Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "France culture" le 12 novembre 2013, sur la situation économique et sociale, la baisse de la notation de la France par l'Agence Standard and Poor's.
Texte intégral
MARC VOINCHETAprès les bonnets rouges, la révolte des poneys, décidément, le gouvernement est dans une mauvaise passe.
PIERRE MOSCOVICI
Moi, je ne suis pas commentateur donc sur les passes, je suis acteur et si je publie un livre qui sappelle « Combats », cest parce que je pense être au front, je suis au front, pour que notre pays sen sorte, ce que dit Philippe MANIERE est comme toujours intéressant, comme toujours aussi avec une orientation idéologique quon lui connaît
MARC VOINCHET
Il parle quasiment de comment vous dites déjà ras-le-bol fiscal ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais je voudrais dabord le reprendre sur un point, sil le permet, la France se suicide, non, je pense que la France est un pays qui na pas tout à fait conscience aujourdhui, et pas forcément confiance non plus dans ses propres forces. Moi, mes fonctions mamènent à représenter la France beaucoup à létranger, à linternational ou bien en Europe, et la France est un grand pays, et la France doit avoir conscience quelle est toujours un grand pays, cest la cinquième puissance économique du monde, cest la deuxième puissance économique en Europe, cest un pays qui a été touché, moins que dautres, par la récession, et qui a su préserver son modèle social. Alors quil y ait maintenant des réformes à faire, je suis le premier à le dire, quil y ait une modernisation de lEtat à accomplir, je suis le premier à le dire, mais pour autant, faisons ça, jallais dire, en bon ordre, cest-à-dire sans casser ce modèle social, sans altérer la justice sociale, en respectant aussi ce qui fait notre identité historique, parce que lidée dune défaisance comme ça, généralisée, brutale de lEtat social, ce serait pour le coup provoquer dautres révoltes. Et cest ça qui fait la difficulté de la tâche de François HOLLANDE aujourdhui, cest-à-dire de changer ce pays, de changer ses structures, mais en même temps, de respecter son génie national dans une période où la crise est là, où le chômage frappe encore beaucoup de Français, où le sentiment des injustices a gagné.
MARC VOINCHET
Jusquà souhaiter vous en parler, et de révolution copernicienne, alors hier, je ne sais pas où était Philippe MANIERE, il na vu que la révolte des poneys, mais il y a tout de même laffaire des huées sur les Champs-Elysées pendant les cérémonies du 11 novembre. Elles suscitent beaucoup de commentaires dans la presse aujourdhui, y compris de militants ou délus socialistes, comme Malek BOUTIH, qui dit, au fond, dans LE PARISIEN : il faut remplacer Jean-Marc AYRAULT durgence, on parle de décrédibilisation, mais du chef de lEtat, qui est au plus bas dans les sondages, je crois, dans les 21%. Comment observez-vous cette affaire-là, et pensez-vous quelle est un symptôme ou quelle nest juste quune anecdote ?
PIERRE MOSCOVICI
Alors, revenons dabord sur cette affaire-là qui, évidemment, est profondément choquante, profondément choquante. Quest-ce qui fait quun pays est une nation, et vous savez quon parle souvent de la France comme la grande nation, cest le respect de son histoire, cest le respect de ses institutions, cest le respect de lEtat. Et il y a des jours où la nation doit justement communier, être ensemble, les jours où on célèbre une victoire, les jours où on célèbre la paix retrouvée, cest le cas du 11 novembre. Et cette histoire exigeait le rassemblement, et autour de celui qui est légitimement le chef de lEtat, parce que les institutions, cest ça, les Français ont élu François HOLLANDE en mai 2012, il est le chef de lEtat, il est le président de tous les Français
HUBERT HUERTAS
Très, très, très impopulaire
PIERRE MOSCOVICI
Mais ça
HUBERT HUERTAS
On va dire, si on prend à lenvers, 21% sont satisfaits les Français sont satisfaits de son action
PIERRE MOSCOVICI
Pardonnez-moi, cest un autre sujet, mais je veux dabord traiter celui-là parce que, il y a la question du vivre ensemble dans ce pays qui est en cause, et vivre ensemble, cest ça aussi. Cest être fier de son histoire, de ce qui nous fait vivre ensemble, ce qui nous cimente, cest accepter les institutions qui font que, oui, François HOLLANDE est le président légitime des Français. Jai parfois limpression que pour une certaine droite ou lextrême droite, il y a le refus de la légitimité de la gauche au pouvoir, je lécris dans mon livre, mais non, la gauche est là, parce que les Français lont portée au pouvoir. Et François HOLLANDE est là pour cinq ans, et il doit être respecté et dans son mandat et dans sa fonction et dans sa personne. Et donc ce qui sest passé hier, cest tout simplement inadmissible, je trouve que cest grave, en effet. Il faut revenir à lessentiel, et François HOLLANDE dailleurs a donné son ordre de mobilisation quand il a lancé le cycle de célébrations du centenaire de la guerre 14-18, il faut rassembler les Français, il faut réformer ce pays, il a besoin de changements, il faut être tous ensemble pour réussir.
MARC VOINCHET
07h43, Pierre MOSCOVICI, invité « Des Matins », Hubert HUERTAS.
HUBERT HUERTAS
Ces petits groupes, ou bien, ce sont des égarés, qui ne représentent queux-mêmes, ils ne sont pas très nombreux, ou bien, cest une espèce davant-garde vers laquelle pourrait converger tout un tas de mouvements, et ce serait des symptômes, sils sont des symptômes, des symptômes de quoi
MARC VOINCHET
Pierre MOSCOVICI
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, dabord, de quoi parle-t-on ? Si on parle de ceux qui étaient hier aux Champs-Elysées pour conspuer le
HUBERT HUERTAS
Oui, on parle deux, entre autres, Oyonnax, mais après les bonnets rouges, après
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, mais, il ne faut pas faire masse de tout, il ne faut pas faire masse de toutes les protestations
HUBERT HUERTAS
Vous avez vu la Une du FIGARO, les mouvements convergent
PIERRE MOSCOVICI
Mais je lis LE FIGARO, mais non, les mouvements ne convergent pas, il peut y avoir des insatisfactions, il faut les traiter, il peut y avoir des écoutes quil faut apporter à des revendications légitimes, et il faut les entendre celles-là, et le gouvernement est à lécoute, ce nest pas un gouvernement qui nentend pas, un gouvernement qui impose, cest un gouvernement qui dialogue, cest un gouvernement qui concerte, oui, parce que nous avons voulu faire en sorte que le dialogue social reprenne sa place, mais il y a aussi, parfois, des mouvements, comme ce qui sest passé hier, qui sont tous spontanés, on le sait, on sait qui était présent, on sait que le Front national était là, et je pense que le Front national, en loccurrence, a montré de lui-même un visage quil essaie de faire oublier, mais qui est un visage radical et radicalement hostile aux institutions de ce pays, en tout cas, au président de la République, et qui montre quil naime pas au fond ces moments de rassemblement du pays. Cest un parti qui toujours divise. Et ça, on ne peut pas le laisser passer.
HUBERT HUERTAS
Est-ce que vous navez pas laissé un peu passer, laisser filer les ordres, on a vu quand même, notamment en Bretagne, des images qui, si elles avaient été transportées ailleurs, dans certains coins de France, auraient été considérées comme insupportables, là, bon, on les a vues, mais
MARC VOINCHET
Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Non, il y a je lai dit cette écoute, quand une région ou un pays souffre, il ne faut pas réagir avec brutalité, et sagissant de la Bretagne, il y a des problèmes que ce gouvernement entend, et il y a la crise de lindustrie qui peut frapper par exemple PSA, à Rennes, il y a la crise de lagroalimentaire, il y a ce qui sest cristallisé autour de cette écotaxe, pour autant, les brutalités, elles ne sont pas admissibles. Donc il faut être à la fois dans lécoute, dans la réforme, et aussi dans la fermeté, cest ce que veut le chef de lEtat, et cest ce que nous appliquons.
