Texte intégral
Monsieur le président du Syndicat de la magistrature, madame, messieurs les membres du bureau, mesdames, messieurs, les personnalités, les invités, par le Syndicat de la magistrature, mesdames et messieurs les magistrats et mesdames et messieurs.
Je viens de comprendre deux choses. La première c'est qu'une parole syndicale peut avoir beaucoup de consistance et je n'en avais pas entendu avec cette ardeur et cette virulence depuis quelques temps déjà. Finalement je ne crois pas que cela nous fasse complètement du tort. La deuxième chose que j'ai comprise c'est que je crois que vous n'invitez que des gardes des sceaux qui sont plutôt de sensibilité, je ne sais pas s'il faut dire de gauche ou s'il faut dire progressiste et vous snober les autres. C'est ainsi ? Je trouve que les autres ont bien de la chance. Parce que franchement cela ressemble quand même au sadisme. Néanmoins je suis là et je suis ravie d'être là. Pour vous dire, d'abord, quand même, pardonnez-moi mais nous allons faire quelques échanges de bons procédés. Vous y convenez ? Alors je vais porter une opinion aussi, par exemple, d'abord sur votre slogan. « Soyons réalistes, exigeons le possible », c'est cela ? Soyons irréalistes, exigeons le possible. Voilà, le possible. Juste le possible ? Le réalisme, le pragmatisme, finalement ce bon sens qui ces dernières années a servi de boussole à des politiques publiques rétrogrades et démagogiques, juste le possible ? Mais je vous connais assez pour savoir que, chez vous, cette relation est totalement impossible. Je vois plutôt dans ce slogan un clin d'œil, un clin d'œil à ce que j'appelle l'affaissement des idéo. Nous vivons une drôle d'époque. En effet, nous sommes confrontés à ce que moi j'appelle la défaite culturelle. La défaite de cette culture humaniste qui sans rien ignorer de la part de férocité qui peut encore sommeiller en dedans de l'homme, choisit lucidement de prendre acte de cette part de férocité, de vouloir l'apprivoiser, la dompter, par des règles compréhensibles, par des lois justes, par des verdicts intelligibles, par des sanctions proportionnées, portant leur part de pédagogie. Et parce que la responsabilité politique est plus large, par un accès à l'éducation, à la culture. Par un progrès partagé, par des richesses équitablement réparties. C'est ce que moi j'appelle à la fois l'esprit de Justice et la mission de Justice. Parce que cette lourde et belle mission constitutionnelle qu'est la Justice, a vocation à protéger le faible, c'est-à-dire à faire rempart face à ce que la démocratie pourrait conserver encore de juste, de brutal, de cruel. Et si je vous parle ainsi c'est parce que je sais que vous avez autant le souci du justiciable que le souci de vous-même. Que vous défendez autant le métier que les missions du métier. C'est pour ça que je vous dis, oui j'ose vous dire, que mon ambition est plus grande. Il me faut de la démériter pour vous parler ainsi après votre plaidoyer. Mais oui mon ambition est plus grande que le réalisme, que le possible. Elle est plus grande parce que je prétends mettre en place une politique de rupture, sans tapage inutile, sans éclat stérile, sans rudesse ni brusquerie, mais avec une détermination de silex. Une politique de rupture qui ne soit pas seulement la révision des mauvaises décisions passées, mais je prétends changer de perspectives. C'est-à-dire que je veux faire de la Justice ce grand service public, en interrogeant son rôle structurant dans la démocratie, sa place grandissante dans la société, son image chez les citoyens, son rapport au justiciable et son indépendance. Evidemment pour cette nouvelle conception de la Justice que je veux faire valoir, il faut des objectifs, des méthodes, des moyens. J'entends bien que vous auriez souhaité qu'en 5 mois nous ayons accompli l'œuvre du quinquennat. Je l'entends et je voudrai que cette impatience continue de nous servir de carburant. Sur ces objectifs, ces moyens et ces méthodes. D'abord la réforme constitutionnelle, commençons par le début. Indépendance de la Justice, elle est en cours la réforme constitutionnelle, je ne veux pas croire que vous auriez préféré qu'elle fût bâclée. Elle est en cours, une réunion avec le conseiller supérieur de la magistrature en octobre, ce sont les premiers concernés. Hier, j'ai reçu pendant de longues heures des constitutionnalistes. Nous allons toucher à notre loi fondamentale, qui n'est pas la propriété exclusive du monde judiciaire, qui est notre bien commun. J'ai estimé nécessaire d'entendre ces constitutionnalistes. Je reçois les organisations syndicales, vous le savez probablement parce que je crois que vous avez déjà été invités à partir du 3 décembre. Dans une semaine, juste parce que la semaine prochaine je ne serai pas à Paris. Sinon je vous aurai revu beaucoup plus tôt. Cette réforme est donc en cours elle est travaillée avec rigueur, avec sérieux, en prenant en compte des divergences d'appréciations. Des revendications qui ne sont pas toujours conciliables. Mais en faisant au mieux. Mais cette réforme constitutionnelle, qui vise à renforcer l'indépendance de la Justice suppose aussi une culture de l'indépendance. Cette culture de l'indépendance c'est l'aptitude pour les magistrats à concevoir la responsabilité qui lui incombe pour une indépendance qui lui est reconnue non pour lui, non pour son confort, non seulement vis-à-vis du pouvoir exécutif, non seulement par rapport au réseau existant ou possible, mais pour le bien du justiciable. Et parce que cette indépendance vise le bien du justiciable, je la prends très au sérieux et je veux la réussir. Je ne prendrai pas plus de temps qu'il ne faut, mais je prendrai le temps nécessaire. J'examine dans tous les sens et sous tous les angles, comment la réussir. Et j'interroge par rapport à ce que je viens de dire, à la responsabilité de magistrat, qui va exercer dans l'indépendance. J'interroge la formation de magistrat. Vous savez qu'une réforme a eu lieu en 2008. J'interroge cette réforme, dans des séances de travail qui ont déjà eu lieu, avec la direction de l'Ecole nationale de la magistrature, avec des équipes pédagogiques, mais aussi avec les promotions de ces dix dernières années, qui sont venues à la Chancellerie. Des délégués de magistrats, des dix promotions passées, pour examiner avec eux l'avant réforme, le pendant la réforme et l'après réforme. Parce que la formation est essentielle. Le justiciable perçoit la formation à partir de l'impartialité. Il a besoin de croire à l'impartialité du juge et l'impartialité se démontre, s'illustre et s'affiche. Et cette impartialité doit être acquise, le contexte compte, le moment compte, l'environnement compte, la culture générale compte, l'état d'esprit général compte. Et nous sortons de dix années, où des méthodes ont été mises en place, où des habitudes ont été prises, où des hommes parfois ont été mis en place. Et il eut été facile, pour le nouveau pouvoir politique de considérer que l'indépendance n'est pas une urgence, de considérer que la démonstration parfois qui a été faite de rapports proches avec l'exécutif était un élément de prudence, qui aurait justifié de ne pas marcher avec élan, avec détermination, avec indépendance. Nous faisons néanmoins le pari de l'indépendance, parce que nous faisons le pari de la confiance, la confiance envers les magistrats. Nous savons que l'indépendance ne peut s'accommoder de l'obéissance. Et nous nous référons au serment que vous prononcez, en tant que magistrat. Et notamment à la loyauté, qui n'est pas une loyauté vis à vis de votre hiérarchie. Qui est une loyauté vis-à-vis des règles déontologiques et de l'éthique. Et pour montrer à quel point le gouvernement est d??terminé pour cette réforme constitutionnelle, nous avons commencé à mettre en œuvre l'indépendance. Vous l'avez dit vous-même, madame, sans la sociale indépendance en tant que telle mais c'est bien un acte, qui pose le début de la réforme, en tout cas les prémices de la réforme constitutionnelle pour l'indépendance. Lorsque nous mettons fin aux instructions individuelles allant au-delà de la loi et nous engageant à réformer la loi, lorsque le 31 juillet je prends une circulaire, vous l'avez évoqué, pour rendre transparentes les nominations des procureurs généraux et d'avocats généraux et d'inspecteurs généraux. Par cette circulaire je rends transparente la nomination de magistrats qui se faisait dans une opacité tout à fait légale. Je rends accessible au Conseil supérieur de la magistrature l'ensemble des dossiers de magistrats de la transparence, alors que jusqu'à lors le CSM n'avait accès qu'au dossier du magistrat proposé par la Chancellerie et aux dossiers des magistrats observant. Voilà des actes clairement posés, en plus de l'avis conforme, voilà des actes clairement posés, qui constituent les prémices de la réforme de l'indépendance. Il y avait donc le choix, entre attendre la réforme le temps nécessaire, bâcler la réforme, le faire très vite et sans doute plutôt mal. Ou travailler à cette réforme et déjà commencer à desserrer les tons. C'est ce choix que j'ai fait. Faire de l'indépendance une culture, en tout cas permettre à cette culture de ce répandre et commencer par ces réformes statutaires qui contribuent à l'indépendance. Vous avez, madame, évoqué la politique pénale et la circulaire de politique pénale que j'ai présentée en Conseil des ministres le 19 septembre dernier. Vous avez dit reportée, tardive, catimini. Tardive. Sur les dix dernières années il n'y a pas eu de circulaire de politique pénale mais ça n'excuse pas. Tardive entre mai et septembre. Je comprends l'impatience. Souvent l'impatience ressemble à des déclarations d'amour. L'examen de cette politique pénale, en Conseil des ministres, madame, est un acte politique fort. Auquel j'ai tenu, auquel j'étais attachée. J'ai annoncé cette circulaire de politique pénale pour le mois de juillet, pour fin juillet. Je l'aurai publiée fin juillet, vous m'auriez accusée de l'avoir glissée pendant l'été. J'ai évité les plaies. Je suis revenue et dès le début de l'été j'ai tenu à ce qu'elle soit examinée en Conseil des ministres, adoptée en Conseil des ministres. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que cette circulaire générale de politique pénale est non seulement clairement l'affichage de la politique que je demande aux partis d'exercer non seulement mon engagement sans ambiguïté, non seulement enfin le choix politique de donner de la cohérence à la politique pénale dans ce pays, mais c'est en plus, l'engagement du gouvernement, c'est en plus l'approbation du président de la république. C'est-à-dire que c'est l'ensemble du gouvernement qui est engagé sur cette politique pénale. Ça valait quand même qu'on évite de le faire pendant l'été et juste de la chancellerie aux parquets généraux. C'est le choix que j'ai fait madame et, je veux bien qu'on comprenne que, on peut toujours faire, j'entends beaucoup cette formule à minima, et puis on peut faire clairement, fortement assumant, et assumant quoi ? Non seulement ses propres choix, non seulement les priorités qu'on indique, mais assumant aussi l'affrontement, la critique, le pluralisme démocratique, la divergence, y compris la mauvaise foi, y compris l'injure, y compris la calomnie, et j'ai eu mon compte... Vous avez dit qu'ils m'ont prise en tête de turc, il faut beaucoup d'imagination... je peux juste vous dire qu'ils n'ont pas fini, juste parce que mon travail n'est pas terminé... Donc cette politique pénale elle dit clairement, dans une première partie, que l'architecture des relations entre le garde des sceaux, les parquets généraux et les parquets est modifiée. Indépendamment de ce qu'autorise la loi modifiée en 2004 et qui attribue au garde des sceaux l'exercice de l'action publique, j'ai choisi de ne pas exercer l'action publique, parce que j'estime que dans une grande démocratie moderne telle que la France, ce n'est pas au garde des sceaux d'exercer l'action publique, donc indépendamment du code de procédure pénale, j'indique dans la circulaire que les parquets généraux sont chargés de l'animation et de la coordination de l'action publique des parquets, que les parquets sont chargés de l'exercice de cette action publique et que le garde des sceaux a la responsabilité de la politique pénale sur l'ensemble du territoire. C'est une exigence de l'égalité républicaine. Oui, le garde des sceaux doit assurer la politique pénale cohérente sur l'ensemble du territoire, que tout citoyen, où qu'il se trouve, où qu'il vive et quelles que soient les raisons qui puissent le conduire à recourir aux services de la justice, qu'il soit traité à égalité. C'est une responsabilité que le pouvoir politique doit assumer. Mais pour l'assumer, il faut bien savoir ce qui se passe sur le territoire et c'est ça le sens de la remontée de l'information. Oui, j'assume, pour prendre les bonnes décisions, pour anticiper les décisions d'organisations nécessaires, les besoins en affectation y compris provisoires ; un événement peut nécessiter avec un contentieux particulier, localement circonscrit peut appeler un besoin d'affectation particulier d'effectifs ou de moyens. Oui, il est important que le garde des sceaux, que la chancellerie ait connaissance de l'évolution des contentieux dans les juridictions, de la façon dont les procédures sont conduites, des difficultés auxquelles les juridictions sont confrontées. C'est le sens de l'évolution de la remontée de l'information. Elle ne remonte pas à moi dans mon bureau, mais dans l'administration. Et moi je tire de cette information les enseignements nécessaires pour avoir la politique la plus efficace possible, pour que nos juridictions soient correctement dotées, pour que la définition, par exemple, la transcription locale de la politique pénale générale soit le mieux ajustée possible, pour que la politique pénale demeure cohérente sur l'ensemble du territoire, et que la politique pénale locale par rapport à des délinquances ou contentieux particuliers, soit la plus pertinente possible. Avec ce dispositif totalement transparent, je lève toute interrogation sur ces instructions individuelles d'une part, et d'autre part je fais en sorte que notre service public de la justice fonctionne mieux.. Je ne vous ai peut-être pas convaincue mais j'en suis persuadée. En attendant une autre méthode de travail, qui serait au moins aussi efficace, il en sera ainsi. Cette politique pénale affiche très clairement la responsabilité du garde des sceaux sur la politique pénale territoriale, et exercice de l'action publique par les parquets. Animations par les procureurs généraux. Qui, vous le savez, ont la possibilité de décider de poursuites. Et donc de donner des instructions aux procureurs. La responsabilité est là. Et puis cette 2ème partie de la circulaire de politique pénale générale, énonce très clairement des principes directeurs. Très clairement. Le premier, c'est l'individualisation des procédures, des jugements prononcés, donc des sanctions, des modalités d'exécution de l'application. C'est clair et c'est une rupture. C'est une illustration de ma politique de rupture. Cette politique, cette circulaire, elle énonce très clairement que les procédures doivent être exécutées, en temps utile. Claires le temps utile. Vous êtes les meilleurs juges du temps utile. Des lois pénales et des ordonnés, des manipulations ces dernières années, ont accumulé le recours à certaines procédures en plus de dispositions à l'intérieur des lois pénales qui ont fait qu'on a abusé des comparutions immédiates. On a prononcé plus systématiquement des peines d'incarcération. On a aggravé les peines d'incarcération. On a compliqué l'application et l'exécution des peines. C'est le contraire de l'individualisation, c'est le contraire de la valeur ajoutée précieuse que le magistrat, par sa liberté d'appréciation apporte à l'œuvre de Justice. Cette circulaire dit très clairement et très précisément et malgré l'ambiance, malgré l'ambiance, elle dit qu'il faut limiter les prononcés de peines d'incarcération, aux strictes dispositions de la loi pénitentiaire de 2009. J'entends votre mécontentement. Il se trouve qu'au moins deux fois par semaine, je suis condamnée à entendre celui de monsieur Ciotti, clair sur la limitation du recours à l'incarcération. Il est question également du droit des victimes. Parce qu'effectivement, le pouvoir précédent a instrumentalisé les victimes. A instrumentalisé les victimes en les utilisant pour, comme vous l'avez dit, opposer les êtres les uns aux autres. Pour justifier des politiques pénales, des lois pénales extrêmement répressives, pour justifier la surpopulation carcérale, la seule peine possible, la seule peine concevable, c'est la prison. La seule responsabilité, la seule démonstration de responsabilité du pouvoir politique c'est de faire en sorte qu'on emprisonne. Et en même temps, ce pouvoir a réduit le budget consacré aux victimes et aux associations de victimes. Il n'a ouvert que 50 bureaux d'aide aux victimes dans nos tribunaux de grande instance. Nous allons en ouvrir dans tous les tribunaux de grande instance en une année ; en 2013 il y aura dans tous les TGI un bureau d'aide aux victimes. La circulaire demande aux procureurs de veiller à ce que les victimes soient informées correctement et notamment dans les procédures de comparution immédiate et de tenir les audiences de comparution immédiate à des horaires décents, d'informer les victimes. Nous avons travaillé très vite avec le ministère de l'intérieur mais il faudra créer les conditions pour que la défense s'exprime après le plaidoyer que vous fait sur le ministre de l'intérieur... pas « sur », « contre »...
