Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le programme du redressement économique de la France dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire et la priorité à accorder à la diplomatie économique, à Paris le 28 août 2012.
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Circonstance : XXème Conférence des Ambassadeurs à Paris du 28 au 29 août 2012
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Prononcé le
Texte intégral
Mesdames et Messieurs les ministres,Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je veux dabord vous dire mon très grand plaisir de participer, aux côtés de Laurent Fabius, à ce rassemblement annuel des ambassadeurs. Jai déjà pu éprouver à maintes reprises la qualité de votre travail et je mesure limportance éminente de votre tâche au service de la France.
Les Français ont fait le choix dune voie nouvelle, pour le redressement de notre pays dans la justice. Chacun a pu mesurer les attentes que cette alternance suscite auprès de nos partenaires internationaux.
Nous devons répondre à ces attentes, dans la durée et par des actions concrètes, afin que la France occupe toute sa place sur la scène internationale. Cest une immense responsabilité dont jai pleinement conscience.
Votre rôle est irremplaçable, car cest vous qui éclairez le Gouvernement sur la perception de son action par le reste du monde. Cette évaluation sans complaisance est indispensable à la réalisation de lambition qui nous anime. Et jattache une grande valeur à lensemble de vos propositions ou initiatives.
Je vous lai dit, la France est engagée dans un effort de redressement. Chacun le sait, nous sommes confrontés à une situation difficile. Elle exige à la fois de faire face aux urgences montée du chômage, pouvoir dachat des Français - et dengager des réformes de structure, qui impliquent une méthode de gouvernement reposant sur le dialogue et la mobilisation de toutes les énergies.
Dans un monde en mouvement, où les cartes de la puissance sont rebattues, la France ne pourra pas exercer pleinement son influence si elle ne recouvre pas une économie dynamique et sa confiance en elle-même. Je suis profondément convaincu que lun ne va pas sans lautre et que du succès de lentreprise de redressement dépend la place de notre pays dans le concert des Nations. La France nest pas nimporte quel pays : nous devons mener à bien les réformes nécessaires à la préservation du modèle social et républicain qui font sa force.
Cest le sens de laction résolue de mon Gouvernement en faveur de la croissance et de lemploi.
Le Gouvernement respectera ses objectifs de réduction des déficits publics, car le redressement passe dabord par celui des comptes publics. Il conditionne la crédibilité de notre pays, en Europe et dans le monde. Cest une question de souveraineté. Une première étape a été franchie avec la loi de finances rectificative adoptée par le Parlement dès le mois de juillet. Les projets de loi de finances et de programmation pluriannuelle des finances publiques qui seront présentés au Conseil des ministres, fin septembre, confirmeront lobjectif de réduction à 3 % du déficit public en 2013 et traceront une trajectoire de retour à léquilibre en 2017. Les arbitrages rendus fin juillet garantissent la stabilité des dépenses de lEtat, dans le respect des priorités accordées à léducation, la sécurité et la justice.
Jai conscience des choix difficiles que cet effort collectif implique parfois, mais le Gouvernement a clairement rompu avec la méthode de la RGPP, au profit dune approche plus sélective et reposant sur des réformes de fond. Sagissant du ministère des Affaires étrangères, une réflexion sur la manière de moduler la présence de la France dans les pays tiers, en fonction de ses intérêts et en prenant en compte tous les réseaux de lEtat, est indispensable.
Notre objectif est de relancer la croissance, sans laquelle il ny aura pas de recul durable du chômage. Le Pacte européen pour la croissance et lemploi, adopté lors du dernier Conseil européen, prévoit des financements à hauteur de 120 milliards deuros. Un travail a été engagé pour identifier des projets qui puissent être éligibles aux "project bonds" ou aux crédits de la Banque européenne dinvestissement, au bénéfice de nos entreprises et nos territoires. Je demande à nos ambassadeurs en poste dans lUnion didentifier des projets conjoints avec nos partenaires. Car cest à léchelle de lEurope que nous tirerons le meilleur profit de ces investissements supplémentaires.