MARC VOINCHET
Linquiétude, cela dit, que laisse filtrer en off de nombreux ministres du gouvernement sur lautorité ou le manque dautorité supposé de François HOLLANDE, les critiques qui se font, Malek BOUTIH dans LE PARISIEN, cette fois-ci, a visage découvert : il faut remplacer Jean-Marc AYRAULT ; vous les percevez comment et vous les analysez comment ?
PIERRE MOSCOVICI
Moi, je pense quil ny a pas de place quand on est dans une situation de crise comme celle-ci, quand on a des réformes aussi ambitieuses à mener, quand on est au combat contre une crise aussi importante, quand on est en train dailleurs on va y revenir dobtenir des résultats, parce que, je le disais tout à lheure, la France, grand pays, oui, la France, cinquième puissance économique du monde, oui, la France est sortie de la récession, oui, la France est en train de retrouver de la croissance, oui, laugmentation du chômage sest ralentie
HUBERT HUERTAS
Vous allez peut-être un peu vite, vous êtes peut-être un peu optimiste, là
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, non, jespère quon aura loccasion dy revenir sur le plan économique
HUBERT HUERTAS
Vous avez des
MARC VOINCHET
On va y aller tout de suite même
PIERRE MOSCOVICI
Mais il y a des choses très, très précises à cet égard, donc si vous voulez, quand je dis tout ça, cest pour dire que, encore une fois, jappelle la France à avoir confiance en elle. Mais il ny a pas de place dans ce genre de situation pour les petites phrases ou pour les issues individuelles, il faut faire bloc autour du chef de lEtat, François HOLLANDE est le président de la République, et cest lui qui donne le tempo, qui donne le sens, et il sait où il va. Ce quil sait, il connaît ce pays, cest dailleurs pour ça quil a été élu président de la République, il est proche des Français, et ça, cest aussi ce que les Français attendent de lui, cest-à-dire de manifester cette écoute, cette attente, cette attention pardon et dêtre lhomme des solutions, lhomme des résultats. Et que
MARC VOINCHET
Mais des solutions tardives lui reprochent ses détracteurs
PIERRE MOSCOVICI
Mais non, ce quil sait, cest ce que, il y a des réformes profondes à mener, et il y a notamment une action à mener dans trois directions qui prend du temps, il y a dabord des économies, parce quil faut, en effet, adapter notre Etat, et il faut, non pas le réduire, mais faire en sorte que, on puisse procurer des services publics à un meilleur coût avec plus defficacité. Ça sappelle la modernisation de laction publique. Ça, cest la première direction. La deuxième, cest tout à lheure, Philippe MANIERE en parlait les entreprises, il faut doper la compétitivité française, oui, cest vrai, nous sommes un grand pays, mais nous avons décroché, notamment par rapport à lAllemagne, et donc il faut que nos entreprises retrouvent des capacités dinvestir pour plus de croissance, et pour plus dembauches. Et puis, enfin, et cest la troisième chose, il faut se mobiliser contre le chômage et pour lemploi. Et tout ça, en effet, ça prend du temps, mais je le répète, il y a une direction, vous savez, dautres pouvoirs en Grande-Bretagne ou en Espagne, ont connu des moments comme celui-ci, des moments difficiles, où les réformes semblaient ne pas déboucher, et pourtant, ils savaient où ils allaient et aujourdhui, on voit dune certaine façon le résultat, lEspagne qui retrouve la croissance, la Grande-Bretagne qui, elle, a une croissance forte, et je dis ça en précisant que je ne suis pas de lorientation politique des dirigeants britanniques ou espagnols, simplement que, il y a des moments où il faut tenir ce cap, garder sa stratégie, cest ce que fait le président de la République.
MARC VOINCHET
Cela dit, lexemple espagnol dont vous parlez risque de donner raison à ceux qui prônaient une très grande rigueur. Je ne saisis pas une chose, Pierre MOSOVICI, Monsieur le Ministre de lEconomie et des finances, quand vous dites : la reprise, sans doute, est là, la récession est derrière nous, dans le même temps, comment se fait-il que le ministre du Budget, Bernard CAZENEUVE, dise : ouh, là, il va falloir se serrer la ceinture, et sans doute faire une politique de rigueur ou daustérité, jusquà au moins 2015, ah, il rajoute 2016, et, puis, il rajoute 2017, ça fait un quinquennat de laustérité, ça !
PIERRE MOSCOVICI
Non, dabord, Bernard CAZENEUVE ne prononce jamais ces mots : austérité ou rigueur
HUBERT HUERTAS
Peut-être un vite, mais enfin, le sens y était
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, je crois quil faut vraiment distinguer : austérité, rigueur et sérieux, quest-ce que cest que laustérité ? Laustérité, cest quand on en fait trop, cest quand on appauvrit tellement lEtat quon réduit les capacités de justice sociale, et que, par ailleurs, on crée de la récession dans le pays. Et ce que nous demandons, nous, ce sont des efforts, oui, budgétaires, des économies, oui, et elles sont nécessaires parce que
MARC VOINCHET
Jusquà 2017 !
PIERRE MOSCOVICI
Nous devons réduire nos déficits, et donc ça demande que ces efforts se poursuivent, pas avec la même ampleur chaque année, en 2015, ce sera à nouveau quinze milliards deuros, ça devrait être un peu moins dans les années qui suivent, mais il faut poursuivre cet effort, vous savez, nous avons 57% de dépenses publiques dans le PIB, 57%. La droite avait amené ce taux de 53 à 57%, il faut le réduire, mais le réduire, encore une fois, en modernisant vraiment lEtat, et en améliorant la qualité des services publics, ce qui est tout à fait fondamental. Mais si je reprends cela, ce que dit Bernard CAZENEUVE, cest donc : il faut une gestion sérieuse, parce que la réduction des déficits est insupportable, parce que la dette publique nous menace, et même Paul KRUGMAN la écrit, ça ne peut pas se faire par laugmentation
MARC VOINCHET
Ah, Paul KRUGMAN a pris votre défense, sindignant
PIERRE MOSCOVICI
Oui, absolument
MARC VOINCHET
Sindignant que STANDARD & POORS ait baissé la note de la France en disant : mais non, mais non
PIERRE MOSCOVICI
Que dit Paul KRUGMAN ?
MARC VOINCHET
Il dit que vous ne coupez pas dans les questions sociales, les budgets sociaux, et quen revanche, vous avez effectivement raison de baisser les dépenses de lEtat, et il dit, au fond, cest les libéraux américains qui ne supportent pas cela et il vole à votre secours, il y en a au moins un !
