Déclaration et point de presse de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le renforcement de la coopération économique entre la France et la Russie, l'arrestation des militants de Greenpeace pour une opération de lONG contre une plateforme de Gazprom et la manifestation des "bonnets rouges" prévue à Quimper, à Moscou le 1er novembre 2013.
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Circonstance : Voyage officiel à Moscou du 31 octobre au 1er novembre 2013 - Conférence de presse conjointe avec Dmitri Medvedev, Premier ministre de la Fédération de Russie, à l'issue du séminaire inter-gouvernemental, à Moscou le 1er novembre
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Prononcé le 1er novembre 2013
Texte intégral
Je voudrais dabord dire à Dmitri Medvedev, qui est mon homologue, Premier ministre, chef du gouvernement de la Fédération de Russie, un grand merci pour son accueil ; un accueil chaleureux et qui a marqué cette 18ème édition de notre séminaire intergouvernemental. Chaque année nous nous retrouvons en effet pour faire le point, pour faire un tour dhorizon pour renforcer la relation franco-russe et lannée dernière javais eu loccasion de faire votre connaissance, pour travailler ensemble de façon efficace. Cest important de se connaître, de sapprécier, de se parler directement, et cest ce que nous avons fait encore ici à Moscou depuis mon arrivée hier toute la journée en particulier hier soir au cours dun dîner tout à fait informel mais très chaleureux et de grande qualité à la fois gastronomique : jai découvert les vins russes, ils sont excellents, et puis surtout les qualités humaines et cest très important. Donc je crois quon peut dire sans exagérer que cette 18ème édition de notre séminaire intergouvernemental renforce notre relation et je remercie tous les ministres, dabord la délégation française et leurs homologues russes davoir bien travaillé. Pendant que nous nous retrouvions ils ont eu aussi des échanges et cette réunion il y a quelques instants a montré que le travail avait été très approfondi.Tout cela sinscrit dans une histoire, une histoire commune qui unit la France et la Russie. Il y a à la fois une proximité culturelle mais aussi une communauté dintérêts et cette amitié, sincère, réelle, nous permet dévoquer tous les sujets dans un esprit de confiance mutuelle et avec franchise. Cest ce que jai eu loccasion de faire en abordant tous les sujets dactualité. Là il y a aussi des différences dapproche mais toujours en cohérence avec les principes politiques qui animent la République française et les valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés.
Ces dernières années notre partenariat sest considérablement renforcé et à titre dexemple je voudrais simplement citer que les exportations françaises vers la Russie, en dix ans, ont été multipliées par cinq. Et de fait, cest vraiment nouveau, cet effort a été payant, la France est devenue le deuxième fournisseur européen de la Russie. Ces échanges reposent sur un principe : le principe de bénéfice mutuel. Nous avons de part et dautre lambition dimprimer une nouvelle dynamique. Cest dailleurs tout lintérêt de cette rencontre intergouvernementale, qui permet didentifier précisément et les accords qui ont été signés le prouvent, les domaines, les projets concrets les mieux à même de nourrir notre partenariat. A loccasion de tous nos entretiens, Dmitri Medvedev et moi-même, et en particulier de lentretien bilatéral que nous avons eu nous avons pu mesurer lampleur des progrès et en suite en plénière nous lavons constaté encore davantage. Jen retiens que des perspectives prometteuses existent dans de nombreux domaines, vous venez de les évoquer, jen ajouterai peut-être un, celui du Grand Moscou et tout ce qui peut être rattaché à la ville durable. Jai eu loccasion dévoquer tous ces thèmes avec M. Sergueï Sobianine, le Maire de Moscou. Je pense aux infrastructures de transport avec la ligne grande vitesse Moscou-Kazan, laéronautique, lespace, avec dores et déjà des succès emblématiques. Je pense au Superjet-100 dont nous avons vu la maquette hier, qui est un vrai succès commun, et puis le lancement de Soyouz en Guyane, à Kourou.
La défense, avec la mise à leau il y a deux semaines à St Nazaire du premier BPC ; lénergie où Total, EDF, Gdf Suez accroissent leur coopération avec la Russie. Sans oublier lautomobile, avec ma visite hier matin de lusine Renault-Avtoframos. Linnovation, qui a été au centre du forum que jai eu le plaisir dinaugurer avec vous et notre collègue de Finlande. Dans chacun de ces domaines les entreprises françaises sont prêtes à accompagner les efforts de modernisation de la Russie, en nouant des partenariats avec ces acteurs économiques. De même il est essentiel dencourager les investissements croisés. Mais la relation franco-russe ne se résume pas à léconomie. Je lai rappelé hier devant le collège universitaire français, la France souhaite accroître sa coopération scientifique et universitaire avec la Russie, notamment en favorisant la mobilité des étudiants dans les deux sens. Nos deux pays, qui sont membres permanents du Conseil de Sécurité, ont des responsabilités particulières sur la scène internationale. Nous avons donc à examiner les dossiers dactualité.
