Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les efforts en faveur de l'internationalisation de l'économie française, à Paris le 5 octobre 2016.

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Circonstance : Deuxième édition des Journées de "Business France", à Paris le 5 octobre 2016

Texte intégral


Madame la Présidente, Chère Seybah
D'abord, tous mes compliments, parce que cela fait effectivement peu de temps que tu exerces cette fonction et j'en suis très heureux. Nous nous connaissons et nous apprécions. Et, surtout, je vois que tu n'as pas perdu de temps pour jouer ton rôle et aller sur le terrain et, comme vient de le dire Muriel Pénicaud, Madame la Directrice générale, c'est un message très important pour toutes les équipes.
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être là cet après-midi pour faire le point. Business France est jeune : presque deux ans. Ce sont deux années importantes puisque vous êtes issus de la fusion de deux agences, l'Agence française des investissements internationaux et Ubifrance, ce qui nous a permis à la fois de réussir ce chantier d'intégration et de fusion et, en même temps, d'être présent sur tous les chantiers, toutes les missions qui sont les vôtres, en intégrant aussi les équipes de SOPEXA que je salue également aujourd'hui.
Madame la Directrice générale,
Vous avez rappelé, effectivement la période où a été prise cette décision, j'étais Premier ministre, je m'en souviens très bien. Nous nous interrogions sur la meilleure formule pour être plus efficace, et ce n'était pas évident. Je m'en souviens d'autant plus que j'ai eu beaucoup de discussions avec Laurent Fabius particulièrement, et que j'avais parfaitement conscience que le rapprochement de deux maisons aux identités fortes n'était pas si simple que cela. Il y a eu des interrogations, même des réticences, je les comprends très bien. Mais, surtout, ce que je voudrais saluer, c'est que vous avez tous contribué à surmonter ces difficultés en vous impliquant tous parce que vous avez compris l'enjeu. Je voulais vous en remercier.
Vous avez compris l'enjeu, le défi : pour les personnels de Business France, c'est de vous mobiliser pour remplir leurs missions primordiales : oeuvrer en faveur de l'internationalisation de notre économie ; favoriser le développement international des entreprises implantées en France et promouvoir l'attractivité de notre pays, de ses acteurs économiques et de ses territoires. C'est cela l'enjeu, pas autre chose. Et vous y avez fortement contribué. Je voyage un peu, comme vous l'imaginez, et je vois les équipes de Business France. Encore récemment, vous avez mentionné ma dernière visite aux États-Unis à l'occasion de l'assemblée générale ; j'ai tenu à rencontrer une start-up très brillante «Datalog» et à participer à une table ronde avec les startupers. Et, il y avait, évidemment, le représentant de Business France, très engagé, très déterminé et convaincant et je l'ai senti proche aussi des gens qui étaient là. C'est cela qui est important : qu'il y ait une oreille attentive, un contact, une écoute, une disponibilité. Vous le faites sur le terrain.
En rapprochant les métiers du soutien à l'export et ceux de la promotion de l'attractivité, nous avons une priorité, qui dépasse tout le reste, c'est de nous mettre au service des entreprises. Ce sont elles, c'est une évidence, qui font notre commerce extérieur. Avec Matthias Fekl et les autres tutelles de Business France, nous veillons à les soutenir. Le contrat d'objectifs et de performances, signé l'an dernier, traduit cette ambition et ses premiers résultats sont très encourageants : en 2015, Business France a dégagé un bénéfice de 3,6 millions d'euros pour son premier exercice. En 2016, les objectifs du COP sont sur le point d'être atteints avec plus de 2.000 courants d'affaires générés et plus de 1.000 ETI et PME de croissance qui ont démarré leur plan d'action international. Vous avez travaillé durement depuis un an et demi et les résultats sont là : près de 7.000 contrats ont été signés et vous avez contribué à la création de plus de 14.000 emplois. Il faut le faire savoir et, pour vous, je crois, que c'est une récompense aussi de citer ce chiffre, c'est une satisfaction.
Votre travail au quotidien dans la French Tech et avec BPI France contribue à développer les secteurs de demain, des secteurs qui sont autant de gisements d'emplois. J'évoquais ma rencontre à New York et, il y a encore quelques jours, j'ai reçu France Digitale au Quai d'Orsay pour une rencontre que j'ai trouvé particulièrement convaincante dynamique et enthousiaste. Je leur ai dit d'ailleurs que vous voyez les entreprises tous les jours, vous voyez des femmes et des hommes de projet, des femmes et des hommes d'ambition, avec une créativité, une capacité qui donnent du moral. Ce que je disais aussi à tous ceux qui étaient présents à la soirée de France Digitale, c'est que parfois en France nous avons tendance à nous autocritiquer, une forme d'autodérision qui pourrait être sympathique mais parfois elle va trop loin. Je sais bien que nous avons nos problèmes, il ne s'agit pas de les nier ou de les sous-estimer, notamment dans le secteur de l'industrie. Mais, en même temps, il y a tellement de capacités, d'opportunités et tellement de talents que je crois que c'est de cela qu'il faut d'abord parler et c'est ce que vous faites tous les jours.
