Texte intégral
Le rapport que vient de présenter M. Håkon Haugli sinscrit au cur de ce qui fait avancer le Conseil de lEurope depuis sa fondation : la volonté de partager des valeurs communes, la volonté de faire progresser le droit de tous pour défendre les libertés de chacun, et la volonté de protéger les plus fragiles.
Je noublie pas quà la fondation du Conseil de lEurope, la France était encore un empire colonial. A cette époque, les droits des femmes dépendaient encore de la volonté de leur mari. Elles navaient pas encore le droit de disposer de leur corps. A cette époque, on envoyait encore des hommes en prison ou à lhôpital pour le seul fait de leur homosexualité.
Chacun de nos pays est parti de loin, en sengageant vers la protection des droits de lHomme et des libertés fondamentales.
En quelques décennies, dans des trajectoires entremêlées, le Conseil de lEurope a su entraîner chacun de ses membres vers un plus haut niveau dexigence et de respect des personnes.
Les libertés conquises dépassent les frontières. Les conquêtes des uns font les revendications des autres. Celles-ci aboutissent à de nouvelles conquêtes, qui inspirent de nouvelles revendications. Cest ainsi que les droits de lHomme fondent lhistoire commune de notre grande Europe.
Chacun connait limportance de la contribution du Conseil de lEurope à la lutte contre lhomophobie, la lesbophobie, la transphobie.
Les textes adoptés en 2010 par le Comité des ministres et par votre assemblée comptent parmi les plus avancés et les plus précis sur lesquels les militants LGBT sappuient aujourdhui pour défendre leurs droits.
Ces textes ont consacré lorientation sexuelle et lidentité de genre parmi les critères à prendre en compte dans nos politiques de lutte contre les discriminations. Cest une contribution essentielle, tout comme lest le rapport que vous a présenté M. Håkon Haugli.
Comme vous le savez, la France a adopté récemment la loi ouvrant le mariage à tous les couples. Cette loi a été abondamment commentée en France, à lissue dun long débat public et parlementaire que les amalgames, les insultes et les violences homophobes nont malheureusement pas épargné.
La France est fière davoir rejoint les 8 pays européens qui, successivement depuis plus de 10 ans maintenant, ont ouvert le mariage à tous les couples. Il sagit dune loi de liberté, dégalité et de fraternité, qui fait écho aux valeurs que notre pays partage avec tant dautres.
Cette loi permet aussi dagir, sur le terrain, contre les violences et les discriminations. Il est en effet plus difficile dexpliquer quun homosexuel a la même valeur quun hétérosexuel lorsque les droits accordés à lun sont inférieurs à ceux qui sont accordés à lautre.
Mais lengagement du Gouvernement français contre ces discriminations ne se résume pas à ladoption de la loi ouvrant le mariage à tous les couples.
Le 26 mars dernier, jai invité à Paris les représentants des gouvernements et de la société civile de tous les pays de la grande Europe, pour travailler ensemble sur le thème de la lutte contre les discriminations fondées sur lorientation sexuelle et lidentité de genre.
Ensemble, nous avons identifié trois priorités pour faire progresser les droits des personnes LGBT.
La première priorité porte sur les actions transversales que les gouvernements mènent contre lhomophobie. En octobre dernier, jai présenté au Conseil des ministres de la République française un programme dactions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de lorientation sexuelle ou lidentité de genre.
Il avait été précédé par dautres initiatives de ce type, en Norvège ou au Royaume uni, et depuis, ma collègue Joëlle Milquet a eu loccasion de présenter une initiative comparable en Belgique.
Pour faire reculer durablement la haine et les violences quelle inspire, il faut agir à tous les âges, à tous les niveaux : à lécole, dans le monde du travail, dans le domaine de la santé, des médias, des services publics. Les victimes dhomophobie, de lesbophobie ou de transphobie sont exposées aux violences partout, chez elles, en classe, au travail, dans les milieux fermés comme dans lespace public.
