Texte intégral
Q - Alain Juppé bonjour
R - Bonjour
Q - Au nord-Mali, à Gao, à Tombouctou, les bandes armées se livrent au pillage et même aux viols de jeunes femmes. Comment mettre fin à cette catastrophe ?
R - La situation est très préoccupante, je dirais même dramatique. Cest la raison pour laquelle lorsque je suis allé à Dakar il y a 48 heures, jai participé au Sommet des chefs dÉtat de la CEDEAO, la Communauté des États dAfrique de lOuest, qui sest fortement engagée sur deux plans.
Dabord, le plan politique pour obtenir le retrait de la junte militaire et le rétablissement de lordre constitutionnel, afin que le processus électoral puisse sengager. Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso a été chargé de cette médiation qui progresse à lheure actuelle, même si elle est difficile.
Deuxièmement, il y a le volet militaire qui est complexe parce quil y a deux tendances si je puis dire, deux mouvements dans le Nord du Mali : dabord le MNLA, Mouvement national de libération dAzawad dont lobjectif est lautonomie voire la séparation de la zone quils nomment lAzawad, région dont ils ont quasiment le contrôle ; et puis il y a Ansar Eddine qui est infiltré par Al Qaïda en réalité et dont lobjectif est différent, celui dinstaurer un régime islamique sur lensemble du Mali et au-delà sur la zone sahélienne.
Les chefs dÉtat ont donc décidé de préparer lintervention de la force dattente de la CEDEAO qui est composée de deux bataillons dun peu près 3.000 hommes. La France a indiqué quelle était prête à assurer la logistique de cette force de façon à stopper les combats et rétablir lordre.
Vous avez peut-être noté que le MNLA vient dannoncer quil cessait ses opérations puisquil avait atteint ses objectifs.
Q - Oui mais les autres rebelles nont pas annoncé la même chose. Est-ce que Mopti et Ségou pourraient être menacées ?
R - Cest possible. Nous sommes très inquiets, très vigilants et cest la raison pour laquelle, dune part la mise en place dautorités politiques capables de négocier avec le MNLA et dautre part, lintervention de la CEDEAO nous paraissent prioritaires. Cest la raison pour laquelle la France a pris linitiative de saisir le Conseil de sécurité qui a adopté une déclaration présidentielle soutenant les efforts de la CEDEAO.
Je voudrais bien insister sur ce point. La France est engagée parce que le Mali est un pays ami, parce que nous avons dit depuis le début que nous étions attachés à son unité et son intégrité territoriale, parce que nous laidons de manière considérable avec notre coopération bilatérale.
Mais la lutte contre le terrorisme au Sahel, cest dabord la responsabilité des pays de la région. Certains dentre eux se battent bien : la Mauritanie, que nous aidons à former ses cadres militaires, et le Niger mais force est de constater que le Mali na pas fait autant. Nous avons envoyé des messages répétés au président depuis des mois et des mois. Henri de Raincourt y est allé, jy suis allé pour lui dire «attention, il faut vous battre contre AQMI, il ne faut pas compter sur une sorte de complaisance dAQMI à légard du régime de Bamako» et ceci na pas fonctionné.
Donc aujourdhui, il faut mobiliser lensemble des pays de la région : lAlgérie qui a un rôle majeur à jouer, la Mauritanie, le Niger, les autorités de Bamako lorsquelles seront opérationnelles pour lutter contre ce fléau qui menace toute la zone jusquau Nigeria.
Je voudrais insister sur le fait quil sest passé la conjonction de deux événements que lon a un peu tendance à simplifier. Dabord la rébellion touareg, qui ne date pas dhier. Elle sest déroulée depuis des décennies dans cette région. Il y a eu plusieurs révoltes. Il y a même eu un accord à Alger en 2006 pour essayer de trouver une solution politique. Cela na pas abouti, hélas. Puis, à cela est venu sajouter AQMI, qui est un phénomène plus récent et qui a été renforcé, cest vrai par ce qui sest passé en Libye avec larrivée de nouveaux combattants et surtout darmes.