Nous avons travaillé à une nouvelle répartition du fond interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD. Vous savez comment il était affecté ? 75% du FIPD était consacré à la vidéosurveillance. Dorénavant, 25% des fonds du FIPD seront consacré à la vidéosurveillance et les 75% seront affectés à la politique de la ville à l'aide aux victimes, aux permanences d'accueil des victimes dans les commissariats et les gendarmeries. Cela aussi c'est de la rupture. Y compris dans l'ambiance. Oui c'est de la rupture.
Dans cette circulaire, j'énonce très clairement et très précisément la spécialisation de la justice des mineurs.
Alors, j'entends bien votre impatience sur ces tribunaux correctionnels pour mineurs qui ne sont pas encore abrogés. Alors, je répète : j'aurais pu prendre en otage le parlement et faire inscrire en 5 semaines toutes les lois que je devais faire passer. Mais comme pour la réforme constitutionnelle, ou bien on attend le moment possible de la loi et il ne se passe rien avant, ou bien quand c'est possible il y a une loi tout de suite. Contre le harcèlement sexuel il a été possible de bousculer les calendriers et pourtant vous avec entendu protester députés et sénateurs contre la procédure accélérée, pas protester en fait pour le harcèlement sexuel mais dire attention aux tentations d' l'exécutif de recourir aux procédures accélérées. Ils ont consenti à la procédure accélérée pour le harcèlement sexuel parce que nous étions face à un vide juridique. Pour le reste, les textes de loi seront inscrits, seront adoptés. Et en attendant qu'ils puissent être inscrits et adoptés, je prends toutes les mesures réglementaires qui sont possibles. Je vous affirme qu'ils seront inscrits et adoptés. Et j'ai bien entendu lorsque vous dites, mais attention en 1981, en 6 mois, on a abrogé la peine de mort, on a abrogé les juridictions d'exception, on a abrogé les tribunaux militaires. Oui, exact mais ne comparons pas l'abolition de la peine de mort avec l'abrogation des tribunaux correctionnels pour mineurs ou même des peines planchers, et la rétention de sûreté. ( question inaudible d'auditeur) Non, je ne crois pas, dans la peine de mort, il y a un absolu sur lequel personne ne peut revenir.
Sur la rétention de sureté, dont j'ai déjà dit qu'elle sera abrogée, en l'abrogeant on lève une pesanteur philosophiquement et juridiquement inadmissible. Mais sur des personnes vivantes. Il y a un caractère absolu de l'abolition de la peine de mort, qui ne peut pas être comparé avec d'autres sanctions. Et au moment où la France est aussi active dans la coalition mondiale pour l'abolition de la peine de mort dans le monde, je pense qu'il est bien que nous fassions les différences nécessaires. Je ne crois pas que l'on puisse inscrire dans l'histoire toutes les abrogations qu'on imagine, toutes les abolitions qu'on imagine. Ce que je souhaite ça n'est pas, je l'ai dit, ma politique de rupture c'est un changement de perspective, ce n'est pas juste modifier et réparer, corriger de mauvaises mesures passées. Je veux face à cela, remplacer ce que le président du CNB appelle la rage sécuritaire par une politique pénale cohérente et responsable. Et l'important, bien sûr est d'abroger et les abrogations annoncées le seront. Mais le plus important, et bien la construction d'une politique pénale cohérente et responsable. Et c'est ce travail que nous faisons. Oui, là où le pouvoir règlementaire me permettait de prendre des dispositions je les ai prises. Contre les peines planchers, j'ai abrogé la circulaire précédente. Il faut abroger la loi aussi. Mais plutôt que d'attendre que la loi soit abrogée, j'ai déjà abrogé la circulaire précédente. Et j'estime que c'est une mesure qui devait être prise. Donc voilà la méthode, madame. Elle peut ne pas satisfaire, elle peut être perçue comme des retraites, des renoncements, le temps dira, le temps démontrera. Je vous ai trouvé particulièrement sévère. Mais alors qu'est-ce que les autres gardes des sceaux doivent prendre, quand j'y pense (Rires). Qu'est-ce qu'ils ont pris les années passées ? Venir se soumettre au sadisme, c'est quand même du masochisme (Rires). J'ai relevé vos nuances aussi. Vous revenez sur une vieille querelle qui a eu lieu en mai ou juin avec le Conseil supérieur de la magistrature. Je crois que tout cela est passé. Je crois que tout cela est passé, il y a eu un compte rendu qui effectivement a parlé d'un retrait d'ordre du jour alors que c'était un retrait de proposition. On a voulu en faire une montagne. Il y avait des raisons, extérieures au fait lui-même, qui faisait qu'on en faisait une montagne. C'est ainsi qu'on marque les rapports de force. Moi aussi je marque les rapports de force. Et j'entends, puisque le garde des sceaux a un pouvoir de nomination, de proposition, c'est le Président de la République qui a le pouvoir de nomination. Puisque le garde des sceaux a un pouvoir de proposition, j'entends assumer ce pouvoir de proposition. Encadré par la loi. Par la Constitution, par la loi organique et par le décret. Encadré, exercé et pleinement assumé. Une fois que les rapports de force sont posés nous travaillons. Et je crois que l'important sur cet incident c'était ça. Je sais que les syndicats ont vécu une tentative, l'ont vécu comme une tentative de désinformation. La querelle, elle n'était pas entre le garde des sceaux et les syndicats, elle était un peu ailleurs. Et pour ma part, je l'ai bien traité là où elle se trouvait. Et donc les choses se font, selon les règles. Vous avez abordé le sujet important de la délinquance économique et financière, en disant que là non plus rien n'a été fait. J'étais en train de me dire, en écoutant tous les points sur lesquels, où rien n'a été fait, j'étais en train de me dire deux choses. La première est qu'il y a là une grande injustice. Pas à mon égard, je suis une responsable politique. Accepter la responsabilité politique c'est accepter l'incompréhension, la critique, les coups les mécontentements, les contradictions, c'est accepter tout cela. Mais, à l'égard de tous ceux qui travaillent et depuis le 17 mai je peux vous assurer que cabinet et administration travaillent et il y a des tas de choses qu'il faut faire dans le fond. Alors je sais que ces cinq dernières années nous avons eu droit à du tapage. Et qu'avant même que les choses ne soient faites, avant même parfois qu'elles ne soient pensées, elles faisaient l'objet de déclarations, de débats et de feuilletons. Je veux travailler dans le fond et sur le fond. Et des choses qui sortent nécessitent du travail, la fameuse circulaire, je peux vous dire, je crois que tout le monde a fini par le savoir parce qu'il y a eu un petit incident médiatique. Mais il y a eu 12 versions de la circulaire. Un peu plus que 12 versions de la circulaire. Parce que cela va cela vient et que je ne suis pas d'accord avec cette virgule là et que je ne suis pas d'accord avec ce mot là. Et puis j'ai un doute sur cela. Voilà. Le jour où elle sort, vous n'êtes pas contents, parce que c'est tardif. Parce que bon mais voilà ce sont des semaines de travail. Donc le travail se fait, madame, et cette injustice je voulais la relever, même si je conçois bien volontiers qu'elle ne soit pas intentionnelle mais je veux la relever, le travail se fait. Sur la délinquance économique et financière, oui là aussi j'ai fait des déclarations claires et sans ambiguïté. Je suis trop longue monsieur le président ? (Rires) J'avoue que je prends mes aises ce qui est très