Il faut donc agir partout, en impliquant tous les ministères, tous les partenaires sociaux, tous les élus, en formant les professionnels, en aidant les victimes, en faisant uvre de pédagogie.
Lhomophobie commence par une mauvaise plaisanterie criée dans une cour de récréation ou taguée sur un vestiaire. Elle se prolonge dans les violences. Elle se termine dans des drames irréparables.
Pour empêcher ces drames, nous devons agir dans un cadre global, en impliquant tous les pouvoirs publics. La lutte contre lhomophobie est une politique à part entière des gouvernements modernes.
La deuxième priorité porte sur lengagement de lEurope, qui place le respect des droits fondamentaux au sommet de ses valeurs communes.
Cela justifie une parole forte des responsables politiques en faveur des libertés fondamentales et contre les discriminations, prononcée avec souffle pour être entendue partout dans le monde.
Cela justifie ladoption de la recommandation que le rapporteur vous a proposée aujourdhui.
Cela justifie limplication de lUnion européenne, qui a adopté lundi dernier des lignes directrices claires en la matière. Celles-ci font dailleurs écho aux recommandations adoptées par le Conseil de lEurope en 2010.
La troisième priorité sappuie sur la dimension universelle de ce combat. Elle justifie une action internationale, multilatérale. Le travail engagé lors de la conférence européenne de Paris sest prolongé à Oslo en avril, dans un rendez-vous réunissant tous les continents. Et il se poursuivra, nous le souhaitons, aux Nations unies, avec les pays du Sud et tous nos partenaires les plus mobilisés.
Notre continent apportera une contribution dautant plus solide à la protection des droits des personnes LGBT dans le monde quil pourra se prévaloir dune action exemplaire.
Aujourdhui, tous les pays du Conseil de lEurope ne peuvent pas prétendre à lexemplarité.
Partout où les lois empêchent les personnes LGBT dorganiser une marche pour leurs droits, les droits de lHomme régressent.
Partout où les lois empêchent les enseignants dexpliquer à un jeune homosexuel quil a la même valeur que son voisin, les droits de lHomme régressent.
Partout où deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas sembrasser publiquement sans se mettre en danger, les droits de lHomme régressent.
Je pense au courage des militants LGBT partout en Europe qui se battent pour obtenir les mêmes droits que tout individu, qui luttent contre les discriminations au risque de leur vie. Je pense plus particulièrement à limmense courage des militants LGBT de Russie, en espérant que les autorités de leur pays reconsidéreront leurs positions, et sauront protéger la liberté dexpression et la liberté de réunion.
Car cest bien de liberté que nous parlons aujourdhui.
Personne noublie les drames historiques qui ont frappé lEurope au siècle dernier. Cest le formidable sursaut des survivants de ces drames qui a conduit à la création du Conseil de lEurope.
Personne noublie que des hommes et des femmes ont été pris pour cible pour la seule raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Il nous revient de garder cette mémoire vivante, et dagir, chaque jour, pour protéger, en Europe, les droits de lHomme et les libertés fondamentales.
Cest en ce sens que je salue lengagement pris par un certain nombre dEtats européens pour lutter contre ces discriminations, en sengageant à coopérer avec le Conseil de lEurope.
Cest en ce sens que jappelle dautres Etats à reconsidérer leur regard, leur législation affectant les personnes LGBT : ce nest pas en stigmatisant une personne que lon apprendra à nos enfants à respecter lautre.
La Douma a approuvé la semaine dernière une loi empêchant les familles homoparentales dadopter des enfants en Russie. Cest la souveraineté de la Russie. Mais si la Russie veut prendre sa place dans le concert mondial comme un grand pays qui veut affirmer les valeurs démocratiques et les droits de lHomme, la Russie doit comprendre lévolution de nos sociétés.
Le droit des personnes LGBT est indissociable du droit de leurs enfants à sépanouir dans une famille reconnue par les pouvoirs publics et protégée de toute discrimination.
Source http://hub.coe.int, le 22 juillet 2013