Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, sur les opérations extérieures de la France contre la menace et le terrorisme djihadistes et la nécessité pour l'Europe de construire son autonomie stratégique en vue d'intervenir à l'extérieur de ses frontières, à l'Assemblée nationale le 19 octobre 2016.

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Circonstance : Déclaration du Gouvernement sur les opérations extérieures de la France, suivi d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, à l'Assemblée nationale le 19 octobre 2016

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les opérations extérieures de la France, suivi d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le ministre de la défense, monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, mesdames, messieurs les députés, dans un monde marqué par l'instabilité, les menaces, la France, parce qu'elle est une grande puissance, assume ses responsabilités, notamment militaires, en engageant ses forces armées.
Alors que je prends la parole devant vous, je veux d'abord exprimer en notre nom à tous la gratitude et le respect que nous devons à nos soldats. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Sur tous les théâtres d'opérations, au Levant, dans la bande sahélo-saharienne, en Centrafrique, des militaires français sont morts pour le France ces trois dernières années ; d'autres ont été blessés ; certains sont encore sur leur lit de douleur car quand la France répond présent militairement, ce sont nos soldats qui en assument les risques.
Avec le Président de la République, avec Jean-Yves Le Drian, nous mesurons la gravité de ce que nous demandons aux jeunes Français qui s'engagent. Quand la France se bat pour les valeurs démocratiques et universelles, ce sont eux qui sont en première ligne.
En Jordanie, au Niger, au Tchad, au Mali, au Sénégal, j'ai pu, en compagnie du ministre de la défense, leur dire, comme il le fait régulièrement, combien la Nation comptait sur eux, combien elle était fière d'eux et des différentes opérations extérieures qu'ils mènent.
À trois reprises au cours des trois dernières années, votre assemblée a approuvé le déploiement des forces françaises. En avril 2013, par votre vote, vous avez confirmé la décision du chef de l'État de déployer la force Serval au Mali. Après les attaques terroristes de janvier 2015, vous avez également autorisé nos armées à poursuivre leur intervention en Irak contre l'État islamique - une intervention décidée en septembre 2014 par le Président de la République, à la demande du gouvernement irakien, je veux le rappeler. Enfin, en novembre dernier, au lendemain des attentats de Saint-Denis et de Paris, vous avez approuvé l'extension de nos opérations aériennes à la Syrie.
Avec, mesdames et messieurs les députés, à chaque fois le même objectif, à chaque fois la même détermination : combattre les groupes djihadistes qui depuis leurs sanctuaires nous ont déclaré la guerre, une guerre rampante, lâche, sournoise, qui frappe de manière aveugle, là-bas et sur notre sol. La France - elle n'est bien sûr pas la seule - est visée parce qu'elle est la France ! Parce qu'elle incarne aux yeux de monde cette part d'universel !
L'ennemi que nous devons affronter, nous ne le découvrons pas. C'est un ennemi redoutable. Il frappe depuis plusieurs décennies dans le monde arabo-musulman et en Afrique. Il s'est organisé au Levant sous la forme d'un proto-État, capable de mobiliser des ressources financières, de lever une armée de terroristes, d'étendre son emprise barbare.
Il recrute y compris jusqu'au cœur de notre société. Il ne connaît pas de frontières, et encore moins dans le cyberespace, devenu un vaste terrain d'embrigadement, de recrutement et de préparation des attaques.
Nous avons changé d'époque. Notre monde n'a plus le même visage. Depuis le 11 septembre 2001, depuis ce jour terrible que personne n'avait vu venir, la terreur djihadiste s'est diffusée partout, depuis l'Europe jusqu'en Asie. Elle est aujourd'hui, sans aucun doute, le plus grand péril pour nos démocraties.
L'inaction n'est pas une option. Et donc, la France agit. Contre les groupes djihadistes, elle marque des points, elle agit efficacement, et d'abord au Mali.
Au Mali, coude à coude avec l'armée malienne, à la demande des autorités maliennes, à la demande du président intérimaire Traoré, avec le soutien de l'Union africaine et des Nations unies, nous avons empêché le basculement dans le chaos de ce pays avec lequel nous entretenons des liens si privilégiés. La décision audacieuse et courageuse du Président de la République a évité la création d'un bastion djihadiste.