étonnant, mais il faut croire que l'ambiance hospitalière compense un peu les déclarations guerrières. (Rires et applaudissements) Sur la délinquance économique et financière il a fallu d'abord faire un diagnostic. Le diagnostic de la situation c'est évidemment les discours, les déclarations intempestives de l'ancien Président de la République qui avait clairement dit qu'il allait dépénaliser le droit des affaires. Il ne s'est pas contenté de déclarations. Il a impulsé, inspiré ou pris lui-même un certain nombre de dispositions. Et nous avons bien vu, et le diagnostic le pose très précisément, nous avons bien vu comment les juges d'instruction ont été progressivement dessaisis ou en tout cas pas saisis pour des informations judiciaires et que ce sont plutôt des enquêtes préliminaires qui sont restées planquées. De sorte que nous avons pu constater une chute de 90% des informations en trois ans. Un peu plus d'une centaine d'affaires en 2006, plus que 10 en 2009. Très efficace. Ensuite la RGPP. La RGPP qui a fragilisé l'administration qui détecte les fraudes et la concurrence et qui a été de moins en moins en capacité de faire des alertes, des alertes et des signalements. Et puis, cette intention, très clairement proclamée mise à mal grâce à vous, grâce à la mobilisation de tout le milieu judiciaire, de la suppression des juges d'instruction. Il a fallu poser le diagnostic, mesurer les choses, pour voir la répartition des juges d'instruction et décider. D'abord préparer la décision. Et ensuite décider. Préparer la décision j'ai eu une séance de travail avec le ministre de l'Intérieur. Pour signaler que les enquêteurs spécialisés n'étaient pas en nombre suffisant. Il nous faut des enquêteurs spécialisés je peux dire que je poursuis la délinquance économique et financière mais si ceux qui doivent faire le travail ne sont pas formés, ne sont pas spécialisés ne sont pas en effectif suffisant, oui là j'aurai fait des déclarations et pas agi. Donc cela ça se prépare et c'est préparé. D'un côté c'est un travail avec le ministère de l'Intérieur pour les enquêteurs spécialisés et par ailleurs une remobilisation du Service central de prévention de la corruption, qui relève à peu près de la Chancellerie. Il y a des liens, des liens très serrés, il y a des liens plus distendus. Mais qui, voilà, avait des rapports très distendus avec la Chancellerie. Donc une remobilisation du Service central de prévention de la corruption. Ça c'est la préparation et pour l'action, le recrutement de juges d'instruction. Décider de recruter une dizaine de juges d'instruction. Premier signal. Ensuite, préparation effectivement du texte de loi qui au-delà de la jurisprudence, va préciser les dispositions pénales concernant le droit des affaires. Donc la délinquance économique et financière ainsi que la corruption, et un travail européen très intense puisque j'ai déjà participé à deux Conseils européens, m'impliquant très fortement dans une directive concernant la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, la lutte contre la fraude à la TVA, parce qu'il y a un véritable carrousel sur la TVA, il y a une fraude très organisée, qui permettra les luttes contre les contre façons, qui permettra d'organiser, de façon à les prendre en tenaille, tous ces génies de la corruption, et de la délinquance économique et financière, et préparer la mise en place du parquet européen. C'est un combat grandiose, mais qui n'est pas encore gagné. Voilà donc ce qui est fait pour la délinquance économique et financière et qui va monter en charge au fur et à mesure mais c'est un travail qui n'est pas visible, j'en conviens. Et sur lequel il n'y a pas de raisons que je communique tous les jours. Merci de m'en donner l'opportunité mais il n'y a pas de raison, à part le fait que au moment de mon budget j'ai déclaré que je choisissais de recruter dix juges d'instruction et que je faisais travailler sur les conditions, les modalités de mise en œuvre de la collégialité. Voilà. Pour le reste le travail se fait, et il se fait aussi sérieusement que nécessaire. Sur la Justice des mineurs, je l'ai dit, d'abord c'est une priorité du Président de la République. D'abord c'est une priorité qui me paraît, à la fois tellement facile, difficile. Facile à accepter, difficile à mettre en œuvre. Mais belle et indispensable. Donc sur la Justice des mineurs, déclarations, rien n'a été fait. Non madame. La jeunesse est bien une priorité. Une priorité assumée, parce qu'elle se traduit budgétairement. Affirmer la spécialisation de la Justice des mineurs. Rappeler les principes de l'ordonnance de 1945. Spécialisation, primauté de l'éducatif, individualisation, suivi, et suivi de la prise en charge. Et je fais travailler, sur la tranche 18-21 ans et sur la tranche 21-25 ans. Parce que je n'accepte pas le couperet de la prise en charge de l'accompagnement, déjà une fois qu'ils entrent dans l'âge adulte. Donc ce travail est en cours. Et ces résultats nous permettront de, j'allais dire nettoyer, en tout cas simplifier, clarifier l'ordonnance de 1945, qui a été manipulée, modifiée, fragilisée. Je fais travailler également sur la césure du procès pénal. Parce que j'estime qu'il est important que les jeunes comprennent ce qu'ils ont fait, et ce qu'il leur arrive. Et ça se fait à plusieurs niveaux. Déjà, avec des éducateurs. Et je choisis de recruter des éducateurs. Sur les 500 postes dont j'ai obtenu la création pour 2013, 1500 sur le triennal. 500, 500 ça a l'air banal comme ça, 500. Mais je rappelle que c'est dans un budget global stable. Celui de la Justice augmente de 4,3%, j'en conviens, ce n'est pas le Pérou. Mais c'est une augmentation dans un budget public stable. Et avec des effectifs de la fonction publique stable. Une augmentation pour la Justice de 500 postes en 2013. Sur ces 500 postes je consacre 205 au recrutement d'éducateurs et de psychologues. C'est un choix affiché de la priorité pour les mineurs. Pourquoi ? Pour que les éducateurs puissent prendre en charge les mineurs le plus tôt possible. Parce que c'est le souhait des juges pour enfants, et c'est nécessaire. Et nous espérons dès 2013, avec ces 205 éducateurs, faire en sorte que la prise en charge se fasse dans les cinq jours. La répartition se fera sur le territoire, selon les ressorts, de façon à ce que nous obtenions sur l'ensemble du territoire cette prise en charge dans les cinq jours. Je vais suivre cela de très près. Nous allons en voir éventuellement les freins, les mécanismes, tout ce qui ferait que nous n'y arrivions pas. Mais avant même que la loi ne le rende obligatoire en janvier 2014, la prise en charge des mineurs se fera dans les cinq jours. Donc il y a cette prise en charge. Il y a la nécessité avec la formation des éducateurs - et nous sommes dans la 60e année de la création de l'Ecole de la Protection judiciaire de la jeunesse, même si elle a été établie sur une autre base et est devenue une école en tant que telle - la prise en charge des éducateurs : que les éducateurs eux-mêmes comprennent bien qu'il est important de conduire le mineur vers le respect, le respect de lui-même, le respect des autres, le respects des lois. Permettre au mineur de comprendre que l'éducation n'est pas une menace, l'éducation n'est pas une sanction y compris lorsqu'elle fait parte si elle fait partie de la sanction, que l'éducation doit être reçue pour soi, en soi, parce que l'éducation est une source de liberté et parce que l'éducation est une condition d'autonomie. (...)