Vous le savez, la priorité du Gouvernement est de restaurer la compétitivité de nos entreprises et notre outil industriel. Cest la condition du redressement productif de notre pays. A cette fin, un rapport a été commandé à Louis Gallois, qui remettra ses conclusions mi-octobre. Parallèlement, nous sommes convenus avec les partenaires sociaux, au cours de la grande conférence sociale, de travailler à la réforme du financement de notre protection sociale, notamment sous le prisme de la compétitivité et de la juste répartition de leffort contributif. La capacité de nos entreprises à reconquérir les parts de marché perdues ces dernières années en dépend, tant sur le marché intérieur quà lexportation.
Nos PME seront davantage soutenues et bénéficieront de financements adaptés et pérennes. Cest lobjectif que nous poursuivons avec la création, dans les prochaines semaines, de la Banque publique dinvestissement et lexamen, dici la fin de lannée, dun projet de loi portant réforme du secteur bancaire.
Je vous lai dit, nous devons aussi faire face aux situations durgence. Afin de répondre à la première préoccupation des Français quest lemploi, nous avons mobilisé les moyens nécessaires dès le mois de juin pour financer la création de 80 000 contrats aidés supplémentaires et renforcer laccompagnement des demandeurs demplois par Pôle-emploi. Le projet de loi portant création des emplois davenir sera présenté au Conseil des ministres demain et sera le premier texte soumis aux parlementaires en septembre. Le projet de loi portant création du contrat de génération sera également présenté avant la fin de lannée. Au total, notre objectif porte sur un million demplois.
Vous le voyez, mon Gouvernement est pleinement engagé dans laction et dans un programme de réformes très ambitieux. Ce combat qui se mène sur deux fronts celui de lurgence et celui des réformes en profondeur -, est rendu possible par un changement de méthode et par une attention constante portée à la justice.
La France est fréquemment perçue à létranger comme un pays incapable de se réformer et de surmonter ses conflits. La conviction de mon Gouvernement, cest que cette image est avant tout le fruit des erreurs successives de méthode, qui ont souvent conduit les détenteurs du pouvoir à décider den haut et dans la précipitation, sans réelle concertation avec tous les acteurs qui font la richesse, le dynamisme et la créativité de notre pays - je pense notamment aux partenaires sociaux ou aux collectivités territoriales.
Le Gouvernement, pour réussir les réformes engagées et les inscrire dans la durée, vise, à linverse, à mobiliser largement les Français, les corps intermédiaires et tous les acteurs de la société. Je voudrais souligner, à cet égard, lexemplarité du processus lancé au mois de juillet avec la grande conférence sociale. Elle a ouvert une série de chantiers décisifs pour lavenir de notre économie et de notre modèle social.
Dans le même esprit, des consultations ont été engagées sur la refondation de lécole et sur le nouvel acte de décentralisation, voulu par le président de la République. La première conférence environnementale souvrira à la mi-septembre et permettra dengager la transition énergétique. Des assises de lenseignement supérieur et de la recherche se tiendront à lautomne. Ce changement de méthode est dores et déjà inscrit dans les faits : dialogue et effort de conviction, plutôt quinjonction et précipitation. Cest ainsi que nous pourrons transformer le pays en profondeur.
Les Français ne sont pas hostiles par principe aux réformes et personne ne nie la nécessité des efforts à consentir. Mais des efforts justes. Faire prévaloir la justice : cest ce qui a inspiré notamment le volet fiscal de la loi de finances rectificatives, qui est revenue sur des mesures inacceptables aux yeux de bon nombre de Français, en raison de leur caractère inéquitable. A cet égard, je nhésite pas à citer devant vous la suppression de la prise en charge des frais de scolarité pour les enfants des Français résidant hors de France, dont vous savez bien quelle ne répondait à aucune considération de justice sociale.