PIERRE MOSCOVICI
Mais ce nest pas nimporte lequel, cest quand même un
MARC VOINCHET
Prix Nobel
PIERRE MOSCOVICI
Prix Nobel déconomie, un homme qui est respecté sur lensemble de la planète, il dit : non, la France nest pas en crise, et oui, il peut y avoir des aspects idéologiques dans telle ou telle notation, et en effet, je dis que, il en va ainsi, mais que dit-il aussi, il dit : il faudra bien en effet faire des économies, et il faut les faire davantage par du sérieux budgétaire, par des économies de dépenses publiques, que par une hausse continue de la fiscalité. Cest ce que nous faisons. et donc pas daustérité là-dedans, mais en même temps, une politique continument sérieuse, et cest ça que nous allons faire jusquau bout de ce quinquennat, tout en constatant, puisque cétait la question que vous me posiez, quen effet, la France est sortie de la récession, nous aurons probablement 0,2 point de croissance en 2013, ça nest pas extraordinaire, mais cest plus que la zone euro, qui aura moins 0,3, qui, elle, est toujours en récession. Nous aurons une croissance autour de 1%, je le crois, en 2014. Et nous devrions retrouver en 2015 les 1,7 à 2 points qui justement permettent davoir une économie beaucoup plus dynamique. Ce qui veut dire que les efforts que font les Français, et je comprends que, on ait toujours de limpatience, on ait envie que ça produise des résultats immédiats, mais il y avait tellement de réformes à faire, il y avait de tels déficits, il y avait de tels défauts de compétitivité que, il fallait des réformes profondes, ces efforts paient leurs fruits, je le dis, en effet, et la France sortira plus forte de cette crise.
HUBERT HUERTAS
Cest un pari ou ce sont des informations, vous avez, notamment sur la croissance, vous avez à votre disposition des informations précises qui vous permettent dêtre absolument sûr de ce que vous annoncez ?
PIERRE MOSCOVICI
Pour la croissance 2013, oui, pour la croissance 2014, il y a un consensus général, et pour la croissance 2015, ce ne sont pas des chiffres que jinvente, ce sont ceux à la fois du Fonds monétaire international, de lOCDE, de la Commission européenne
MARC VOINCHET
Ils se trompent souvent
PIERRE MOSCOVICI
Mais qui, cette fois, convergent, parce quils se sont trompés, pas toujours dans un bon sens, et on voit bien tout de même que justement, il y a eu lassainissement financier, ce qui sest passé, cest que nous avions une pyramide de dettes, une pyramide de déficits, et que, oui, il faut les réduire, parce que vous savez, ceux qui nous disent : vous faites trop de rigueur par exemple, ou vous faites trop daustérité, ou il faut arrêter les économies, quel serait le résultat ? Le résultat, ce serait un endettement continu de lEtat, et lendettement, cest toujours une traite quon tire sur lavenir, et puis surtout, ce sont nos taux dintérêt qui remonteraient, des taux dintérêt qui remonteraient, cest plus de difficultés pour emprunter pour son logement ou pour son investissement, et il faut rester très crédible.
HUBERT HUERTAS
Alors cela dit, ce qui donnerait du grain à moudre et qui pourrait donner raison au fond à ceux qui penseraient que vous faites une politique, on va dire libérale, voire de droite, ce sont tout de même les avis que lon voit ça et là, vendredi prochain, la Commission européenne doit se prononcer sur le budget français pour 2014, et monsieur BARROSO, qui ne passe pas pour un dangereux gauchiste, dit : ça va dans le bon sens, ce nest pas si mal. Il y a des coupes dans les dépenses de lEtat, et il rajoute : mais enfin, tout de même, la pression fiscale est inacceptable. Dans LES ECHOS daujourdhui, des articles sur la réforme de lassurance-vie, qui passera bientôt en examen, est adoubée, et LES ECHOS, là aussi, ne passent pas, franchement, pour un journal tout à fait révolutionnaire, donc cest compliqué, et aujourdhui, manque de chance pour vous, alors que vous dites : je ne suis pas le ministre des patrons, quatre pages dans LIBERATION sur un François HOLLANDE qui sait courtiser les grands patrons pour essayer, au fond, là aussi, de faire passer le message. Ça fait beaucoup
PIERRE MOSCOVICI
Ça me fait un peu sourire parce que, au fond, que voudrait-on ? On voudrait que la Commission européenne, à laquelle nous avons soumis notre budget, en vertu des traités que nous avons nous-mêmes souscris, nous dise « rien ne va », on voudrait quon nous dise « votre politique est une politique inefficace, vous avez gardé trop de déficits, vous faites trop dimpôts et vous ne faites pas assez déconomies » ? Non, moi jirai à Bruxelles, puisque cest ma tâche, jeudi et vendredi, à la réunion de lEurogroupe, c'est-à-dire les ministres de lEconomie et des Finances de la zone euro, puis à la réunion du conseil ECOFIN, c'est-à-dire les ministres de lEconomie et des Finances de toute lEurope, et si on vient nous dire que la gestion des finances publiques de la France est sérieuse, sans être injuste, eh bien je ne men plaindrai pas. je pense quil faut, en effet, éviter les procédures, les condamnations, parce que, vous savez, ça cest fondamental pour moi, cest aussi un aspect de mon livre, pour moi lEurope ce nest pas quelque chose dextérieur, ce nest pas une politique étrangère, je suis un européen, et quand je parle avec la Commission européenne je ne parle pas à des ennemis de classe, je parle à des partenaires avec lesquels, souvent, je ne suis pas daccord, car je ne suis souvent pas daccord avec monsieur BARROSO.
HUBERT HUERTAS
Vous racontez Chypre
PIERRE MOSCOVICI
Ça marrive souvent de ne pas être daccord avec eux, mais ce sont des partenaires, et il ne faut pas prendre lEurope comme quelque chose qui nous est extérieur. Quand nous avons choisi de faire lEurope, nous avons choisi nous-mêmes dabandonner certaines partes de souveraineté, ou dêtre dans un certain nombre de coopérations. Pour le reste, sagissant de la réforme de lassurance-vie, il faut dire peut-être, dun mot, de quoi il sagit, adouber ou pas
MARC VOINCHET
On aura loccasion dy revenir conseil des ministres.
PIERRE MOSCOVICI
Jen dis juste un mot.
MARC VOINCHET
Bien sûr.
PIERRE MOSCOVICI
Il sagit de faire en sorte que, les Français nous entendent, il y a 1400 milliards deuros de contrats dassurance-vie, 40% de lépargne, et elle est aujourdhui vers ce quon appelle des contrats en euro garanti
MARC VOINCHET
Et vous voulez changer les orientations de lépargne.
PIERRE MOSCOVICI
je voudrais que cette orientation de lépargne aille vers lentreprise, vers linvestissement, justement pour la croissance ou lemploi. Parce que
MARC VOINCHET
Vous vous attendez à ce que tous les gens qui ont une assurance-vie mettent des bonnets rouges et descendent dans la rue à nouveau, avec des poneys, comme disait , non ?
PIERRE MOSCOVICI
Pas du tout, parce que là il y a des incitations fiscales positives, pour justement orienter différemment lépargne. Et ça me conduit à ma dernière réflexion, sur les patrons. Ecoutez, moi je ne suis pas le camarade des patrons, le ministre des patrons, en revanche je veux être le ministre des entreprises, parce que je pense quun pays ne sen sort pas si les entreprises nont pas perçu un climat qui leur donne envie dinvestir pour embaucher, et ne considérons pas non plus que tous les patrons, là encore, ne visent que leur intérêt propre, non, il y a besoin de faire en sorte que ce pays sen sorte par et avec ses entreprises.
MARC VOINCHET
Pierre MOSCOVICI, on vous retrouve tout à lheure à 8H15 pour une demi-heure plus longue, où nous pourrons détailler de nombreux sujets, 8H15, qui est introduit, le débat, par Brice COUTURIER, bonjour Brice.
BRICE COUTURIER
Bonjour Marc, bonjour Monsieur le ministre. Oui, alors lOCDE, la Commission européenne, les agences de notation, et même notre Cour des comptes, nous réclament un certain nombre de réformes de compétitivité, parce que notre compétitivité sest érodée au cours des dernières années, or le crédit politique du gouvernement, on le voit, saffaiblit de jour en jour. Alors, cette crise dautorité ne rend-elle pas ces réformes dorénavant impossibles, en tous les cas avant un éventuel remaniement ministériel ?
