Texte intégral
Je suis très heureux de réunir aujourdhui, pour la première fois, lensemble de la communauté du numérique éducatif.
Nous venons chacun dunivers différents : enseignement, administration, collectivités territoriales, recherche, industrie, édition, associations, mais nous sommes tous conscients des enjeux liés au développement du numérique et nous avons tous en commun la volonté et lenvie de développer de façon maîtrisée le numérique à lÉcole et pour lÉcole. Nous avons la volonté commune de servir notre jeunesse, et donc lavenir de notre pays.
Il est nécessaire et urgent de refonder lÉcole de la République. Ma conviction est que cette refondation ne pourra se réaliser sans faire entrer lÉcole dans lère du numérique.
Le projet de refondation que nous portons est résolument inscrit dans son temps, le XXIe siècle.
Le numérique est partout : il bouleverse nos habitudes, nos comportements, les rapports sociaux... Ce développement rapide du numérique entraîne une évolution profonde de notre société, certains parlent même de révolution.
Plus spécifiquement, le numérique modifie profondément notre relation au savoir et à la connaissance et interroge, par la même, la place et le rôle de linstitution scolaire.
La question du numérique à lÉcole dépasse la simple question de la diffusion des technologies de linformation et de la communication à lÉcole et de linstallation des ordinateurs dans les salles de classe. En ce lieu historique du spectacle vivant, le développement du numérique à lécole me fait penser à la fin du théâtre classique marqué par son unité de temps, de lieu et daction. Nous vivons probablement aujourdhui une rupture de même nature avec une classe connectée et ouverte sur le monde et un enrichissement des modes de communication entre les élèves, les parents et les enseignants.
LÉcole ne peut pas rester spectatrice de ces évolutions.
Elle doit en devenir actrice... Notre École doit accompagner les élèves dans la société numérique pour y porter ses valeurs et pour y poursuivre sa mission éducative.
Il ne sagit pas seulement de mettre lÉcole à lheure du numérique comme sil sagissait dune mode, il sagit aussi de se saisir de ces nouveaux outils pour lui permettre de mieux accomplir ses missions traditionnelles. Le numérique offre une opportunité unique pour refonder lÉcole.
Que doit faire lÉcole ? Elle doit assurer la réussite scolaire de tous.
Le numérique permet de développer des pratiques pédagogiques plus attractives et plus innovantes, mais surtout plus efficaces.
Avec des cours plus interactifs, le numérique renforce le plaisir dapprendre et daller à lécole. Il permet aussi de diversifier les parcours, de sadapter au rythme de chaque élève. Il permet de mieux faire comprendre certains phénomènes grâce à de nouvelles représentations du réel. Il permet de transformer les apprentissages et les évaluations.
Que doit faire lÉcole ? Elle doit assurer légalité des chances.
Le numérique doit permettre de réduire les fractures territoriales et sociales. Ainsi, pour renforcer légal accès à la culture, le CNDP propose déjà une expérience de spectacle vivant en ligne qui rend accessibles, en tout lieu, plusieurs mises en scène de grandes pièces de notre répertoire classique et qui permet de comparer séquence par séquence des choix de mise en scène. Cela permet davoir un autre regard sur le théâtre et le travail de mise en scène.
Autre exemple, lONISEP offre un service dorientation scolaire en ligne accessible pour les élèves en situation de handicap.
Que doit faire lÉcole ? Elle doit permettre linsertion dans la société et la vie professionnelle.
Rares sont les métiers qui, aujourdhui, ne font pas appel, dune manière ou dune autre au numérique.
Le numérique est particulièrement adapté à la simulation de situations professionnelles et à lapprentissage des langues. Le succès de lapplication "English by yourself" diffusée par le CNED en témoigne. Lacquisition des compétences numériques est un facteur déterminant de lexercice de la plupart des métiers.
À nouveau, le numérique apporte des solutions pour apprendre autrement et mieux préparer les élèves à leur future vie professionnelle et leur vie de citoyen.
Que doit faire lÉcole ? Elle doit mieux associer les parents à son projet éducatif.
