Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur l'opération militaire française au Sahel contre le terrorisme, à Niamey le 25 février 2017.

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Circonstance : Déplacement auprès des forces armées de l'opération Barkhane, en République du Mali, en République du Niger et en République du Tchad, du 24 au 26 février 2017

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur l'ambassadeur,
Mon général,
Officiers, sous-officiers, soldats et aviateurs de l'opération Barkhane,
Chers amis allemands,
Chers amis américains,
Je suis heureux et fier de venir à votre rencontre ce soir, vraisemblablement pour la dernière fois. En trente déplacements dans les pays du G5 Sahel, j'ai pu mesurer les évolutions du contexte dans lequel vous opérez aujourd'hui, à la suite de ceux qui vous ont précédés. Après le Mali et avant le Tchad, où je vais me rendre ce soir, c'est donc avec une émotion particulière que je vous rencontre, au plus près du terrain, là où un ministre de la Défense se doit d'être présent, au contact des hommes et des femmes qui combattent au nom de la France et avec nos partenaires. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'opération Barkhane, qui est de loin notre plus importante opération extérieure, avec plus de 4 000 hommes déployés au Sahel, dans des conditions particulièrement exigeantes, pour vous-mêmes et pour les matériels.
M'adresser à vous aujourd'hui, c'est vous témoigner la reconnaissance et la gratitude que j'éprouve, à l'image de celle de la Nation toute entière, pour les sacrifices que vous consentez et les risques que vous acceptez de courir au nom de la France. Que chacun d'entre vous, quels que soient sa fonction, son grade, son ancienneté ou son expérience, soit assuré du soutien total de notre pays pour votre engagement ici. Je me fais le porte-parole du Président de la République et de la Nation toute entière pour vous transmettre son soutien et pour vous exprimer l'admiration des Françaises et des Français. Ce soutien, cette admiration, je ne cesserai de les manifester moi-même, aussi souvent que possible, comme je l'ai fait ce matin à Gao, et dans mes autres déplacements, jusqu'au dernier moment de mon mandat et ensuite, je pourrai en témoigner avec la même énergie, fort de mon expérience à votre contact.
Le Niger, où nous nous trouvons, est probablement l'État qui illustre le mieux la situation à laquelle nous devons faire face et à laquelle ce pays aussi doit faire face. En raison de sa situation géographique, il est en effet confronté à plusieurs menaces terroristes à la fois. Ses forces armées luttent vaillamment, avec peu de moyens et je tiens à leur rendre hommage. Nous avons, avec ce pays, une relation de grande confiance. Et j'ai pu m'en entretenir tout à l'heure, assez longuement, avec le Président Issoufou. Leurs forces même modestes et courageuses contribuent à la fois aux opérations multipartites de Barkhane, à la force conjointe du G5 Sahel qui est en train de se constituer, ou à la Force multinationale mixte qui lutte contre Boko Haram.
Nous combattons des groupes terroristes qui ne reculent devant aucun moyen. Nous l'avons vu, il y a peu de temps, avec le terrible attentat contre le camp des patrouilles mixtes de Gao, le 18 janvier dernier. Nous l'avons vu ici, encore mercredi soir, lorsque vos frères d'armes nigériens sont tombés sous les coups du même ennemi. Nous combattons des groupes terroristes qui ne reculent devant aucun moyen. Le fondamentalisme religieux qui leur sert de moyen d'endoctrinement n'est que le masque du mépris absolu qu'ils ont pour la vie humaine. Et cette violence extrême se joue des frontières. Elle ne se cantonne pas au Mali, vous êtes bien placés pour le savoir, vous qui opérez sur un théâtre couvrant cinq pays et grand comme l'Europe. Mais cette lutte ne se limite pas non plus à la bande sahélo-saharienne : c'est ce même terrorisme militarisé que nous combattons au Levant ou dans les rues de France, avec les patrouilles de l'opération Sentinelle.
Face à des combattants déterminés, face à la concurrence meurtrière à laquelle se livrent les organisations terroristes, face à la diffusion de leur idéologie, nous n'avons pas de choix, la passivité n'est pas acceptable, il n'y a qu'un seul choix le combat ; un combat résolu, un combat fidèle aux valeurs de la République et qui fait l'honneur des armes de la France. La France est un des rares pays à pouvoir décider de relever globalement ce défi. Grâce à vous, grâce à nos armées et à nos services de renseignement, nous menons ce combat global contre le terrorisme ; dans ce combat, vous êtes ici à l'avant-poste. Au Levant, au Mali ou sur les rives du lac Tchad, là où les terroristes tentent de s'approprier un territoire et de soumettre les populations à leur idéologie mortifère, ils se heurtent aux forces françaises, qui, directement par leur action, ou indirectement en soutenant nos partenaires, contrarient leurs projets et démantèlent leurs réseaux.
Des succès, nous en remportons beaucoup et sur tous les fronts. Au Levant, Daech est en passe de perdre sa capitale irakienne, Mossoul, et en Syrie, l'étau se resserre autour de Raqqa. Sur le front de Boko Haram, la branche historique de la secte est en difficulté face aux coups des pays de la région que nous soutenons et en particulier dans le cadre de l'opération « Randakawa », nom « poétique » qui veut dire la « danse des crocodiles ». Ce combat-là permet d'avoir aujourd'hui des résultats. Ici-même, nous frappons les groupes terroristes qui ne tiennent plus, comme jadis, des territoires entiers mais continuent de constituer des menaces réelles.