MARC VOINCHET
Vous avez 20 minutes pour y réfléchir, on reprend avec vous Pierre MOSCOVICI
PIERRE MOSCOVICI
Je vais réfléchir pendant 20 minutes, mais les réformes sont là, et elles portent leurs fruits, encore une fois, il y a de la volonté, et il y aura des résultats.
MARC VOINCHET
Cest lheure de la chronique de Brice COUTURIER. Bonjour Brice.
BRICE COUTURIER
Bonjour Marc. Bonjour Monsieur le Ministre. Pour la deuxième fois en deux ans, lagence de notation STANDARD & POORS vient dabaisser la note souveraine de notre pays, lagence doute que les réformes adoptées par le gouvernement, à savoir laccord sur lemploi et le crédit impôt compétitivité, suffisent à débloquer le potentiel de croissance de notre pays, presque au même moment, presque au même moment, la BCE annonçait une baisse de ses taux dintérêt à presque 0%, que la presse économique internationale analyse comme une bouée de secours, lancée à la France, menacée sinon dune hausse des taux dintérêt auxquels nous empruntons. Létat de nos finances est en effet préoccupant. Après une croissance nulle cette année, celle de lan prochain est attendue à moins de 1%, 0,9, en 2015, notre pays devrait atteindre 1,7%, cest très insuffisant pour faire reculer le chômage, notre catastrophe nationale, mais surtout, lagence de notation constate que face à la montée de ce que vous avez appelé vous-même le ras-le-bol fiscal, les pouvoirs publics disposent désormais je cite dune marge de manoeuvre réduite pour augmenter les recettes. Ce qua confirmé hier soir José Manuel BARROSO, vous le disiez, Marc, en affirmant que le niveau des prélèvements en France avait atteint, je cite, le seuil du tolérable. Et de fait, le niveau des prélèvements atteint 46% du PIB cette année, et le dépassera lan prochain, tandis que les dépenses publiques je le rappelle souvent à ce micro dérapent, engloutissant 57,1% du PIB, des taux dangereusement supérieurs à ceux de nos voisins européens. Dautant que cette année, ce sera aux ménages de supporter les hausses, les entreprises étant, elles, épargnées, mais le pire est encore à venir, lan prochain, avec la hausse de la TVA, laugmentation des cotisations retraite et les effets de la défiscalisation des heures supplémentaires. Quelles seront les réactions dune opinion qui ne vous soutient plus, la cote du président de la République est tombée ce week-end à 21% dopinions favorables, alors que monte la fronde antifiscale dans tout le pays ? Le gouvernement auquel vous appartenez a été obligé de reculer sur plusieurs ressources prévues, lécotaxe, la taxation rétroactive sur les PEL et les PEA, comme vous aviez déjà dû renoncer à limpôt spécial sur lexcédent brut dexploitation des entreprises. Alors, comment allez-vous compenser ces manques à gagner ? Car votre gouvernement avait obtenu un délai de deux ans pour ramener des déficits à 3%, en échange de réformes de structure devant lesquelles les gouvernements successifs se dérobent, un peu comme les chevaux refusent lobstacle, mais comme disait Raymond ARON, la France est un pays hémiplégique, dans lequel les alternances politiques nont pour effet que de faire passer la paralysie du côté droit au côté gauche, et réciproquement. Mais le plus inquiétant, cest que les hausses dimpôts entamées lors de la dernière année du gouvernement FILLON, et qui se sont accélérées depuis que vous êtes à Bercy, nont pas permis de réduire les déficits. Les gouvernements, le gouvernement ne sest jamais vraiment résigné à une authentique baisse des dépenses, STANDARD & POORS critique je cite lincapacité du gouvernement à réduire les dépenses globales, THE FINANCIAL TIMES relève que cela contraste avec la politique menée tant en Irlande que par nos voisins méditerranéens, qui ont consenti, eux, de grands efforts, et qui commencent à en percevoir les bénéfices du côté de leur commerce extérieur. Mais ajoute le FT, les élites dirigeantes françaises, acquises au Colbertisme estiment que la dépense publique est toujours bénéfique, et les gouvernements vivent dans la hantise du retour des grandes grèves de 1995. Car lEtat français a toujours été considéré comme fiable, parce que nos institutions apparaissaient solides et que lautorité de lEtat nétait pas contestée. Ce nest plus le cas, le pays semble au bord de la jacquerie, deux Français sur trois se disent prêts aujourdhui à descendre dans la rue en cas de nouvelle hausse dimpôts, selon le CSA, aujourdhui, cest limpuissance publique qui provoque la défiance, alors comment enrayer ce phénomène et rétablir une autorité sans laquelle aucune réforme denvergure ne sera plus tolérée ?
MARC VOINCHET
La chronique de Brice COUTURIER à réécouter sur « franceculture.fr ».Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Oui, il y a énormément de choses là-dedans, je vais commencer par Raymond ARON, jai trouvé la citation savoureuse, mais en même temps, je la crois tout à fait injuste, pour le coup, pour le pays. Parce que, quand on vous écoute, on est saisi dun sentiment de désespérance, rien ne va, toutes les protestations montent, on ne peut rien faire, alors que ce pays, je le répète, et ce nest pas un slogan pour moi, cest un pays magnifique, cest un pays où il y a énormément dentreprises dune qualité extraordinaire, dune capacité dinnovation quon nous envie, dun système éducatif et denseignement supérieur qui est dailleurs même reconnu par STANDARD & POORS, des infrastructures de qualité, et des services publics qui permettent aussi la cohésion sociale. Et ce pays est la cinquième puissance économique du monde. Alors, sil était si paralysé depuis si longtemps, on se demande ce qui se produit. Non, il y a un génie français. Cest vrai quon ne fonctionnait pas exactement comme les autres, cest vrai que nous avons un modèle social un peu différent, mais cest vrai aussi que ce modèle social se combine avec une créativité économique quil ne faut pas, comme ça, dun coup, nier. Deuxième remarque, elle est sur STANDARD & POORS, la Banque centrale européenne, non, la Banque centrale européenne na pas baissé ses taux dintérêt pour faire plaisir à la France.
MARC VOINCHET
Au même moment, cest une coïncidence troublante.
PIERRE MOSCOVICI
Je peux vous assurer que la Banque centrale européenne nétait pas informée de la notation de STANDARD & POORS, et heureusement dailleurs, parce quil y a quand même une étanchéité, je ne dirais pas une muraille de Chine, entre ces différentes institutions, non, la Banque centrale européenne a fait ça, parce quelle estimait quil y avait en Europe des risques dune inflation basse, longtemps contenue, qui pouvait tourner à la déflation et quil fallait soutenir la reprise, quant à STANDARD & POORS, écoutez, moi, ce que je constate aujourdhui, cest, 1°) : que nous avons une des notes les plus élevées de la zone euro, cest, 2°) : que cette note est stable. Et cest, 3°) : que les investisseurs ont réagi à ça avec une extrême indifférence, parce quils savent pouvoir faire confiance à la France. Et dailleurs, nous conservons, et cest fondamental, des taux dintérêt extrêmement bas. Bref, quest-ce que je déduis de tout ça ? Jen déduis que, évidemment, la situation est compliquée, que, évidemment, les Français sont marqués par la crise, sont dans lattente de résultats économiques, quil y a des inquiétudes, des souffrances dans ce pays, et que ce gouvernement les entend, évidemment, mais que les réformes, elles sont là, et ce sont des réformes qui permettent
LE JOURNALISTE
Vous pouvez les énumérer les fameuses réformes, jen ai cité deux, je nen trouve guère plus
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, je vais être long, mais je vais commencer dabord, puisque vous parliez compétitivité, par, 1°) : la réforme du marché du travail, qui a été obtenue
LE JOURNALISTE
Ça, oui
PIERRE MOSCOVICI
Qui a été obtenue par le dialogue, une réforme historique, ça faisait quarante ans quon navait pas fait une réforme de cette ampleur, qui permet à la fois de préserver les intérêts des travailleurs et de donner plus de souplesse dans la gestion de procédures collectives.
