés politiques, à une immigration économique limitée aux compétences dont nous avons besoin, et à une immigration familiale dont le rythme doit être maîtrisé.
Seuls peuvent sinstaller en France ceux qui partagent les valeurs de la République.
Nous devons mettre un certain nombre de conditions économiques et morales à linstallation sur notre territoire, y compris pour ceux qui viennent par le biais du rapprochement familial. Pour tout étranger qui a été autorisé à sinstaller en France, cest évidemment un droit dy vivre avec sa famille. Ce serait inhumain quil en soit autrement. Mais cest aussi un droit et un devoir pour la France de subordonner linstallation de toute nouvelle personne à un certain nombre de conditions : des ressources suffisantes pour que les besoins de la famille ne pèsent pas sur la solidarité nationale, déjà fortement sollicitée par ailleurs, un logement décent, la connaissance de la langue française, sans laquelle aucune intégration nest possible, et ladhésion aux valeurs de la République.
Toute personne qui veut venir sinstaller en France, quelle soit un homme ou une femme, doit savoir quil y a chez nous des règles qui simposent à tous : la laïcité, linterdiction de la burqa dans lespace public, du voile dans les services publics, lécole obligatoire, le caractère non négociable des programmes scolaires, légalité entre lhomme et la femme, le droit des femmes de travailler, linterdiction absolue de la polygamie et de lexcision ; en France, les horaires dans les piscines sont les mêmes pour tous, les médecins sont les mêmes, les menus dans les cantines sont les mêmes. Personne nest obligé de venir vivre en France. Ceux qui veulent venir doivent savoir quelles sont nos valeurs et être convaincus que nous les ferons respecter.
Donner le droit de vote aux étrangers ne réglera aucun des problèmes de lintégration et est contraire à la conception française de la nation.
La liste est longue des imbrications entre notre histoire et limmigration. La France, qui est sortie traumatisée de la saignée démographique de la Première Guerre mondiale, sait ce quelle doit aux vagues successives dimmigration qui lui ont permis de retrouver une puissance démographique, économique, industrielle. Mais quelles que soient les vagues dimmigration qui se sont succédé sur le territoire, il y a une chose qui na jamais changé, cest le modèle républicain dintégration et dassimilation.
La France respecte lidentité et la culture de ceux quelle accueille : personne ne peut vivre coupé de ses racines. Elle estime que chaque culture apporte sa contribution à la culture de tous. Il suffit de regarder notre peuple et nos territoires : la France est diversité, comme aimait à le rappeler le grand historien Fernand Braudel.
Mais ce qui fait la cohésion de la nation française, cest notre capacité, au-delà de nos différences multiples, à nous rassembler dans le même amour de la patrie et de ses valeurs : Français de toutes provinces, Français des campagnes et des villes, de métropole et doutre-mer, Français de toutes religions et sans religion, enfants dagriculteurs, douvriers, denseignants, dintellectuels, enfants de familles françaises et enfants dimmigrés Nous ne sommes pas des communautés vivant les unes à côté des autres. Nous sommes une seule et même nation, capable de sunir dans ladversité et de se rassembler sur les choses essentielles.
Nul ne la dit mieux que Renan : «Ce qui constitue une nation, ce nest pas de parler la même langue, ou dappartenir à un groupe ethnographique commun, cest davoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans lavenir». Il parlait de la France.
Cest pour cela que le droit de vote ne peut être donné quaux citoyens français, parce quil y a un lien indéfectible et particulier entre pouvoir participer au destin de la nation au travers de ce droit essentiel quest le droit de vote, et adhérer du fond de son cur à ce quest lidentité de la France. En France, voter est dabord une appartenance, lappartenance à une nation qui a une histoire, une certaine manière de concevoir la vie commune, une unité de points de vue sur certaines valeurs essentielles. Voter est un attachement, le même que celui qui a conduit des millions de Français à se battre pour défendre notre territoire, ou qui conduit aujourdhui des millions de Français à se dépenser sans compter pour que notre pays soit fort. Nous avons fait une exception, pour les ressortissants européens. Mais cest en contrepartie dune réciprocité et surtout parce que, justement, nous avons choisi de lier notre destin avec celui des autres peuples européens. Cest la seule exception possible.
Laccès à la nationalité française est largement ouvert à ceux qui aiment notre pays, qui ont envie de le servir, qui se reconnaissent dans ses valeurs. La France admet la double nationalité, elle nexige pas le renoncement à ses origines, elle demande seulement une adhésion sincère à la France. Cest tout le sens du mot assimilation, qui désigne le fait de sapproprier nos valeurs, tandis que lintégration vise linsertion économique et sociale. Dans ces conditions, à quel besoin répond le souhait de donner le droit de vote à des personnes qui pourraient faire le choix de la nationalité française, mais ne le veulent pas ?
Cela ne facilitera en rien le règlement des problèmes de lintégration, qui sont des problèmes demploi, de logement, décole, et parfois, justement, dadhésion aux valeurs de la République, et va à lencontre du modèle français de la nation.
Quant au fait de payer des impôts en France, il ne peut en aucun cas justifier loctroi du droit de vote. Voter deviendrait la simple contrepartie du fait de payer des impôts. Demain, il faudrait dautres droits spécifiques, dautres contreparties. Et ce qui serait valable pour les élections locales le serait aussi pour les élections nationales. Cest le début du communautarisme.
Je veux rétablir le sens de la responsabilité.
A linverse, je souhaite mettre un terme à lexil fiscal de citoyens français. Payer des impôts ne suffit pas pour avoir le droit de vote. Mais être citoyen français ne dispense pas dassumer la plénitude de ses responsabilités. On ne peut pas vouloir tous les droits associés au fait dêtre français, le droit de vote, la protection consulaire, la qualité du système de soins, et aucun des devoirs. Si on ne veut plus payer dimpôts en France, parce que les impôts sont trop lourds, on change de nationalité.
Les rémunérations exorbitantes des traders et de quelques grands dirigeants dentreprise vous ont profondément choqués. Elles mont choqué également, en raison de leur montant bien sûr, mais aussi en raison de ce quelles signifient en termes de symbole et de perte du sens des responsabilités de la part de ceux qui sont censés incarner lélite de la nation. Ils ont trahi le vrai visage de ces milliers dentrepreneurs passionnés par leurs sociétés, préoccupés du sort de leurs salariés, ne comptant pas leurs heures de travail et prêts à investir leur argent personnel pour assurer la pérennité de leurs entreprises. Nous avons encadré les bonus des traders, alourdi la fiscalité des retraites chapeaux et des stock-options. Le message na semble-t-il pas été compris par tous : je pense donc quil faut aller plus loin. Je propose que les rémunérations des dirigeants soient désormais fixées par lassemblée générale des actionnaires, quelles fassent lobjet dune publication assortie déléments sur lévolution globale des salaires dans lentreprise afin de permettre des comparaisons, et quun représentant des salariés siège dans les comités des rémunérations.
Les parachutes dorés et les retraites chapeaux doivent être interdits.
A lélève auquel lEtat donne un enseignement, on demande de travailler et de respecter ses professeurs. A limmigré accueilli en France, on demande de sintégrer. A celui qui perçoit une allocation sociale, on demande de faire des efforts de réinsertion. Je suis pour la réaffirmation du principe selon lequel il ne peut pas y avoir de droits sans devoirs ; mais cela vaut aussi pour ceux qui sont au sommet de la société.