(...) Conduire le mineur à comprendre qu'il doit réparer : réparer vis-à-vis de la société, réparer vis-à-vis des victimes, réparer vis-à-vis de lui-même. C'est un travail qui ne se fait pas exclusivement au Parlement avec des lois. C'est un travail qui relève de la politique publique en faveur des mineurs, et qui se tisse tous les jours. Et que je conduis avec l'école qui forme les éducateurs, mais avec la protection judiciaire de la jeunesse - qui je le rappelle a perdu 600 postes ces six dernières années. Et cette politique pour les mineurs est en œuvre ! Oui, nous allons supprimer les tribunaux correctionnels pour mineur ! Oui, nous allons le faire lorsque le temps sera venu. Je peux vous dire que ce ne sera pas si loin que cela. Le temps sera venu pour inclure, à la fois les abrogations nécessaires (tribunaux correctionnels pour mineurs, peines plancher, rétention de sûreté...), mais aussi pour inscrire dans la loi les dispositions essentielles de la politique pénale. Et c'est dans ce sens que la conférence de consensus a été mise en place. Non, la conférence de consensus ne fait pas le printemps, Madame. Même si elle se tiendra au printemps d'ailleurs. Mais cette conférence de consensus c'est un pari. C'est un pari ! C'est le choix de la rigueur. C'est une méthode que l'on connait bien dans le milieu médicale - et s'il y a bien un milieu où il faut de la rigueur, c'est le milieu médical. C'est une méthode qui consiste à considérer que la politique pénale est tellement importante, la façon dont la société décide de punir est si fondamentale, qu'il nous faut construire un consensus. Un consensus sur que l'on sait, sur ce que nous, nous savons, sur ce que nous avons pu conduire, sur ce que d'autres savent, sur les expériences qu'ils ont conduites, sur la façon dont ils ont évalué leurs expériences. Un premier consensus sur celui-là. Ensuite un consensus sur la peine, sur le sens de la peine, sur l'utilité de la peine. C'est ça, la conférence de consensus. Alors on peut considérer qu'un ministre a un savoir tellement étendu qu'il est en capacité de dire que « voilà, c'est ce qu'il faut ». On peut considérer que l'ambiance dans le pays est telle, que l'on confirme que parce qu'il y a eu un incident hier, il faut recommencer à incarcérer à tout-va. Et puis on peut choisir aussi, pardon de le dire ainsi, le courage politique. On peut choisir aussi de participer à la société. D'avancer avec la société. De tirer la société et de se faire porter par la société. Et c'est cela la conférence de consensus : la rigueur, le savoir, les expériences, l'évaluation. Mais surtout, l'acceptation du fait que dans une démocratie, nous devons construire d'abord des compromis, accepter la pluralité, accepter la divergence de vue, mais arriver à formuler les enjeux essentiels de telle façon que nous parvenions à rassembler, y compris des opinions divergentes sur d'autres sujets, mais capables sur l'essentiel de percevoir l'intérêt général, de percevoir le chemin commun possible pour le bien de tous. Et c'est cela l'ambition de la conférence de consensus. C'est un risque et c'est un pari. C'est un risque parce vous je me bats pour faire accepter le principe d'une conférence consensus et vous arrivez gentiment, derrière, pour me dire « ça ne fait pas le printemps ». C'est un risque qu'on mécontente partout : ceux qui ne veulent rien faire, ceux qui veulent aller très vite. Mais c'est un pari. Je crois le consensus possible. Je sais qu'il demande des efforts, je sais qu'il demande des méthodes. Je sais qu'il demande un peu de temps, je sais qu'il demande de la subtilité diplomatique. Je sais qu'il demande aussi l'effort de chacun sur lui-même. Parce que le comité d'organisation de la conférence de consensus est composé de personnalités... oui... pardon de le dire, vous en connaissez quelques-unes. Alors cela ne doit pas être pacifique tous les jours. Mais c'est le pari que j'ai choisi de faire. Donc la conférence de consensus est un choix et est une volonté qui va irriguer la politique pénale.
Sur la justice des mineurs, je vous le disais, - parce que la conférence de consensus va compter aussi pour la justice des mineurs - pour la justice des mineurs, pour les magistrats qui sont dans la salle ; il y a l'importance de la diversité des réponses. Et je suis attachée à la diversité des réponses, quelques soient les procès que vous m'avez fait. Je suis attachée à la diversité des réponses. Parce que j'accepte, et je me réjouis même de la diversité des jeunes pris en charge par la justice. Je suis contente que chaque jeune soit singulier, je serai effrayée d'une société où les gens se ressemblent et où, en tout temps et en toute circonstance, on aurait une réponse unique pour tout. Il faut donc mettre à la disposition des juges pour enfant une diversité des solutions et des réponses possibles. C'est-à-dire déjà, le maintien en famille chaque fois que c'est possible. Ensuite le milieu ouvert dans toute sa diversité. Et vous avez omis de dire que j'ai mis un terme à la transformation de foyers classiques en centres éducatifs fermés. [Et cela m'a rapporté quand même quelques... caresses...].
La diversité des réponses sur les CEF. Donc je répète : maintien en famille, milieu ouvert, EPE, les foyers classiques - toutes les formes que l'on connait - les familles d'accueil, dont j'ai augmenté le nombre pour cette année 2013, dont je vais augmenter la petite indemnité, qui n'est pas une rémunération parce que donnent les familles d'accueil, ce qu'elles apportent au jeune que l'on installe chez elles n'a rien avoir avec la petite indemnité de la journée. Donc cette indemnité sera revalorise mais en restant ce qu'elle est : une indemnité. Ce qui permet de reconnaitre la qualité du travail fourni par les familles d'accueil. Je fais en plus étudier une modification statutaire éventuellement puisqu'il y a une demande pour que ces familles d'accueil soient alignées sur les familles qui dépendent des Conseils généraux. Je fais étudier la faisabilité car je ne veux pas faire des promesses que je ne serai pas en mesure de tenir.
Donc diversité des réponses et parmi les réponses : les CEF. Ils existent été le président de la République s'est engagé à les doubler. Vous avez trouvé mon communiqué penaud... c'est la première fois de ma vie qu'on me dit que je fais quelque chose de penaud. Le président s'est engagé à les doubler. Et Monsieur Ciotti passe son temps à me dire que je ne vais pas les doubler, à la cadence à laquelle je suis partie. Mais je ne mets pas en cause l'engagement du président de la République. Mais vous l'avez dit quand même, j'ai mis une inspection sur les CEF. Les CEF sont une réponse ; ce qui est scandaleux, inadmissible et imbécile pour dire les choses clairement, c'est cette focalisation sur les centres éducatifs fermés. C'est le fait de faire que, à la limite, une incivilité d'un adolescent mériterait qu'on le mette en centre éducatif fermé. C'est ça l'imbécilité. Mais que les centres éducatifs fermés constituent, prennent leur part dans la palette des réponses qui est mise à disposition. Je rappelle que l'ensemble des centres éducatifs fermés a une capacité d'accueil d'environ 500. Ça n'est même pas 5% des jeunes qui sont pris en charge. Simplement il y a une posture idéologique qui fait qu'on concentre le débat sur les mineurs autour des centres éducatifs fermés. Et si nous y plongeons nous aussi, nous inscrivons notre propre défaite. Donc il n'y a pas : soit tout le débat se résume aux centres éducatifs fermés, soit on ferme tous les centres éducatifs fermés. Il est possible entre les deux, de choisir l'intelligence, la clairvoyance, l'efficacité mais avec rigueur. D'où l'inspection d'où m'examen des méthodes, d'où a prise ne compte de la diversité voire de la disparité des modes de fonctionnement et, même pour tout dire, des publics qui sont accueillis en CEF. Parce que ça, c'est un gros problème : est-ce qu'en CEF on trouve les publics, les jeunes dont le comportement, les circonstances où ils ont agi, l'efficacité éducative pour les sanctionner par rapport à l'acte qu'ils ont accompli, est-ce que la meilleure réponse c'est le CEF ? Ça, c'est une vraie question. Question inversée : est-ce que dans les CEF, on trouve bien des jeunes qui répondent à ce que je viens de dire ? Donc c'est ça les sujets. Et la réponse viendra mi-janvier et je vous en ferai part. Que nous discutions de ce rapport. Nous aurons déjà une connaissance sinon exhaustive, au moins élaborée de ce qui se passe dans les CEF : sur leur répartition territoriale, sur leur fonctionnement, sur leurs méthodes, sur leur résultats. Nous aurons tout ça et nous pourrons en débattre.