Q - Vous confirmez que trois chefs dAQMI dont Abou Zeid et Belmokhtar séjournent à Tombouctou depuis lundi ?
R - Je nai pas de confirmation particulière mais AQMI est présent.
Q - Est-ce que cela ne va pas compliquer les négociations pour la libération des six otages français ?
R - Cest une inquiétude que nous avons.
Q - Alors vous dites que la CEDEAO a 3.000 hommes pour intervenir mais franchement, est-ce que 3.000 hommes peuvent suffire ? Est-ce quil ne faut pas envisager le déploiement de Casques bleus ?
R - Vous savez à combien on évalue le nombre de combattants touareg et AQMI ? Un petit millier. Il faut avoir quand même le rapport aux forces. Cest vrai que ce sont pour ce qui concerne AQMI en tout cas, et même pour les Touareg, des combattants aguerris. Nous sommes prêts à étudier toutes les options.
Il faut absolument que lon arrête dabord les exactions qui se produisent comme vous lavez dit au nord-Mali, les violences, les hostilités et le problème touareg ne se règlera pas par la force, il ne se règlera que par la négociation et le dialogue cest la raison pour laquelle nous voulons des autorités constitutionnelles à Bamako et du MNLA un dialogue positif.
Q - Beaucoup de Maliens en détresse disent «mais pourquoi larmée française nintervient pas comme en Côte dIvoire» ?
R - En Côte dIvoire, nous sommes intervenus alors quun processus électoral était en cours, que le président désigné nous le demandait et que les Nations unies étaient présentes : cest lONUCI qui est intervenue. La France est intervenue en soutien.
Là, nous sommes dans une configuration tout à fait différente, et je voudrais simplement vous demander de réfléchir à une question parce quon sait bien quon nous demande dintervenir partout. Êtes-vous sûr que le déploiement de forces françaises au Sahel entraînerait lenthousiasme de tous les pays de la région, à commencer par lAlgérie ?
Il faut quand même réfléchir un peu avant de dire «allons-y, allons-y». Nous sommes solidaires de nos amis maliens, du peuple malien et donc nous sommes décidés à aider mais dans les conditions que jai indiquées.
Q - Avec peut-être une aide pour le transport des troupes ?
R - Oui cela est tout à fait possible. Nous aidons déjà, je le répète, la formation des cadres militaires en Mauritanie et au Niger qui sont des pays qui se battent bien. Nous sommes prêts à le faire. Nous sommes prêts à continuer.
Nous avons même convaincu lUnion européenne de mettre en place une stratégie Sahel. Nous sommes en train de monter une opération - pardon dentrer dans le jargon de Bruxelles - PSDC, pour Politique de sécurité et de défense commune, pour précisément aider les pays sur place. Donc vous voyez que nous ne sommes pas restés inactifs, loin de là.
Jajoute que nous avons aussi pris toutes les dispositions pour que nos ressortissants soient protégés, nous avons fermé par anticipation le lycée français en attendant larrivée des vacances et nous avons recommandé à tous ceux dont la présence nest pas indispensable au Mali de se replier provisoirement en France.
Q - Vous dites que la médiation de M. Comparoé progresse, allons-nous vers un président de la transition ? Cela pourrait être qui ?
R - Je ne peux pas vous le dire puisque ce sera le résultat de la médiation de M. Comparoé. Il y a plusieurs solutions, comme la démission du président M. Amadou Toumani Touré ; à ce moment là, si on fait jouer la Constitution, cest le président de lAssemblée nationale, M. Dioncounda Traoré, qui est en charge du gouvernement. Sinon, dautres solutions sont possibles et cest cela qui fait lobjet précisément de la médiation.