Vous aidez aussi les entreprises dans leur rôle de formation. Grâce à vous, plus de 9.000 jeunes Français bénéficient d'une expérience internationale en Volontariat international en entreprise (VIE). J'aime beaucoup rencontrer ces jeunes VIE partout dans le monde et, là aussi, on voit beaucoup de talent et beaucoup d'engagement. La semaine prochaine, je vais recevoir les anciens V.I.E. au Quai d'Orsay, à l'occasion des 10 ans du club VIE.
C'est donc un bilan positif que je voudrais souligner aujourd'hui. Mais, en même temps, il faut éviter l'autosatisfaction car les enjeux sont immenses et demandent un engagement permanent.
Le premier de ces enjeux est de poursuivre le redressement de notre commerce extérieur. Malgré une conjoncture peu favorable marquée par un ralentissement mondial, une stabilisation de l'euro et des cours du pétrole qui repartent à la hausse, la situation s'est améliorée. Notre déficit a été ramené à 45 milliards en 2015 alors qu'il atteignait 75 milliards d'euros en 2011. Différents facteurs ont joué, mais je pense que les réformes engagées dès 2012 ont joué peu à peu leur rôle. Ce sont des réformes structurelles et qui nécessitent un temps long pour produire leurs effets et c'est toute la difficulté d'ailleurs de l'exercice politique de ce type de réforme, car l'on n'est pas toujours compris dans l'instant. Mais, en même temps, au bout du compte, cela finit par payer. Je ne sais pas si l'on en récoltera toujours les fruits politiques, mais c'est une autre affaire.
Je voulais vous dire que, dès le mois de juillet 2012, j'ai annoncé - c'était à la première conférence sociale - la commande que j'avais faite auprès de Louis Gallois pour un rapport sur l'état de notre économie, en particulier de notre industrie. Ce rapport nous a été rendu quelques mois après et il a été aussitôt adopté, non pas remis en cause ou découpé en rondelles, nous en avons gardé l'essentiel ; et toutes les priorités qu'il avait proposées, nous les avons mises en oeuvre plus ou moins rapidement mais, en tout cas, elles ont été engagées. Et puis, c'est aussi tout le travail qui a été fait dans l'organisation des filières industrielles - et, là aussi, cela prend du temps avant de produire des effets - avec une action déterminée de soutien aux exportations. Business France est à cet égard un acteur clé.
Je compte sur vous pour continuer à accompagner l'internationalisation des PME et des ETI - je dis bien des PME et des ETI parce que les autres entreprises, à la limite, n'ont pas toujours besoin de cette aide, les grands groupes se débrouillent. Mais je pense qu'il est important de soutenir ceux qui ont le plus besoin de cette aide, de cet accueil, en rendant plus lisible notre dispositif de soutien, en lien étroit avec les différents acteurs notamment avec les Chambres de commerce et d'industrie et les conseillers du commerce extérieur. Il est nécessaire que de plus en plus d'entreprises soient soutenues et reconnues et qu'elles puissent être accompagnées dans leurs projets. Nous sommes d'ailleurs parvenus à faire passer le nombre des entreprises exportatrices de 117.000 en 2011 à 125.000 en 2015. Cette tendance doit se poursuivre.
Le second enjeu est celui du renforcement de notre attractivité. Nous avons beaucoup oeuvré pour améliorer les conditions de l'investissement en France et c'était, là aussi, une des priorités du rapport Gallois. Nous avons lancé le grand chantier de la simplification administrative - il y a encore toujours des progrès à faire -, le droit du travail a été modifié, en particulier il y a eu ce premier grand accord de 2013 qui a donné lieu à cette loi qui permet des négociations.