Sur la justice des mineurs donc, l'engagement est là, il est clair, il est fort, parce que tout simplement, la jeunesse est notre avenir. Ça devient banal de le dire. Mais il n'est pas banal de traduire cette conviction par un certain nombre d'actes législatifs, juridiques, administratifs. Et ce que j'ai choisi de faire. En plus de cette inspection sur les CEF, je suis en train de nommer un parlementaire en mission de façon à analyser ce qui s'est passé ces dernières années sur la protection judiciaire de la jeunesse. Cela me parait indispensable. Donc, ce parlementaire travaillera à peu près six mois, en tout cas dans un maximum de six mois, de façon à tirer une évaluation de l'application de la loi de mars 2007 qui a recentré la protection judiciaire de la jeunesse sur le pénal de sorte que l'éducatif fait par la justice se fait dans un cadre pénal. Il y a besoin de voir ce que l'on peut vraiment en tirer, ce qui est vraiment d'efficace et ce qu'on pourrait éventuellement changer. Je demande également à ce parlementaire de regarder quel a été l'impact de la RGPP bien entendu parce que la perte de 600 emplois, ça marque quand même la petite administration d'environ 8500 personnes. La réorganisation territoriale des directions de la PJJ aussi doit aussi nous permettre de savoir et de comprendre comment cette administration s'est organisée et comment elle reste opérationnelle auprès des jeunes. Et puis le travail local. Le travail local avec les autres partenaires, avec les autres directions du ministère de la Justice parce que le service public de la Justice est UN service public et qu'il faut bien qu'on comprenne que tout le monde travaille ensemble, tout le monde travaille en articulation, en harmonisation et en optimisation des interventions de chacun. Donc je demande à ce parlementaire de faire ce travail.
Sur le reste, je vais beaucoup plus vite. Vous avez parlé de la justice civile. Non, vous avez plutôt parlé de la justice commerciale, en disant là aussi que rien n'était fait, malgré des scandales. UN, il y a une circulaire qui date de juin 2012. Juin ! Juin ! 21 juin 2012 ! Tiens c'est le jour de la Fête de la Musique. Une circulaire en juin 2012. Une mobilisation des parquets sur les procédures collectives. Un travail de fond, de fond vraiment, c'est-à-dire avec le gouvernement en interministériel, avec toutes les professions. J'ai personnellement reçu au moins deux fois les représentants de toutes les professions (de l'économique et du commercial). J'avais reçu avant cela, toutes les organisations syndicales. Je reviendrai là-dessus. Mise en place d'un certain nombre de dispositifs. Hier encore, j'ai reçu le président des juges consulaires. Evaluation déjà engagée de la loi de 2005 pour améliorer la détection et la prévention. Examen et évaluation du décret qui définit les modes de rémunération des mandataires et des commissaires. Tout ce travail se fait. Il n'est pas visible mais il se fait. Engagement de dispositions modifiant et rendant obligatoire - ce sera une loi, nous sommes en train de la préparer - la formation des juges consulaires. La mise ne place à la fois d'un dispositif de règles déontologiques et d'un comité de contrôle déontologique. Ce sont des choses qui sont en train de se faire. Je ferai spécialiser des magistrats sur des contentieux et sur les procédures collectives, sur des contentieux économiques et financiers et sur les procédures collectives. Je ferai spécialiser des magistrats. Je suis en train de modifier le code de l'organisation judiciaire pour pouvoir spécialiser des magistrats. Je travaille à l'éventuelle spécialisation de juridictions. Je fais examiner et expertiser pour voir si on va gagner en efficacité sur la spécialisation des juridictions commerciales. Je fais regarder leur répartition sur le territoire, à la fois du point de vue l'efficacité mais aussi de la proximité, notamment pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises. Voilà le travail qui est fait. Je conviens qu'il n'est pas très visible mais il est fait. Il occupe beaucoup de temps et de l'énergie.
Je vais quand même vous dire quelques mots sur la justice civile parce que, je trouve que, très souvent, on l'ignore ou on l'oublie, alors qu'elle couvre 70% de l'activité judiciaire. Et elle est essentielle ! Parce que c'est la justice du quotidien. Parce que c'est la justice, lorsque je dis que le service public de la justice est l'Etat qui protège le faible et le vulnérable, c'est cela, dans le quotidien : le contentieux de la famille, le surendettement, le handicap, les pensions, l'aide sociale, le logement. Cette justice du quotidien, qui a été mise à mal avec la réforme de la carte judiciaire - sur laquelle je travaille avec déjà une première séance qui a eu lieu au Sénat, avec des expérimentations que je suis en train de lancer sur un certain nombre de juridictions pour redéfinir les périmètres de contentieux de cette justice civile - mais surtout pour assurer de la proximité, pour introduire quelques réforme pour ajouter à l'efficacité de la justice. C'est un travail important qui se fait, avec quelques chantiers, mais j'ai aussi veillé à donner quelques moyens : des moyens matériels, des moyens logistiques, et à procéder à des recrutements. 142 recrutements pour la justice civile, dont 50 recrutements pour les tribunaux d'instance. Et vous savez qu'il était prévu que les juridictions de proximité soient dissoutes, sauf qu'aucunes dispositions n'a été prises. Donc les juges d'instance ses seraient retrouvées à partir de janvier 2013 avec tous les contentieux qui sont traités par les juridictions de proximité. J'ai fait évaluer : il aurait fallu avoir créé en 2012 110 postes de magistrats dans les tribunaux d'instance pour permettre l'absorption des contentieux des juridictions de proximité. Cela n'a pas été fait. Eh bien je mets un terme au désordre. Hier au Sénat, nous avons décidé de différé pour deux ans le maintien des juridictions de proximité et pendant ce temps j'aurais procédé à la réforme en matière de périmètre des contentieux dans la justice civile, nous aurons réorganisé les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance, nous aurons mis en place les expérimentations sur les tribunaux de 1ère instance, nous aurons développé les guichets uniques de greffe, là où c'est nécessaire, et par conséquent il sera possible d'absorber les contentieux qui sont actuellement traités par les juridictions de proximité en sachant que les juges de proximité vont demeurer mais qu'ils faudra les former, y compris aux applications informatiques, qu'il faudra les former aux nouveaux travaux qu'ils auront à effectuer au sein des TGI, et notamment la préparation à la rédaction d'instructions pour les greffes et quelques autres documents de cette nature. Donc ce travail est fait.