De la même manière, le prochain projet de loi de finances poursuivra la réforme de notre système fiscal pour le rendre plus juste et plus efficace, conformément aux engagements du président de la République. La réforme fiscale fera lobjet dun large débat, mais évitons sur ce sujet essentiel les caricatures. Le Gouvernement a confiance dans la capacité de nos compatriotes à juger par eux-mêmes de la pertinence de cet effort de redressement.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, il vous revient dexpliquer à vos interlocuteurs, partout dans le monde, que la politique engagée par le Gouvernement vise à remettre la France en mouvement, à redonner confiance à nos concitoyens dans les atouts de notre pays et ces atouts sont nombreux - pour affronter les défis auxquels il est confronté. Dans le monde ouvert, instable et concurrentiel qui est le nôtre, la France sera plus forte si elle fait preuve de cohésion et repart de lavant, plutôt que de se diviser artificiellement.
Il faudra veiller à inclure, dans cet effort dexplication et de mobilisation, lensemble de nos compatriotes résidant à létranger, qui disposent de nouveaux élus à lAssemblée nationale et qui peuvent également compter sur Hélène Conway. Leur rôle est essentiel pour accroître le rayonnement international de notre pays.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, cette action résolue que nous engageons pour le redressement de la France est inconcevable sans son prolongement européen et international.
Chacun en est bien convaincu ici, le retour à un monde où les décisions nationales se suffisaient à elles-mêmes - sil a jamais réellement existé est parfaitement illusoire. Je veux réaffirmer devant vous la volonté du Gouvernement dune pleine insertion de notre pays dans le monde. Cest ainsi que la France pourra contribuer à le façonner, en fonction des valeurs qui sont les nôtres et de lidée que nous nous faisons de son avenir.
Nous ny parviendrons pas sans agir sur le levier européen, dans le cadre dune construction européenne plus nécessaire que jamais. Je veux rendre hommage à cet égard à laction de Bernard Cazeneuve, qui souligne à juste titre le besoin dun projet pour lEurope qui suscite à nouveau ladhésion des peuples.
Dans cette perspective, rien ne sera possible sans les liens indéfectibles qui nous unissent à lAllemagne. Vous savez mon attachement personnel à ce partenaire privilégié et à lamitié entre nos deux pays, que le cinquantième anniversaire du Traité de lElysée nous donne loccasion de dynamiser. Mon intime conviction, cest quau-delà des différences de sensibilité qui peuvent temporairement se faire jour, un accord franco-allemand demeure nécessaire pour avancer. Non pas dans le cadre dun face-à-face exclusif qui aurait pour objectif dimposer des solutions toutes prêtes à nos autres partenaires. Mais, en raison dune conscience aiguë de la valeur de la construction européenne et dune volonté partagée dêtre à la hauteur de notre responsabilité commune à légard de lEurope.
Cest dailleurs, comme jai pu en faire lexpérience depuis mon arrivée à la tête du Gouvernement, ce que les autres Etats membres attendent de lAllemagne et de la France. En conséquence, je vous demande de faire vivre, chacun dans lexercice de vos fonctions, la dynamique franco-allemande.
Ladoption du Pacte européen pour la croissance et lemploi, que jai évoqué au début de mon propos, est le premier signe tangible de la réorientation de la construction européenne. Le projet européen ne peut pas se résumer en effet à la seule discipline budgétaire. Ce Pacte sera présenté au Parlement, au début du mois doctobre, dans le cadre de la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de lUnion économique et monétaire. Et le Gouvernement demandera aux parlementaires dadopter une loi organique qui traduira la mise en uvre du Traité.
Cest lengagement que le président de la République a pris devant les Français et cest lengagement de la France à légard de nos partenaires européens. Laboutissement de ce processus permettra de renforcer notre crédibilité au sein de lUnion.