Un nouvel élan « Jules Ferry » pour lécole
Des trois mots qui forment la devise de la République, celui de fraternité est très peu utilisé. Nous lavons remplacé par la solidarité. Nous lui avons fait perdre, cest un peu dommage, ce supplément dâme qui résulte du beau mot de « fraternel ». Au-delà de la sémantique, ce qui compte, cest que la solidarité fait partie du cur de notre pacte social et donc de notre identité.
Je suis hostile à lassistanat, pas seulement parce que lassistanat dévalorise le travail en permettant à ceux qui vivent de lassistance davoir de meilleures conditions de vie que ceux qui travaillent. Je suis contre lassistanat parce quil maintient dans la dépendance. Cest le contraire de la solidarité. Le but de toute politique sociale, cest de permettre laccès ou le retour à lautonomie de ceux qui sont en difficulté, pas lenfermement dans lassistance.
Pendant des générations, lécole a été le pivot de cet idéal républicain. Elle apprenait à tous les enfants, quelle que soit leur condition sociale, à lire, écrire, compter, pour leur permettre dêtre autonomes. A ceux qui en avaient les facultés, elle permettait daccéder au secondaire, puis à luniversité et aux grandes écoles. Elle donnait à tous les enfants une chance égale de sélever socialement. Cétait aussi une manière de renforcer notre pays, en augmentant le niveau des connaissances. Pas une richesse humaine ne devait être perdue.
Tout cela ne sest pas fait par hasard. Il a fallu beaucoup de volontarisme, comme en témoignent les mots de Jules Ferry qui a inventé le modèle républicain de lécole : « Entre toutes les nécessités du temps présent, entre tous les problèmes, jen choisirai un auquel je consacrerai tout ce que jai dintelligence, tout ce que jai dâme, de cur, de puissance physique et morale, cest le problème de léducation du peuple ».
Aujourdhui, nous avons du mal à tenir la promesse de Jules Ferry. Il est injuste davoir sur lécole des jugements à lemporte-pièce. Il y a des millions denfants qui suivent un parcours scolaire normal et efficace. Ce qui compte est didentifier les raisons pour lesquelles, à certains moments, certains enfants décrochent, alors que ce nétait pas le cas autrefois.
Depuis 2007, nous avons consacré des milliards deuros à luniversité. Elle en avait besoin. Si javais la conviction que lécole a également besoin de moyens supplémentaires, je les lui procurerais, car aucun investissement nest plus important à mes yeux pour lavenir dun pays que linvestissement dans léducation. Mais le problème de lécole en France ne relève ni des moyens, ni des effectifs. On peut recruter 60 000 enseignants supplémentaires, on naura pas résolu le problème. Entre 1990 et 2007, le nombre délèves a baissé de 600 000 et le nombre denseignants a augmenté de 85 000, mais les performances de lécole ne se sont pas améliorées et surtout le moral des enseignants est resté morose. Le problème est structurel : les enfants ont beaucoup changé, les familles sont plus hétérogènes, mais lécole na pas vraiment changé.
Environ 100 000 enfants sortent chaque année de lécole primaire sans maîtriser réellement les savoirs fondamentaux que sont la lecture, lécriture et le calcul. Ce que lécole de Jules Ferry faisait dans tous les villages de France, nous ne savons plus le faire. Ce sont eux qui forment lessentiel de la cohorte de ceux qui ensuite redoublent, sortent du système scolaire sans qualification et sans diplôme, auront dimmenses difficultés à trouver un emploi, vivront des aides sociales ou basculent dans la délinquance. Ce qui nest pas acceptable, cest que ces enfants, nous les connaissons pour la plupart dès la fin de la maternelle. Leur difficulté à se concentrer, leur hyperactivité, leurs lacunes de vocabulaire essentiel pour apprendre à lire, leurs problèmes de santé ou de vue, le fait que lon ne voit jamais leurs parents, tous ces signes permettent aux instituteurs de prédire que ces enfants vont avoir de grandes difficultés.
Avec 2 000 euros par enfant, on pourrait pourtant résoudre la plupart de leurs problèmes et transformer lavenir de ces enfants : dès que lenseignant, en dernière année de maternelle ou au CP, aurait donné le signal, le chef détablissement enclencherait avec le maire, la communauté éducative, les nombreuses associations compétentes, un suivi particulier de lenfant en lien avec sa famille. Ce suivi comprendrait si besoin laide spécifique de professionnels, du secteur de la santé notamment. Cet investissement, nous le retrouverons plus tard au centuple. Lacquisition des savoirs fondamentaux par tous les élèves sans exception a été la grande uvre de Jules Ferry : il faut que nous retrouvions la même ambition.
Les filières de lenseignement professionnel doivent donner accès à lemploi.
Les jeunes qui sortent diplômés de lenseignement supérieur trouvent en général un emploi dans les mois qui suivent la fin de leurs études, même si le délai peut varier selon les aléas de la conjoncture. Cest moins souvent le cas pour les jeunes qui sortent de lenseignement professionnel. Or, sans travail, pas démancipation, pas de logement, pas de possibilité de fonder une famille. Lidéal républicain exige que toutes les filières de lenseignement permettent aux jeunes de démarrer dans lexistence. Les filières professionnelles seront attractives lorsquelles donneront accès à lemploi.
Pour cela, il faut que la formation en alternance soit systématique en dernière année de baccalauréat professionnel et de CAP. Prenons exemple sur notre filière hôtelière, qui na jamais abandonné le principe de la formation en alternance : ses diplômés sont demandés dans le monde entier. Lalternance a deux avantages : elle donne aux élèves un premier réseau de contacts dans le monde professionnel, ce qui est très utile pour la suite ; elle leur donne également une première expérience, ce qui permet de compenser le caractère élevé du coût du travail des jeunes pour lentreprise rapporté à leur inexpérience.
Les entreprises auront pour leur part lobligation daccueillir plus de jeunes en alternance, y compris le secteur tertiaire comme les banques et les assurances, et nos trois fonctions publiques devront également souvrir à lalternance.
La fonction publique exerce des centaines de métiers à lapprentissage desquels elle peut contribuer. Elle a aussi des valeurs à transmettre.
La société doit manifester plus de considération pour les enseignants.
Je suis très frappé par un phénomène : si vous demandez à des enfants combien dentre eux voudraient faire le métier du professeur, il ny en a quasiment plus un seul qui lève le doigt. Comment peut-on espérer redonner confiance aux enseignants, et aux élèves le goût de leffort, du travail, des études, si on laisse à ce point se dévaloriser la fonction enseignante dans notre société ?
Dans le contexte de nos finances publiques, nous ne pouvons à la fois recruter plus de professeurs et augmenter leur rémunération. Jassume donc très clairement mon choix : il faut proposer à ceux qui le souhaitent dêtre présents plus longtemps dans les établissements, dy avoir un bureau, et les rémunérer davantage. Ces heures de présence supplémentaires leur permettraient dentreprendre plus de projets en commun avec les autres enseignants, de rencontrer plus facilement et plus souvent les parents, et surtout de suivre individuellement les élèves.