Pour le reste, il y a quelques chantiers que vous connaissez : le mariage pour tous que vous trouvez « a minima » et vous me mettez dans le lot de je ne sais quels réactionnaires... Je répète, la responsabilité politique c'est fait pour mécontenter tout le monde. Donc, le Gouvernement a un projet de loi dont le périmètre a été défini et arbitré. Heureusement que, dans une démocratie, il y a un certain nombre de règles. Et lorsqu'il y a un projet de loi du Gouvernement, c'est un projet de loi du Gouvernement. Le président de la République avait pris un engagement. Cet engagement c'était l'ouverture du mariage aux couples homosexuels. L'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels. Le projet de loi c'est cela. Qu'il y ait 1000 personnes (enfin 1000 personnes c'est une façon poétique de le dire), qu'il y ait des personnes qui ne le trouve pas suffisant, mais bien sûr ! Qu'il y e n a qui pensent que c'est une hérésie, un scandale : aussi ! C'est l'engagement du président de la République, c'est l'arbitrage du Gouvernement et c'est le texte du Gouvernement. Après il est possible de souhaiter y inclure d'autres sujets qui sont liés directement ou indirectement au mariage et à l'adoption. Enfin, je parle à des magistrats. Le mariage et l'adoption, c'est le code civil, c'est le code de la personne, c'est le code des libertés, c'est le code des droits, des obligations. Nous modifions le code civil. Qu'on y inclut des dispositions qui relèvent du code de la Santé, ça n'est pas interdit. Il y a juste un risque constitutionnel, mais ce n'est pas interdit. Mais, ne dévitalisons pas une réforme - qui, je le pense est une très belle réforme qui heurte, qui choque, qui étonne, qui déstabilise et qui a contracté aussi enthousiasme, transporte -. Ne dévitalisons pas parce qu'on considère que ça y est, puisque c'est un engagement, que c'était comme si c'était fait, et quelle est l'étape suivante ? Eh bien les étapes suivantes viendront. Peut-être au moment du débat de la loi, si le Parlement en décide. Et puis peut-être, après l'adoption du texte, si le Parlement ne décidait pas d'inclure - la France serait par exemple la seule à inclure la PAM, vous ne l'avez pas cité, mais je suppose que c'est cela que vous trouvez qu'il manque dans le « a minima ». La France serait le seul pays à inclure la PMA dans un texte sur le mariage et l'adoption. Aucun autre pays ne l'a fait. Simplement parce que dans les autres pays aussi, il y a un code civil et il y a un code de la santé publique. Maintenant la France peut décider de le faire. Mais le président de la République avait un engagement. Le Gouvernement porte l'engagement du président de la République. Je veux bien que cela ne soit pas satisfaisant... je préfère que vous ne trouviez pas satisfaisant des engagements qui sont différés. Quant à m'entendre- vous ne m'entendez « pas assez » - je le prends avec un peu de vanité. Je me fais entendre là om il faut, Madame. Le jour où j'estimerais qu'il est nécessaire de me faire entendre ailleurs sur d'éventuels désaccords, j'en tirerai toutes les conséquences. Je vous ai entendu dire que d'une certaine façon, la Justice est redevenue le satellite du ministère de l'Intérieur. Est-ce qu'il n'y a que deux schémas possibles ? Un schéma de domination et un schéma de guerre ? Nous avons choisi de travailler ensemble, avec toutes les difficultés que cela suppose, en nous parlant aussi souvent que nécessaire, en affichant, d'abord pour nos administrations, d'abord pour nos équipes, d'abord pour les fonctionnaires qui relèvent de notre autorité, en affichant une relation de travail entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice. Le ministère de l'Intérieur a une mission institutionnelle, claire, qui a été un peu brouillée ces dernières années, une mission de l'ordre public liée à l'exercice des libertés publiques. La Justice a une mission constitutionnelles, claire, constitutionnelle, et la Justice garantit les libertés individuelles. Vous ne m'entendez pas sur certains sujets ? S'il advient un jour qu'il soit nécessaire qu'on m'entende ailleurs que là où on m'entend, on m'entendra Madame. Je n'ai aucune raison de faire la guerre tous les jours. Je suis partie prenante de ce Gouvernement. Je veux le succès de ce Gouvernement. Pas pour le mettre à l'actif du Gouvernement mais parce que cette société a été trop ébranlée, parce que les inégalités ont trop progressé dans ce pays, parce que les injustices sont trop flagrantes, parce que le désespoir guette et parce que lorsqu'on est un responsable politique, si on n'est pas capable d'affronter ces difficultés et de conserver la ligne d'horizon, de savoir où on veut conduire la société, et d'accepter les vicissitudes que l'on rencontre sur le chemin. Si l'on n'est pas capable de faire cela, on s'exil dans le désert du Tahar lari. Donc, je veux le succès de ce Gouvernement. Et je mènerai à l'intérieur toutes les batailles nécessaires. Et j'ai presque envie de vous dire qu'il m'arrive d'en mener contre moi-même. Parce que je ne crois pas que mon tempérament soit un secret d'Etat. Mais je veux le succès de ce Gouvernement pour ces raisons-là. Alors il y a sans doute des choses à améliorer, il y a même pas mal des choses à améliorer. Il y a, je ne dirai pas des équilibres à trouver mais une capacité à mettre en place des méthodes innovantes et efficaces. Et puis il y a, j'ai envie de dire, vous aussi, quand même. Parce que nous avons une opinion publique, qui, par moment, a une humeur qui s'exprime dans un drôle d'état. Que pense-t-elle ? Que ressent-elle ? Que perçoit-elle et que veut-elle ? Et tout ce qu'elle veut, devons-nous y consentir ? Il y a donc toute une effervescence à remettre dans cette société. Je parlais de la défaite culturelle. Moi je prends acte de la défaite culturelle parce que c'est la condition pour la surmonter. Je prends acte que les valeurs qui ont construit l'identité de cette société française sont non seulement remises en question mais qu'elles sont parfois très clairement et très explicitement reniées. Je prends acte de tout cela parce que je crois qu'il nous faut repartir à la conquête de l'opinion publique. Lui redire qui elle est, quelle est son histoire, ce que les français ont su faire dans l'adversité, ce qu'ils ont inventé, et chaque fois que l'essence même de leur identité forgée par la culture, forgée par l'histoire, forgée par l'histoire politique, chaque fois que cette essence même de leur identité a été mise en péril, il s'en est trouvé pour se redresser. Il faut savoir le leur dire. Il faut le leur dire. Pour les arracher à la torpeur des égoïsmes qui ont été inculqué ces dernières années. Des frayeurs, des paniques, des lâchetés aussi qu'on instillé ces dernières années. Il faut savoir le dire. Et c'est pour ça que ce gouvernement doit réussir profondément et durablement. Et c'est pour ça que je fais ce travail avec toute cette ardeur et tant pis lorsque je dois être confrontée à des incompréhensions. Tant pis si les critiques sont injustes. Tant pis pour toutes les difficultés auxquelles je dois être confrontée, parce que si nous réussissons, mon bonheur personnel sera tellement grand qu'il ne restera plus aucune place de toutes ces vicissitudes. Je vais en terminer parce que je me rends bien compte que j'abuse de vous pour vous dire simplement que je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. J'espère vous avoir convaincu, d'abord du cap que j'entends suivre, des valeurs qui inspirent ma politique, du respect que j'éprouve pour vous, pour le travail que vous effectuez au quotidien. De ce qui reste à faire, de ce qui est inachevé et que nous achèverons. De ce que peut-être nous ne pourrons pas achever. Du sens de l'action que nous menons ; vous avec parlé des 35 euros. Vous êtes vite passé sur l'engagement que j'ai pris de les supprimer en 2014 mais vous vous êtes un peu appesanti sur le fait que ils ont été maintenu, alors que depuis le mois de juin je bataille pour qu'on me trouve des solutions simplement parce que les 35 euros alimentent l'aide juridictionnelle à hauteur de 65 millions d'euros et que je ne les ai pas trouvé ailleurs et que réduire l'aide juridictionnelle de 35 millions d'euros, c'était réduire la capacité de venir en aide à des personnes qui ont un revenu faible parce que le niveau de revenu est même plus bas que le seuil de pauvreté. Donc j'ai mis en place un groupe de travail qui travaille sur déjà trois pistes j'espère pour 2014 mais j'ai même déjà déclaré qu'éventuellement je vendrais les bijoux de la chancellerie... j'ai découvert entretemps que les chandeliers ne sont pas en or massif...