Nous savons que le chemin de la stabilité du pays est encore long. La sécurisation du Nord est lente à intervenir. Le processus de réconciliation nationale tarde à se concrétiser même si des progrès sont intervenus récemment - et nous connaissons l'engagement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Nous savons cependant que les groupes terroristes continuent de déstabiliser la région du Sahel et portent leurs menaces au-delà. Tous ces groupes qui se financent grâce à des trafics divers et aux filières clandestines de migrants peuvent encore frapper violemment.
La France restera engagée tant que la menace djihadiste continuera de peser sur le destin de ce pays et de cette région car quel message enverrions-nous si nous envisagions un départ ou même une réduction de notre effort - Nous n'avons pas le droit d'abandonner nos frères africains au moment où précisément ils ont le plus besoin de nous pour consolider des équilibres encore fragiles. Le Président de la République aura l'occasion à Bamako, en janvier prochain, lors du sommet Afrique-France, de redire notre solidarité à l'Afrique.
Mesdames et messieurs les députés, avec l'opération Barkhane - 4 000 hommes déployés au Sahel sur un territoire aussi vaste que le continent européen -, nous voulons empêcher les groupes terroristes de reconstituer un sanctuaire. Nous aidons les forces régionales, celles des pays du G5 Sahel, à remonter en puissance. Tous les jours, nos soldats patrouillent avec leurs camarades africains, au Mali et au Niger en particulier. Nous accompagnons également nos partenaires internationaux - je pense à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies, la MINUSMA, comme à celle de l'Union européenne, l'European Training Mission, l'EUTM Mali.
Au Cameroun, au Nigeria, au Tchad, les crimes de Boko Haram font planer un risque de déstabilisation qui appelle notre très grande vigilance.
En République Centrafricaine, l'engagement de la France a permis de mettre un terme à des violences qui menaçaient de dégénérer en une guerre civile confessionnelle, avec son cortège d'atrocités. Trois ans après le lancement de l'opération Sangaris dont nous savons qu'elle fut difficile et éprouvante pour nos soldats, et à quelques jours de sa clôture officielle, nous passons le témoin aux Nations unies et à l'Union européenne. Mais nous resterons engagés à leurs côtés pour œuvrer dans la durée à la stabilité de la RCA.
N'oublions pas l'action de notre marine nationale dans le Golfe de Guinée pour lutter contre la piraterie maritime, cet autre fléau contre lequel la France s'engage.
Je veux le dire avec force ici : sans l'action de la France, une partie du continent africain aurait complètement basculé,...
M. François Loncle. Exact !
M. Manuel Valls, Premier ministre. -comme plusieurs chefs d'État africains l'ont rappelé avec gratitude à Jean-Yves Le Drian, à Lomé, au Togo, en début de semaine.
Nous aurions assisté à des massacres de masse. Nous aurions aujourd'hui un califat au cœur de l'Afrique, de cette Afrique où nous avons tant de nos ressortissants, de cette Afrique où se joue une part du destin de l'Europe, de cette Afrique avec qui nous devons, nous Européens, nous Français, construire un partenariat ambitieux pour la sécurité, pour des migrations contrôlées, pour le développement.
Autre région où nous intervenons : l'Irak et la Syrie. Là-bas, même s'il ne faut pas être naïf, même s'il faut être lucide, Daech recule.
La France est un partenaire majeur de la coalition en Irak, le deuxième en termes de frappes, même si nous savons quelles sont les proportions. Depuis le début de nos opérations, plus de 900 frappes ont été opérées par nos chasseurs, pour l'essentiel en Irak. Nous agissons toujours en conservant notre autonomie d'appréciation sur le choix des cibles.
La bataille de Mossoul, qui vient de s'engager, est un enjeu symbolique bien sûr, mais aussi stratégique. Il faut tout faire pour épargner des souffrances aux populations civiles. Il faut donc organiser l'aide et la France y prendra toute sa part. Il faut aussi réfléchir aux conditions de l'administration de la ville et de sa région après sa libération. C'est l'objet de la réunion ministérielle que la France accueillera demain à Paris, à l'initiative de Jean-Marc Ayrault, et que le Président de la République ouvrira.