Pour les parents, le numérique offre de nombreuses possibilités pour faciliter laccès à la vie scolaire et le suivi des enseignements. Ainsi, par exemple, les espaces numériques de travail, les ENT, déployés progressivement grâce aux investissements des collectivités territoriales et avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations permettent notamment la dématérialisation des carnets de notes, des livrets de correspondance et des cahiers de texte et améliorent plus largement les relations entre lÉcole et les familles
Cest parce quil y a de vraies attentes, cest parce que le numérique offre des opportunités nouvelles pour aider lÉcole à assumer ses missions traditionnelles que le projet de loi dorientation et de programmation, que présentera le gouvernement au début de lannée 2013, comprendra de nombreux articles relatifs au numérique et quil faut faire entrer lÉcole dans lère du numérique.
LÉcole doit devenir actrice de la société numérique : il ne faut plus attendre. Nous navons plus de temps à perdre. Nous avons déjà perdu trop de temps.
Au-delà de nos frontières, ces trois dernières années ont connu une accélération de lusage du numérique à lÉcole dans de nombreux pays.
Ailleurs, les choses bougent, lÉcole se transforme.
* Aux Pays-Bas, par exemple, 90 % des enseignants de primaire font manipuler les outils numériques à leurs élèves, 8 heures par semaine.
* En Corée du Sud, le programme "Smart Education" prévoit la généralisation des manuels numériques pour 8 millions délèves dici 2015.
* En Turquie, un programme dacquisition de 16 millions de tablettes sur 4 ans a été lancé pour les élèves de primaire.
* Et il y aurait de nombreux autres exemples sur tous les continents. Il est important de ne pas se laisser distancer.
Dans le même temps, on constate une explosion des offres éducatives anglo-saxonnes, on constate un fort développement des contenus et des cours en ligne. Ces ressources sont le plus souvent accessibles gratuitement. Elles viennent compléter, ou plutôt concurrencer, notre propre offre. Il est important que le service public reprenne sa place, avec ses valeurs et ses atouts, sur les nouveaux territoires numériques.
Pendant ce temps-là, en France, le numérique tarde à se développer dans les classes.
Selon une enquête que nous venons de réaliser, 60 % des enseignants estiment que le numérique est insuffisamment développé dans leur établissement. On constate un taux inférieur à la moyenne européenne en matière déquipement informatique des écoles, collèges et lycées. Enfin, le décalage grandit entre les usages à domicile et les usages en classe pour les élèves comme pour les enseignants.
Pourquoi ce retard ? Ce nest pas le nombre de plans en faveur du numérique qui nous a manqué. Depuis 1970, on ne dénombre pas moins de quinze plans en faveur du numérique... dont 5 depuis les années 2000. Dans lensemble, ces plans sont caractérisés par une certaine approche du numérique principalement centrée sur léquipement...
Mais avec un oubli récurrent, celui de la formation des enseignants et de loffre de contenus pédagogiques de qualité. Cest cet oubli qui explique ce retard cest cet oubli quil faut réparer.
Pour faire entrer lÉcole dans lère du numérique, il est désormais nécessaire dadopter une véritable stratégie.
Cest pour cela que jai souhaité que la concertation sur la refondation de lÉcole traite spécifiquement de cette question. Un groupe de travail, intitulé "une grande ambition pour le numérique à lÉcole", a été animé par François Momboisse et Henriette Zoughebi. Je les en remercie chaleureusement.
Lors de son discours de clôture de la concertation sur lÉcole, le 9 octobre dernier, le Président de la République a souligné limportance quil accorde à ce sujet. Il a explicitement "demandé au gouvernement de prendre rapidement les initiatives pour donner à ce que lon appelle la e-éducation, la dimension qui doit être la sienne [...] et inscrire la devise de la République, présente sur les frontons de toutes nos écoles, dans les territoires numériques éducatifs du XXIe siècle". Cest un projet exaltant, et cest celui que nous partageons aujourdhui.
Conformément à la feuille de route fixée par le Président de la République, nous avons mobilisé la plupart dentre vous, membres de la communauté numérique éducative, pour élaborer cette stratégie densemble.
Nous avons travaillé avec les ministres concernés : Mesdames Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l'innovation et à l'économie numérique, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la communication, Geneviève Fioraso, ministre de lEnseignement supérieur et de la recherche.
