Texte intégral
Voilà la possibilité de mettre un terme à des siècles de relégation et de discrimination dune partie de nos concitoyens. Voilà la possibilité de faire aboutir des combats menés depuis des décennies. Et je sais que, comme sénateurs, vous êtes nombreux à avoir contribué à la longue histoire de légalité.
Vous avez déposé des propositions de loi, pour ouvrir le mariage, pour permettre aux couples homosexuels de fonder une famille et ceci dès 2005, puis en 2006, en 2010, en 2011 et jusquen 2012. Ainsi vous êtes nombreux, sur tous les bancs, à vous être engagés vers une meilleure reconnaissance de la diversité des familles.
Soyez-en déjà remerciés.
Les associations soutenant ce projet de loi ont fait leur, ce très beau slogan « Légalité nattend plus ».
Après le temps de lAssemblée Nationale vient aujourdhui le temps du Sénat. Je suis convaincue que ce sera le temps de la consolidation, de la solidification, de la confirmation.
Cette loi sinscrit dans un contexte bien spécifique, cest celui dune révolution silencieuse entamée dans les années soixante-dix, et qui a fait éclater le modèle familial unique en une pluralité de modèles familiaux. Pour la première fois dans lhistoire de lhumanité, amour, conjugalité, sexualité et procréation sont dissociés et peuvent être composés et associés de multiples façons.
Aujourdhui un enfant sur deux naît hors mariage ; un sur quatre ne vit pas avec ses deux parents ; un sur cinq vit dans une famille monoparentale et un sur neuf dans une famille recomposée. Ces quelques éléments statistiques suffisent à faire voir la diversité du paysage familial.
Loin de traduire une désaffection à légard de la valeur « famille », cette réalité prouve au contraire que la famille reste le lieu de la sécurité et de la protection. Ce qui a changé, cest que nos concitoyens refusent désormais que nous leur imposions un modèle familial unique. Ils attendent de nous que nous reconnaissions cette diversité des modèles familiaux tout en assurant légalité des droits et des devoirs de toutes les formes de familles.
Autre évolution majeure, la filiation biologique nest plus la seule filiation possible : il y a une multiplication des acteurs impliqués dans la conception et léducation des enfants. Chaque année, 3000 à 4000 enfants sont adoptés et environ 1500 naissent par insémination artificielle. Ces chiffres montrent que dores et déjà la filiation sociale est une réalité au sein des familles hétérosexuelles. On peut comprendre en conséquence la demande dégalité de traitement pour les familles homosexuelles.
Je voudrais ajouter que cette loi ne créera pas de situations nouvelles : elle ne fera quadapter notre droit à des évolutions déjà présentes dans la société.
En cela, elle sinscrit dans la lignée des réformes qui ont marqué le droit de la famille depuis les années 1970 par exemple lassouplissement des règles du divorce, la suppression de la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels, linstitution de lautorité parentale, reconnue aux deux parents à égalité. La législation ne fait que traduire une évolution déjà réalisée par nos concitoyens.
Ceux-ci ne nous demandent pas simplement une loi dégalité ; ils veulent également quelle leur assure une sécurité et une protection juridiques, en particulier à ces milliers, voire dizaines de milliers denfants qui vivent déjà au sein de familles homoparentales et qui ne bénéficient pas dune telle protection au même degré que les autres enfants. Cest dans cet objectif dégalité et de sécurité juridique qua été conçu ce projet de loi ouvrant à tous le mariage et ladoption.
Il est temps de reconnaître à chacun, quelle que soit son orientation sexuelle, la liberté de choisir la façon dont il fait famille. Reconnaître cette liberté, cest reconnaître la liberté de tous nos concitoyens. Elle est au cur même de notre République, cette République telle que Jean Jaurès la si bien définie dans son adresse à la Jeunesse : « La République, cest proclamer que des millions dhommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action, quils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et lordre. Oui, la République est un grand acte de confiance et un grand acte daudace. »
Confiance et audace :
Notre République, cest une France qui sait inclure et non exclure. Qui sait inclure tous ses citoyens, quils soient hommes ou quils soient femmes, quelle que soit la couleur de leur peau, quils soient homosexuels ou hétérosexuels. La France nest jamais aussi forte et confiante dans son avenir que lorsquelle sait sadresser à tous ses concitoyens, à tous ses enfants, à toutes ses familles.
En cela, le projet de loi que nous nous apprêtons à discuter est fidèle au rappel de François Hollande au Bourget : « aucune loi de conquête na été arrachée sans combat parlementaire. Car les libertés, elles se conquièrent, elles se gagnent. » « Lâme de la France cest légalité, légalité, légalité toujours ».
Cette loi est lexpression de notre belle devise républicaine : liberté, celle de prendre le gouvernement de sa propre vie ; légalité, celle des droits et des devoirs pour tous. Liberté, égalité permettant de renforcer dans notre société la fraternité.
Alors oui, je vous invite à la confiance et à laudace.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 10 avril 2013