Ces succès, nous les devons à votre action à tous. L'armée française est un tout, où l'engagement de chacun est un facteur de victoire ; la cohérence de notre action garantit son efficacité.
Pour notre propre succès, l'engagement de la communauté internationale dans la durée est primordial pour résoudre complètement la crise. Et l'engagement des alliés européens est fondamental. Je salue notamment le détachement d'aviateurs allemands présents ici ce soir. Ils oeuvrent à nos côtés sur l'ensemble du théâtre et leur action est indispensable à nos succès communs. Ce déploiement, décidé après les attaques de Paris en 2015, constitue un acte de volontarisme et de solidarité à notre égard que je tenais à saluer particulièrement. Je pense également au soutien que nous apportent les américains, ici sur l'ensemble du théâtre, soutien en matière de transports, de ravitaillement, de renseignement. Je pense aussi à la bonne manière qu'ils ont eu à l'égard de la montée en puissance de nos capacités Reaper ici. Je suis très heureux de voir cinq Reaper, bientôt six peut-être. J'ai souvenir, la première fois que je suis venu ici à Niamey, d'avoir un espace plutôt libre et disponible avec des moyens qui étaient insuffisants. Nous avons pris les décisions qu'il fallait prendre à ce moment-là, ce « spectacle » de ce soir m'a beaucoup réconforté.
Malheureusement, notre combat contre les groupes djihadistes n'est pas un combat contre une armée régulière. Quel que soit votre succès sur le terrain, il ne nous met pas à l'abri d'une attaque ou d'un attentat. Une approche globale est par conséquent nécessaire pour venir à bout de la menace terroriste. C'est la raison pour laquelle nous devons rester déterminés et vigilants pour continuer, en permanence, à nous adapter aux évolutions futures et possibles de la menace.
Nous devons donc faire évoluer nos modes d'action, nous l'avons fait sur ce théâtre en particulier, en 2014, avec cet acte très important de régionalisation de l'opération et du passage de Serval à Barkhane. Nous le faisons plus récemment avec le développement des détachements de liaison et d'appui opérationnel (DLAO) et avec des partenariats avec les armées locales et dans le cadre du G5 Sahel. Le Niger est un bon exemple puisque, à la demande du Président Issoufou, un DLAO est actuellement en train de se constituer à Tillabéri au profit de nos camarades nigériens. Barkhane a su faire preuve jusqu'ici de discernement et d'intelligence pour s'adapter aux événements, aux partenaires et aux nouvelles menaces. Et je veux saluer ici la détermination du général de Woillemont et rendre hommage au travail remarquable mené depuis l'été dernier. Nul doute que vous continuerez sur cette voie qui assure notre force et fait notre valeur.
Nous continuerons aussi à nous adapter en vous donnant les moyens de remplir vos missions, les Reaper en sont un exemple. Car je sais à quel point le rythme des engagements récents de nos armées peut vous éprouver. Fidèles au devoir qui les caractérise, nos armées ont répondu avec succès aux nombreuses sollicitations que la France exigeait d'elles à travers le monde.
Cet été, grâce à la révision de la loi de programmation militaire décidée par le Président de la République et votée par le Parlement après les attaques de 2015, le rythme opérationnel des unités reviendra à un niveau moindre en raison du renforcement des effectifs. Ce qui veut dire que pour la plupart d'entre vous, il y aura un peu plus de souffle. Ces mesures nous permettront de mener, dans la durée, ce combat de longue haleine contre le terrorisme, hors de nos frontières et sur le territoire national.
La présence de parlementaires à mes côtés aujourd'hui témoigne de l'engagement de la représentation nationale dans notre combat. Par l'effort de défense qu'elle met en œuvre, la Nation reconnait la nécessité impérieuse de votre mobilisation ; elle encourage votre détermination à servir votre pays. Car la qualité des hommes et des femmes qui servent nos armées est primordiale dans la réussite de nos missions ; votre valeur est reconnue par tous nos partenaires à travers le monde. C'est grâce à vous si, depuis plusieurs années et singulièrement depuis cinq ans, la France a pu assumer ses responsabilités sur la scène internationale et conduire une politique de défense autonome, résolue et partenariale à la hauteur des déchirements du monde.
Voilà pourquoi je tenais, une fois de plus, à venir vous rencontrer et à m'adresser à vous ce soir. Je suis venu ici, au nom du Président de la République, de l'ensemble du gouvernement et de la Nation toute entière, vous apporter un triple message. D'abord, un message de soutien de la Nation, envers les hommes et les femmes qui la servent ici, loin des leurs et dans des conditions difficiles dont je n'ignore rien. Un message de détermination ensuite, car le résultat de votre engagement est essentiel à la fois pour l'avenir de ce pays, de la région, et pour la sécurité de nos concitoyens. Un message de reconnaissance enfin : la reconnaissance et la gratitude de tout un pays envers ceux qui ont fait le choix de le défendre. Ici au Sahel, vous emportez un peu de la France ; là-bas, en France, le Sahel est présent dans nos cœurs et dans nos esprits.
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 février 2017