Jai reçu Messieurs Louis Gallois (CGI), Jean Pierre Jouyet (CDC), Madame Isabelle Falque-Pierrotin (CNIL), les représentants des éditeurs scolaires, les représentants des industriels du numérique. Jai discuté longuement au Salon de lÉducation avec des professeurs innovants. Jai contribué à la mission confiée à Monsieur Pierre Lescure. Jai aussi mobilisé très fortement les services de mon ministère, le Secrétariat général pour la modernisation de laction publique (qui dépend de Marylise Lebranchu) ainsi que le CNED, le CNDP et lONISEP. Cest le résultat de tous ces travaux conduits ces derniers mois et de toutes ces réflexions collectives que je veux vous présenter à présent.
La stratégie que nous avons établie est globale, concrète et durable.
Notre stratégie est globale, parce quelle souhaite appréhender le numérique dans toutes ses dimensions : de léquipement aux contenus, en passant par la formation des acteurs.
Elle est globale, parce quelle est fondée sur des services à destination de lensemble des publics : les élèves, les parents et les enseignants.
Elle est globale parce quelle couvre un cycle pluriannuel, de 2013 à 2017.
Notre stratégie est concrète, parce quelle va sincarner dès 2013 dans les classes et le quotidien de lÉcole.
Elle sera également durable car nous allons mettre en place les conditions nécessaires à la pérennisation de lentrée de lÉcole dans lère du numérique.
Tout dabord, de nouveaux services numériques vont traduire concrètement la mise en place du service public de lenseignement numérique. Ces services seront orientés en direction des élèves, des enseignants, des parents et de tous les membres de la communauté éducative.
En premier lieu, les élèves. Afin de favoriser la réussite éducative des élèves et la différenciation des enseignements, je souhaite que lon offre des contenus pédagogiques facilement accessibles, des services daccompagnement personnalisé en ligne, que lon mobilise les potentialités du numérique en matière dorientation et que lon veille à une meilleure accessibilité des élèves en situation de handicap. Ces élèves doivent pouvoir avoir accès aux mêmes services et aux mêmes ressources pédagogiques que les autres.
Dès 2013, nous mettrons à disposition de tous les élèves des contenus pédagogiques gratuits avec une priorité à lapprentissage des fondamentaux et des langues en primaire.
* Une offre de services en ligne accessible à tous pour lapprentissage de langlais en primaire, "English for Schools". Ces sites proposeront une approche originale, ludique et interactive faisant appel à des ressources du web en anglais, préalablement sélectionnées puis éditorialisées à des fins pédagogiques.
* Une collection accessible en ligne de films danimation pédagogiques et de ressources pédagogiques libres sur les points clés du programme du primaire. Ces petits films de quelques minutes permettront dexpliquer quelques points fondamentaux du programme sous une forme originale comme la règle de trois, la division, ou encore les règles daccord en orthographe.
* Un meilleur accès aux ressources numériques des grands établissements publics culturels et scientifiques : des pièces de théâtre, des concerts, des images darchives, des uvres dart, etc.
* Un accès en ligne aux sujets et corrigés du brevet des collèges et du bac des trois dernières années pour les filières générales et technologiques. Cela permettra aux élèves et aux enseignants de mieux préparer ces examens. Cet accès en open data permettra également de développer des services pédagogiques associés.
* Une webTV, cest-à-dire une télévision accessible en ligne, sera mise en place pour créer et diffuser des contenus produits par les lycéens et permettre une éducation aux médias et à la culture numérique. L'École doit ainsi permettre aux élèves de comprendre et davoir un regard critique sur les contenus des médias et, en particulier, des médias numériques - mais aussi de leur faire acquérir les connaissances et les capacités à créer avec ces technologies, à co-construire leurs savoirs, à partager leur production, à communiquer, en pleine conscience de leur responsabilité sous leur identité numérique.
Dès 2013, nous accompagnerons également les élèves en ayant le plus besoin avec de nouveaux services.
* Nous offrirons un accompagnement personnalisé pour les élèves de 6e de léducation prioritaire, en français, mathématiques et anglais : ce dispositif comprendra à la fois un volet en ligne avec un parcours personnalisé accessible en tout lieu et un accompagnement dans létablissement par un référent qui prend en charge et encadre le groupe délèves sur des plages horaires spécifiques, dans une salle équipée. Ce nouveau type de soutien scolaire concernera plus de 30 000 élèves et nous évaluerons lefficacité pédagogique de ce dispositif particulièrement innovant.