Je me souviens, il y a peu de temps, d'une cérémonie à l'Élysée consacrée à une très importante commande de paquebots de croisière à Saint-Nazaire et le directeur général de cette entreprise nous a dit bien sûr sa satisfaction mais il a expliqué les raisons pour lesquelles ce grand chantier de construction navale de bateaux de croisière avait réussi. D'abord, il y avait les efforts propres de l'entreprise, les efforts internes pour améliorer l'organisation, améliorer aussi toutes les marges d'innovation, l'organisation du chantier avec ses sous-traitants, avec toutes les capacités en matière de formation professionnelle dans la région. Mais il a aussi cité le CICE, sans lequel, a-t-il dit, l'entreprise n'aurait pas pu tenir, il a cité aussi le crédit impôt recherche comme un élément fondamental de sa réussite et il a cité aussi l'accord de compétitivité qu'il avait négocié à la suite des accords de 2013. C'est, en quelque sorte, cet ensemble de capacités propres, l'environnement favorable et puis le dialogue social qui lui avait permis de réussir. Je pense que c'est un bon exemple, il n'est pas le seul mais celui-là est spectaculaire quand on voit la taille évidemment des navires qui sont construits et qui sont aussi une fierté de ceux qui les fabriquent et qui sont aussi une fierté de la France.
Alors, je le crois sincèrement, ces politiques portent leurs fruits. D'ailleurs, pour l'attractivité de la France, les classements internationaux placent Paris dans le peloton de tête des pôles mondiaux d'innovation. John Chambers, patron de Cisco - qui doit d'ailleurs se rendre bientôt en France -, qualifie la France de «Silicon Valley de l'Europe». Je me suis demandé si c'était pour nous faire plaisir. Et, pour en avoir discuté avec ceux qui partagent - je pense notamment à la chambre de commerce américaine que j'ai reçue l'autre jour - cette idée-là, cette conception-là, ils m'ont donné des arguments. En effet, je crois que nous avons pu faire la démonstration que la France était un pays d'innovation et que nous devrions davantage encore le faire savoir et cultiver cette capacité.
Nous avons aussi notre outil de formation, nos universités, nos écoles d'ingénieur qui sont souvent remarquables et souvent enviées. Ce n'est pas un hasard si une entreprise comme Facebook, a décidé en 2015 d'implanter son centre R&D en France. Et il y a d'autres exemples.
Encore une fois, je ne fais pas de l'autosatisfaction mais je voudrais souligner ce qui marche et ce qui peut nous aider à progresser. C'est cela le but de mon propos : nous encourager à poursuivre nos efforts et, donc, continuer à attirer dans notre pays les fonctions stratégiques. On parle beaucoup des conséquences du Brexit qui place justement cette question sous un jour nouveau. Nous nous devons d'apporter des solutions concrètes pour les entreprises qui s'interrogent quant à leur implantation en Europe. Notre message est clair : il n'y a aucune arrogance, ni aucune agressivité, mais nous sommes disposés à accueillir de nouvelles entreprises et nous offrons des conditions particulièrement attractives dans cette perspective. Vous avez vu la note qui a été rédigée par le gouvernement japonais pour expliquer que la stratégie japonaise d'investissement en Europe passait plutôt par le Royaume-Uni mais qui s'interrogeait pour savoir si cela ne passerait que par le Royaume-Uni. Je n'en dis pas plus, il ne s'agit pas, encore une fois, de commenter trop, il s'agit surtout d'agir et, je le dis encore, de façon concrète, pragmatique.
Je sais pouvoir compter sur les agents de Business France pour identifier et accompagner les entreprises qui voudront s'installer en France et pour leur offrir les meilleures conditions d'accueil. À cet égard, le guichet unique que nous allons prochainement mettre en place avec Business France et ses partenaires permettra d'accompagner les entreprises dans leur choix d'implantation et de leur donner l'information et l'appui nécessaires.
Je vous invite à rester agiles, mobiles, créatifs et à chercher à vous adapter en permanence, car c'est cela le monde auquel nous faisons face, avec ses enjeux, ses mutations permanentes mais qui s'imposent à nous. Cela ne doit pas nous faire peur, nous en avons les capacités. C'est notamment vrai dans le cadre de l'émergence des territoires comme acteurs majeurs du commerce extérieur. Pendant la semaine des ambassadeurs, nous avons consacré un moment important à ce que l'on appelle la diplomatie des territoires. Les relations de confiance que vous avez su établir avec les agences régionales de développement économique vous permettent d'être au coeur des nouvelles donnes induites par les réformes, je pense notamment à la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 et la loi NOTRe du 7 août 2015. Tout cela se met peu à peu en mouvement.