Nous continuerons à agir avec détermination pour maintenir lintégrité de la zone euro, ce qui signifie notamment que la sortie de la Grèce nest pas une option. Il est urgent de mettre en uvre les décisions prises par le Conseil européen, le 29 juin dernier, en faveur dune supervision bancaire intégrée au niveau européen. En ouvrant la voie à un refinancement direct des banques auprès du MES, elle permettra de rompre la spirale négative qui lie jusquà présent lassainissement du secteur bancaire et laugmentation de la dette des Etats. La Banque centrale européenne devra jouer pleinement son rôle, dans le respect de son indépendance. Et nous devrons manifester notre solidarité à légard des pays attaqués par les spéculateurs et qui mettent en uvre des réformes courageuses.
Nous sommes aujourdhui devant la nécessité de franchir une nouvelle étape, dans le cadre dune "intégration européenne solidaire". La réflexion est en cours, sur la base du rapport dHerman van Rompuy et le président de la République a précisé hier lesprit dans lequel nous lenvisageons. Nous avons la volonté davancer, dans ce domaine, en étroite concertation avec lAllemagne, afin de tourner définitivement la page de la défiance des marchés.
Mais la crise que nous traversons nest pas seulement une crise européenne. Cest une crise mondiale qui appelle davantage de coordination internationale.
Noublions que cette crise trouve ses racines profondes dans les grands déséquilibres mondiaux. Il y a un certain opportunisme à dénoncer lEurope comme lhomme malade, en décalage avec les fondamentaux des autres économies. Les Européens présents au sein du G8 et du G20 doivent se montrer solidaires et refuser les manuvres qui ne servent en fait quà détourner les regards dautres problèmes fondamentaux.
Nous pouvons faire aujourdhui le constat dun ralentissement global de léconomie mondiale. La pertinence de lagenda pour la croissance et lemploi, porté par le président de la République aux sommets de Camp David et de Los Cabos, apparaît dautant plus grande. Il est urgent de mettre en uvre les engagements pris notamment par ceux de nos partenaires qui disposent de marges de manuvre budgétaires et qui ont la possibilité dadopter des mesures discrétionnaires en faveur de la croissance. Il nous faut également respecter lengagement collectif à lutter contre le protectionnisme et à renforcer lOMC, qui veille à la loyauté des échanges internationaux.
Là encore, la force du levier européen doit être pleinement utilisée, pour faire avancer lobjectif de relations commerciales plus équitables. La mise en uvre du principe de réciprocité doit nous permettre de faire reculer les pratiques commerciales déloyales, quil sagisse des restrictions à laccès aux marchés publics ou du non-respect de la propriété intellectuelle.
Lobjectif dune meilleure régulation de la mondialisation, tant dans le domaine financier quen matière de lutte contre les paradis fiscaux et la corruption, simpose plus que jamais. En cohérence avec la priorité que nous accordons à lemploi, nous devons multiplier les occasions de faire progresser la dimension sociale de la mondialisation.
Dans le contexte actuel, je veux aussi rappeler la pertinence du débat que le président de la République a ouvert, à Camp David, sur le prix du pétrole et la nécessaire vigilance de lAgence internationale de lEnergie dans ce domaine.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, cest dans le cadre dune mondialisation mieux maîtrisée que nous devons nous mobiliser très fortement en faveur de nos intérêts économiques à létranger. Je voudrais partir du constat rappelé par le président de la République : notre déficit commercial na cessé de se creuser ces dernières années ; il sest détérioré de près de 70 % entre 2007 et 2011. Aujourdhui notre déficit est dû pour 26 milliards à des importations supérieures à nos exportations dans les domaines autres que lénergie. Lambition du Gouvernement est de parvenir à léquilibre, hors énergie, dici cinq ans.
Dès lors, je veux ici saluer le choix de Laurent Fabius de consacrer cette 20e édition de la conférence des ambassadeurs à la diplomatie économique.