Cette bataille sera longue, difficile, certainement très meurtrière, car libérer une ville de deux millions d'habitants, aux mains des djihadistes depuis juin 2014, ne sera pas - passez-moi l'expression - une mince affaire. Les Irakiens sont prêts. Ils ont montré leur détermination et sont engagés depuis de longs mois dans une dynamique de reconquête : Sinjar, Ramadi, Baïji, Falloujah, Qayyarah, toutes ces villes qui étaient aux mains des djihadistes ont été depuis reconquises.
C'était le rôle de la France de répondre, en 2014, à l'appel des Irakiens et de prendre part à une coalition de plus de soixante pays, avec notamment nos alliés du Proche-Orient.
Nous pouvons compter sur le courage de nos militaires de l'opération Chammal. Tous les jours, ils sont engagés dans des opérations aériennes à haut risque, engagés tous les jours pour former et conseiller les forces irakiennes et les Peshmergas. Je veux saluer le courage de ces combattants, femmes et hommes, qui sont pour nous tous les visages du combat pour la liberté.
Au moment où débute la bataille de Mossoul, la France continue d'assumer ses responsabilités, en renforçant notre dispositif en appui des forces irakiennes.
Il y a d'abord le groupe aéronaval déployé en Méditerranée orientale. Il y a également une batterie d'artillerie et 150 hommes déployés au sud de Mossoul avec nos alliés américains. Jean-Yves Le Drian en avait d'ailleurs informé vos commissions le 26 juillet dernier et je veux, devant vous, une nouvelle fois, lui rendre hommage, rendre hommage à son action, à sa détermination, à sa compétence unanimement reconnue par nos armées et par ses pairs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
Mossoul est une première étape, très difficile. Et la tâche ne sera pas achevée. Il faudra ensuite, en Syrie, appuyer les forces insurgées - celles qui combattent à la fois le régime de Bachar el-Assad et Daech ; je pense en particulier aux Kurdes. Il faudra aussi, à condition qu'il y ait une volonté, tenter de reconquérir Raqqa, cette pseudo-capitale de l'État islamique, d'où partent aussi les ordres visant à frapper l'Europe et la France.
Le 25 octobre prochain, à Paris, se tiendra une réunion des treize pays militairement les plus impliqués, sous la présidence conjointe de Jean-Yves Le Drian et de son homologue américain, Ashton Carter.
Vous le voyez, le 25 octobre ou demain, la France est là : elle prend l'initiative et est présente pour essayer de déterminer le destin de cette région qui compte tant pour nous et pour l'Europe.
Combattre Daech, c'est aussi pour la France, nous y reviendrons, agir en Libye. L'État islamique a été évincé de son fief de Syrte. Mais nous savons le danger que représente la dissémination des djihadistes dans le reste du territoire libyen et dans les pays voisins, en particulier en Tunisie. C'est pourquoi, même si la France ne mène pas en Libye une opération extérieure, elle y conduit une action de soutien et d'observation.
La difficulté, c'est que tout reste à reconstruire dans ce pays, car disons-le, nous n'avons pas su anticiper les conséquences de la chute du régime de Khadafi lorsque nous sommes intervenus - sans doute à juste titre - en 2011. Nous devons donc redoubler d'efforts pour que le gouvernement d'entente nationale puisse véritablement rassembler toutes les forces politiques libyennes. Et nous savons l'importance de la Libye en Méditerranée, s'agissant en particulier de la question des flux migratoires.
Mesdames, messieurs les députés, nos soldats sont mobilisés à l'extérieur, mais je ne voudrais pas que le débat d'aujourd'hui passe sous silence les autres engagements de nos armées sur le territoire national, avec les 7 000 femmes et hommes de l'opération Sentinelle. Il y a un continuum géographique de la menace. Il y a donc un continuum géographique d'action pour nos forces militaires. Elles contribuent, avec les forces de sécurité intérieure, avec nos services de renseignement, avec notre justice, à protéger nos concitoyens. C'est notre priorité.
Ce sont des missions inhabituelles pour ces militaires, aujourd'hui appelés à patrouiller dans nos rues, à surveiller nos bâtiments publics, nos axes de transports, mais ce sont des missions essentielles que demandent nos concitoyens.