La société doit manifester plus de considération pour ses enseignants. Cest pour cette raison que leur autorité doit être confortée. Cest pour cette raison également que les violences commises à lencontre des professeurs, quelles quelles soient, doivent être très sévèrement sanctionnées.
La justice est rendue au nom du peuple français.
La justice nest pas un pouvoir à côté de lEtat. Avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, elle est un pouvoir dans lEtat. Cela signifie que le peuple est en droit de lui demander des comptes et dorienter son action. Bien sûr, la justice doit être indépendante de toute forme de pressions, notamment politiques. La réforme constitutionnelle de 2008 a constitué un grand progrès en ce sens en rendant le Conseil supérieur de la magistrature indépendant. Depuis cette réforme, le gouvernement a toujours suivi les avis de cette institution sur la nomination des magistrats du parquet, alors même quil ny était pas obligé. Mais je suis totalement opposé à ce que le ministre de la justice ne puisse plus orienter laction générale des parquets. Pour une raison simple : le rôle du parquet est de défendre la société. Cest lui qui met en uvre les priorités de laction pénale. Il doit donc être dirigé par une autorité politique à laquelle lélection a conféré la légitimité démocratique.
Lindépendance de la magistrature nest pas le droit de rendre la justice selon des conceptions établies exclusivement par et entre des magistrats. La justice est rendue au nom du peuple français. Cest pour cela que je souhaite généraliser la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et les tribunaux dapplication des peines, et létendre aux décisions de mise en détention provisoire. Les citoyens ne sont pas plus sévères que les magistrats. Mais leur capacité dindignation na pas été diminuée par des années de pratique. Cela vaut autant à légard de la douleur des victimes quà légard des droits de la défense. Si la justice reste repliée sur elle-même, elle finit par être déconnectée des réalités. Dans un Etat de droit, la justice est une fonction capitale. Tout citoyen doit pouvoir se dire : « jai confiance dans la justice de mon pays ». Cest pour cela que je veux que le peuple participe aux décisions de justice chaque fois que cela est possible.
La justice protège les faibles contre les forts. Elle ne peut assumer cette mission si son autorité nest pas respectée. La justice a besoin de moyens pour travailler dans des conditions plus sereines, plus rapides, plus en phase avec les conditions modernes de la vie économique et sociale. Les peines de prison doivent être réellement exécutées tout en assurant la dignité des détenus. A cette fin, le Parlement vient de décider que le nombre de places de prison serait augmenté pour atteindre un niveau comparable, rapporté à la population, à celui des autres démocraties.
Quant au sentiment dimpunité des mineurs les plus violents, il nest pas tolérable pour les victimes et je ne pense pas quil aide ces mineurs à revenir dans le droit chemin, bien au contraire. Délinquants ou victimes, ces enfants sont en danger, mais pas de la même manière. Il faut réformer la justice des mineurs et, au-delà dun certain âge, confier à deux juges distincts la mission de protection de lenfance en danger et la mission de répression de la délinquance des mineurs. La justice des mineurs nen sera que plus respectée.
Le temps est enfin venu de sortir de cette conception dépassée qui voudrait que la victime ne soit concernée par le procès de son agresseur quau titre de la réparation civile quelle est en droit de lui réclamer. Pour se reconstruire, la victime a autant besoin de dommages et intérêts que de la sanction pénale de celui qui lui a fait du tort. Si laccusé peut faire appel de sa condamnation, le minimum est que la victime ait le droit den faire autant, tout comme elle doit pouvoir faire appel des décisions de détention provisoire et dapplication des peines qui concernent son agresseur.
Si la justice est le troisième pouvoir, comme nous la appris Montesquieu, alors le peuple, dont dépend tout pouvoir, doit se réapproprier la justice.
Depuis 2008, nous avons traversé la plus brutale succession de crises depuis les années 30.
Quand les premiers signes dun séisme économique sont apparus en août 2007, moins de quatre mois après mon élection, pas plus quaucun autre chef dEtat et de gouvernement, je ne mattendais à la succession et à la gravité des crises qui se sont abattues sur le monde occidental.
En 2008, la faillite de Lehman Brothers a été à deux doigts de faire tomber tout le système bancaire mondial. En une nuit, nous avons dû décider dapporter la garantie de lEtat à tous vos dépôts et à toute votre épargne. Aucun Français na perdu ses économies.
Lannée suivante, le monde occidental a connu la pire récession depuis celle des années 30. En 1929, les pays se sont isolés et refermés sur eux-mêmes : dix ans plus tard, le monde sombrait dans le conflit le plus barbare de tous les temps. La France, en tant que présidente de l'Union européenne, a convaincu les Américains de créer et de réunir à Washington une nouvelle instance de concertation des grands pays du monde, le G20, afin de coordonner en urgence une réponse commune à la crise. Les mesures de relance décidées par le G20 ont évité le pire.
En 2010, à cause de la crise, le déficit de notre régime de retraite avait atteint le montant que nos meilleurs experts nous avaient prédit pour 2030. Notre système de retraite était au bord de la faillite. Jai procédé à sa réforme, parce que, si nous ne lavions pas fait, nous naurions pas pu continuer à payer les pensions.
Bien sûr, on peut soutenir quau lieu daugmenter lâge légal de la retraite, comme tous nos voisins lont fait dans des proportions souvent bien supérieures, il aurait mieux fallu réduire les pensions ou augmenter les cotisations. Aujourdhui, moyennant une augmentation somme toute raisonnable de lâge de la retraite, et cohérente avec lallongement de la durée de la vie, le financement des retraites est garanti ; ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans peuvent continuer de partir à 60 ans ; la pénibilité est prise en compte ; et les retraites, loin dêtre diminuées, seront toujours indexées sur linflation.
Cest parce que nous avons fait cette réforme que nous pourrons remédier, tout de suite après les élections, à une injustice criante qui frappe les retraités : la date du paiement des pensions. Les loyers et les factures tombent le premier de chaque mois alors que les pensions sont versées le huit. Nous verserons désormais les pensions le premier de chaque mois.
En 2011 enfin, la crise de la dette des Etats a failli faire disparaître leuro. Leuro na pas tenu toutes ses promesses, cest un fait, mais rien naurait été pire que son implosion. Ceût été le saut dans linconnu, lEurope divisée, de nombreuses banques en faillite, des millions dépargnants cherchant à retirer leurs liquidités, les Etats, dont la France, obligés demprunter à des taux rédhibitoires, et de réduire en conséquence leurs dépenses de façon brutale tout en augmentant lourdement les impôts.
La récession aurait été dune plus grande violence encore. Voilà pourquoi jai tout fait pour sauver leuro et pour sauver la Grèce. Laisser la Grèce sortir seule de leuro, cétait admettre le caractère réversible de la monnaie unique. Pourquoi pas ensuite lItalie, lEspagne, le Portugal ? Ceût été prendre le risque dune redoutable contagion.
LAllemagne est le pays auquel limplosion de leuro aurait causé le moins de problèmes. Elle sest conduite en alliée pour sauver notre monnaie commune. En même temps, la France a obtenu une réforme de la zone euro pour que les errements du passé ne se reproduisent pas : le gouvernement économique de la zone euro que je réclamais depuis des années est désormais en place et la convergence des politiques économiques est engagée.