Vous avez un rôle essentiel à jouer dans laccompagnement des projets de nos entreprises, en matière de grands contrats comme au service de nos PME. Dans le même temps, lattractivité du territoire national doit être valorisée aux yeux des investisseurs étrangers qui contribuent à la création demplois et au redressement de notre économie.
De ce point de vue, je tiens à rendre hommage à la volonté que traduit le plan daction destiné à mettre les intérêts économiques de la France au premier rang de lactivité du ministère des Affaires étrangères et de son réseau.
Une concertation étroite avec les autres ministères concernés est indispensable et je salue Pierre Moscovici et Nicole Bricq - pour faire en sorte que tous les leviers daction soient mis en uvre de manière cohérente et que "léquipe France" agisse, dans la cohésion, aussi bien à Paris que sur le terrain. Si nous voulons marquer des points rapidement, il faudra que nos entreprises jouent pleinement le jeu et que les pouvoirs publics sorganisent plus efficacement. Je veillerai, en conséquence, à resserrer le dispositif interministériel, afin dassurer un suivi, coordonné en permanence, de la promotion de nos intérêts économiques à létranger.
Nous disposons de grandes filières exportatrices nationales et elles doivent être confortées. Elles contribuent à limage dexcellence de notre industrie à létranger. Il en est ainsi de laéronautique, du spatial ou de lagroalimentaire. Le nucléaire civil en fait partie, la modification du bouquet énergétique pour faire passer de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production délectricité nayant pas pour effet de faire disparaître cette source dénergie.
Dautre part, nous devons prendre pleinement conscience du continuum qui existe entre notre action dinfluence et nos intérêts économiques : cest en accordant une bourse à un étudiant étranger, en développant une coopération scientifique ou universitaire, en mettant à disposition de nos partenaires le meilleur de lexpertise française que nous créons les conditions dun accroissement ultérieur de nos échanges économiques. Cest pourquoi il était absurde et contraire à nos intérêts de donner limpression aux étudiants étrangers quil nétait pas les bienvenus dans notre pays ; et cest pourquoi il a été rapidement mis un terme à des dispositions qui constituaient un véritable frein à notre attractivité.
Comme la dit le président de la République, il nous faut conserver une politique dinfluence forte, dont le dynamisme peut notamment sappuyer sur la capacité de cofinancement croissante des pays émergents.
Comme notre langue, notre culture fait partie des atouts de notre pays. Elle témoigne de notre vitalité et de notre dynamisme ; elle participe de lattraction que la France exerce sur le monde ; elle est une source de rayonnement quil nous faut pleinement exploiter. En conséquence, la dimension culturelle doit être pleinement intégrée à votre action. A vous de veiller à sa bonne articulation avec la promotion de lensemble de nos intérêts.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, puisque nous voulons gagner en efficacité et en cohérence, jajouterai que le changement de méthode voulu par le Gouvernement dans le cadre national peut aussi inspirer laction extérieure de la France.
Dans le cadre de la feuille de route donnée par le président de la République pour les prochains mois - et je ne reviendrai pas ici sur la mobilisation qui est la nôtre en réponse à la crise syrienne, à la situation au Sahel ou au programme nucléaire iranien -, je souhaite donc évoquer la manière dont nous mettons en uvre notre politique étrangère et indiquer quelques pistes dévolution possible.
Il nous faut impérativement introduire davantage de cohérence, de continuité et de durée dans nos relations avec nos principaux partenaires. Cela implique la fin dune politique reposant sur des coups et générant des à-coups, qui constituent autant de sources dincompréhension et dinefficacité.
Première mise en application possible : le développement de nos relations avec les pays émergents. Il sagit de consolider nos partenariats stratégiques avec ces pays, sur des bases équilibrées et équitables et de les nourrir par un dialogue politique régulier et dans la durée qui témoigne de notre volonté de les considérer comme de véritables interlocuteurs. Nous les encouragerons, par ce biais, à exercer les responsabilités qui vont de pair avec le statut auquel ils aspirent.