HUBERT HUERTAS
Une avancée vers la flexi-sécurité, disons
PIERRE MOSCOVICI
2°)
HUBERT HUERTAS
Une avancée
PIERRE MOSCOVICI
Puisquon parle compétitivité, là, il ny en a pas une des réformes, il y en a dix, mais je vais en citer deux, deux éléments, dabord, le crédit dimpôt compétitivité emploi, qui est une baisse du coût du travail, qui permet en effet de rattraper une partie de notre retard sur lAllemagne
HUBERT HUERTAS
Qui succède à une hausse des prélèvements sur les entreprises qui ne la compensent pas complètement
PIERRE MOSCOVICI
Je poursuis, par le fait que nous sommes en train de réduire le déficit, et que nous le faisons fortement, avec un rythme en même temps qui est compatible avec la croissance, et que nous le faisons désormais par une politique déconomie, il y a bien quinze milliards déconomies dans le PLF 2014
LE JOURNALISTE
Donc cest les deux réformes que javais citées, est-ce que vous pouvez en citer une troisième ?
PIERRE MOSCOVICI
Jen suis déjà à trois, pardonnez-moi de ne pas vouloir compter comme ça, mais enfin, cest vrai, je citerai la quatrième, qui est la réforme des retraites qui
INTERVENANT
Chacun sait quelle est insuffisante, voyons
PIERRE MOSCOVICI
Pardonnez-moi de vous dire une chose, le critère dune réforme structurelle, ce nest pas de mettre deux millions de personnes dans la rue. Et le fait que cette réforme était concertée
BRICE COUTURIER
Voyez, vous reculez devant les réformes, parce que vous avez peur de lexplosion sociale, parce que vous avez peur du spectre de 1995, qui vous hante tous !
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce nest pas ça, cest que je suis en effet plus proche de Paul KRUGMAN que de tel ou tel intellectuel de droite, et je pense, en effet, quon peut faire des réformes qui sont des réformes de progrès social, je suis un homme de gauche. Et quand on met en avant la pénibilité, ce qui nempêche pas pour autant de faire des prélèvements et des économies qui permettent déquilibrer le système des retraites, on fait une réforme une retraite qui est une réforme structurelle. Et je pourrais poursuivre en parlant de la réforme du financement de léconomie, de la loi bancaire, je pourrais citer aussi la création de la Banque publique dinvestissement, qui est la banque des PME et des ETI dans ce pays, qui leur permet dexporter, je pourrais parler de la réforme de la formation professionnelle, et là, il y a un rendez-vous pour le 12 décembre, non, il y a toute une série de réformes structurelles qui permettent davoir une compétitivité plus forte
BRICE COUTURIER
Donc il faut maintenir le cap, les réformes sont suffisantes, et on va en obtenir les bénéfices ?
MARC VOINCHET
Ça semble être le pari de François HOLLANDE
BRICE COUTURIER
François HOLLANDE avait dit : il y aurait deux parties dans son quinquennat
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, jétais avec François HOLLANDE vendredi matin, cétait le jour où STANDARD & POORS annonçait cest vrai la dégradation
BRICE COUTURIER
La dégradation de la note
PIERRE MOSCOVICI
En tout cas, le recul de sa propre note. Je naime pas le mot « dégradation », parce que la France nest pas dégradée, et les marchés ne lont pas dégradée. Mais qua-t-il dit ? Nous étions avec le président de la Banque mondiale, monsieur KIM, il a dit : oui, il y a un cap et il y a une stratégie. Et ce cap, cest, 1°) : des économies, cest 2°) : la compétitivité, et cest 3°) : lemploi, lemploi, lemploi. Et en effet, cest comme ça que ce pays, à la fois, retrouvera une économie plus forte, et cest en train darriver, et aussi combattra le chômage qui est le fléau, qui mine notre société au fond.
MARC VOINCHET
Oui, mais est-ce que, énumérer les réformes que vous énumérez, Pierre MOSCOVICI, tout de même, ça ressemble, ça nen a pas vraiment lair, à la fameuse révolution fiscale quannonçait François HOLLANDE, qui était au fond au coeur de sa campagne électorale, et pour des raisons dailleurs même de compétences, cest son entourage, vous, Michel SAPIN, voilà, il y avait une révolution fiscale à mener, elle nest pas menée cette révolution fiscale
PIERRE MOSCOVICI
Vous savez, jai été, moi, le directeur de campagne de François HOLLANDE, je connais un peu sa campagne, et je connais un peu son programme, et François HOLLANDE a été extrêmement lucide dès la campagne présidentielle sur les difficultés de la France, il avait dit et jy insiste beaucoup dans mon livre on ne fera pas comme habitude, cest-à-dire, on ne va pas commencer par faire des dépenses importantes
LE JOURNALISTE
On fera à lenvers
PIERRE MOSCOVICI
Jai appelé ça, moi, le quinquennat inversé, cest-à-dire, on commence par leffort, et puis viendra lessor, on commence par le redressement, et puis viendra le dépassement. Et nous sommes dans ce moment où on est en train de passer
HUBERT HUERTAS
Réformes fiscales, et à toutes les questions, chaque fois quon lui pose une question sur léconomie, comment ferez-vous, il disait : ah, la réforme fiscale ; où est-elle ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce nest pas exact, je voudrais vous rappeler que non, non, mais ça, encore une fois, je sais un peu de quoi je parle, la première proposition, la première du programme de François HOLLANDE, cétait le Redressement productif, et cétait la création dune Banque publique dinvestissement, pour permettre aux entreprises de disposer enfin dune banque qui soit un investisseur patient, de long terme, qui soit à leurs côtés, alors, pour le reste, des réformes fiscales, nous en avons fait beaucoup, certains considèrent peut-être même que nous en avons fait trop, mais nous en avons fait beaucoup.
MARC VOINCHET
Un ministre de lEconomie a parlé de ras-le-bol fiscal
PIERRE MOSCOVICI
Mais vous savez
HUBERT HUERTAS
On considère que vous avez mis des sparadraps partout, cest ce quon vous reproche
PIERRE MOSCOVICI
Non, je vais citer quelques réformes puisquils vont dans le sens de la gauche, cest-à-dire de la progressivité, nous avons créé une tranche à 45% de limpôt sur le revenu pour ceux qui gagnent plus, nous avons aligné la fiscalité des revenus du capital sur la fiscalité des revenus du travail
BRICE COUTURIER
Vous avez dû reculer sur les PEA et PEL, vous vouliez les taxer 15%, vous navez pas pu finalement
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, mais dabord, cest totalement faux, parce que je rappelle que la taxation à 15%, elle existe depuis 2012, que la droite a augmenté les taux de 11 à 15,5%...
BRICE COUTURIER
Ah oui, mais vous vouliez les rendre (inaudible) et là-dessus, vous avez reculé
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, quand une mesure
BRICE COUTURIER
Comment vous allez récupérer largent qui va manquer ?