Tout cela a été très difficile. Nous étions au bord du gouffre. Croire dans une réouverture des négociations est une utopie tout simplement parce que celles-ci viennent de sachever et que pas un gouvernement en place en Europe ne le souhaite. Avec le sauvetage de la Grèce, la réforme de la zone euro vient en outre denregistrer son premier succès majeur. Cela na donc rien à voir avec la réforme de la zone Schengen que je propose, dont le traité fondateur date de 1985 et dont les insuffisances sont criantes. Cette réforme est au surplus souhaitée par un nombre croissant dEtats.
La France a tenu parce quelle a agi.
Pendant toutes ces crises, je nai eu quune seule préoccupation : protéger la France et les Français. Le médiateur du crédit a évité le blocage de léconomie, en particulier dans les PME. Des mesures de relance ont limité le recul de la croissance. Le chômage a augmenté, cest vrai, mais beaucoup moins que dans les autres pays de lUnion européenne. La dette publique sest creusée, mais beaucoup moins que dans les autres pays du G7. Le pouvoir dachat a progressé, pas autant que nous laurions souhaité bien sûr, mais il a baissé chez la plupart de nos partenaires. Le taux de pauvreté est resté inférieur en France à ce quil est chez nos voisins.
Cela a été possible parce que nous avons pris de nombreuses mesures de soutien pour les plus défavorisés dentre vous, telles que laugmentation de 25 % en cinq ans du minimum vieillesse et de lallocation adulte handicapé, une exonération dimpôt sur le revenu pour 6 millions de contribuables au plus fort de la crise, le doublement de la population éligible à laide à lacquisition dune mutuelle, la baisse des tarifs délectricité de première nécessité ou encore la création dun tarif de solidarité pour le gaz.
Parce que la solidarité lexigeait, nous avons par ailleurs augmenté les prélèvements pesant sur les plus favorisés en plafonnant les niches fiscales, dont 150 ont été créées lorsque Lionel Jospin était Premier ministre, en augmentant la fiscalité des revenus du patrimoine, en augmentant le taux de la dernière tranche de limpôt sur le revenu ou encore en créant une contribution additionnelle sur les très hauts revenus.
Vous avez souffert de la crise. Mais la France a tenu. Elle sen est même mieux sortie que les autres. La France a tenu parce que son régime de protection sociale est solide. Elle a tenu parce nous avons pris des mesures de solidarité qui ont permis datténuer les conséquences de la crise pour les plus vulnérables. Elle a tenu parce quelle avait commencé à engager, avant la crise, des réformes structurelles de son économie. Elle a tenu parce que la réforme des retraites, le non-remplacement dun fonctionnaire sur deux partant à la retraite et toutes les mesures de réduction des dépenses publiques que nous avons prises depuis 2007 nous ont permis de présenter des perspectives crédibles de redressement de nos finances publiques, et dêtre moins attaqués que dautres par les marchés financiers.
Au début, le monde occidental sest laissé enivrer par la mondialisation.
Il faut maintenant tirer les enseignements de cette succession de crises. Ce nest pas la mondialisation qui est à lorigine des crises. Cest une mondialisation sans règles, une mondialisation où tout est permis, dumping social, dumping fiscal, dumping écologique, une mondialisation qui a mis le profit au-dessus de lhumain et substitué le pouvoir impersonnel des marchés à celui des peuples et des Etats.
Dans cette mondialisation-là, les pays occidentaux, avec leurs lois, avec leurs principes, avec leur niveau de protection sociale, ne pouvaient résister. Aussi ont-ils réagi par lendettement public pour continuer à financer leurs modèles sociaux, et par la financiarisation de léconomie pour gagner, dans léconomie virtuelle, ce quils ne pouvaient plus obtenir dans léconomie réelle de moins en moins compétitive.
Ces bases étaient malsaines. Lendettement des pays développés a servi à masquer la stagnation du pouvoir dachat. Il a été le terreau de la spéculation financière. Au lieu de gagner de largent en créant de la valeur par des innovations, des découvertes, de nouveaux produits, on pouvait en gagner davantage en la détruisant à coup de hedge funds, titrisation, spéculations acrobatiques ou dépeçage dentreprises. Dans ces conditions, la crise ne pouvait quarriver et elle arriva avec ses conséquences en chaîne.
Ce nest pas ainsi que le monde occidental aurait dû réagir à la mondialisation. Mais, au début, il sest laissé enivrer par elle. Nous avons vu limmense progrès quelle représentait pour les peuples qui allaient pouvoir accéder au même niveau de richesses que nous. Nous avons cru à la paix universelle. Nous navons pas vu la brutalité du choc quentraîneraient pour les économies occidentales les écarts de salaires et de protection sociale. Nous avons cru que nous pourrions résister par la seule innovation, les seuls services, la seule finance Nous avons tardé à comprendre que, si la mondialisation faisait des gagnants dans nos pays, elle faisait aussi des perdants, ceux qui sont les moins qualifiés, ceux qui voient les usines se fermer et les emplois se délocaliser, ceux dont les salaires sont tirés vers le bas et dont les compétences deviennent inutiles. Nous navons pas vu certaines inégalités se creuser, avec des traders et des dirigeants dentreprise qui se sont mis à gagner des salaires invraisemblables. Nous navons pas vu, et la France moins que les autres, que nous avions aussi des faiblesses, quà la faveur de la longue période de croissance des Trente Glorieuses, nous nous étions partiellement endormis dans un niveau de confort jamais atteint par nos sociétés. Nous navons pas anticipé que dautres pays pourraient un jour nous dépasser.
LEurope devait nous protéger, elle a aggravé notre exposition à la mondialisation.
Ces erreurs, lEurope les a commises plus que toutes les autres régions du monde. LEurope devait nous protéger, elle a aggravé notre exposition à la mondialisation. Dans leuphorie de la chute du mur de Berlin, lEurope a cru à la fin de lhistoire. La Commission, qui avait joué un rôle essentiel pour construire lUnion européenne, sest transformée en un cénacle technocratique et coupé des peuples. Elle sest mise à accumuler les normes sans que les pays puissent réagir, divisés quils étaient par un élargissement trop rapide qui les avait mis trop nombreux et trop hétérogènes autour de la table. LEurope sest crue investie du devoir dêtre le meilleur élève de la mondialisation, celui dont les frontières devaient être les plus ouvertes et léconomie la plus dérégulée.
Je suis un Européen convaincu. Toute ma vie, je me suis battu en faveur de la construction européenne. Je ne connais pas de plus grand projet politique et de plus bel idéal humaniste que celui qui a conduit les Européens à surmonter leurs haines et leurs souffrances pour faire de leur continent meurtri par les guerres un continent de paix et de culture. Mais si pendant tant dannées, lEurope a soulevé tant despérance, cest parce quelle incarnait pour les peuples plus de sécurité et plus de prospérité. Il faut retrouver le but initial du projet européen.
Lenjeu est de réconcilier les gagnants et les perdants de la mondialisation.
