Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les orientations du contrat de performance du musée du Quai Branly, Paris le 23 avril 2012.
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Circonstance : Signature du contrat de performance 2011-2013 du musée du Quai Branly le 23 avril 2012
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Nous sommes aujourdhui réunis pour la signature du Contrat de performance du musé du Quai Branly pour la période 2011-2013. Performance, le mot a quelque chose dincongru et de décalé quant on connaît lobjet et la visée scientifique de cet établissement singulier dans le panorama mondial des musées le temps long des civilisations premières, des traces de lhumanité présentes sur tous les continents.
Depuis mon entrée en fonction, jai été fidèle aux propositions et aux manifestations du quai Branly. Certes mon directeur de cabinet Pierre Hanotaux a occupé des fonctions éminentes au sein de létablissement. Au-delà, je suis convaincu de la place singulière quoccupe le musée dans le paysage des musées et dans une société française ouverte sur les cultures du monde. Cette France, « pays-monde », le musée du quai Branly en est le révélateur et le catalyseur ; je suis persuadé quil peut, aux côtés de nos autres grands établissements parisiens, puissamment contribuer à développer le « creuset culturel » qui nous rassemble. Vous le savez, cher Stéphane Martin, jai inauguré à vos côtés lexposition Baba bling, la nouvelle édition de Photoquai, lexposition consacrée aux Maoris, sans oublier Exhibitions. Linvention du sauvage, dont le co-commissariat a été confié à Lilian Thuram, véritable étendard pour une partie de la jeunesse. Je garde en mémoire la cérémonie de restitution des têtes maories, le 25 janvier dernier, en présence de madame lambassadeur de Nouvelle Zélande et des représentants du Te Papah, une cérémonie où la République rendait justice à une culture humiliée, oubliée, sans arrogance ni repentance, dans la stricte exigence du dialogue des cultures et de lattention à lhistoire.
Alors que le premier contrat de performances couvrant la période 2008-2010 sinscrivait encore dans la dynamique de louverture du musée en juin 2006, ce contrat, négocié au premier semestre 2011 entre létablissement et les services du ministère, sans oublier le ministère de lEnseignement supérieur et de la recherche, consolide la place du musée du quai Branly. Il se décline en 5 axes, nombre particulièrement élevé qui sexplique par la spécificité de létablissement :
A/ Assurer pour chaque activité du musée une fréquentation de haut niveau
B/ Confirmer le niveau dexcellence en matière de conservation et de connaissance des collections
C/ Mener une politique détude des collections, de recherche scientifique et denseignement de haut niveau
D/ Développer la coopération régionale et internationale
E/ Maintenir une gestion vertueuse et développer le pilotage de la performance
Derrière ces mots un peu froids, il y a une réalité vivante. Avec des indicateurs affichés à la hausse et une fréquentation cible de 1,25 million de visiteurs, dont 600 000 pour les expositions temporaires, les ambitions demeurent. Je ne doute pas que ces objectifs ambitieux seront atteints sous limpulsion du président Stéphane Martin et de ses équipes, en valorisant lattractivité des collections permanentes, la qualité des expositions temporaires, mais aussi en développant une politique innovante en direction des publics que lon dit empêchés ou éloignés. Le quai Branly fait désormais partie du « grand tour » des nombreux visiteurs étrangers, mais je sais aussi que vous entendez développer la fidélisation et ladhésion de votre public, avec le souhait de renforcer, sil en est besoin, le niveau de satisfaction des publics.
Les publics empêchés ou éloignés sont, vous le savez, une priorité de laction que jai conduite rue de Valois. Je sais que le musée de quai Branly, outre son haut niveau en matière daccessibilité pour les personnes en situation de handicap, a développé depuis plusieurs années des liens privilégiés avec les réseaux associatifs, avec le monde du travail social et de linsertion. La contribution du musée au dispositif « Vivre ensemble » nen est quun des aspects ; vos partenariats avec « Cultures du coeur », avec la Fédération des Centres sociaux de la ville de Paris ou encore les projets hors les murs avec lhôpital Necker ou la Maison darrêt de la Santé sont à cet égard exemplaires. Ces partenariats complètent les succès rencontrés avec le public scolaire et les enseignants dont la fréquentation a triplé en trois ans - qui contribuent à faire des lieux dessinés par Jean Nouvel une cité culturelle accessible à tous, ouverte aux enjeux de la société contemporaine.