Ce qui ma beaucoup frappé dans lattitude des chefs dÉtats de la CEDEAO à cette réunion de Dakar, cest leur fermeté pour dire : «nous ne voulons plus de coups dÉtats militaires en Afrique». Le rétablissement de lordre constitutionnel a une valeur symbolique pour lensemble du continent et cest la raison pour laquelle cette médiation aujourdhui se déploie. Je connais M. Comparoé je sais que cest un homme de grande sagesse, très compétent et très opiniâtre, et je pense que sa médiation peut donner des résultats dans un délai relativement rapproché.
Q - À Paris, il a été affirmé que lintervention en Libye a déclenché une vague islamiste dans toute lAfrique sahélienne ?
R - Cest une vision simpliste de la politique étrangère et de la réalité du Sahel. Que sest-il sest passé aujourdhui au nord-Mali ? Dabord les Touareg ; cela na rien à voir avec lintervention française en Libye, cest un problème qui se pose depuis des décennies, des révoltes de Touareg il y en au eu dès les années 90, il y en a eu dans les années 2000. Et puis il y a eu, cest vrai, un renforcement dAQMI.
Je pose simplement la question, fallait-il maintenir M. Kadhafi en Libye ? Fallait-il lautoriser à massacrer des dizaines de milliers de personnes à Benghazi ? Cest extrêmement facile de dire : « il ny avait quà faire ceci ou cela». Quand on est aux affaires, en situation de responsabilité, on assume ses responsabilités et la France a eu raison dassumer la sienne, lorsque la population libyenne a appelé au secours et que les chars de Kadhafi sapprêtaient à entrer dans Benghazi.
Q - Vous êtes intervenus en Libye mais est ce que vous avez vraiment vu le coup daprès au Sahel ?
R - Bien sûr on prend des risques quand on intervient. Sil ny avait que des opérations présentant des avantages et aucun inconvénient la vie serait facile et la prise de décision nen serait que plus simple.
Nous en sommes parfaitement conscients et le problème ne se pose pas quau Sahel, il se pose en Tunisie, en Égypte. Il se pose en Syrie, il se pose partout. Le monde arabe est en pleine mutation, on ne peut pas partir du principe que tout État musulman est incompatible avec la démocratie ; cest le pari que nous avons fait. Nous continuons à aller dans ce sens en renforçant nos partenaires politiques qui partagent un socle de valeurs et qui ne franchissent pas les lignes rouges que nous nous sommes fixées.
AQMI est un adversaire, AQMI nous a déclaré la guerre, AQMI prône la mort et la violence et donc cest un adversaire désigné.
(Poursuite de lentretien en anglais - traduit en français)
Q - À propos du Mali, de la présence dAl Qaïda et de la menace quil représente dans la zone.
R - Il y a un niveau de menace important. Cest pourquoi la France se mobilise ; elle soutient les efforts de la CEDEAO pour restaurer les autorités constitutionnelles à Bamako, cest très important, mais aussi pour arrêter les violences et obtenir un cessez-le-feu dans le nord du pays.
Il y a deux parties en cause en fait : dune part, le MNLA, le mouvement national de libération de lAzawad - et celui-ci a déjà atteint ses objectifs doccuper le nord du pays - et, dautre part, Al Qaïda, un mouvement terroriste, dont lobjectif est doccuper la totalité du pays afin de mettre en uvre son idéologie.
Cest pourquoi nous nous battons pour éviter que ce risque se réalise, nous soutenons les efforts de la CEDEAO pour le déploiement de ses forces à terre afin de mettre un terme à lattaque des terroristes.
Q - À propos du rôle du Burkina Faso dans le règlement de la crise au Sahel.
R - Jespère quil réussira ; le président Blaise Compaoré est un homme très intelligent, sa médiation est importante, il est en contact avec la junte à Bamako, ainsi quavec dautres hommes politiques prêts à accéder au pouvoir afin dorganiser le processus de transition politique jusquaux élections. Nous navons pas de calendrier pour cela, mais je pense que cela interviendra dès que possible.
Q - À propos du départ de la junte à Bamako.