Le combat contre le djihadisme sera long. Il ne sera pas seulement militaire, mais jamais nous ne transigerons avec la sécurité de la Nation, en France comme sur les théâtres extérieurs. Jamais nous ne priverons nos forces intérieures - police et gendarmerie - des moyens humains et matériels nécessaires. Et l'effort engagé depuis 2012 devra se poursuivre. Jamais nous ne priverons nos armées des moyens indispensables pour assumer leurs missions sur notre sol et le coût de leurs engagements hors de nos frontières. En 2016, le surcoût des opérations extérieures dépassera le milliard d'euros pour le budget de la défense et il sera compensé conformément au mécanisme prévu, madame la présidente de la commission, par la loi de programmation militaire.
C'est aussi la raison pour laquelle le Gouvernement réalise autant d'efforts pour la défense. Et parce que les menaces vont persister, parce que le contexte géopolitique demeurera lourd d'incertitudes, nous devrons, je l'ai déjà dit, poursuivre l'accroissement du budget de la défense avec l'objectif de le porter à 2 % du produit intérieur brut.
Cet effort budgétaire doit être aussi celui des pays européens. Dès le lendemain des attentats de janvier 2015, la France a fait appel à la solidarité de ses partenaires, par l'invocation de la clause de solidarité prévue par le traité de l'Union européenne, l'article 42-7. La plupart d'entre eux ont répondu à notre appel et nous les avons remerciés de cet engagement à nos côtés.
Aujourd'hui, face aux menaces qui pèsent sur elle, l'Europe est au pied du mur. Elle doit mettre les enjeux de sécurité et de défense au cœur de ses priorités.
Parce qu'aucun membre de l'Union européenne ne peut s'estimer à l'abri, parce qu'aucun ne peut s'exonérer de la responsabilité que nous tous, collectivement, avons à l'échelle du monde, nous devons renforcer l'effort de défense européen.
Nous devons enfin donner sa consistance à une véritable Europe de la défense. Bien sûr, la souveraineté nationale doit être profondément respectée, mais je le dis tout net : face aux menaces au sud de la Méditerranée, la France ne peut être la seule à assumer ses responsabilités et à assumer, comme l'a dit Jean-Claude Juncker, « pour les autres » la défense de l'Europe. Afin de construire son autonomie stratégique, l'Europe doit être capable d'intervenir à l'extérieur de ses frontières, de projeter des forces européennes. Le Fonds européen dévolu à la défense et à la sécurité, demandé par la France et annoncé par la Commission, sera l'un des instruments pour que l'Europe se dote de toutes les capacités militaires et des ressources industrielles nécessaires.
L'Europe doit aussi être capable de renforcer son efficacité opérationnelle en apportant son appui au déploiement rapide des missions et opérations militaires de l'Union européenne. Nous assumons une responsabilité, nous avons notre autonomie, la France continuera bien sûr à conduire ses propres opérations, mais l'Europe doit s'engager et doit assumer ses responsabilités.
Mesdames et messieurs les députés, pour faire reculer Daech, nous avons fortement engagé nos moyens militaires ; je viens de les évoquer : plus de 4 000 hommes au Sahel, plus de 4 000 hommes au Levant, issus de toutes nos armées, de terre, de l'air, de la marine.
Cette guerre contre Daech, nous allons la gagner : il faut la gagner. Mais soyons lucides : ces victoires ne signifieront pas que nous en aurons terminé avec le terrorisme djihadiste.
Les racines du fondamentalisme demeureront. Les bouleversements stratégiques au Sahel, au Levant, sur le pourtour de la Méditerranée, en Orient, continueront de mettre à l'épreuve les États, de contester les frontières, de provoquer les ingérences extérieures, d'aiguiser les appétits de puissance, de pousser vers les routes d'Europe des cohortes de réfugiés, de mettre en danger les minorités religieuses d'Orient installées là depuis des siècles et aujourd'hui martyrisées : je pense aux chrétiens d'Orient et aux yézidis, qui méritent notre solidarité. Il faut que nous puissions les accueillir, quand ils le demandent, dans les meilleures conditions.
La Syrie, comme d'ailleurs le Yémen, est le précipité de toutes ces fractures qui déchirent l'Orient : la rivalité multiséculaire entre chiites et sunnites qui se réveille, si elle s'est jamais assoupie ; la résurgence de l'aspiration nationale kurde ; les luttes d'influence entre puissances régionales sunnites pour asseoir une domination sur le monde musulman sunnite. Et le jeu russe, bien entendu, qui tire profit de l'abstention ou du retrait américains pour retrouver sa puissance et son influence au Moyen-Orient, en renouant - quel qu'en soit le prix - avec une politique de brutalité et en soutenant à bout de bras le régime de Bachar el-Assad.