Refuser la mondialisation est une incantation. Depuis le XVIème siècle, la France est un pays ouvert, qui tient sa place au cur du monde. La Chine, lInde, le Brésil, les Etats-Unis sarrêteraient-ils de produire, détudier, dinnover, déchanger parce que nous aurions décidé de nous extraire de la vie du monde ? Qui achèterait nos voitures, nos avions, nos produits industriels et agricoles, nos produits de luxe, notre cinéma ? Avec quels partenaires nos chercheurs, nos universitaires, nos intellectuels échangeraient-ils ? Cela naurait évidemment aucun sens. Notre modèle ne peut pas être celui de la Corée du Nord.
Je veux dire à nos chercheurs, à nos industriels, à nos créateurs, à tous les natifs du numérique, à tous ces Français de France ou expatriés qui sont aux avant-postes de la mondialisation et qui chaque jour donnent à notre pays dimmenses succès dans de multiples secteurs : la France vous doit beaucoup, la France restera un pays ouvert.
Mais je veux dire aussi aux blessés de la mondialisation, à ceux qui subissent les délocalisations, à ceux dont les salaires stagnent, à ceux qui ont peur du déclassement, à ceux qui craignent que leurs enfants vivent moins bien queux, que nous allons nous défendre dans la mondialisation.
La France rassemblée, cest une France qui réconcilie les gagnants et les perdants de la mondialisation, en permettant aux premiers de réaliser leurs rêves de conquête dans un monde ouvert, et aux seconds dêtre protégés et de préserver leur mode de vie. Cest pour cela que la France doit être forte : forte pour encourager, accompagner, inciter ceux qui font gagner la France dans la mondialisation, et forte pour protéger ceux qui sont menacés par elle et leur rendre la capacité de maîtriser eux aussi leur destin. Voilà lenjeu essentiel des prochaines années pour la France.
Entre augmenter les impôts et réduire les dépenses publiques, je choisis la réduction des dépenses.
Nous devons dabord regarder lucidement nos insuffisances ; ces trente années où, trop souvent, nous avons fait les choix de la facilité, travailler toujours moins, déresponsabiliser toujours plus, excuser toujours tout, dépenser toujours davantage. Moins que jamais, la nouvelle configuration du monde nous interdit dêtre dans le déni des réalités et dans lignorance des défis que nous devons relever.
Le premier dentre eux est de retrouver la maîtrise de nos finances publiques. Nous ne pouvons plus continuer à laisser à notre jeunesse la facture de notre laisser-aller. Augmenter les impôts nest pas la solution. Il y a trop dimpôts en France sur les classes moyennes. Depuis 20 ans, la France qui travaille ne cesse de sappauvrir car on lui demande de financer un système dans lequel nous produisons de moins en moins et nous redistribuons de plus en plus. La France a adopté un plan de redressement de ses finances publiques qui la conduira à léquilibre budgétaire en 2016. Cest ce plan qui sera appliqué si vous maccordez votre confiance. Il ny aura aucune augmentation dimpôt nouvelle pour les ménages durant les cinq prochaines années. Et nous ferons la réforme de la dépendance en 2013, car nous aurons alors ramené le déficit public à un seuil qui permet de lengager.
Ce sont donc bien les dépenses publiques quil faut réduire. Cela implique des efforts, de limagination, du courage aussi pour affronter les clientélismes. Les collectivités territoriales devront participer à leffort de réduction des dépenses. Nous ferons désormais une feuille dimpôt par collectivité parce que chaque Français doit savoir ce quil paye pour sa région, son département, sa commune. En même temps, je veux diminuer le nombre de parlementaires, parce que cest juste. A tous les Français, on demande des efforts, les élus doivent en prendre leur part.
Le travail nest pas une idée dépassée.
La France ne travaille pas assez. Pendant 30 ans - retraite à 60 ans, 35 heures - nous navons cessé de diminuer la durée du travail quand tous les autres pays faisaient le choix de travailler davantage. Cette politique a totalement échoué. Plus nous réduisions unilatéralement la durée du travail, moins les entreprises étaient compétitives, moins les salaires progressaient, plus nous étions obligés de maintenir des millions de Français, jeunes, seniors, allocataires de minima sociaux, en dehors du marché du travail.
Il est faux de penser que le travail est rare. Jamais il ny a eu autant de travail dans le monde, autant de marchés à conquérir, autant de besoins à satisfaire, autant de produits à inventer. Et plus nous travaillons, plus il y a du travail pour tous.
Nous avons payé cette erreur dune défaite sociale : le chômage na pas baissé. Nous lavons payée dune défaite humaine : nous avons consacré des milliards à maintenir des gens dans lassistanat plutôt que de tout faire pour les aider à trouver un emploi. Nous lavons payée dune défaite financière : avec de plus en plus de dépenses sociales et de moins en moins de recettes du travail, nos déficits se sont creusés. Nous lavons surtout payée dune défaite morale : nous avons envoyé un message désastreux à notre jeunesse et découragé le travail en faisant de lassistanat une situation plus confortable que lactivité.
Jamais personne na surmonté ses difficultés sans travailler. Jamais on na vu un pays sen sortir sans effort. La France ne sen sortira que par le travail.
Lécart entre les revenus du travail et les revenus de la solidarité doit absolument être préservé. Supprimer lexonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, qui permet à 9 millions de salariés de gagner 450 euros de plus par an, serait une grave erreur et un coup porté au pouvoir dachat de ces salariés. Je veux au contraire pérenniser cette mesure. Proposer dalourdir les charges sociales payées par les salariés pour financer un retour en arrière sur les retraites est un contre-message absolu. Est-ce le moment de demander à la France qui travaille, et à nos entreprises qui se battent, de payer encore un peu plus de charges pour avoir un peu plus de monde qui ne travaille pas ? Je veux au contraire réduire les charges sociales salariales des salariés les moins rémunérés, pour un gain de 840 euros nets par an au niveau du SMIC, par lintégration de la prime pour lemploi dans leur fiche de paie et la réduction des niches sur les dividendes. Et il faut exiger que les allocataires du RSA effectuent 7 heures par semaine de travail dintérêt général. Lallocation pour sa part sera suspendue en labsence defforts de réinsertion régulièrement évalués. Cest une question morale. Il est impératif que le travail soit toujours plus payant que linactivité.
Nous devons réformer notre système de formation professionnelle.
Nous ne pouvons plus rester inertes devant lincohérence de notre système de formation professionnelle.
Dans un monde où les techniques changent de plus en plus vite, où linnovation est de plus en plus essentielle, où la compétition est de plus en plus rude, un système efficace de formation professionnelle est indispensable. Lui seul peut adapter les compétences des salariés aux nouveaux enjeux, aux nouveaux marchés. Lui seul peut rétablir léquité entre ceux qui ont pu faire des études et ceux qui nont pas pu. Lui seul peut redonner leur chance à ceux qui sont durablement éloignés du marché du travail.
Lexpérience des ouvrières de Lejaby, qui sont passées de la fabrication de lingerie à la maroquinerie, montre que la formation professionnelle est utile et possible. Jai été frappé par la force du symbole, ces femmes, certaines âgées de plus de 50 ans, qui apprennent un nouveau métier. Cest fondamental de lutter contre cette idée désespérante selon laquelle à 50 ans, on ne serait plus bon à rien.
Aujourdhui pourtant, largent de la formation bénéficie en priorité à ceux qui ont fait le plus détudes et à ceux qui ont un emploi. 10 % seulement des chômeurs ont la possibilité de suivre une formation, mais près dun demi-million demplois ne sont pas pourvus.