PIERRE MOSCOVICI
Quand une mesure apparaît comme une mesure qui, même si cétait une mesure dharmonisation, même si cétait une mesure de rendement pas très importante, cétait 600 millions deuros, il en reste dailleurs 400 millions deuros
BRICE COUTURIER
Eh bien, il faut les trouver maintenant puisque vous ne les aurez pas
PIERRE MOSCOVICI
Et il manque donc 200 millions deuros, et quallons-nous faire ? Cest, effectivement, ce que disait Bernard CAZENEUVE, ce sont des économies, parce que les ajustements, les réformes, elles doivent se faire de ce côté-là, vous avez cité les 57% de dépenses publiques, je ne dirais pas que cest trop, mais cest tout de même beaucoup, et donc quand on est dans ce niveau-là, il faut être capable davoir un Etat, et un Etat social, et davoir une Sécurité sociale et les collectivités locales qui participent
BRICE COUTURIER
La même chose, et ils paient beaucoup moins, comment se fait-il ?
PIERRE MOSCOVICI
Et cest ce que nous appelons, et cest une réforme que je ne voudrais pas oublier, cest ce que nous appelons la modernisation de laction publique, qui passe par lévaluation de chaque politique publique, pour des réformes de fonctionnement, et enfin, des économies, les trois allant ensemble.
CAROLINE FOUREST
La stratégie que vous avez annoncée pendant la campagne présidentielle, cest effectivement, dabord, des économies, dabord la révolution fiscale, puis la redistribution, est-ce que lerreur, elle nest peut-être pas quand même dans un léger réglage de tempo, cest quon a eu le sentiment quil y a eu dabord la montée de la pression fiscale, puis, les économies, puis la redistribution, ce qui est trois crans au lieu de deux, et votre difficulté, cest que vous allez maintenant fâcher en gros la gauche de la gauche après avoir fâché la droite vis-à-vis de la pression fiscale, et que vous allez perdre cette marge de manoeuvre politique qui vous manque pour aller vers la troisième étape qui est celle de la redistribution.
PIERRE MOSCOVICI
Alors, première chose, je voudrais revenir sur mai 2012, quand nous arrivons aux responsabilités, moi, jarrive à Bercy, quest-ce que nous trouvons
MARC VOINCHET
Et vous enlevez la moquette zébrée de Christine LAGARDE
PIERRE MOSCOVICI
Je suis un peu astigmate
MARC VOINCHET
Et vous lui en donnez de petits morceaux
PIERRE MOSCOVICI
Ça me faisait mal aux yeux, donc cest très compliqué de voir comme ça un parterre zébré, mais enfin, ça, cest plutôt pour lanecdote Avant de voir la moquette, ce que jai vu, cest le déficit, et il y avait un déficit de la France qui était à 5,3% du PIB, et vous savez, nous avons, on est obligé de le dire, trouvé les finances publiques dans le plus mauvais état de tous les grands pays de lUnion européenne, cela, pour le coup, je le dis, le plus mauvais. Et donc il fallait réduire les déficits, que nous disaient le FMI ou lOCDE ou la Commission européenne, cest que, à court terme, linstrument qui était disponible, et celui qui avait aussi le moins deffets récessifs, cétait la fiscalité. Donc la première année, nous avons fait 66% de leffort par de la fiscalité ou des prélèvements, et 33 par les économies. La deuxième année, nous y sommes, cest 80% déconomies et 20% de prélèvements. La troisième année, ce sera 100% déconomies, parce que, on a besoin de basculer vers cela. Et puis, il faut aussi des réformes pour faire des économies intelligentes. Mais vous savez, quest-ce qui sest passé et quest-ce qui explique ce petit décalage ? Cest quen effet, personne, je dis bien personne, navait vu que lannée 2013 serait dans la zone euro une nouvelle année de récession, si je me souviens des prévisions du début de lannée 2012 pour 2013, elles correspondaient à peu près aux prévisions que nous avons à la fin 2013 pour 2014, et celles-ci sont plus sûres, et donc nous avons fait le plus dur, cest-à-dire le plus grand effort avec la plus grosse demande fiscale, dans une année qui était une année de croissance nulle, et cest ça qui aujourdhui crée ce hiatus, et quand je dis : les résultats arrivent, en effet, nous sommes en train de sortir de ça, il fallait le faire, mais maintenant, la France est sortie de la récession, et maintenant, la France va retrouver la croissance, là où je suis daccord avec vous
BRICE COUTURIER
Les chiffres qui vont être donnés jeudi cest une croissance zéro pour le troisième trimestre, vous confirmez ?
PIERRE MOSCOVICI
Je nen sais rien, mais ce que je sais
BRICE COUTURIER
Donc la reprise nest pas là, contrairement à ce que disait François HOLLANDE cet été.
PIERRE MOSCOVICI
Attendez. Par définition je ne connais pas les chiffres qui sont donnés par lINSEE
BRICE COUTURIER
Tout le monde les donne dans la presse aujourdhui.
PIERRE MOSCOVICI
Il y a une chose que nous savons déjà, parce que lINSEE la dit, cest que le profil de croissance, pour lannée 2013, sera heurté, autrement dit nous avons eu un très fort deuxième trimestre, 0,5 point de croissance, nous savons que le troisième trimestre, je ne sais pas, devrait être moins bon
BRICE COUTURIER
0%.
PIERRE MOSCOVICI
Et que le quatrième
BRICE COUTURIER
0%, cest le chiffre de lINSEE.
PIERRE MOSCOVICI
Mais non
BRICE COUTURIER
Il est déjà dans la presse ce matin.
PIERRE MOSCOVICI
Non, cest le chiffre des prévisions de lINSEE, le chiffre de lINSEE, je peux vous lassurer, je suis ministre des Finances, que personne, je dis bien personne, ne le connaît, et peut-être même pas lINSEE encore aujourdhui. Mais en attendant, le chiffre du troisième trimestre, devrait être plus faible, celui du quatrième trimestre, et là il y aura des prévisions qui vont sortir, sera nettement meilleur, et on est sur une tendance annuelle de 1% de croissance aujourdhui, voilà le chiffre, voilà la vérité. Est-ce que cest suffisant ? non, il faut aller au-delà, si on veut en effet créer de lemploi dans ce pays, et donc, tout notre effort, quand on parlait y compris des patrons, etc., non, cest de faire en sorte que les entreprises de ce pays retrouvent de lintérêt pour lui, pour y investir, pour y embaucher, et jajoute lattractivité
BRICE COUTURIER
Les entreprises qui sont les plus taxées de toute la zone euro, daprès José-Manuel BARROSO hier soir, encore une fois !
PIERRE MOSCOVICI
Cest une des raisons pour lesquelles nous avons fait ce que vous sembliez dénoncer il y a quelques minutes, c'est-à-dire une stabilisation fiscale en 2014 avec, pour les entreprises, aussi, ce crédit impôt compétitivité emploi qui permet dalléger les charges et le coût du travail.
MARC VOINCHET
Une relance de Caroline FOUREST.
CAROLINE FOUREST
Non, mais pour vous permettre de détailler un petit peu, où est-ce que vous allez faire des dépenses publiques, puisquau fond, pendant la campagne, cest un sujet quon a quand même un peu évité dans le détail, maintenant que vous nous dites « le temps de la stabilité fiscale est venu, nous allons vers surtout des économies de dépenses publiques », où est-ce que vous allez trouver les principales ressources ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, dabord tout le gouvernement va être mobilisé autour de ce quon appelle la modernisation de laction publique, qui suppose, cette démarche, cest important, dabord on évalue chaque politique publique, après on en déduit ce qui doit être réformé, et enfin on voit le quantum ou le montant déconomies qui est possible. Mais je vais vous donner un exemple, parce que ça aide à se faire comprendre.
BRICE COUTURIER
Les départements par exemple ?