Au Levant, la France avec sa diplomatie s'engage pleinement car elle parle à tout le monde ; je dis bien « à tout le monde », car c'est peut-être elle qui connaît le mieux cette partie du monde et sa complexité.
Parler à tout le monde, c'est avoir une diplomatie active avec les grands pays sunnites de la région : Turquie, Arabie saoudite, Égypte, États du Golfe. Sans ce dialogue direct avec les pays sunnites, nous savons que les fractures peuvent s'aggraver en Orient.
Nous avons bâti avec plusieurs d'entre eux des partenariats stratégiques. Et nous devrons encore les approfondir car l'avenir du Moyen-Orient ne peut se construire sans une relation forte de la France avec ces pays. C'est cette relation forte qui nous permettra de lutter plus efficacement contre le financement direct ou indirect de la propagande salafiste...
M. Claude Goasguen. Indirect !
M. Manuel Valls, Premier ministre. ...qui est le ferment de la radicalisation et du basculement dans le terrorisme.
Parler à tout le monde, c'est aussi, comme nous l'avons fait, renouer avec l'Iran car il est une grande puissance de la région ; la France veut avec l'Iran un dialogue politique franc et une relation bilatérale à nouveau dynamique.
Parler à tout le monde, c'est agir au Conseil de sécurité pour sauver Alep, pour arracher une trêve, pour garantir l'accès de l'aide humanitaire, comme le fait avec tant de détermination le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault - et je veux aussi saluer devant vous son action.
Parler à tout le monde, c'est aussi parler à la Russie...
M. Philippe Vigier. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. comme le fera ce soir le Président de la République à Berlin, comme nous le faisons sur l'Ukraine depuis deux ans, dans le cadre du format de Normandie.
Je l'ai dit devant vous il y a quelques jours : la Russie est une grande nation ; nous avons avec elle une longue histoire, tant d'affinités, tant d'intérêts communs. La France sera toujours prête à travailler avec la Russie dès lors qu'il s'agira de faire avancer la paix, de lutter contre le terrorisme, d'œuvrer ensemble à une véritable transition politique en Syrie. Parce que nous nous connaissons, parce que nous nous respectons, il faut avancer ensemble.
Parler à tout le monde, ce sera engager tout de suite le dialogue avec la nouvelle administration américaine dès sa prise de fonction. Les États-Unis n'ont pas suivi la France à la fin de l'été 2013, lorsque le président Barack Obama a finalement décidé de ne pas intervenir, alors que le Président de la République le lui proposait, pour tirer les conséquences de l'utilisation par le régime syrien des armes chimiques contre sa propre population.
Nous attendons de notre partenaire américain qu'il soit pleinement engagé et déterminé à peser de tout son poids pour relancer enfin une solution politique à la tragédie que vit la Syrie.
Mesdames, messieurs les députés, dans un monde incertain, face à la menace terroriste, la France assume ses responsabilités. Elle engage - et ce sont les décisions du Président de la République - fortement ses armées. Et elle continuera de le faire à chaque fois que sa sécurité, que ses intérêts seront en cause ; chaque fois que la sécurité du monde est en jeu.
Nous avons cru, peut-être, que la guerre était derrière nous. La fin des deux blocs avait laissé penser à un équilibre durable.
La vérité est tout autre. Des grandes nations expriment à nouveau leur volonté d'influence. La fin de l'histoire, annoncée il y a vingt ans, n'est pas advenue. Au contraire, la part tragique de l'histoire est de retour - d'une histoire qui s'accélère.
M. Pierre Lellouche. C'est juste.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Et parce que nous sommes une grande nation, nous devons être là : agir, peser, faire entendre notre voix. Nos armées ont besoin de sentir que la Nation est rassemblée derrière elles.
M. Claude Goasguen. La police aussi !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne doute pas que le débat qui va suivre en donnera la preuve.
Mesdames et messieurs les députés, soyons plus que jamais unis, rassemblés derrière nos forces. Car cette unité, ce rassemblement, c'est cette force indivisible qui fera que nous, la France, le pays de la liberté, le pays de l'universel, aux côtés de nos alliés, contre les ennemis de la liberté, nous vaincrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 octobre 2016