Il faut donc changer ce système en suivant un principe simple : largent de la formation professionnelle doit aller en priorité à ceux qui ont besoin dune formation, soit pour retrouver un emploi, soit pour adapter leurs compétences aux nouveaux marchés de léconomie. Toute personne au chômage dont les chances sont faibles de retrouver un emploi dans son métier, devra donc se voir proposer une formation à un autre métier. Plutôt que dêtre payée à se sentir inutile, elle sera rémunérée pour acquérir de nouvelles compétences et devra accepter lemploi correspondant à ce nouveau métier qui lui sera proposé en fin de formation. Cela nempêchera pas les entreprises de continuer à former leurs salariés. Elles le font déjà bien au-delà de leurs obligations légales.
Cette réforme ébranlera bien des intérêts particuliers. Mais peut-on encore laisser seffacer durablement devant ces intérêts, lintérêt général et humain qui sattache à permettre aux chômeurs de retrouver un emploi ?
Il faut adapter notre fiscalité pour protéger nos emplois industriels.
Il faut enfin avoir laudace de modifier la fiscalité qui pèse sur le travail. La grande question fiscale de notre temps nest pas de savoir quel doit être le taux le plus élevé de limpôt sur le revenu. Laspiration égalitaire nayant jamais de fin, ce débat sera toujours vain tant que légalité absolue ne sera pas atteinte.
Il ne se passe dailleurs pas une journée sans que la proposition de fixer un taux de 75 % pour les très hauts revenus ne soit assortie dune nouvelle exception.
La question importante est de savoir quel régime fiscal peut à la fois protéger lemploi industriel en France et préserver notre système de protection sociale.
Je crois dans lindustrie. Protéger lemploi industriel est impératif. Jamais il ny a eu de théorie aussi naïve que celle selon laquelle lavenir était de laisser partir les usines et de garder les services et les centres de recherche. Si les usines partent, les services partiront et les centres de recherche suivront irrémédiablement. Depuis 2007, nous avons engagé un grand nombre de réformes structurelles pour remettre lindustrie française dans la course internationale : suppression de la taxe professionnelle, crédit-impôt-recherche, autonomie des universités, investissements davenir, développement de léconomie verte, création de métropoles
Tous ces efforts cependant seront insuffisants si nous ne réduisons pas lécart de coût du travail qui sest creusé entre la France et ses partenaires européens, en particulier lAllemagne. Le travail est trop cher en France parce que les charges sociales qui pèsent sur les bas salaires sont trop élevées. Lobjectif nest évidemment pas daligner notre coût du travail sur celui des pays émergents, ce serait une course illusoire et sans fin ; il est de le rapprocher de celui des principaux pays développés. Cest avec eux que nous sommes en compétition sur les marchés des produits innovants et de qualité.
Nous avons épuisé toutes les solutions alternatives : les entreprises compriment- les salaires vers le bas, les exonérations de charges sont multiples, nous nallons pas réduire les prestations sociales. Il faut donc engager un changement plus structurel en transférant sur la TVA une partie du financement de la protection sociale qui pèse sur le travail. Les prix naugmenteront pas car le coût de revient des produits baissera pour les entreprises. Les prix des biens les plus essentiels, taxés aux taux réduits de TVA, baisseront, car leur production bénéficiera de la baisse des charges. Mais seule la TVA au taux normal augmentera. Nos exportations seront plus compétitives. Les importations contribueront au financement de notre protection sociale. Cest la solution davenir.
Je veux vous donner des raisons de croire dans la France forte.
En vérité, jamais le moment na été aussi favorable pour adapter le financement de notre modèle social aux réalités de la vie économique daujourdhui.
Dans tous les pays industriels, les entreprises relocalisent des emplois. Elles ont compris quelles avaient trop à perdre au dumping social, à linsécurité juridique et aux transferts de technologies. Nous devons accompagner, amplifier ce mouvement, et non pas nous endormir, en revenant au laxisme de la dépense publique, à laugmentation de toutes les cotisations sociales, et à la dévalorisation du travail.
La fiscalité des entreprises doit aller dans le même sens. Un impôt sur le bénéfice mondial des grandes entreprises les dissuadera de délocaliser les emplois. Quel que soit lendroit où elles réaliseront des bénéfices, elles paieront une part dimpôt en France. Nous interdirons également la déduction des dépenses de délocalisation de limpôt sur les bénéfices des entreprises.
Je veux vous en convaincre de toutes mes forces : la France est créative, les Français ont lesprit dentreprise ; la France a du talent, les Français ont de limagination. Partout dans le monde, des entreprises françaises réussissent parce quelles innovent, y compris dans des secteurs que lon croyait définitivement menacés comme celui de la chaussure, en pleine renaissance à Romans. Ce qui empêche léconomie française davancer, cest la dévalorisation du travail, cest le poids des charges, cest le poids des normes.
Une norme en plus, deux normes en moins.
Il faut libérer les énergies. Nous avons atteint le seuil maximum de normes dans notre pays. Les projets sont découragés avant même dêtre engagés. On a remplacé la confiance par la suspicion permanente, la responsabilité par la réglementation tatillonne, lesprit dinitiative par laversion au risque. Il faut libérer les créateurs, les artisans, les commerçants, les entrepreneurs individuels, les PME de lexcès des normes. Je propose une règle simple : chaque fois quun ministre voudra créer une nouvelle norme, il devra men proposer deux anciennes à supprimer. Cette règle vaudra au niveau national et au niveau européen.
La jeunesse de France mérite notre confiance, accordons-lui notre caution.
Il faut libérer lénergie de la jeunesse. Cest le propre de la jeunesse que de vouloir prendre des risques, tenter sa chance, prendre en main son destin. La jeunesse ne veut pas dassistanat, de faux emplois, de RSA jeune, elle veut voler de ses propres ailes. Elle ne veut pas de surprotection, elle veut se mesurer avec lobstacle.
La jeunesse de France mérite notre confiance, accordons-lui notre caution.
Je propose de créer une banque de la jeunesse qui se portera garante des projets de tous les jeunes, quil sagisse de financer des études, de créer une entreprise, de mettre en uvre un projet humanitaire Il est normal que les jeunes sendettent pour financer leurs projets. Cest le signe quils ont confiance en eux-mêmes. Ils rembourseront quand ils seront entrés dans la vie professionnelle. Mais il est de lintérêt de tous quà travers la caution de lEtat, nous aidions notre jeunesse à faire fructifier ses talents.
On ment à la jeunesse si on lui dit quelle pourra réussir sans effort, sans effort à lécole, sans effort à luniversité, sans effort dans lentreprise. Mais on trahit son état desprit si on ne laide pas à changer le monde.
Les territoires ruraux ont du potentiel.
Ce nest pas parce que, dans les territoires ruraux, on souffre en silence que la société ne doit pas prêter attention à cette souffrance. Jai conscience que dans ces territoires, on ne casse pas les abribus, on respecte davantage les services publics car on en mesure tous les jours lintérêt vital, on a une forme de pudeur qui fait que lon nexprime sa colère quavec retenue. Et pourtant cette détresse existe.