Ce travail ne pourrait être conduit sans une forte exigence scientifique. Dici à 2014, vous allez conduire des chantiers patrimoniaux majeurs : celui du récolement décennal, celui de la numérisation des collections. A la fin de lannée 2010, 294 000 objets sur les 700 000 objets présents dans liconothèque avaient été numérisés : le contrat prévoit la poursuite de cet important chantier. Je me dois aussi de signaler le chantier de réaménagement des réserves, dans la mesure où la muséothèque sera à terme un lieu de recherche sur la collection et un élément de sa visibilité internationale. Permettez-moi, à cette occasion, de rendre hommage aux conservateurs, aux équipes scientifiques, aux personnels des médiathèques, notamment à Yves Le Fur, directeur des collections : ils sont la sève de nos musées, ils en sont lâme vivante.
Dès sa création, le musée du quai Branly a engagée des partenariats de très haut niveau sur le plan scientifique, avec le CNRS, avec des universités du monde entier. Afin de mieux sinscrire dans les réseaux de la recherche notamment à travers loctroi de prix, de bourses ou dinvitations pour les jeunes chercheurs le musée sest doté dune instance dévaluation scientifique, qui en fait une référence auprès des musées de France et de la communauté savante. Dans ce contrat, ce ne sont pas moins de 200 manifestations qui sont prévues chaque année, en plus des 800 étudiants inscrits aux programmes de formation dispensés dans le cadre du musée. En matière danthropologie, dethnologie, dhistoire des arts premiers, la médiathèque comme le salon de lecture Jacques Kerchache ou lamphithéâtre Lévi-Strauss sont devenus des lieux de construction et de diffusion essentiels.
Cette ambition en matière de recherche sadosse bien entendu à une politique de relations internationales ambitieuse. Lappui apporté par le quai Branly à la création de musées ou de nouvelles institutions culturelles sest déployé en Corée, en Ethiopie, au Maroc, au Congo, à Hong Kong, au Vietnam. Dans ce dernier pays, létablissement a apporté une aide, après la création du Musée national dethnographie, au musée de lAsie du sud-est. Ces partenariats se traduisent également par litinérance des expositions mais aussi par des projets de recherche, comme dernièrement sur les dogons ou sur les masques kanaks. Fenêtre sur les cultures du monde, le musée du quai Branly est un ambassadeur culturel de premier ordre et le contrat de performance que nous signons aujourdhui renforce cette dimension. Par votre expérience et votre pratique du voyage, je sais, cher Stéphane Martin, que vous y accordez une place toute particulière.
Un tel programme ne pourrait être conduit si la conduite de cet établissement nétait pas extrêmement rigoureuse, avec le développement du taux de ressources propres à hauteur de 21% - avec le développement du mécénat et des partenariats dentreprise, dans un contexte budgétaire de contraintes, qui ne devrait pas considérablement évoluer dans les années à venir. Je sais par ailleurs lattention qui est prêtée à laccompagnement, au suivi et à la formation des personnels de létablissement, gage de qualité dans les relations humaines et le dialogue social.
Ce contrat de performance, au-delà de ses indicateurs et de ses grandes orientations, traduit la place consolidée et renforcée du quai Branly mais aussi le lien de confiance établi entre ses équipes et le ministère de la Culture et de la Communication. Revu chaque année, présenté en conseil dadministration, le bilan annuel montre la souplesse de cet instrument qui dessine un cap et une vision plus quil nimpose un schéma contraint. Dans un monde ouvert, dans un univers connecté, dans un siècle marqué par les croisements culturels, la mission du musée voulu par le Président Chirac prend toute sa signification. Glissant parle de la « poétique du divers » : le quai Branly par son offre comme par ses ambitions est le miroir de cette diversité qui ne devrait pas être une politique mais bien un fait culturel reconnu, accepté et valorisé au service de notre rayonnement et de notre message au monde.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 24 avril 2012
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