R - Le pays est membre de la CEDEAO, cest très clair. LAfrique ne peut plus accepter de coups dÉtat militaires contre les autorités constitutionnelles.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 avril 2012
R - Bonjour
Q - Au nord-Mali, à Gao, à Tombouctou, les bandes armées se livrent au pillage et même aux viols de jeunes femmes. Comment mettre fin à cette catastrophe ?
R - La situation est très préoccupante, je dirais même dramatique. Cest la raison pour laquelle lorsque je suis allé à Dakar il y a 48 heures, jai participé au Sommet des chefs dÉtat de la CEDEAO, la Communauté des États dAfrique de lOuest, qui sest fortement engagée sur deux plans.
Dabord, le plan politique pour obtenir le retrait de la junte militaire et le rétablissement de lordre constitutionnel, afin que le processus électoral puisse sengager. Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso a été chargé de cette médiation qui progresse à lheure actuelle, même si elle est difficile.
Deuxièmement, il y a le volet militaire qui est complexe parce quil y a deux tendances si je puis dire, deux mouvements dans le Nord du Mali : dabord le MNLA, Mouvement national de libération dAzawad dont lobjectif est lautonomie voire la séparation de la zone quils nomment lAzawad, région dont ils ont quasiment le contrôle ; et puis il y a Ansar Eddine qui est infiltré par Al Qaïda en réalité et dont lobjectif est différent, celui dinstaurer un régime islamique sur lensemble du Mali et au-delà sur la zone sahélienne.
Les chefs dÉtat ont donc décidé de préparer lintervention de la force dattente de la CEDEAO qui est composée de deux bataillons dun peu près 3.000 hommes. La France a indiqué quelle était prête à assurer la logistique de cette force de façon à stopper les combats et rétablir lordre.
Vous avez peut-être noté que le MNLA vient dannoncer quil cessait ses opérations puisquil avait atteint ses objectifs.
Q - Oui mais les autres rebelles nont pas annoncé la même chose. Est-ce que Mopti et Ségou pourraient être menacées ?
R - Cest possible. Nous sommes très inquiets, très vigilants et cest la raison pour laquelle, dune part la mise en place dautorités politiques capables de négocier avec le MNLA et dautre part, lintervention de la CEDEAO nous paraissent prioritaires. Cest la raison pour laquelle la France a pris linitiative de saisir le Conseil de sécurité qui a adopté une déclaration présidentielle soutenant les efforts de la CEDEAO.
Je voudrais bien insister sur ce point. La France est engagée parce que le Mali est un pays ami, parce que nous avons dit depuis le début que nous étions attachés à son unité et son intégrité territoriale, parce que nous laidons de manière considérable avec notre coopération bilatérale.
Mais la lutte contre le terrorisme au Sahel, cest dabord la responsabilité des pays de la région. Certains dentre eux se battent bien : la Mauritanie, que nous aidons à former ses cadres militaires, et le Niger mais force est de constater que le Mali na pas fait autant. Nous avons envoyé des messages répétés au président depuis des mois et des mois. Henri de Raincourt y est allé, jy suis allé pour lui dire «attention, il faut vous battre contre AQMI, il ne faut pas compter sur une sorte de complaisance dAQMI à légard du régime de Bamako» et ceci na pas fonctionné.
Donc aujourdhui, il faut mobiliser lensemble des pays de la région : lAlgérie qui a un rôle majeur à jouer, la Mauritanie, le Niger, les autorités de Bamako lorsquelles seront opérationnelles pour lutter contre ce fléau qui menace toute la zone jusquau Nigeria.
Je voudrais insister sur le fait quil sest passé la conjonction de deux événements que lon a un peu tendance à simplifier. Dabord la rébellion touareg, qui ne date pas dhier. Elle sest déroulée depuis des décennies dans cette région. Il y a eu plusieurs révoltes. Il y a même eu un accord à Alger en 2006 pour essayer de trouver une solution politique. Cela na pas abouti, hélas. Puis, à cela est venu sajouter AQMI, qui est un phénomène plus récent et qui a été renforcé, cest vrai par ce qui sest passé en Libye avec larrivée de nouveaux combattants et surtout darmes.
