Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la restauration du patrimoine et la sauvegarde des oeuvres d'art, Paris le 3 avril 2012.
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Circonstance : Inauguration de l'exposition "restaurer : l'excellence à l'oeuvre" à Paris le 3 avril 2012
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Je suis très heureux dinaugurer avec vous aujourdhui lexposition « Restaurer : lexcellence à loeuvre » mise en place dans les vitrines du Palais-Royal. Elle sinscrit dans le cycle que jai voulu consacrer à la transmission des savoir-faire dexcellence. En dédiant cette exposition au département des restaurateurs de lInstitut National du Patrimoine (INP) et à trente ans de diplômes de restaurateur du patrimoine, cest un hommage à tous ces professionnels qui chaque jour apportent leur compétence et leur talent à la protection, à la sauvegarde et à la restauration de nos collections et de nos oeuvres ; à tous ceux qui les forment, également, et parmi eux tout particulièrement les équipes de lINP, à ses responsables de spécialité, à ses responsables datelier, à leurs collaborateurs. Ce sont eux qui ont proposé les thèmes et les contenus de chaque vitrine, et qui les ont installées : je les salue et je les remercie très chaleureusement. Tous les tableaux ne sont pas la Sainte Anne et tous les artistes ne sont pas Léonard. Mais chaque restaurateur met dans son travail la même science, la même inventivité, le même génie technique et le même sens artistique, la même rigueur, je dirais encore le même scrupule et le même respect, et cela quelle que soit loeuvre, signée Léonard ou non.
En effet, pour un restaurateur comme pour un conservateur, il ny a pas doeuvre majeure et doeuvre mineure. Il y a simplement une oeuvre. Et chaque oeuvre à restaurer est un problème particulier, qui appelle une solution particulière, pourvu que cette solution respecte un ensemble de principes scientifiques et déontologiques qui forment le coeur de la discipline.
En présentant des travaux menés par les étudiants de lINP dans le cadre de leur dernière année de master, lexposition « Restaurer : lexcellence à loeuvre » illustre bien toute la diversité des techniques et des objets auxquels se confrontent aujourdhui les professionnels de la restauration : un lémurien naturalisé provenant du Muséum national dhistoire naturelle ; une cire anatomique provenant des collections de médecine de la faculté de Montpellier ; un tableau du Mobilier national ; une robe provenant de la Cité Internationale de la dentelle et de la mode à Calais ; un fauteuil conservé à la Cité du design de Saint-Etienne ; des carreaux de ciment provenant de Drancy, pour lesquels le travail de restauration aura été essentiellement un travail de mémoire, puisquil sagissait de préserver les graffitis faits sur ces parois par les internés juifs avant leur départ vers les camps, parfois des dessins ou des poèmes - lensemble de ces carreaux, récemment retrouvés et restaurés avec laide du ministère et de lINP, fait en ce moment même lobjet dune très émouvante exposition au Mémorial de la Shoah.
Enfin, je veux aussi mentionner bien sûr les objets provenant des collections dAir France : la table de Bernard Lamotte sur laquelle tant dartistes ont gravé leur nom, ainsi quun dessin de Saint-Exupéry, et un ensemble daffiches historiques dAir France.
Je veux très vivement remercier Air France et ses dirigeants en particulier le Général Gérard Pons et M. Alain Peyrelongue - ainsi que les responsables du musée Air France en particulier Messieurs Jean Signoret et Denis Parenteau - du partenariat pédagogique si singulier et si dense noué depuis 2010 avec lINP. Grâce à ce partenariat, les étudiants de lINP, tout en se formant, apportent leurs compétences, leur expertise au riche patrimoine dAir France. De son côté Air France, notamment à travers la taxe dapprentissage, apporte à lINP un soutien très précieux qui lui permet de poursuivre sa politique dinvestissement dans des équipements scientifiques et pédagogiques.
Mais comment aussi évoquer le département des restaurateurs de lINP et les trente ans du diplôme sans revenir sur ses origines, avec lInstitut français de restauration des oeuvres dart, dont le sigle - IFROA - est resté dans les mémoires ? Créé en 1977, logé aux Gobelins jusquà son rattachement à lINP, lIFROA eut des directeurs prestigieux comme Jean Coural ou Ségolène Bergeon, et des directeurs scientifiques qui pour presque tous continuent de faire autorité : Gilbert Delcroix, Georges Brunel, Marie Berducou, puis Astrid Brandt-Grau, qui vécut le passage de lIFROA à lINP en 1996 et son plein rattachement à létablissement en 2002. Cest à lIFROA que sest inventé lenseignement qui prévaut aujourdhui à lINP, et qui fait la force de sa formation : un enseignement fondé sur la rencontre entre histoire de lart, science des matériaux et pratique des techniques. Cet esprit dorigine a toujours persisté et il fait de lINP un lieu privilégié de rencontre et de travail en commun de ces trois milieux, qui jusque-là ne communiquaient guère.
