Texte intégral
Je remercie à ceux qui nous ont aidé à élaborer ce plan. « N'est-ce pas un peu tard ? » C'est en fait le résultat d'une politique globale de la famille mise en place depuis 3 ans, dans le respect de la Convention des Droits de l'Enfant. Ce plan arrive au moment où nous disposons des outils de pilotage (comme le CNPE) qui pourront se saisir de ce plan et le mettre en uvre. Au-delà de la poursuite des actions engagées, ce plan s'inscrit dans la continuité d'un engagement en faveur d'une éducation sans violences. L'opinion a progressé sur ce sujet. Les railleries ont été nombreuses quand j'ai parlé il y a trois ans d'interdire les punitions corporelles sur les enfants, et j'ai observé que progressivement la manière dont les journalistes évoquaient la question était plus positive et je ne regrette pas d'avoir porté cette idée d'une éducation sans violence.
On ne peut pas se contenter d'un consensus compassionnel qui d'ailleurs n'existe pas. C'est un sujet non partisan mais éminemment politique qui implique la vision qu'on a de l'enfance, de l'éducation, de la société, du rôle des pouvoirs publics, etc. « Les enfants n'appartiennent pas à leurs parents. » Cette phrase m'a valu le buzz et beaucoup de critiques mais je ne regrette pas un seul mot de cette phrase. Aucun individu, enfant ou adulte, n'appartient à quiconque. Les parents ont la responsabilité de leurs enfants mais ils n'ont pas le droit de propriété. L'éducation n'est pas seulement l'affaire des parents mais aussi celle de l'école et de la société toute entière. Les parents doivent assurer les besoins de sécurité, de protection et d'affection. Or la famille est le premier lieu où se produisent les violences contre les enfants. C'est donc la responsabilité des pouvoirs publics d'aller voir ce qui se passe au-delà des murs clos. Nous sommes encore trop nombreux à porter des illères. Chaque drame médiatique nous émeut, mais les violences faites aux enfants sont redevenues tabou. C'est en travaillant sur le 5e plan de lutte contre les violences faites aux femmes que la nécessité d'avoir un plan similaire pour les enfants m'est apparue. Nous avons accompli de réelles avancées dans les violences faites aux femmes, moins pour les enfants. Si un homme frappe sa femme dans l'espace public, on intervient. S'il bat son chien, également. S'il bat son enfant, les gens s'écarteront en pensant qu'ils ne doivent pas s'en mêler. La tolérance quant aux violences faites aux enfants reste trop élevée. Les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat ont montré qu'il reste une marge de progression. L'amendement sur l'autorité parentale sans violence a été finalement censurée par le conseil constitutionnel. Frapper les enfants, est-ce donc un droit constitutionnel ? Cet article nécessaire pour promouvoir une éducation apaisée et bienveillante a été censuré pour une raison de procédure (c'était un « cavalier » législatif), mais c'est une mesure importante. Je ne sais pas dire quand la violence devient de la maltraitance. Je ne sais pas hiérarchiser entre la claque, la fessée ou les cheveux tirés. Il est donc plus sécurisant de dire que toute forme de violence corporelle ne peut pas être une méthode d'éducation. Il y a bien sûr une différence entre une claque qui part sous le coup de l'émotion (par exemple lorsqu'on a eu très peur pour un enfant qui a traversé la rue sans regarder) et la violence érigée comme méthode pédagogique. Il faut libérer la parole, celle des victimes mais aussi des témoins. La presse a rapporté 6 décès d'enfants depuis le début de l'année. Une fois le drame passé, les langues se délient. « On se doutait de quelque chose » disent les voisins. Un enfant victime de violences est rarement isolé du reste de la société. Dès qu'il existe le moindre doute, il faut agir immédiatement. Appeler le 119 ou une association, échanger avec un autre voisin, discuter avec l'enfant, appeler la police en cas d'urgence. « Il faut tout un village pour élever un enfant », nous somme le village et nous avons le devoir de leur garantir le droit de grandir en sécurité.
La méthode est celle de la concertation avec les associations : nous n'avons pas cessé depuis trois ans de dialoguer avec les experts, les médecins, les militants associatifs et les victimes qui sont des experts de leur vécu. Beaucoup de ceux qui ont participé à la concertation sont présents, et je les remercie.
Ce plan met en uvre plusieurs leviers. Nous ne disposons pas aujourd'hui de statistiques fiables sur les enfants morts de violence. Les chiffres varient d'un facteur 10, quand ils existent. Le 1er axe consiste à recenser (mesures 1 et 2). Il comporte aussi des dispositions sur l'inceste et les violences sexuelles (mesures 3 et 4). Nous voulons apprendre de nos erreurs (mesure 5).
Le 2e axe : Sensibiliser et prévenir. Sensibiliser parents et enfants (mesure 6). Préparer un livret à destination des parents d'adolescents. Ceux-ci sont exposés à la pornographie dès 11 ans en moyenne (!). Les personnes qui font l'éducation à la sexualité ont dit leur perplexité devant les demandes face à telle ou telle pratique sexuelle qu'on voit dans les films porno. Il faut utiliser les ressources de la technologie pour protéger nos enfants.
Le 3e axe : Former. Il nous faut d'abord des outils de formation (l'expérience tirée des plans contre les violences faites aux femmes pourra servir : 300.000 personnes ont été formées). La révélation des faits d'inceste intervient souvent des années après.
4e axe : accompagner les victimes. La mission Flament Calmette sur la prescription pour les crimes sexuels commis sur des mineurs rendra ses conclusions début avril. Il faut améliorer le recueil de la parole de l'enfant et la prise en charge médicale. Les violences ont des effets importants et durables sur la santé de l'enfant et de l'adulte.
Ce plan est ambitieux. Vous aurez raison si vous trouvez qu'il manque des choses : mais comparez-le au 1er plan de lutte contre les violences faites aux femmes plutôt qu'au cinquième, vous verrez que celui-ci est plus ambitieux et plus construit. C'est un plan interministériel, ce qui fait sa force. Sa mise en uvre exige l'engagement de chacun. Il devra être suivi d'un deuxième plan en 2019. J'ai bien conscience que je ne serai peut-être pas en mesure de défendre ce 2e plan ni le premier mais je compte sur vous tous pour être vigilant quant à la mise en uvre de ce 1er plan. Pour une société bienveillante et protectrice à l'égard des enfants.
Source http://www.aivi.org, le 7 mars 2017