PIERRE MOSCOVICI
Je suis le ministre de l'Economie et des Finances, ce qui veut dire quà la fois jai la responsabilité de la politique économique, financière, du pays, mais je suis aussi le chef dune administration, qui emploie 165 000 personnes. Dans mon administration, le ministère des Finances, on va supprimer 2564 emplois budgétaires lan prochain. A la Direction Générale des Finances Publiques
MARC VOINCHET
Il va y avoir des Bonnets Rouges à Bercy alors !
PIERRE MOSCOVICI
Justement pas, parce que
HUBERT HUERTAS
Oui, et des poneys.
PIERRE MOSCOVICI
Mais non moi, avec mes ministres délégués, avec Bernard CAZENEUVE, avec Benoît HAMON, MONTEBOURG était présent, nous avons réuni le Comité technique ministériel il y a quelques semaines, et évidemment de telles mutations, de telles adaptations, ne peuvent se faire que si ça se fait, un en relation avec les usagers, et deux avec les fonctionnaires, et ça veut dire quil faut aussi être capable de créer une modernisation concomitante. Et donc par exemple
BRICE COUTURIER
Mais enfin, il y a des rapports qui saccumulent sur
PIERRE MOSCOVICI
Par exemple, pardonnez-moi, puisquon me demande où on les fait
BRICE COUTURIER
Un rapport de plus alors ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce nest pas un rapport, si on supprime 2564 emplois, après il faut que, de manière concomitante, encore une fois, il y ait une dématérialisation, quil y ait une informatisation, quil y ait un enrichissement des tâches, il faut aussi que la politique indemnitaire fasse en sorte que les catégories dites C, c'est-à-dire les moins bien rémunérées, elles ne soient pas touchées, quon ait un effort de justice, quon demande davantage aux agents du haut de léchelle, il y a tout un travail de relations humaines et de modernisation de ladministration qui doit se faire à côté. Et dans ces conditions, je ne dis pas que ça réjouit, ça devient admissible, et les Français peuvent le comprendre. Et donc, cest cette démarche-là que je mène dans mon ministère, avec aussi 300 millions deuros déconomies sur les investissements, sur les subventions, ou sur le fonctionnement, les dépenses de communication par exemple, et chaque ministère, chaque politique publique, doit être amenée à ça, et cest cette masse-là
CAROLINE FOUREST
Mais ça ne va pas suffire.
PIERRE MOSCOVICI
Si, si, ça fait 15 milliards deuros en 2014, cest ce que le Parlement est en train de voter, il le vote mission par mission, on pourrait aussi parler de politique immobilière, on peut parler de politique de gestion du patrimoine public, nous sommes dans cette recherche systématique déconomies intelligentes qui permettent aussi davoir une efficacité plus grande dans les dépenses publiques, parce que, tout de même, personne ne me fera croire quavec 57% de dépenses publiques dans le PIB on ne peut pas faire des économies sans pour autant casser le modèle social français. Non, on peut garder le modèle social français, on peut garder un Etat qui est un Etat stratège et protecteur, on peut garder un système de Sécurité Sociale qui est plus quun filet de sécurité, on peut avoir des collectivités locales qui sont un soutien fort à linvestissement, et en même temps faire des économies. Ce sont des expériences que jai déjà faites quand jétais à la tête dune collectivité locale, que je fais aujourdhui dans mon ministère.
HUBERT HUERTAS
Au-delà de la dimension technique, des réformes, du nombre de ces réformes, de lefficacité de ces réformes, il y a une question quon a abordée dans la première partie, mais sur laquelle je voudrais revenir, qui est un petit peu la méthode de gouvernement. Et là je vais vous renvoyer au prologue de votre livre. Vous racontez le conseil des ministres des Finances européens à Bruxelles le 16 mars, il est 3H00 du matin, on y parle de Chypre, et on penche pour une taxation de tous les comptes bancaires. Vous, vous lexpliquez dans le livre, vous êtes contre et puis, de guerre lasse, vous laissez faire. Vous expliquez que la semaine suivante les faits vont vous donner raison, mais quil est un peu tard. Est-ce que cet épisode, que vous mettez en exergue, donc il est important, nexplique pas à lui seul le sentiment de faiblesse que donne ce gouvernement, puisque vous aviez raison, et que vous le saviez, pourquoi navez-vous pas dit « non », gaullistement « non » ?
PIERRE MOSCOVICI
Je vais vous lexpliquer. Je pensais, en effet, quil nétait pas possible de faire ce quon appelle un « bailing », de taxer, tous les portefeuilles, y compris ceux qui étaient en dessous de 100 000 euros.
HUBERT HUERTAS
Et vous ne le dites pas, et du coup Jean-Luc MELENCHON vous accuse de faire partie des « 17 salopards », vous vous en souvenez ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, je men souviens bien, il a même voulu
HUBERT HUERTAS
Lexpression est entre guillemets.
PIERRE MOSCOVICI
Enfin cétait DELAPIERRE ; donner mon adresse, ce que jai trouvé une élégance qui participe à ce climat sympathique, chaleureux, démocratique et républicain, qui fait le charme du pays parfois. Non, mais de façon plus sérieuse, vous savez ce qui sest passé, cest assez simple, cest quon est dans une situation où le président de Chypre, lui-même, le président de Chypre lui-même, a consenti à ça. Nous étions dans une pièce, une pièce fermée, il y avait Monsieur REHN, le commissaire chargé de ces affaires, il y avait Wolfgang SCHÄUBLE, le ministre allemand, moi-même, il y avait Christine LAGARDE, et il y avait le président de Chypre, et quand le président de Chypre a dit « non, moi je préfère cette formule », quest-ce que vous vouliez dire, « non, gaullistement je vais vous expliquer que vous devez faire »
HUBERT HUERTAS
Peut-être, oui.
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, ça cest assez
HUBERT HUERTAS
Vous auriez raison, et on laurait su, alors que là vous avez donné le sentiment, bien que vous layez pressenti, de courir derrière vous-même quoi !
PIERRE MOSCOVICI
Ce qui sest passé non, je nai pas couru derrière moi-même ce qui sest passé cest que la position française a finalement prévalu, puisque dès le mardi, on sest aperçu que ce nétait pas admissible.
HUBERT HUERTAS
Mais à quel prix politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais ne pensez pas monsieur HUERTAS je comprends que vous pouvez avoir une nostalgie dune certaine Europe
HUBERT HUERTAS
Du romantisme, comme vous dites dans votre livre.
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, mais je peux lavoir où il suffisait que la France dise « non » pour que ce soit « non », quand la France est-elle seule contre tous les autres pays et que le pays lui-même, concerné, dit « oui », on peut dire « non », jai dit « non », et puis on peut y revenir, mais sur le coup, voilà.
MARC VOINCHET
Alors Caroline FOUREST, et puis Brice COUTURIER, je vais vous demander dêtre bref, on va arriver à peu près au bout, on a encore 5 minutes.
CAROLINE FOUREST
La question que soulevait aussi Hubert HUERTAS cest celle de la mise en forme politique, c'est-à-dire que, autant Nicolas SARKOZY ne menait pas vraiment de réformes mais avait un talent certain pour faire croire quil réformait le pays absolument tous les jours, autant vous, finalement, quand on vous écoute rationnellement, vous menez plutôt des réformes, mais vous avez un talent certain pour ne pas le faire savoir, pour ne pas être cru là-dessus.