Nous avons bien sûr évoqué la Syrie. Nous sommes daccord pour dire quil ny a pas dautre solution à cette tragédie quun règlement politique. Cest pourquoi il convient de se mobiliser pour que la conférence de Genève-2 puisse se tenir comme prévu, et jai rappelé que pour la France, lalternative nétait pas entre le régime de Bachar el-Assad et les groupes djihadistes. Pour cette raison la participation de la coalition nationale syrienne est indispensable. Il est également urgent de favoriser laccès humanitaire pour alléger la souffrance des populations civiles. Jai saisi aussi loccasion de nos échanges pour remercier à nouveau la Russie de son soutien à lintervention française au Mali. Cest une intervention à la fois militaire, et maintenant dans le cadre des Nations-Unies avec une force internationale et puis cest aussi une intervention qui a permis de rétablir la démocratie et la pleine souveraineté de ce pays. Donc merci aussi davoir compris et davoir soutenu. En conclusion de cette visite, je serai reçu cet après-midi par le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, auquel je transmettrai lamical souvenir du Président François Hollande quil a rencontré il y a très peu de temps au G20 à St Pétersbourg. Je rappelle que le G20 était sous présidence russe et que nous avons pu progresser, la communauté internationale, pour maîtriser en particulier tout ce qui pourrait porter préjudice au retour de la croissance, la stabilité financière en luttant notamment contre la spéculation et les paradis fiscaux. Tous ces sujets nous les avons abordés, je ne vais pas les reprendre là maintenant. Il sagit dune conclusion de travaux particulièrement réussis à la fois humainement et politiquement à la fois pour la France et à la fois pour la Russie et pour notre coopération dans la durée. Merci Monsieur le premier ministre et merci mesdames et messieurs les ministres français et russes et puis tous ceux qui vous ont aidés pour préparer la réussite de cette conférence intergouvernementale.
Q. (agence de pressse Interfax) : Quelles sont les perspectives de la coopération militaro-technique avec la France et, M. Medvedev, vous avez parlé du Superjet, quelles sont selon vous les possibilités que la France achètent des Superjet.
R., Jean-Marc Ayrault, Premier ministre : Bien sûr les perspectives du marché européen sont très importantes, et sur le Superjet-100 cest une coproduction, cétait le fruit dune coopération, il faut sen féliciter, et je ne vois pourquoi la France ne serait pas fière de ce succès. Sagissant de la coopération dans le domaine militaire, vous lavez évoqué M. le Premier ministre Medvedev, et jai moi-même cité la première livraison il y a deux semaines à St Nazaire, et cest ma région dorigine, du premier BPC, je dis bien le premier, et il y en aura dautres, nous avons évoqué des dossiers comme les hélicoptères. A chaque fois que nous avançons sagissant de la production industrielle dans le domaine militaire nous avons le souci que chacune des parties y trouve bénéfice. Et que nous puissions trouver des solutions qui permettent notamment à lindustrie française et européenne de coopérer avec la Russie et que la Russie puisse aussi avoir des bénéfices en termes dactivité et en termes demploi. La coopération cest aussi une coopération qui concerne notre coordination en matière de lutte contre le terrorisme et contre le trafic de drogues. Nous avons aussi évoqué dans nos entretiens bilatéraux ces deux points qui sont essentiels pour notre sécurité commune.
Q. (BFM TV) : Vous avez parlé dune relation damitié, sincère et profonde de la France et de la Russie, vous avez dit que tous les sujets dactualité ont été évoqués. Il y a un sujet dactualité qui est pas mal évoqué en France cest laffaire Greenpeace avec plus de trente interpellations le mois dernier notamment avec un ressortissant français. Je voulais savoir Jean-Marc Ayrault si ce dossier-là avait été évoqué et je voulais savoir si M. Medvedev avait lintention de faire un geste en faveur de ce ressortissant français.
R., Jean-Marc Ayrault, Premier ministre : Ecoutez jai évoqué je vous lavais dit lensemble des questions, et celles qui sont relatives aux droits de lHomme, et celles qui relèvent de situations judiciaires. Je ne le fais pas en faisant la leçon à la Russie, simplement je rappelle quels sont les principes de droit et la Russie est de toutes façons un pays qui sest engagé dans de nombreuses conventions internationales, qui fait partie du Conseil de lEurope, et aujourdhui beaucoup de citoyens russes comme ceux dautres pays y compris des Français, lorsquils ont un litige, peuvent saisir la Cour Européenne des Droits de lHomme donc cest dans ce cadre aussi, juridique, que les choses avancent. Alors sagissant du cas de Greenpeace, effectivement, une opération qui a été initiée par une ONG concernant une plateforme pétrolière a donné lieu à des arrestations et à une procédure judiciaire qui est en cours. Et jai mentionné dans mon entretien avec M. Medvedev le cas dun Français qui est actuellement détenu, M. Francesco Pisanu, et jai demandé au-delà dailleurs des procédures judiciaires qui sont en cours, quil puisse y avoir un geste humanitaire à son égard. Tout ce qui peut nous interpeller, notamment en France, et qui peut aussi préoccuper lopinion publique française, je lai abordé avec le Premier ministre en toute franchise et en toute sincérité.