Q - Vous confirmez que trois chefs dAQMI dont Abou Zeid et Belmokhtar séjournent à Tombouctou depuis lundi ?
R - Je nai pas de confirmation particulière mais AQMI est présent.
Q - Est-ce que cela ne va pas compliquer les négociations pour la libération des six otages français ?
R - Cest une inquiétude que nous avons.
Q - Alors vous dites que la CEDEAO a 3.000 hommes pour intervenir mais franchement, est-ce que 3.000 hommes peuvent suffire ? Est-ce quil ne faut pas envisager le déploiement de Casques bleus ?
R - Vous savez à combien on évalue le nombre de combattants touareg et AQMI ? Un petit millier. Il faut avoir quand même le rapport aux forces. Cest vrai que ce sont pour ce qui concerne AQMI en tout cas, et même pour les Touareg, des combattants aguerris. Nous sommes prêts à étudier toutes les options.
Il faut absolument que lon arrête dabord les exactions qui se produisent comme vous lavez dit au nord-Mali, les violences, les hostilités et le problème touareg ne se règlera pas par la force, il ne se règlera que par la négociation et le dialogue cest la raison pour laquelle nous voulons des autorités constitutionnelles à Bamako et du MNLA un dialogue positif.
Q - Beaucoup de Maliens en détresse disent «mais pourquoi larmée française nintervient pas comme en Côte dIvoire» ?
R - En Côte dIvoire, nous sommes intervenus alors quun processus électoral était en cours, que le président désigné nous le demandait et que les Nations unies étaient présentes : cest lONUCI qui est intervenue. La France est intervenue en soutien.
Là, nous sommes dans une configuration tout à fait différente, et je voudrais simplement vous demander de réfléchir à une question parce quon sait bien quon nous demande dintervenir partout. Êtes-vous sûr que le déploiement de forces françaises au Sahel entraînerait lenthousiasme de tous les pays de la région, à commencer par lAlgérie ?
Il faut quand même réfléchir un peu avant de dire «allons-y, allons-y». Nous sommes solidaires de nos amis maliens, du peuple malien et donc nous sommes décidés à aider mais dans les conditions que jai indiquées.
Q - Avec peut-être une aide pour le transport des troupes ?
R - Oui cela est tout à fait possible. Nous aidons déjà, je le répète, la formation des cadres militaires en Mauritanie et au Niger qui sont des pays qui se battent bien. Nous sommes prêts à le faire. Nous sommes prêts à continuer.
Nous avons même convaincu lUnion européenne de mettre en place une stratégie Sahel. Nous sommes en train de monter une opération - pardon dentrer dans le jargon de Bruxelles - PSDC, pour Politique de sécurité et de défense commune, pour précisément aider les pays sur place. Donc vous voyez que nous ne sommes pas restés inactifs, loin de là.
Jajoute que nous avons aussi pris toutes les dispositions pour que nos ressortissants soient protégés, nous avons fermé par anticipation le lycée français en attendant larrivée des vacances et nous avons recommandé à tous ceux dont la présence nest pas indispensable au Mali de se replier provisoirement en France.
Q - Vous dites que la médiation de M. Comparoé progresse, allons-nous vers un président de la transition ? Cela pourrait être qui ?
R - Je ne peux pas vous le dire puisque ce sera le résultat de la médiation de M. Comparoé. Il y a plusieurs solutions, comme la démission du président M. Amadou Toumani Touré ; à ce moment là, si on fait jouer la Constitution, cest le président de lAssemblée nationale, M. Dioncounda Traoré, qui est en charge du gouvernement. Sinon, dautres solutions sont possibles et cest cela qui fait lobjet précisément de la médiation.