* Nous allons mettre en place dans les prochaines semaines un service en ligne dorientation des jeunes en situation de décrochage.
En direction des enseignants, il faut aussi développer de nouveaux services numériques. Pour accompagner le développement des usages du numérique par les enseignants, je souhaite mettre à leur disposition des ressources numériques de qualité, leur permettre déchanger et de co-construire des contenus et de pouvoir être formés par le numérique et au numérique.
Dès 2013, nous proposerons de premiers modules de formation en ligne préfigurant un "Campus numérique" pour les enseignants. Il sera le pendant numérique des écoles supérieures du professorat et de léducation. Dores et déjà, je dialogue, avec les organisations syndicales, sur une offre de formation continue pour les professeurs des écoles dès la rentrée prochaine.
Pour mieux associer les parents, je souhaite quils puissent accéder à des informations sur le contenu des enseignements et sur la scolarité de leurs enfants, dans le respect des normes édictées par la CNIL. Je souhaite également simplifier leurs démarches administratives comme les inscriptions.
Dès 2013, nous proposerons ainsi :
* un service daccompagnement à lapprentissage de la lecture, à destination des parents et des nouveaux enseignants, pour les enfants scolarisés en cours préparatoire,
* la dématérialisation de la procédure dinscription au lycée,
* une extension des services offerts par les espaces numériques de travail (ENT) et leur déclinaison pour le premier degré.
Notre stratégie est globale, notre stratégie est concrète. Elle se veut également durable parce quelle crée les conditions pérennes de linscription de lÉcole dans lère du numérique. La mise en place de ces conditions constitue le second pilier de cette stratégie. Cest bien cela qui distingue la démarche que je vous propose des plans précédents.
Inscrire durablement lÉcole dans lère du numérique, cest avant tout mettre les enseignants, les personnels dencadrement et les chercheurs au cur du développement des usages du numérique.
Ce développement des usages ne pourra se faire sans que tous les acteurs de lÉcole y soient associés et sans renforcer la relation partenariale avec les collectivités territoriales, les parents délèves et les associations.
Inscrire durablement lÉcole dans lère du numérique, cest créer un véritable service public de lenseignement numérique.
Ma première priorité pour pérenniser lentrée de lÉcole dans le numérique est la formation des enseignants et des personnels dencadrement.
Lors de la concertation et tout au long de mes échanges avec les organisations syndicales, les représentants des collectivités territoriales et les industriels, il est apparu que la formation des enseignants devait être la priorité. Elle le sera.
La création des écoles supérieures du professorat et de léducation à la rentrée 2013 est une formidable opportunité.
Les "maquettes" de ces écoles devront évidemment prendre en compte la formation aux enjeux et aux usages pédagogiques du numérique : apprendre aux futurs enseignants à utiliser avec profit le numérique dans leurs cours, à créer des ressources pédagogiques adaptées à leurs élèves, à utiliser les services de communication avec les familles de leurs futurs élèves et les outils collaboratifs pour échanger avec leurs collègues.
Le numérique permet aussi dautres modalités de formation. Il est indispensable quelles soient utilisées par les ESPE. La France peut prendre non seulement modèle sur les universités américaines, mais aussi sur ses propres expériences telles les universités numériques thématiques. Un campus numérique de la formation aux métiers du professorat et de léducation doit voir le jour dès la création des ESPE en 2013. Je sais Geneviève Fioraso très attentive à ce point. Nous apporterons à cette ambition tout le savoir-faire de nos opérateurs, CNED et CNDP.
La formation des personnels dencadrement (chefs détablissement, inspecteurs, etc.) est tout aussi importante. Elle na été que trop négligée ces dernières années. Lécole supérieure de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, lESEN, intégrera également cette priorité dans les formations quelle délivre.
Lenseignement par le numérique permet daméliorer la formation continue. Il y a eu des expérimentations concluantes ces dernières années en particulier grâce à la plate-forme "pairformance". Celle-ci doit maintenant changer déchelle et elle doit souvrir à lenseignement primaire.