Q. (Golos Rossi) : situation de la zone Euro
R., Jean-Marc Ayrault, Premier ministre : Le Président Hollande a été élu le 6 mai 2012, il a pris ses fonctions et la tâche à laquelle il sest consacré immédiatement cest de tout faire pour stabiliser la situation de la zone Euro, créer les conditions dun retour de la croissance. Il y a un an si on y pense on était inquiet sur lavenir de lEuro lui-même. Aujourdhui cette question est réglée. Les Etats européens, les gouvernements ont été suffisamment sages pour prendre une décision qui était indispensable pour stabiliser la situation. Et lunion bancaire qui était particulièrement souhaitée est en train de se mettre en marche, cétait dailleurs lun des sujets du dernier conseil européen des 24 et 25 octobre. Il y a encore du chemin à faire mais nous sommes dans un contexte différent, il y a un an, nous étions beaucoup plus en danger, aujourdhui les indices montrent que la croissance est de retour pour lannée 2013 et quelle va se consolider en 2014. Cest cela quil faut à tout prix faire, cest vrai pour la France, cest vrai pour lEurope et donc cest bénéfique aussi pour la relation avec la Russie et lensemble des autres partenaires économiques. Donc je crois que cest très important de rassurer tous ceux qui pourraient aujourdhui émettre des inquiétudes. Les dirigeants européens, et en particulier la France, ont apporté leur contribution pour stabiliser la situation et créer les conditions dun retour de la croissance et donc pour linvestissement et donc aussi pour faire reculer le chômage qui est trop important dans la zone euro et qui concerne aussi la France mais pas seulement la France et donc ça reste aujourdhui la priorité n° 1 des autorités françaises.
Q. (TF1) : ma question sadresse exclusivement à Jean-Marc Ayrault. Une de vos ministres, Marylise Lebranchu, sinquiète à la veille dune manifestation prévue en Bretagne de lampleur des dérapages qui pourraient avoir lieu demain. Quen pensez-vous, partagez-vous linquiétude de Mme Lebranchu ?
R., Jean-Marc Ayrault, Premier ministre : Cest très important que de rappeler que la France est un pays démocratique et le droit de manifester existe. Si des hommes et des femmes qui sinquiètent pour leur avenir veulent exprimer un message, ils en ont parfaitement le droit. Et en même temps on ne peut pas construire si on sengage dans une espèce de spirale de la violence. Donc je souhaite que la manifestation qui aura lieu samedi à Quimper soit pacifique. Et je vais vous dire, cest le souhait de limmense majorité des Français, cest aussi le souhait des Bretons, de tous ceux qui veulent redonner confiance à ce territoire qui connaît, pour une partie, des difficultés économiques, notamment dans le secteur de lagroalimentaire. Donc on ne résoudra pas les problèmes autrement que par la reprise du dialogue. Le geste que jai fait, la décision que jai prise, que jai annoncée mardi, a permis dapaiser et de construire un espace de dialogue. Cest le sentiment que jai. Je crois que toutes les bonnes volontés, les forces économiques, les forces sociales et les forces politiques acceptent de jouer le jeu du dialogue républicain lorsque des difficultés se présentent pour construire un avenir meilleur pour les populations. Aujourdhui elles sont invitées à se mettre autour de la table. Le préfet de région a déjà pris toutes les initiatives et ces initiatives vont se poursuivre. Au-delà de la manifestation lessentiel cest que tout le monde se mette autour de la table et au travail. Et tel et tel dossier qui présente bien les difficultés et les inquiétudes, à chaque fois le gouvernement mettra toutes les forces autour de la table pour résoudre ces problèmes. Et puis il ne sagit pas seulement de jouer les pompiers, de résoudre les problèmes issus du passé, il y a des responsabilités que certains ont, ou nont pas prises, au niveau politique, sans agir dans lurgence quand cétait nécessaire, en laissant les choses se dégrader. Ce nest pas la position de mon gouvernement, mais la situation que je connais aujourdhui ne date pas dhier, elle date parfois de longtemps, elle a des responsabilités politiques, elle a aussi des responsabilités de certains responsables économiques qui nont pas su attirer à temps lattention ou prendre eux-mêmes leurs responsabilités. Donc les polémiques, les spirales de la violence naboutiront à rien. Moi je veux que chacun se mette au travail et toutes les conditions sont réunies, des gestes ont été faits pour ça et jespère bien que après la manifestation toutes les forces soient rassemblées pour aller à lessentiel, cest-à-dire résoudre les problèmes, réussir les mutations, assurer la solidarité entre les territoires, entre les citoyens et donner aux régions qui souffrent et notamment la Bretagne toutes les perspectives pour réussir à sen sortir. E je suis convaincu que nous y parviendrons.
Source http://www.ambafrance-ru.org, le 12 novembre 2013
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