MARC VOINCHET
La pédagogie, Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Si jai écrit un livre cest aussi pour mettre ces choses-là au clair, pour dire quelle était la cohérence de tout ça, parce quil y en a une. Cette cohérence, en effet, cest le redressement du pays, puis le dépassement, ce sont un certain nombre de réformes qui sont indispensable pour permettre que notre offre productive, je prononce ce mot, que nos entreprises se sentent mieux et soient plus fortes, cest la réduction des dépenses publiques, que je crois indispensable, cest lengagement européen, qui ne peut pas être mièvre, ou tiède, ou partagé. Pour moi, je le répète, lEurope ce nest pas une contrainte extérieure, lEurope cest un choix que nous faisons, mais il faut changer lEurope, de lintérieur, doù la réorientation de lUnion européenne vers la croissance, ce que fait François HOLLANDE, doù aussi le fait que nous gagnons nous-mêmes un délai qui nous permet de mener des politiques sérieuses, mais en même temps de préserver notre croissance, voilà ce quil faut faire.
CAROLINE FOUREST
Mais doù vient le déficit de communication politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, ça je vous en laisse le commentaire, moi ce que je
HUBERT HUERTAS
Cest ce que certains ministres, même en « off », reconnaissent, ils disent « on fait des choses, mais ça nimprime pas », cest lexpression.
PIERRE MOSCOVICI
Je dois être dune espèce un peu dépassée. Jai commencé ma vie politique en étant aux côtés de Lionel JOSPIN, jai une certaine conception de ce que doit être laction publique, avec une forme de dignité personnelle, je ne fais pas de commentaire en « off », et je ne tape jamais sur les petites camarades, je suis profondément solidaire des autres.
HUBERT HUERTAS
Beaucoup verraient bien Martine AUBRY à la place de Jean-Marc AYRAULT pour imprimer davantage.
PIERRE MOSCOVICI
Et je redis ici, quen toute hypothèse
CAROLINE FOUREST
Et dautres Manuel VALLS.
HUBERT HUERTAS
Et dautres Manuel VALLS.
PIERRE MOSCOVICI
Il faut faire bloc, il faut faire bloc autour du chef de lEtat, parce quil y a un cap, parce quil y a une stratégie, parce quil sait où il va. Après, quil faille plus de pédagogie, plus de communication, ce sont des choses que jévoque aussi dans mon propre livre, je crois en effet quil y a un sens à tout ça, qui doit être davantage affirmé par chacun dentre nous. Moi jai fait cet effort pour ce qui me concerne.
BRICE COUTURIER
Oui, enfin la question de Caroline FOUREST montre aussi que peut-être vous navez pas la majorité de votre politique et que cest pour ça que vous la faite de manière dérobée, mais cest une autre question. Je voudrais juste revenir à une question très politique. Vous dites, quelque part dans votre livre
PIERRE MOSCOVICI
Il y a une majorité de Français qui accepte
BRICE COUTURIER
Une majorité de la gauche, cest moins sûr.
PIERRE MOSCOVICI
Une majorité de Français qui accepte les efforts.
BRICE COUTURIER
Vous dites, quelque part dans votre livre, à plusieurs reprises, la financiarisation de léconomie sert en fait lintérêt des baby-boomers, lépargne bien rémunérée, les pensions de retraite sont élevées, et du coup lintérêt des jeunes générations a été largement sacrifié, pas seulement par votre gouvernement, pas tous ceux qui vous ont précédés, en gros. Quest-ce que vous comptez faire pour inverser la tendance et faire que les jeunes, qui non seulement sont touchés par le chômage, touchés par la hausse de limmobilier, mais en plus vont devoir payer les dettes accumulées par les générations précédentes, puissent enfin vivre dans ce pays normalement et pas choisir lexil comme tant dautres ?
PIERRE MOSCOVICI
Cest bien, cétait la priorité de François HOLLANDE pendant sa campagne, la jeunesse, et ça demeure la priorité de son action. Je vais citer, là encore, un certain nombre de choses que dabord la priorité qui est donnée, je parlais des économies de mon ministère, elles sont nécessaires, mais il y a aussi des priorités, en petit nombre, qui se marquent pas des dépenses supplémentaires, dabord lEducation nationale, et puis aussi le soutien à lEnseignement supérieur. Il y a le fait que nous avons mis en place, pour cette jeunesse qui souffre, notamment celle qui est peu qualifiée, des programmes spécifiques en termes demploi. Et puis il y a et vous venez de démontrer de manière absolument implacable la nécessité de se désendetter. On ne réduit pas les déficits pour le plaisir, on le fait, un pour que le pays soit crédible, deux pour que les taux dintérêt soient bas, ce qui permet dinvestir et demprunter, aussi, pour préparer son avenir, et on le fait trois, pour que le mouvement dascension de la dette publique, et nous serons à 95% à la fin de lannée 2014, sinterrompt, et lobjectif qui est le mien cest de faire en sorte quà partir de 2015 le poids de la dette, dans le PIB, décline.
BRICE COUTURIER
On est à 95% aujourdhui, cest ça ?
PIERRE MOSCOVICI
On sera à 95%, mais il y a aussi des éléments disons entre 93 et 95%, à la fin 2014, ce sont budgétaires, eh bien ce nest pas comme ça quon prépare lavenir de la jeunesse, voilà pourquoi la réduction des déficits ce nest pas une politique de droite, non, cest une politique qui prépare lavenir tout simplement, et investir dans lavenir du pays cest la tâche de ce président et de ce gouvernement.
MARC VOINCHET
Pierre MOSCOVICI, nous arrivons au terme de lémission, vous avez parlé des efforts à faire, on ne parle pas daustérité, on parle de sérieux et defforts, mais est-ce que vous ne craignez pas tout de même, vu latmosphère général, que ces efforts, que vous menez, pour le pays, le sérieux, aient un énorme coût électoral dommageable pour le gouvernement aux prochaines municipales, et je ne parle pas des européennes ?
PIERRE MOSCOVICI
Vous savez, moi je suis aujourdhui ministre de l'Economie et des Finances, je suis un homme politique, je suis un élu, jattache beaucoup beaucoup dimportance au sort électoral de la gauche, je travaille pour ça, mais aujourdhui, dans les fonctions qui sont les miennes, je ne suis pas le chef dun parti, je ne suis pas le chef de la majorité, je suis un ministre qui donne tout ce quil a, toutes ses forces, toute son énergie, le talent quil a
MARC VOINCHET
Ça ne guide jamais les moments où vous adoucissez des réformes, où vous les retirez, on ne vous dit jamais « attention quand même, il y a les municipales bientôt » ?
PIERRE MOSCOVICI
Ça peut arriver, ce nest pas quelque chose qui doit être totalement absent dans notre absent, mais en même temps il faut toujours agir avec le sens de lintérêt général. Ce que jobserve cest que dans lHistoire, dans lHistoire, faisons un peu d Histoire, à FRANCE CULTURE on peut en faire, à chaque fois que la gauche est arrivée aux responsabilités, cétait dans une situation compliquée, la droite avait laissé le pays dans un triste état, et la droite a laissé le pays dans un triste état, Nicolas SARKOZY cétait les déficits les plus élevés dEurope parmi les grands pays, cest un endettement insupportable, cest un chômage qui croissait et cest une compétitivité perdue, ou avec du recul, et une désindustrialisation forte, et la gauche elle est là pour marquer les réformes de structure qui sont conformes à lintérêt général. Et moi, le matin, je pense à ça, je pense à lintérêt général de la France, je pense au service de mon pays. Le sous-titre de mon livre cest « Pour que la France sen sorte », je peux vous assurer quaujourdhui je ne suis pas dans la gestion de je ne sais quelle carrière individuelle, je suis avant tout dans cette idée, quen effet, quand on fait le bien public, à la fin, les Français sy retrouvent, et ce quinquennat dure 5 ans.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 novembre 2013
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