Nous avons besoin de la ruralité. Cest là que lidentité de la France trouve ses racines. Cest lintérêt de notre économie davoir une agriculture puissante. Ses réussites ont été majeures au cours des années récentes. Et cest la seule façon de conserver nos paysages, par ailleurs si beaux et si divers.
De plus en plus de Français sinstallent en milieu rural. Ces territoires ont du potentiel. Il faut donc également libérer les énergies de la ruralité, donner aux Français des zones rurales les moyens de réussir leurs projets.
Je suis pour une adaptation des normes au milieu rural, chaque fois que cela est possible, chaque fois que cela est nécessaire. Pour toute réforme quil proposera, chaque ministre devra se poser la question de règles spécifiques pour le monde rural.
La couverture du territoire en numérique à très haut débit est déterminante pour les entreprises, mais aussi pour la vie quotidienne des habitants des territoires ruraux. Il faut en accélérer la concrétisation. Cela implique une mutualisation des ressources entre les territoires urbains si facilement desservis et les territoires ruraux trop peu denses pour assurer aux opérateurs des conditions économiques rentables.
Pas un territoire ne doit être privé de laccès aux personnels de santé, ce qui suppose de doubler le nombre des maisons de santé pluridisciplinaires, qui permettent aux médecins de se sentir moins seuls en travaillant au même endroit.
LEurope doit protéger les Européens et nous rendre plus forts dans la mondialisation.
La France aura beau travailler de toutes ses forces et moderniser son économie, tout cela ne servira à rien si lEurope continue davoir une politique commerciale aussi naïve. Aujourdhui, le rôle de lEurope doit être de nous protéger et de nous rendre plus forts dans la mondialisation. Une France plus compétitive dans une Europe mieux protégée, ce sont les deux faces dune même politique.
Nous sommes en concurrence avec des pays qui ont la taille de continents. Ces pays protègent leur économie et protègent leurs emplois. Ils abordent la liberté des échanges de manière beaucoup moins angélique que lUnion européenne. Ils encouragent le développement de leurs PME, qui sont les grandes entreprises de demain. Nous devons faire de même.
Cest pourquoi je proposerai à nos partenaires une nouvelle politique commerciale européenne. Il faut dabord réserver une partie des marchés publics européens à des PME européennes. Cest une manière très efficace de soutenir leur croissance, comme le font les Etats-Unis. Il est ensuite inconcevable que lEurope continue à ouvrir ses marchés publics à tous les pays du monde alors que ces pays ne nous en ouvrent aucun. Voilà une naïveté coupable. Tant quil ny aura pas de réciprocité, lEurope devra réserver ses marchés publics à des entreprises qui produisent en Europe. Si lEurope nadopte pas ces mesures dans un délai dun an, nous les adopterons unilatéralement à léchelle de la France.
LEurope doit également protéger ses technologies. Nous avons fait preuve de beaucoup trop de candeur. Nous ne pouvons plus accepter que les technologies développées en Europe soient transférées à lautre bout du monde.
Et puis lEurope doit consacrer moins dimagination à produire des normes qui découragent linitiative et plus dénergie à défendre lindustrie européenne contre le dumping social, fiscal et environnemental des autres pays ; concrètement, exercer plus de contrôles sur les produits importés et prendre des mesures de sanctions lorsque ceux-ci ne respectent pas les règles.
Nous sommes deux fois moins efficaces que les Américains en ce domaine.
Je crois dans le libre-échange. Mais le libre-échange, cest louverture négociée et réciproque des frontières, pas leur disparition. Ouvrir les marchés nest pas le but de la construction européenne. Son but est la sécurité et la prospérité des peuples européens. LEurope ne peut pas rester indifférente aux effets de la mondialisation sur lemploi et sur lindustrie européenne. Elle doit prendre des mesures pour concilier la liberté des échanges et la protection de nos emplois, de nos modes de vie, de nos valeurs, de notre protection sociale, de lidentité européenne. Maîtriser notre destin, cest faire comprendre à lEurope ce changement majeur de perspective. Cest à cette seule condition que reviendront lespérance et ladhésion des peuples européens au projet politique européen.
La mondialisation ne peut pas rester telle quelle est, inégale pour les peuples occidentaux, inhumaine pour les peuples émergents, destructrice pour la planète.
Quant à la mondialisation, elle ne peut rester telle quelle est, inégale pour les peuples occidentaux, inhumaine pour les peuples émergents, destructrice pour la planète. Affirmer que la mondialisation est inéluctable ne vaut en aucun cas acceptation dune mondialisation sans règles, sans cadre et sans réciprocité. Les crises ont eu ceci de positif quelles ont obligé les pays, notamment occidentaux, à réfléchir à ce qui sétait passé et à se forger la conviction que cela ne pouvait pas durer.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la grande question de ce siècle naissant, en économie comme en dautres matières, est la question des frontières. Pendant des millénaires, les peuples ont été capables des pires affrontements pour quelques kilomètres de frontières. Aujourdhui, ils découvrent lincertitude et lanxiété dun monde sans frontières et sans repères, un monde où plus aucune autorité politique ne semble pouvoir résister à la force des marchés et de la technique.
Cest pourquoi la France, avec son imagination, avec son identité particulière et reconnue, doit uvrer, au rang qui est le sien, celui de grande nation mondiale, à la construction dun monde plus ouvert et plus équitable, mais néanmoins régulé, où le droit est plus fort que la technique, où les Etats souverains décident ensemble de règles et de valeurs qui simposent aux marchés, et où les hommes sont remis au centre des préoccupations, des décisions et de laction.
Il faut dabord refonder le capitalisme, rétablir la primauté de lindustrie sur la finance, de la production réelle sur léconomie virtuelle, mettre fin à la spéculation financière. Il faut ensuite encadrer la mondialisation : les pays émergents, qui sont désormais aussi puissants que nous, doivent adopter des règles sociales, juridiques et éthiques, faute de quoi la concurrence nest pas loyale. Il faut enfin imposer des normes écologiques à tous : cela veut dire quil faudra que tous les pays acceptent les règles du protocole de Kyoto et quune organisation mondiale de lenvironnement soit créée.
Tout cela ne serait évidemment que des vux pieux si nous navions déjà commencé à le faire. Depuis 2008, le G20 a été créé, les bonus des traders encadrés, les paradis fiscaux dénoncés, de nouvelles règles prudentielles imposées aux banques, les marchés des produits dérivés financiers et agricoles régulés, certains produits toxiques interdits, le principe dune taxation des transactions financières adopté. Dans ces avancées, la France a joué un rôle essentiel. Je veux vous convaincre de croire que la France forte peut contribuer à faire avancer le monde dans une direction plus humaine.
Lécologie améliore nos conditions de vie et crée des emplois.
Lécologie est un sujet trop important pour être lotage du sectarisme et des alliances politiciennes. Le changement climatique est lautre mutation majeure de notre temps. Il faut donc résolument protéger lenvironnement.
Nous avons demandé à nos agriculteurs dadopter des méthodes de production plus respectueuses de lenvironnement. Cest lintérêt de leur santé tout autant que celui de la préservation des équilibres écologiques. Tout ce qui améliore la qualité de notre environnement doit être poursuivi et la modification de nos pratiques doit continuer à être encouragée. Nos conditions de vie nen seront que meilleures.