La question des formateurs est centrale, cruciale. Il faudra bien des formateurs pour former les enseignants. Or, depuis des années, ces compétences se sont construites individuellement. Mes rencontres avec les enseignants innovants, mont montré quils avaient acquis souvent seuls les compétences quils mettaient en uvre dans leur classe. Il faut rétablir une dynamique interne de formateurs. Les enseignants innovants, précurseurs, doivent trouver leur place dans ce mouvement. Jai souhaité que, dès cette fin dannée, leurs associations, ignorées jusquici, soient aidées financièrement.
Dès 2013, nous ferons évoluer la certification dans la formation des enseignants (C2i2e) pour garantir lusage du numérique dans les pratiques pédagogiques des nouveaux enseignants.
En matière de formation continue, jai comme objectif de former aux usages du numérique, dans leurs disciplines respectives, près de 150 000 enseignants en deux ans.
Pour rendre pérenne linscription de lÉcole dans lère du numérique, il faut également redonner un rôle central à la recherche. Elle est étonnamment peu développée dans ce domaine. Comment former les enseignants de demain sans nous donner le nécessaire regard critique et prospectif sur les pratiques pédagogiques qui s'inventent sous nos yeux ? Comment répondre aux enjeux de la réussite éducative si nous ne favorisons pas linnovation pédagogique ?
Dans le cadre dun travail conjoint avec le ministère de lenseignement supérieur et de la recherche et dans la perspective de la mise en place des ESPE, les liens entre formation et recherche seront renforcés pour apporter des réponses aux questions dordre pédagogique, technologique, économique et sociologique soulevées par le développement du numérique à lécole. Nous y retravaillerons également avec le Commissariat général à linvestissement et avec la Caisse des dépôts et consignations.
Cette relation entre technologie et éducation est au cur des enjeux de lÉcole de demain.
Le développement des usages du numérique ne pourra se faire sans renforcer la relation partenariale avec les collectivités territoriales, avec notamment pour enjeu majeur de combler le retard de la France en matière déquipement.
La clarification de la répartition des compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales est indispensable dans le domaine du numérique. Cest un des éléments de la loi dorientation et de programmation.
Cette clarification permettra notamment une meilleure prise en charge de la maintenance des équipements informatiques, une des principales causes de la réticence des enseignants à utiliser le numérique, craignant une panne ou un dysfonctionnement lors dune séquence de cours.
Mais au-delà, il faut que léducation nationale partage avec les collectivités un objectif de développement des usages autour dune vision commune et cohérente. Nous allons de notre côté faire un effort en matière de développement de services et de ressources et en matière de formation. Il doit y avoir une complémentarité des actions. Cest donc une nouvelle gouvernance au niveau national et au niveau territorial - qui doit se mettre en place sur le numérique.
Je connais linvestissement des collectivités dans le domaine du numérique et leur souhait de poursuivre et renforcer leurs efforts pour équiper les établissements et déployer les environnements numériques de travail. Mais toutes nont pas les mêmes moyens. Il revient à lÉtat de favoriser la réduction des inégalités territoriales. Fleur Pellerin a en charge le cofinancement du déploiement du très haut débit dans les zones où son exploitation nest pas rentable par les seuls investissements privés. La couverture des écoles, des collèges et des lycées est un enjeu majeur pour nous tous à lheure du déploiement du très haut débit.
Le très haut débit sera bientôt une condition nécessaire pour le développement des usages dans les classes (visioconférences pour lapprentissage des langues ou pour le soutien scolaire, manuels scolaires numériques, ressources culturelles et audiovisuelles, etc.). De plus, le THD participe de lattractivité des territoires et assure un égal accès de tous les écoliers aux ressources pédagogiques
Nous avons préparé avec la Caisse des dépôts et consignations une convention afin que nous puissions uvrer ensemble en faveur de cet objectif. Nous la signerons très prochainement. Je remercie Jean-Pierre Jouyet de sa compréhension et de sa mobilisation.
