Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, avec France Inter le 9 mai 2012, sur la campagne présidentielle notamment la question du Front national.
Texte intégral
PASCALE CLARK Vous étiez à lArc de Triomphe hier pour les cérémonies du 8 mai, vous avez apprécié cet esprit républicain à deux têtes ?GERARD LONGUET Totalement et compte tenu de lenjeu qui est la commémoration de la capitulation nazie, il était bon que la France se retrouve et que la République, après lélection, soit en effet une République apaisée. Il y a des rendez-vous internationaux majeurs pour notre pays, comme ministre de la Défense jen parle dexpérience, notamment lAfghanistan et nous avons besoin de Français qui se parlent.
PASCALE CLARK Comment vous est apparu Nicolas SARKOZY ? Abattu ?
GERARD LONGUET Apaisé !
PASCALE CLARK Apaisé par la défaite alors.
GERARD LONGUET Apaisé par le sentiment davoir un mandat de responsabilités où il a donné, je le pense profondément, tout ce quil pouvait apporter en terme dénergie et en terme dinitiatives, il na pas été suivi par les électeurs, il est parti dassez bas dans les sondages, il est arrivé très haut dans les résultats, il na pas eu la majorité, il na, à aucun moment dans cette campagne démérité ou déçu ses partisans, votre serviteur au premier rang.
PASCALE CLARK A-t-il perdu, Nicolas SARKOZY, à cause de la droitisation de sa campagne ?
GERARD LONGUET Je ne le pense pas profondément, je pense que nous avons en Europe de louest des gouvernements en responsabilité qui affrontent une crise considérable et cette crise les épuise. Nous avons en France une particularité, vous lavez évoquée dailleurs, trois victoires successives de la droite, pour un électeur de moins de 40 ans, toujours un président de droite, il y a un phénomène dusure dont malheureusement Nicolas SARKOZY porte en quelque sorte la facture alors quil na fait évidemment quexercer ses responsabilités pendant cinq ans dans une période extraordinairement difficile. Je crois que cest profondément ces deux raisons qui expliquent cela. La crise et trois victoires successives, la quatrième était difficile.
PASCALE CLARK Vous êtes au maximum de lautocritique là ?
GERARD LONGUET Le temps de lanalyse plus exactement viendra, on a un pays qui est confronté à un rendez-vous majeur qui est celui de, comme dailleurs tous les pays des 17 pays de leuro, sauver leuro. Nous avons à réfléchir, moi ce qui mintéresse c'est de me projeter dans lavenir. Comment sauver leuro, comment sauver justement le 8 mai, cette formidable réussite quest la construction européenne et dont laboutissement est une monnaie commune, une économie commune et je le pense profondément, une société de convergence.
PASCALE CLARK Gérard LONGUET pas de droitisation de la campagne, pas de clin doeil envoyé au Front National entre les deux tours ?
GERARD LONGUET Mais il y a des sujets dans la société française dont le Front National a fait évidemment ses choux gras, je pense à la sécurité en particulier, mais ce sont des sujets que tout gouvernement a le devoir de traiter et que tout candidat a le devoir dévoquer. Je constate dailleurs que les deux candidats ont évoqué ces sujets parce que ce sont des sujets de la société, ce ne sont pas des propriétés de telle ou telle famille politique, ce sont des sujets de la société.
PASCALE CLARK C'est allé bien au-delà.
GERARD LONGUET Non, non, vous avez de vrais sujets de société dans notre pays qui sont liés par exemple à la place du travail par rapport à la solidarité ou à lassistanat. Nous avons louverture de la France dans le monde, nous avons quelles frontières accepter, le thème de la frontière qui est un thème qui a été mis, réactualisé par Régis DEBRE, à tout seigneur tout honneur, est un thème qui mérite dêtre débattu, moi je pense que le monde est ouvert et que sil y a une frontière elle est aux limites de lEurope elle nest certainement pas aux limites de la France.
PASCALE CLARK Vous aviez vous-mêmes contribué Gérard LONGUET entre les deux tours à envoyer des signaux au FN, vous regrettez cette interview dans MINUTE ?
GERARD LONGUET Je ne regrette pas linterview à MINUTE pour deux raisons. La première : dabord il faut la lire complètement et ce que je dis sur le Front National cest de marquer une différence notamment sur ces thèmes davenir que sont la construction européenne et la réussite de leuro. Je pense que Marine LE PEN a perdu ses chances en proposant de sortir de lEurope et en proposant de sortir de leuro. Cétait une erreur manifeste. Mais je voudrais simplement vous dire
PASCALE CLARK Et vous est-ce que vous avez commis une erreur ?