Le sens des actes : supprimer les 35 euros ça fait beaucoup de sens parce que c'est revenir à l'accès gratuit au juge. Parmi les procédures qui sont exonérées, il n'y a pas le droit du travail. J'espère que vous savez que j'ai diffusé une circulaire pour une interprétation plus conforme de la loi concernant l'audiencement dans le cadre du conseil des prud'hommes pour les personnes qui ont fait la demande d'exonération des 35 euros. Je n'ai pas pu faire et je ne pourrai pas faire, au moins dans le triennal, au moins pour l'année 2013, un certain nombre d'efforts que je souhaitais faire. Il faut connaître par exemple que les fonctionnaires de catégorie C n'ont pas vu leur salaire revalorisés depuis une dizaine d'années, c'est proprement scandaleux. J'aurais souhaité pouvoir le faire dès cette année 2013 parce que parmi les messages que donne un gouvernement de justice sociale, il y a d'abord celui-là comme pour les 35 euros. Il y a des efforts d'indemnités qui peuvent être fait dans le budget 2013. En 2014 je pourrai en faire pour les fonctionnaires de catégorie C, en 2015 pour les greffiers qui sont très maltraités aussi depuis très longtemps. Donc, je sais les insuffisances, je connais le rapport de la CEPEJ, je vois le président d'ailleurs dans la salle. Je comprends l'impatience, je vois la nécessité de tout réparer très vite, dans quelques mois. De tout faire. De tout refaire. De tout arranger. De tout réussir surtout. Je comprends, mais il nous faudra faire avec le temps. Aussi vite que nécessaire, aussi vite que possible mais avec un peu de temps pour faire bien.
J'ai été très attentive aux mots que vous avez utilisés, parce que j'aime beaucoup cette phrase de René Char qui dit que « les mots savent de nous, des choses que nous ignorons d'eux ». Parce qu'effectivement, les mots portent une histoire. Les mots sont chargés : sont chargés de mémoire, sont chargés aussi de ce qu'on en a fait. Ils portent même à la fois l'imaginaire et surtout ce qu'on y a mis au cours du temps. Et pas des considérations parfois contradictoires, en tout cas des revendications que j'ai entendues et qui me paraissent pour certaines contradictoires entre elles, je crois que nous avons quelques traces des vieilles brisées de notre histoire. De l'histoire d'une justice qui, par moment, a été dépendante. D'une justice qui, à certaine période, a été vaincue. D'une justice qui a été déconsidérée, et pas seulement ces dernières années. Elle l'a été également dans le passé, à des époques précises. Et on pourrait remonter à la Constitution de l'An III, six ans après la Révolution française. Une constitution que l'on a appelé d'ailleurs, la « Constitution de la peur » et qui posait le juge comme n'étant pas incontournable puisque les parties pouvaient choisir librement un arbitre pour leurs litiges. Et que cette justice privée ne pouvait pas être contestée. Selon la Constitution de l'AN III, le juge n'était pas définitif non plus puisque tous les membres du tribunal civil départementale étaient élus pour 5 ans. Dans cette constitution, le juge ne conférait pas d'autorité à la chose jugée puisque tous les ans, la Cour de cassation déléguait une personne pour examiner chacun des jugements qui avaient été prononcés. Nos contradictions sont liées à la complexité de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Elles sont liées aussi aux dernières traces de cette histoire, à la façon dont elle a pu imprégner la conception que nous avons de la justice, des citoyens. Et c'est pour ça que, j'entends vos contradictions, je les examine, je les étudie. J'entends les miennes d'abord. Je les examine, je les interroge, et j'y réponds. Je comprends votre impatience. Je la dirai même salutaire, parce que cette impatience - y compris lorsque je fais le choix de la rigueur qui demande du temps, lorsque je fais le choix de confier une étude à l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice sur l'office du juge, dont vous n'avez pas parlé mais qui me parait essentielle après toutes ces années où on a accablé le juge de missions qui ont aspiré son temps, son énergie, où on n'a pas travaillé à actualiser ses équipes de greffiers, d'assistants, d'assistants spécialisés. Sur le dialogue social, vous m'avez accusée d'être méfiante à l'égard de la parole des personnels alors que j'ai immédiatement déléguée une mission à Mamoudzou et à Nanterre mais vous vouliez plus que ça. Je crois quand même avoir établi les conditions d'une justice sereine, tout simplement normale, au Parquet de Nanterre. Vous savez que j'ai reçu très vite l'ensemble des organisations syndicales, et parfois plusieurs fois, vous l'avez dit, je vous en remercie, j'ai présidé le comité technique ministériel, et je présiderai tout au long de la journée le prochain, au début du mois de décembre. J'ai constaté que le dialogue social était compliqué parce que déjà il est pluriel, il est multiple, chaque administration conduit son dialogue social. J'ai pu constater que la charte du dialogue social n'était pas appliquée correctement. J'ai pris d'avoir un certain nombre de disposition conservatoires rapides. J'ai décidé de nommer un médiateur extérieur pour apprécier la qualité du dialogue social dans la Chancellerie. Je crois à l'unité du service public de la Justice. Je travaille à cette unité du service public et cela passe par la gestion des corps communs qui doit s'unifier, par la conscience de chaque administration qu'elle appartient à un service public de la justice et par la nécessité de faire en sorte que nous contribuons tous, justement dans ce dialogue social, à l'efficacité de la justice.
Donc, j'entends vos impatiences sur tout ça. Je ne vous demande pas de les réduire ces impatiences. Elles sont in aiguillon. Je vous demande simplement de prendre toute votre part dans la mobilisation de la société, sur la nécessité de retrouver le chemin des libertés, les vraies, y compris lorsque la situation est compliquée. Le chemin de l'égalité, d'accepter la différence, d'accepter que nous fassions société ensemble. Le chemin de la fraternité aussi parce que c'est quand même le meilleur de l'union sociale. J'entends cette impatience, je comprends que le temps nécessaire au processus judiciaire et aux réformes d'organisation ne convient pas au temps des demandes formulées, ni même, au temps des réponses apportées. Il y a un temps de mise en œuvre. Lorsque je recrute des éducateurs, il faut le temps de les former. Lorsque je propose la nomination de magistrats, il faut le temps de la procédure. Lorsqu'on recrute des magistrats, il faut le temps de la formation. Lorsqu'on recrute des greffiers, il faut le temps de la formation. Donc je comprends l'impatience qui percute le temps nécessaire à la mise en place. Mais je comprends que vous vouliez aller plus vite. Mais que faisons-nous des procédures, qui sont protectrices. Je veux vous entendre sur les procédures qui sont protectrices. Vous me direz s'il faut aller plus vite. Il y a des fois où il faudra aller vite. Il y a des fois où il faudra accepter le rythme des choses, lorsque ce rythme est garant de nos droits. Mais nous le savons, « la vie est lente, et l'expérience est violente ». C'est ainsi qu'écrivait Guillaume Apollinaire dans l'incontournable et l'incomparable Pont Mirabeau. Vous avez raison d'être impatients. Vous avez raison, la vie est lente et l'expérience est violente. Vous avez raison d'espérer fort. Et de le clamer fort. Mais nous au Gouvernement, nous avons conscience aussi que l'expérience est violente, et nous y répondons simplement par une volonté inébranlable.
source http://www.justice.gouv.fr, le 14 mai 2013