En 1978, lIFROA accueillait sa première promotion, pour une scolarité qui durait alors quatre ans. En 1982, il décernait ses premiers diplômes à la première promotion, dont faisait partie Roch Payet, lactuel directeur des études du département des restaurateurs de lINP. Cétait il y a trente ans.
Depuis lors, bien des évolutions ont eu lieu : le périmètre des objets et des collections à restaurer sest constamment élargi. Dans leur formation, comme dans lexercice de leur profession, les restaurateurs ont affaire à des problèmes, des enjeux et des outils nouveaux. Je pense en particulier au traitement des matières utilisées dans lart contemporain. Je pense aussi aux équipements de pointe utilisés aujourdhui pour analyser les oeuvres, leur composition, leur état, que ce soit au centre de conservation et de restauration des musées de France, au laboratoire de recherche des monuments historiques, ou au laboratoire que possède lINP dans ses locaux de Saint-Denis. De fait, le patrimoine appelle, suscite et stimule sans cesse linnovation.
Cest notamment cela qui a justifié en 2005 le passage des études de quatre à cinq ans, avec un diplôme reconnu au grade de master. En 2010, le master de lINP a vu son habilitation renouvelée par lAgence dévaluation de la recherche et de lenseignement supérieur avec la mention A+.
Cest aussi cette complexité croissante du métier, et les rapports passionnants et indispensables quil entretient avec la recherche, qui justifient lambition de créer un doctorat en sciences de la restauration et de la conservation. Je sais que lINP y travaille avec ses partenaire du PRES Hautes études Sorbonne Arts et métiers, et notamment luniversité de Paris 1, lécole des Chartes, lécole du Louvre et lINHA, ainsi quavec le C2RMF et le LRMH. Le nouveau doctorat est bien un des projets pédagogiques et scientifiques majeurs que devrait favoriser le rapprochement du C2RMF, du LRMH et du département des restaurateurs de lINP au sein du futur centre de conservation des patrimoines de Cergy, dont lambition doit être poursuivie.
Je suis également reconnaissant à lINP dexplorer les voies de la recherche sans rien abandonner de ses responsabilités et de ses missions de formation au métier. Je voudrais dabord souligner - même si je ne méconnais pas, au contraire, les difficultés et les défis que la profession doit relever - lexcellent taux dinsertion des diplômés de lINP : dans la dernière enquête dinsertion professionnelle à trois ans, menée en 2011 sur les diplômés 2008 de lenseignement supérieur Culture, le taux dinsertion des anciens élèves restaurateurs de lINP atteint 100%. Cest un cas unique.
Je tiens également à saluer les efforts de lINP pour ouvrir plus largement laccès à sa formation et son diplôme sans rien sacrifier de son exigence de niveau ni de son ambition dexcellence. Cest ainsi que lINP sest doté dune procédure de validation détudes supérieures, pour accueillir directement en quatrième année de son master les étudiants français et étrangers les mieux formés par luniversité au niveau de la licence et les plus motivés. Cest ainsi et je salue particulièrement ce progrès qui vient combler une carence que lINP est en train de créer une procédure de validation des acquis de lexpérience, qui permettra de décerner le diplôme à des professionnels venus à la restauration par dautres voies, issus dautres horizons, forts dune expérience accumulée parfois sur de très longues années, mais qui ne jouissent pas de la reconnaissance et des possibilités données par le diplôme et qui nont parfois aucun diplôme.
Cela se fera naturellement sous réserve dune évaluation très rigoureuse, voire dune demande de formation complémentaire, mais cela se fera, et ce dès lannée prochaine. Je le souhaite et je compte sur lINP.
Je compte aussi sur lui pour contribuer dans le même sens à un projet qui, vous le savez, me tient particulièrement à coeur, celui de la Tour Médicis à Montfermeil. Dans ce grand bâtiment à la limite des communes de Montfermeil et de Clichy-sous- bois, nous allons créer, avec les artistes, avec les associations et avec les habitants eux-mêmes, une cité des arts dun type entièrement nouveau, un lieu où créer, où se créer soi-même, où créer de lespoir, de la fierté. Jai souhaité aussi quon étudie la possibilité dy mettre en place une préparation aux écoles dart du ministère recrutant après le baccalauréat, et je remercie lINP davoir tout de suite répondu à cette demande pour sa formation « restaurateur », comme il a su créer en 2009 une classe préparatoire intégrée aux concours de conservateurs du patrimoine, qui donne dexcellents résultats. Mesdames, Messieurs, jai souvent eu loccasion dencourager toutes les mesures qui, dans le champ de la culture et des médias, peuvent nous permettre de lutter contre les formes dintimidation sociale qui pèsent sur laccès à la culture quil sagisse de laccès aux biens culturels eux-mêmes, aux pratiques culturelles, mais aussi aux métiers et aux formations qui y conduisent. Je voudrais donc dire ma reconnaissance à une institution dexcellence qui ne cesse doeuvrer pour souvrir et diversifier les recrutements des métiers du patrimoine.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 13 avril 2012
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