Par ailleurs, pour cofinancer léquipement informatique, il faut que les fonds européens (FEDER et FSE) soient mieux utilisés. Une quinzaine de régions en ont déjà bénéficié pour le numérique éducatif. Il faut que les autres puissent aussi mobiliser ces fonds - une cellule dappui sera créée au ministère afin de les y aider - et que ce dossier soit dorénavant considéré comme prioritaire au niveau européen pour les années à venir. Je my emploie avec mon collègue du gouvernement, Bernard Cazeneuve, en charge des affaires européennes.
Il est aussi nécessaire que les petites communes soient aidées. Avec l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), dont je salue le Président du conseil dadministration, Alain Borowski, nous construisons une offre globale déquipements et de prestations associées pensée pour les écoles primaires. Elle sera disponible au printemps 2013. Elle permettra ainsi déviter aux communes des passations de marchés publics complexes et davoir accès à des solutions techniques globales à létat de lart et à des prix compétitifs. Cette offre sera complétée à la fin de lannée 2013 par une proposition despace numérique de travail pour les écoles.
Au-delà de la mobilisation des enseignants, des chercheurs et des collectivités territoriales, je souhaite que lon coopère davantage avec les acteurs privés du numérique et de lédition.
Je souhaite que lentrée de lÉcole dans lère du numérique soit propice à lessor dune filière numérique française compétitive.
La France doit prendre sa place au niveau international dans la création de contenus numériques et de-services pédagogiques de haute qualité technologique. Linvestissement en R&D sera aidé, avec un effort sans précédent, au travers des investissements davenir, dans une période difficile économiquement.
Cet effort vise à développer une industrie numérique éducative française, au travers dune démarche collective dinnovation technologique, économique, sociale et pédagogique. Je me réjouis de la création récente de lAFINEF (association française des industriels du numérique de léducation et de la formation) dont le président et de nombreux représentants sont dans la salle. Je les remercie de leur présence.
Dès 2013, nous sommes convenus avec les équipes de Louis Gallois, du CGI, de lancer un appel à projet Investissements davenir pour développer des ressources et services pédagogiques innovants sur les apprentissages fondamentaux (dans le premier degré). Les investissements davenir ont dores et déjà permis de financer un projet de réseau professionnel des enseignants dédié à léchange et à la co-construction entre pairs. Ce réseau sera lancé dici le début de 2014.
Si notre stratégie se veut globale, concrète et durable, je tiens à ce que lentrée de lÉcole dans le numérique se fasse de façon raisonnée, cest-à-dire en accord avec les valeurs de lÉcole de la République.
Il ne sagit évidemment pas de passer au tout numérique ou de renoncer au manuel papier ou encore à lécriture manuscrite. Il ne sagit pas de céder à une quelconque illusion techniciste.
Tout dabord, la place de lenseignant reste au cur de la pédagogie, sa médiation ne peut être substituée par des outils numériques. À lÉcole, les élèves ne seront pas laissés seuls face aux écrans. Ils ny seront pas surexposés, mais bien accompagnés en permanence par des enseignants.
Afin de garantir le respect de la vie privée des élèves et des enseignants, le service public de lenseignement numérique sera mis en uvre dans un cadre de confiance assurant la protection des données personnelles défini avec la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Nous y serons particulièrement attentifs.
Au regard des défis que ces technologies posent à notre société, lÉcole joue un rôle central : elle permet aux jeunes de maîtriser et comprendre les outils quils utilisent chaque jour pour leurs études et dans leurs loisirs, mais aussi, et surtout, leur donne les connaissances et les compétences qui leur seront nécessaires pour vivre dans une société dont on peut penser que lenvironnement technologique se transformera de plus en plus rapidement.
Il faut que les élèves puissent acquérir à lÉcole de nouvelles compétences pour comprendre le monde numérique. Le Président de la République a souhaité que loption de spécialité "informatique et science du numérique" soit proposée, en terminale, dans toutes les sections du baccalauréat de lenseignement général et technologique. Cette promesse sera tenue. Lextension progressive de cette option se fera dès la rentrée 2013.
Au-delà, au collège, il faut que linformatique soit renforcée dans lenseignement de la technologie.
Il faut aussi repenser globalement ce que doit être une éducation aux médias adaptée aux supports et outils de communication contemporains, et, en particulier, à définir les nouvelles compétences et connaissances nécessaires à une véritable maîtrise de linformation.