Je vous remercie et je vous félicite d'avoir su très rapidement vous insérer dans ce nouveau paysage institutionnel, en signant dès le 30 septembre 2016 une convention avec le nouvel exécutif des régions de France. Voilà un signe très fort, qui a été donné tout de suite. C'est pourquoi j'ai souhaité que vous soyez étroitement associés au livre blanc en cours de rédaction «Diplomatie et territoires». Ces changements, j'en ai la conviction, vous permettront d'inventer de nouveaux services pour attirer toujours plus de projets à forte valeur ajoutée et pour aider de nombreuses entreprises à prendre une envergure internationale. Votre présence en régions de ce point de vue est essentielle ; il y a là beaucoup de pépites, beaucoup de capacités et beaucoup de disponibilités, de volontés partagées. Donc plus vous aiderez avec les pays France et tous les autres partenaires - je pense à la caisse des dépôts qui est très présente en région -, avec les métropoles, avec les régions, l'ensemble des élus, les CCI, plus vous ferez du bon travail. Vous le faites déjà mais, là, je crois que l'on a un levier indispensable. Tout ne part pas de Paris. Moi qui suis quelqu'un avec une expérience de maire de grande ville, transformée en métropole, je connais et je sais bien ce que l'on peut faire. Pour cela, on a besoin de partenaires comme vous, motivés, disponibles, attentifs. Après, on le retrouve dans les réseaux internationaux, dans les pays où l'on se déplace ; on se dit «là, il y a eu ce travail de fait», cela se voit tout de suite.
Il est en outre indispensable que le réseau de Business France s'adapte à un paysage économique qui change rapidement, en allant explorer des marchés qui seront les locomotives de demain en matière d'exportations et de décisions d'investissements. Je vous en sais capables : vous l'avez déjà montré de manière exemplaire dans des pays comme au Nigeria, ce qui n'est pas évident, ou en Iran, ce qui n'est pas simple non plus et même à Cuba qui commence à s'ouvrir. Je ne vais pas citer tous les pays mais je cite ceux-là qui sont, d'une certaine façon, assez symboliques.
Un dernier mot pour vous remercier pour l'appui inestimable que vous apportez aux opérations que nous organisons, à l'instar de l'opération speed dating lors de la semaine des ambassadeurs ou du mois de l'investissement qui se tient, pour la deuxième fois, en octobre dans nos ambassades. Désormais, la diplomatie économique est bien installée dans l'esprit et l'agenda de notre corps diplomatique de tous nos postes. Les ambassadeurs consacrent environ 40% de leur temps à la diplomatie économique, à l'accueil des entreprises, avec les opérateurs bien sûr ; c'est considérable. Ils le font avec conviction et enthousiasme. J'ai assisté à cette opération de speed-dating où des ambassadeurs recevaient des entreprises. Cela avait été bien préparé et je vous en remercie encore Madame Pénicaud. En un quart d'heure, le représentant de l'entreprise exposait son projet et les ambassadeurs donnaient des réponses ou en tout cas orientaient, donnaient des contacts, etc. Les gens qui étaient là avaient l'air heureux d'être là, des deux côtés : entreprises et ambassadeurs. Il faut de l'enthousiasme et je l'ai parfaitement observé ce jour-là et vous dirais franchement que cela aussi cela fait plaisir.
Je relaie également auprès de vous les remerciements des ambassadeurs qui m'ont dit leur grande satisfaction de former avec vous des équipes efficaces. Je sais, enfin, combien je vous suis redevable du succès des rencontres avec les communautés d'affaires au cours de mes déplacements internationaux. Je faisais allusion au dernier à New York, j'y ai passé un moment, là aussi, tout à fait convaincant ; je pense à cette jeune start-up partie de France qui, maintenant, au bout de quelques années, à peine deux ans, a 250 emplois implantés dans les locaux du New York Times - elle ne pouvait pas trouver plus bel endroit - et qui, en même temps, garde son centre de R&D en France et considère que pour se développer, elle a besoin des ingénieurs formés en France qui ont une meilleure formation que ce qu'ils peuvent trouver sur le marché américain. Donc, il ne faut pas avoir peur : parce qu'une entreprise va s'installer à New York, mais elle reste implantée en France. Mais je parle à des convaincus. Parfois, il faut démystifier certaines peurs, certaines inquiétudes ; il ne s'agit pas de perdre de vue que notre objectif, c'est aussi non seulement de développer de la valeur, soutenir des entreprises qui veulent croître, c'est aussi, bien sûr, développer l'emploi, et le plus possible d'emplois en France.
Tout cela participe de la même politique, de la même cohérence, c'était d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons voulu rapprocher - encore une fois, je termine par le début - l'Agence française des investissements internationaux et Ubifrance. Cela prend maintenant tout son sens, malgré bien sûr les interrogations légitimes qu'il y a pu y avoir au début. Aujourd'hui, vous êtes dans l'action. Je vous en remercie encore et je vous souhaite surtout bonne réussite, bon courage. Ce que vous faites, vous le faites pour les entreprises, c'est vrai, mais vous y trouvez des satisfactions personnelles quand il y a des résultats ; et c'est une fierté. Et vous le faites pour la France. Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2016