La politique énergétique est pour sa part le levier le plus déterminant pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Cest la raison principale pour laquelle il faut conserver et entretenir la filière nucléaire française.
Lénergie nucléaire est celle qui émet le moins de gaz à effet de serre. Cest aussi celle qui garantit notre indépendance énergétique et limite les factures délectricité pour les ménages et pour les entreprises. Cest enfin une exceptionnelle filière industrielle. Lindustrie nucléaire française réunit tous les traits dune France forte. Naturellement, il faut être intransigeant avec la sécurité et la sûreté de nos installations. Le maintien du potentiel nucléaire de la France doit aussi être complété par le développement des énergies renouvelables et par les économies dénergie.
Avec ces orientations, nous protégerons lenvironnement, nous respecterons nos engagements internationaux et nous développerons des industries nouvelles, dun même mouvement. Derrière chacune de ces priorités, il y a du pouvoir dachat pour les Français, de la compétitivité pour les entreprises et des emplois non délocalisables pour tous.
Lécologie ne doit pas être lennemie de la croissance : prôner la décroissance, cest condamner au désespoir tous ceux qui ont tellement de difficultés pour vivre aujourdhui. Lécologie peut au contraire être la matrice de linvention dune nouvelle économie, faite de qualité, de sobriété et de proximité. Lécologie peut et doit rimer avec le travail et même avec lindustrie. Lécologie est source de croissance, de nouveaux emplois et de progrès pour tous.
Présider, cest prendre des décisions.
Cest après avoir longuement étudié, analysé, pensé la psychologie profonde du peuple français et la longue histoire de la France, que le général de Gaulle a conçu la Ve République. Avec cette République, il a remis le peuple au centre de la souveraineté, au grand regret des partis et des lobbies. Cest pour cela quil a proposé au peuple que le Président de la République soit élu au suffrage universel direct et doté de pouvoirs importants. Il en résulte une coexistence, à la tête de lexécutif, du Président de la République et du Premier ministre.
Je nai jamais cru, je ne croirai jamais que le rôle du Président de la République soit de dégager les grandes perspectives tandis que celui du Premier ministre serait de soccuper au quotidien des problèmes des Français. Tout simplement parce que les problèmes quotidiens des Français, lemploi, le pouvoir dachat, la protection sociale, léducation, les retraites, se résolvent dans les grandes perspectives. Tous les Présidents de la République ont suivi de très près la conduite des affaires gouvernementales.
Croit-on sérieusement que le Général de Gaulle ne sintéressait pas aux détails de la politique quil menait ? Ignore-t-on que, de tout temps, dans toutes les réunions interministérielles importantes, il y a toujours eu un conseiller de lElysée ? Ce qui est vrai, cest que, pour ma part, je lai fait dans la transparence et dans la franchise. Dans un contexte de crise majeure, à une époque où laction internationale et laction en France sont les deux faces dune même politique, à lheure où le rythme de la décision est devenu tellement rapide, alors que tant de réformes devaient être engagées, je me suis impliqué totalement dans ma fonction.
Ce qui est important, je crois, cest que la dyarchie de lexécutif ne conduise pas à des dysfonctionnements et à des rivalités stériles dans la conduite des affaires de lEtat. Avec François Fillon, nous avons travaillé pendant cinq ans, sans instabilité gouvernementale, sans conflit, sans crise. Nous avons fait de nos différences une richesse. Nous avons toujours été en plein accord sur la politique que nous menions. La dyarchie de lexécutif permet de se compléter, de se nuancer, de sencourager, de débattre. Elle a souvent été une source de division dans notre pays. Nous avons essayé den faire une force pour la France. Diriger notre pays est une mission suffisamment difficile pour quêtre deux, dans un rapport clairement fixé par la Constitution et la légitimité du suffrage universel, soit un avantage.
Pour autant, parce quil est élu directement par le peuple français, le rôle du Président de la République ne peut pas être de sabriter derrière le Premier ministre ou derrière sa majorité. Il lui revient dêtre en première ligne, de se saisir des questions les plus difficiles, elles le sont souvent, et, après avoir consulté, écouté, analysé, de prendre les décisions.
Nous réussirons parce que nous le ferons ensemble.
Mes chers compatriotes, en 2007, quand vous mavez accordé votre confiance, le pays avait besoin de modernisation et de réformes. Nous en avons menées un grand nombre, parmi les plus difficiles. La crise, dune violence aussi forte que celle des années 30, et que personne navait prévue, ne nous a pas permis daller aussi loin que nous laurions souhaité, ni dengranger tous les résultats que nous aurions espérés. Ce temps-là viendra. Mais notre pays a résisté.
La France, cest ce nom magique que personne ne peut entendre sans penser à celui de liberté. Nous avons honoré cette promesse. Partout dans le monde, des initiatives françaises ont été saluées et couronnées de succès, en Géorgie, en Côte dIvoire, en Libye.
Pendant cinq ans, à la tête de nos institutions, jai sillonné notre pays : je nai cessé de voir des réussites françaises, un savoir-faire français, une intelligence française. Jai mesuré la créativité et lénergie dont la France est capable.
Pendant cinq ans, à létranger, je nai cessé de mesurer ladmiration et lespérance quéveille la France. La France nest pas écoutée quand elle est arrogante, mais elle est entendue quand elle est ouverte, constructive, imaginative.
Toutes les fois que je vous ai rencontrés, je nai cessé daimer votre refus du renoncement, votre rejet de limmobilisme.
Vous êtes devant un choix historique : soit nous regardons ensemble les réalités en face pour conserver la maîtrise de notre destin ; soit nous nous contentons une fois encore de la facilité qui nous conduira à glisser dans ce quil faudra bien finir par appeler le déclin.
Mes adversaires nont que deux propositions : défaire tout ce qui a été fait et recycler les vieilles recettes du passé, la dépense publique, le partage du travail, lassistanat, limmobilisme, laffaiblissement de lEtat, le rejet de lautorité, la destruction des repères.
Ma conviction, cest que la France peut faire mieux, beaucoup mieux. Je vous propose une France forte parce que je veux le meilleur pour notre pays. Cest pour cela que je fais une campagne en vérité. Je refuse de passer sous silence des évidences. Je refuse la facilité. Oui, il faut faire des efforts, oui il faut travailler. Mais croyez-moi, nous pouvons réussir à rester maître de notre destin.
Nous pouvons réussir parce que nous le choisirons et le ferons ensemble. Je naccepte pas que lintérêt général soit privatisé par des intérêts privés. Chaque fois quil y aura des blocages, je vous donnerai la parole par référendum. Comme pour la Constitution, les lois adoptées par référendum seront supérieures aux autres normes. Certains veulent prendre le pouvoir, moi je veux rendre le pouvoir au peuple.
La France est un grand pays, une grande nation. Les Français sont un grand peuple.
Souvenons-nous de ces paroles du général de Gaulle : «Si nous nétions pas le peuple français, nous pourrions reculer devant la tâche. Mais nous sommes le peuple français.»
Je sais que vous aimez la France. Je veux vous convaincre quil faut avoir foi en elle.
Françaises, Français, plus que jamais cette France gravée dans votre coeur a besoin de vous.
Jai besoin de vous.
Aidez-moi à construire la France forte.
Source http://www.lafranceforte.fr, le 10 avril 2012
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