Cette maîtrise, en effet, conditionne laccès à tous les autres savoirs. Elle se situe en amont des disciplines, et il nest plus possible aujourdhui de poursuivre des études ou des recherches sans avoir une pratique régulière et réfléchie des médias de communication numérique et des démarches qui en découlent : à la fois interactives, collaboratives, dynamiques, interconnectées et praticables en mobilité.
Ce sera lobjet dune éducation aux médias que je souhaite "renouvelée", de lécole primaire au lycée, en étroite collaboration avec les associations partenaires de lÉcole. Des éléments figurent dans le projet de loi que je défendrai au parlement.
Mais, au-delà, ce sont toutes les disciplines scolaires qui sont concernées par le numérique et il faut évidemment que la conception des programmes scolaires soit pensée pour être réactive - ce qui ne veut pas dire assujettie - à ces évolutions qui seront probablement de plus en plus rapides. Le Conseil supérieur des programmes que la loi institue aura cette lourde tâche.
Le numérique a des incidences sur les modes de travail des élèves. Ceux-ci doivent pouvoir utiliser les outils numériques en classe, mais aussi en dehors de la classe. Les lieux de travail méritent d'être repensés : il faut offrir des ressources variées, imprimées et numériques, au sein d'espaces de ressources dans des espaces où les élèves peuvent se cultiver, satisfaire et développer leur curiosité, effectuer leur travail scolaire, lire et écrire... Ce volet fait également lobjet dune disposition dans la loi dorientation et de programmation.
Mesdames et Messieurs, jai bien conscience de lambition de cette stratégie, mais elle est nécessaire pour notre pays. Je tiens dores et déjà à mettre en place toutes les conditions pour nous assurer que cela ne sera pas le n-ième plan sur le numérique à lÉcole !
Lultime priorité pour inscrire durablement lÉcole dans lère du numérique est donc la création d'un véritable service public de lenseignement numérique.
Dès début 2013, nous allons engager la démarche visant à doter le ministère et ses opérateurs des bonnes compétences et de lorganisation adaptée pour rendre pérenne notre entrée dans le numérique.
À ce titre,
* Jai veillé à ce que le projet de loi pour la refondation de lÉcole instaure un service public denseignement numérique.
* Dès début 2013, je vais installer une nouvelle gouvernance nationale sur le numérique éducatif. Ainsi, je présiderai un comité stratégique, en charge de la coordination de la bonne mise en uvre de notre stratégie numérique. Ce comité sappuiera sur une structure dédiée qui portera le projet du service public de lenseignement numérique. Je nommerai dans les prochaines semaines un directeur chargé de piloter le projet.
* Dans le même temps, nous allons créer un Conseil au numérique éducatif. Cette instance de dialogue et de coordination associera lensemble des représentants de la communauté éducative (enseignants, parents, personnels dencadrement et élèves), des représentants de léducation nationale, des représentants des collectivités territoriales, des chercheurs et des personnalités qualifiées. Elle travaillera en étroite collaboration avec le nouveau Conseil national du numérique.
* Enfin, je souhaite notamment instaurer un point détape annuel présentant les nouveaux services de la rentrée scolaire suivante. Je vous donne dores et déjà rendez-vous en juin prochain.
Ce projet est un projet collectif et fédérateur mobilisant lensemble de la communauté éducative, tous les ministères concernés, les collectivités territoriales, les opérateurs publics culturels, scientifiques et éducatifs, les associations et les entreprises privées que je souhaite mettre en uvre car lÉcole est laffaire de tous.
Faire entrer lÉcole dans lère du numérique est bien sûr un projet pour lÉcole, cest également un projet de société, un projet pour préparer nos enfants à la société qui est la leur et dans laquelle ils doivent être des citoyens, un projet pour mieux former les acteurs économiques de demain, un projet pour faire de lécole française une école innovante pour améliorer les résultats de ses élèves, un projet pour réduire linégalité des chances ou les inégalités daccès au savoir et à la culture, un projet pour défendre notre culture et nos valeurs sur les nouveaux territoires numériques.
Cest un projet de société que nous portons ensemble, car si lÉcole doit être le lieu où les valeurs du passé se transmettent, cest aussi celui où l'avenir s'invente.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.education.gouv.fr, le 17 décembre 2012