Ce qui ma beaucoup frappé dans lattitude des chefs dÉtats de la CEDEAO à cette réunion de Dakar, cest leur fermeté pour dire : «nous ne voulons plus de coups dÉtats militaires en Afrique». Le rétablissement de lordre constitutionnel a une valeur symbolique pour lensemble du continent et cest la raison pour laquelle cette médiation aujourdhui se déploie. Je connais M. Comparoé je sais que cest un homme de grande sagesse, très compétent et très opiniâtre, et je pense que sa médiation peut donner des résultats dans un délai relativement rapproché.
Q - À Paris, il a été affirmé que lintervention en Libye a déclenché une vague islamiste dans toute lAfrique sahélienne ?
R - Cest une vision simpliste de la politique étrangère et de la réalité du Sahel. Que sest-il sest passé aujourdhui au nord-Mali ? Dabord les Touareg ; cela na rien à voir avec lintervention française en Libye, cest un problème qui se pose depuis des décennies, des révoltes de Touareg il y en au eu dès les années 90, il y en a eu dans les années 2000. Et puis il y a eu, cest vrai, un renforcement dAQMI.
Je pose simplement la question, fallait-il maintenir M. Kadhafi en Libye ? Fallait-il lautoriser à massacrer des dizaines de milliers de personnes à Benghazi ? Cest extrêmement facile de dire : « il ny avait quà faire ceci ou cela». Quand on est aux affaires, en situation de responsabilité, on assume ses responsabilités et la France a eu raison dassumer la sienne, lorsque la population libyenne a appelé au secours et que les chars de Kadhafi sapprêtaient à entrer dans Benghazi.
Q - Vous êtes intervenus en Libye mais est ce que vous avez vraiment vu le coup daprès au Sahel ?
R - Bien sûr on prend des risques quand on intervient. Sil ny avait que des opérations présentant des avantages et aucun inconvénient la vie serait facile et la prise de décision nen serait que plus simple.
Nous en sommes parfaitement conscients et le problème ne se pose pas quau Sahel, il se pose en Tunisie, en Égypte. Il se pose en Syrie, il se pose partout. Le monde arabe est en pleine mutation, on ne peut pas partir du principe que tout État musulman est incompatible avec la démocratie ; cest le pari que nous avons fait. Nous continuons à aller dans ce sens en renforçant nos partenaires politiques qui partagent un socle de valeurs et qui ne franchissent pas les lignes rouges que nous nous sommes fixées.
AQMI est un adversaire, AQMI nous a déclaré la guerre, AQMI prône la mort et la violence et donc cest un adversaire désigné.
(Poursuite de lentretien en anglais - traduit en français)
Q - À propos du Mali, de la présence dAl Qaïda et de la menace quil représente dans la zone.
R - Il y a un niveau de menace important. Cest pourquoi la France se mobilise ; elle soutient les efforts de la CEDEAO pour restaurer les autorités constitutionnelles à Bamako, cest très important, mais aussi pour arrêter les violences et obtenir un cessez-le-feu dans le nord du pays.
Il y a deux parties en cause en fait : dune part, le MNLA, le mouvement national de libération de lAzawad - et celui-ci a déjà atteint ses objectifs doccuper le nord du pays - et, dautre part, Al Qaïda, un mouvement terroriste, dont lobjectif est doccuper la totalité du pays afin de mettre en uvre son idéologie.
Cest pourquoi nous nous battons pour éviter que ce risque se réalise, nous soutenons les efforts de la CEDEAO pour le déploiement de ses forces à terre afin de mettre un terme à lattaque des terroristes.
Q - À propos du rôle du Burkina Faso dans le règlement de la crise au Sahel.
R - Jespère quil réussira ; le président Blaise Compaoré est un homme très intelligent, sa médiation est importante, il est en contact avec la junte à Bamako, ainsi quavec dautres hommes politiques prêts à accéder au pouvoir afin dorganiser le processus de transition politique jusquaux élections. Nous navons pas de calendrier pour cela, mais je pense que cela interviendra dès que possible.
Q - À propos du départ de la junte à Bamako.
R - Le pays est membre de la CEDEAO, cest très clair. LAfrique ne peut plus accepter de coups dÉtat militaires contre les autorités constitutionnelles.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 avril 2012