GERARD LONGUET Je pense quon ne commet jamais une erreur en indiquant la réalité des faits. En revanche
PASCALE CLARK La réalité des faits cest quelle est devenue, Marine LE PEN, une interlocutrice.
GERARD LONGUET Non, une interlocutrice, forcément vous linviterez vous-même jimagine à un moment ou à un autre, donc je ne vois pas pourquoi
PASCALE CLARK Oui mais nous nous posons des questions, en politique il y a des éventuelles alliances
GERARD LONGUET On a le droit de poser des questions non, dalliance ce nest pas le sujet
PASCALE CLARK Jamais question ?
GERARD LONGUET Ce nest pas le sujet, il na jamais été évoqué. En revanche, quand 18% des Français expriment un vote, nous avons le devoir, à gauche comme à droite, de nous poser les questions des raisons de ce vote. Et se refuser de se poser les questions, cest assurément mépriser ces électeurs-là. Je minterroge sur les électeurs de MELENCHON, je me pose la question de savoir pourquoi il y a toujours deux candidats trotskistes, je voudrais quon explique un jour pourquoi il y en a deux et pourquoi pas un seul. Eh bien c'est le devoir absolu dun citoyen de se poser les questions sur les autres citoyens.
PASCALE CLARK Quand même Gérard LONGUET, accorder une interview à MINUTE entre les deux tours, cest envoyer un signal, est-ce que Nicolas SARKOZY était au courant ? Vous laviez prévenu par exemple ?
GERARD LONGUET Pas du tout, cest proprio motu, je considère que je suis majeur et vacciné et si un journal me dit : je souhaite prendre position contre François HOLLANDE, acceptez-vous de répondre à mes questions ? Jai pris mes responsabilités, jai accepté de répondre à MINUTE dont jignorais dailleurs même lexistence parce que pour moi MINUTE cest les années
PASCALE CLARK Vous ne connaissez pas MINUTE ?
GERARD LONGUET Attendez, MINUTE pour moi cest les années 60, nous sommes en 2012.
PASCALE CLARK Mais à lépoque vous connaissiez bien.
GERARD LONGUET Oui je lai lu beaucoup quand javais 15 ans en effet madame, mais cétait il y a 50 ans quand javais 15 ans.
PASCALE CLARK Gérard LONGUET pour les législatives en cas de duel FN PS au second tour, que préconisez-vous ?
GERARD LONGUET Darriver en tête, dêtre
PASCALE CLARK Non, non, daccord, mais si ça se pose
GERARD LONGUET Cest exactement cela, darriver en tête parce que pourquoi voulez-vous que je menferme
PASCALE CLARK Cest une non-réponse.
GERARD LONGUET Pourquoi voulez-vous que je menferme dans la réponse, dans une réponse que nous pouvons éviter si nous avons en effet, un UMP qui est premier ou second et à ce moment-là je renverrai la question au Parti socialiste et je suis persuadé que vous aurez à coeur de poser au Parti socialiste la même question car je vous rappelle
PASCALE CLARK Donc vous ne répondez pas, vous ne choisissez pas ?
GERARD LONGUET jai une singularité, cest quen 1997 jai été battu à la demande de Jean-Marie LE PEN parce que javais dénoncé sa supercherie qui était en 92 lalliance socialiste et Front National pour tenir la région lorraine, merci de le rappeler.
PASCALE CLARK En 2012 vous ne choisissez pas ?
GERARD LONGUET En 2012 le moment venu, je mexprimerai. Mais le moment nest pas venu, le moment ce sera à la veille du deuxième tour des législatives.
PASCALE CLARK Donc vous ne le dites pas aujourdhui. En sortant du studio vous allez vous dirigez vers le dernier conseil des ministres, avez-vous préparé un message, rapidement, un geste pour Nicolas SARKOZY ?
GERARD LONGUET De reconnaissance et de gratitude. Jai passé quand même ministre de la Défense, les moments les plus passionnants de mon existence politique et je lui suis très reconnaissant de mavoir nommé et surtout, davoir dirigé les armées avec dignité, courage, de les avoir engagés avec succès en Libye et en Côte dIvoire.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 22 juin 2012
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