Nous devons prendre acte également de lépuisement du concept daté de "coopération", trop marquée par les dérives du passé et par la multiplication dengagements aussi irréalistes quincohérents. Doit sy substituer lobjectif fort dune politique de solidarité, fondée sur le développement durable et reposant sur la transparence, la justice et la crédibilité. Dans un contexte budgétaire contraint, nous devrons faire appel à des financements innovants en faveur du développement. A commencer par la taxe sur les transactions financières, dont une partie sera affectée dès 2013 à la solidarité internationale, comme la annoncé le président de la République.
Dans ce cadre, nous devons accorder toute sa place à la francophonie. Et je tiens à saluer laction de Yamina Benguigui, qui uvre avec détermination à la consolidation de la famille francophone et à la promotion de lenseignement du français.
Parce quil faut convaincre et mobiliser pour faire bouger les lignes, nous devons mettre en place les conditions dun dialogue renforcé avec la société civile et multiplier par deux nos actions de coopération mises en uvre par les ONG, conformément aux engagements du président de la République. Cest dans cette perspective que sinscrit le projet dassises de la solidarité internationale, sous légide de Pascal Canfin.
Laccompagnement des pays en transition au sud de la Méditerranée constitue pour nous un autre enjeu dimportance.
Contrairement aux tenants du "choc des civilisations", nous avons la conviction que lappartenance au monde musulman et lexercice de la démocratie sont compatibles. Nous devons donner toutes leurs chances aux processus démocratiques en cours au sud de la Méditerranée, en soutenant, dans une attention constante à nos valeurs, les efforts de ces pays pour répondre aux aspirations légitimes de leur population à la liberté et à la prospérité. Et nos relations devront être renouvelées, y compris sagissant de la mobilité des personnes, sur la base de la réflexion engagée par Manuel Valls.
Pour accompagner ces processus de transition démocratique, il nous faudra de manière cohérente mobiliser tous les instruments dont nous disposons, en liaison avec lUnion européenne et nos autres partenaires internationaux. Cest ainsi que lUnion pour la Méditerranée devra se recentrer sur sa capacité à faire émerger et à mettre en uvre, grâce à son secrétariat, des projets concrets dintérêt régional. Et nous veillerons à la cohérence et à la complémentarité entre les initiatives relevant de lUnion pour la Méditerranée - dont lancrage à lUnion européenne sera renouvelé - et celles découlant du dialogue 5+5 ou du partenariat de Deauville.
Enfin, nous avons la volonté dadapter notre outil de défense à ce monde en mouvement.
Cest lobjectif des travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, engagés cet été et qui seront achevés dici la fin de lannée, ouvrant la voie à une nouvelle loi de programmation militaire qui sera soumise au Parlement en 2013.
La dimension européenne de notre outil de défense doit devenir une réalité tangible. La situation en Europe exige une mutualisation de nos capacités militaires, mais aussi la conduite de projets industriels communs, qui conditionne notre capacité à préserver notre autonomie stratégique à long terme, tout en servant notre objectif de redressement.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, chacun dentre vous doit concevoir son action dans le prolongement de la politique du Gouvernement, quil vous faut appréhender dans sa globalité.
Jai conscience de lexigence quimpose la multiplication des enjeux à léchelle mondiale. Les situations sans cesse plus imbriquées appellent un décryptage de toute la complexité dun monde où la coopération internationale na jamais été aussi indispensable. Jai confiance dans la capacité de notre diplomatie à rendre compte de cette complexité, à en expliciter les causes profondes et à proposer des réponses concrètes aux défis auxquels nous sommes collectivement confrontés, dans le respect des intérêts de la France.
La mission qui est la vôtre est exaltante et justifie que les moyens de laccomplir vous soient accordés, comme la reconnaissance du Gouvernement.
Source http://www.gouvernement.fr, le 13 septembre 2012
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