Interview de M. Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste à l'élection présidentielle 2012, dans "Métro" du 17 avril 2012, sur la répartition du travail, l'interdiction des licenicements et les relations avec le Front de Gauche et Lutte Ouvrière.
Texte intégral
Vos dernières prestations télévisées ont été remarquées. Cela vous fait quoi dêtre la nouvelle coqueluche des médias ?Il ne faut pas exagérer quand même ! Mais cest important de se faire remarquer. Lintérêt, ce nest surtout pas de devenir la nouvelle star mais dacquérir une crédibilité, de montrer quil y a un ouvrier candidat et quil a des choses à dire.
Quel message voulez-vous faire passer dans ces ultimes jours de campagne ?
Cest de convaincre quil y a une utilité à voter NPA. On nest pas là uniquement pour dire "il y en a marre". Notre programme, cest une politique radicale pour faire payer les plus riches. Cela passera par un affrontement avec le capital et par des luttes. Il faut donc construire une riposte unitaire avec lensemble de la gauche de la gauche.
Vous prônez une "réduction massive" du temps de travail...
Il faudrait déjà au minimum respecter les 35 heures, qui ne le sont pas aujourdhui. Après, on peut aller vers les 32 heures, et pourquoi pas vers les 30 heures. Lidée, cest que tant quil y a du chômage, il faut répartir le travail.
Travailler moins et gagner plus, cest possible sans mettre en danger les entreprises ?
Aujourdhui de toute façon, le danger est là. Le système économique est injuste parce que le critère cest la productivité, le profit des actionnaires. Nous, nous voulons un système économique qui ait pour priorité la satisfaction des besoins de la population, afin quelle puisse vivre décemment. Cela passe par par laugmentation des revenus de tous, par linterdiction des licenciements. On sait très bien que ce programme coûte cher, mais il faut quil coûte cher aux capitalistes.
Vous voulez interdire tous les licenciements. Sen tenir aux licenciements dans les entreprises qui font des profits, comme le propose Jean-Luc Mélenchon, cest insuffisant ?
Le Front de gauche parle de licenciements boursiers, cela na aucun sens ! Quand une entreprise ne veut pas déclarer de bénéfices, il lui suffit de jouer sur ses lignes de comptes. Cest la limite de Mélenchon. Lui, il est capable de dire quil ne faut pas que les investisseurs aient peur de son programme. Nous, nous disons quévidemment ils doivent avoir peur du nôtre. On est anticapitaliste, on est pour lexpropriation des banques, pour lannulation de dette. Pas Mélenchon. Ce nest pas en salliant demain avec Hollande quon ira chercher laffrontement avec le capital.
Vous pensez quil y aura des ministres Front de gauche au gouvernement en cas de victoire socialiste ?
Lambiguité est là, et il y en qui le veulent, cest sûr. Sils y vont, ce sera pour mener la politique libérale du PS. Cela peut leur coûter cher. Cest pour cela quaujourdhui, ils se contentent de dire "on verra". Cest un problème, car ils vont faire voter des gens pour eux sans dire ce quils feront demain. Mais une véritable politique de gauche, elle simposera par le bas. La seule différence entre laustérité de la droite décomplexée de Sarkozy et celle de Hollande, cest que la seconde va sexcuser : "Désolé, mais on est obligés".
Vos propos envers Jean-Luc Mélenchon semblent tout de même moins acerbes que ceux de lautre candidate dextrême-gauche, Nathalie Arthaud...
Cest vrai. Nous, on est potes avec plein de militants du PC et du PG. On est en désaccord complet avec la perspective politique de Mélenchon, mais on sait quon est dans le même camp. Ceci dit, on fait la différence entre le Front de gauche et Mélenchon. Cest un politicien. Pendant trente ans, il a été au gouvernement, il est sénateur. Il y a de lopportunisme chez lui. Le Front de gauche, cest juste un gros coup électoral ou cela sert à se battre et à mobiliser la population ? Ce nest pas si clair. Beaucoup au Front de gauche sont conscients quil y a un risque dentourloupe. Si on nous refait le coup de la gauche plurielle, ça va nous coûter très cher.
Vous navez pas caché une certaine lassitude à faire campagne. Si cétait à refaire, vous vous représenteriez ?
Ce nest pas de la lassitude. Il y a un mépris social dans cette campagne : louvrier et le NPA ont été maltraités dans les médias. Il a donc fallu se battre pour exister. La difficulté, cest quon ne court pas après tout ça : on est là pour exprimer notre révolte et contester un système. Bien sûr que je ne veux pas être président ! Cest antidémocratique. Quand je dis cela, il y a une incompréhension : les gens trouvent bizarre quon ne puisse pas avoir dambition personnelle et quon soit juste là pour défendre ses copains.
Quest-ce qui aura changé en vous lorsque vous retournerez à lusine le 2 mai ?
Je ne sais pas. Cest une grosse expérience, cest sûr, mais il faudra un peu de temps pour lanalyser. Ce que jespère, cest que cela pourra maider dans le combat que je mène au quotidien dans mon usine, par exemple en faisant venir les médias plus facilement sil y a une bataille.
Comment vivez-vous votre nouvelle notoriété ?
Cela donne de la pêche pour continuer. Il y a un décalage entre le 0,5% des sondages et laccueil dans la rue. Maintenant, je suis reconnu par 90% de la population. Le soutien est énorme, même de gens qui ne vont pas voter pour moi. Beaucoup sont résignés à voter Hollande, parce que le sentiment bien partagé est quil faut dégager Sarkozy, mais il ne suscite aucun espoir, cest terrible. Ils me disent : "Bravo, au moins il y a des choses qui sont dites", comme quand je balance sur TF1 quil est inadmissible que son patron Martin Bouygues ait une fortune de 2,5 milliards. Ce nest pas Hollande, ni même Mélenchon avec sa grande gueule qui vont le faire. Moi, je suis louvrier, je ne suis pas le politicien qui serre les mains, qui fait la bise. Parce que ce que jai vu dans les coulisses...
Quavez-vous appris du monde politique dans cette campagne ?
Tout le monde papote. En dehors des plateaux télé, cest les bises et les poignées de main entre le PS, le FN... Cest un truc de dingue ! On se dit "mais ils se connaissent tous". Ce matin, Hollande était interviewé juste avant moi dans le studio de France Info. Il était à trois mètres. Il ne ma même pas dit bonjour et il est parti, alors quà Des paroles et des actes, quatre jours auparavant, il mavait serré la main chaleureusement devant les caméras. Cest lexemple typique dattitude politicienne. Moi, je suis cohérent. Je ne serre la main ni à lUMP, ni au FN.Source http://poutou2012.org, le 19 avril 2012
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