Déclaration de Mme Florence Parly, ministre des armées, sur l'innovation dans le domaine de la Défense, à Paris le 22 novembre 2018.

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Circonstance : Inauguration du Forum Innovation Défense, à Paris le 22 novembre 2018

Texte intégral


Madame la secrétaire d'Etat, chère Geneviève,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le chef d'état-major des Armées,
Monsieur le délégué général pour l'armement,
Monsieur le secrétaire général pour l'administration,
Messieurs les chefs d'état-major,
Monsieur le directeur de l'agence de l'innovation de défense,
Monsieur le délégué interministériel,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Messieurs les présidents et directeurs généraux,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
« Il ne savait pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ». Cette phrase nous vient de Mark Twain, elle nous rassemble aujourd'hui.
Ce forum, c'est le fruit de l'engagement intense de tout le ministère des Armées. C'est la mobilisation de tous les services. L'enthousiasme de tous ceux qui croient que l'avenir ne se construit qu'en se réinventant, en changeant nos schémas, nos manières de faire et de penser. L'enthousiasme, aussi, de tous ceux qui savent que le futur de notre défense réside dans notre capacité à nous dépasser, à innover.
Ce Forum c'est aussi notre pierre à la semaine de l'innovation publique. Car tout l'Etat innove, change, se modernise. Et quand la France appelle, les Armées répondent toujours présent. Je suis fière du dynamisme de notre ministère pour s'emparer des chantiers de transformation de l'Etat sous l'égide du Premier Ministre. Je suis fière des projets qui foisonnent partout dans l'administration et les soutiens pour faire plus vite, pour faire plus simple, pour améliorer l'efficacité de nos Armées, le quotidien des familles, le soutien de nos blessés, les démarches de nos réservistes.
Car l'innovation dans les Armées c'est l'oeuvre d'un collectif, d'un ensemble de talents.
Elle trouve ses racines dans le terrain, dans l'engagement opérationnel de nos forces, qui par mille ingéniosités améliorent leurs techniques, leurs outils, leurs conditions de vie. Elle trouve sa force dans nos ingénieurs et nos industriels qui ont repoussé tant de limites, permis tant d'avancées. Elle trouve sa richesse dans nos chercheurs, nos doctorants qui préparent aujourd'hui les ruptures de demain. Elle trouve sa vitalité dans l'audace de nos entrepreneurs, de tous ceux qui expérimentent et osent.
L'innovation dans nos Armées, c'est une évidence en somme.
C'est le ministère d'une recherche vive, bouillonnante. Tous les ans nous soutenons 130 thèses et des centaines de projets académiques sont portés. C'est le ministère du soutien à tous ceux qui ont l'envie d'entreprendre. Nous investissons pour notre autonomie stratégique, pour notre souveraineté, pour l'excellence de notre recherche, le savoir-faire de notre industrie et la vitalité de nos entreprises. Nous investissons pour une administration performante, des soutiens efficaces, pour des Armées modernes qui réaffirment sur le terrain leur supériorité opérationnelle.
Et aujourd'hui, plus que jamais cet investissement est une urgente nécessité.
Prenons le monde autour de nous.
Nos quotidiens sont connectés. De notre footing jusqu'à nos courses, de nos rythmes de sommeil, jusqu'à nos déplacements et notre musique, plus rien n'échappe au numérique.
Nos systèmes d'information regorgent de données que chacun, alliés comme adversaires, voudraient détenir.
Les conflits d'aujourd'hui ne ressemblent en rien à ceux d'hier. Le terrorisme nous frappe, ses modes d'action se réinventent. Et au Levant comme au Sahel, ce ne sont pas des guerres conventionnelles que mènent nos forces.
Les théâtres d'opération changent. L'espace exoatmosphérique devient un lieu de confrontation. Et d'un clic, une attaque cyber peut bloquer nos économies, nos industries, nos moyens de transport.
Les relations internationales ont changé. Sous chaque victoire du multilatéralisme, combien de coups du nationalisme ? Les Etats montrent leur puissance par tous moyens et reprennent une course à l'armement et à la technologie.
Les technologies de pointe ne sont plus l'apanage de quelques puissances, elles se répandent, se trouvent au coin d'une rue. Elles sont devenues accessibles pour nos ennemis aussi, et ils en jouent.
Dans ce contexte, que devons-nous faire ? Nous navrer de la lente disparition du téléphone à clapet et ne surtout rien changer ? Attendre d'être dépassés par nos alliés comme nos ennemis et faire le choix de l'affaiblissement et de la dépendance ?
Non. Ce n'est pas la mentalité de notre défense. Ce n'est pas la mentalité de nos entrepreneurs, de nos ingénieurs, de nos chercheurs. Ce n'est pas ma mentalité.
L'innovation n'est pas un gadget, c'est une nécessité. Car l'innovation, ce n'est pas du flou, c'est du concret. Et si quelqu'un n'en est pas convaincu, qu'il vienne, ici, au Forum Innovation Défense.
Ici, pendant trois jours, ce sont 160 innovations qui seront présentées. 160 petites ruptures dans nos usages et dans nos technologies. 160 pas vers des forces plus efficaces, mieux protégées. Vers des procédures plus faciles, vers des renseignements plus perfectionnés.
J'ai vu ici, comme à chaque fois que je me déplace dans nos centres d'innovation, des projets fabuleux : des nanosatellites, une prothèse bionique, des objets volants non identifiés, des applications concrètes et abouties de l'intelligence artificielle. Ces innovations ne sont pourtant que la partie immergée de l'iceberg. Derrière elles, il y a tous ceux qui ont travaillé, conçu, cherché. Derrière elles, il y a toutes les innovations du quotidien. Toutes les révolutions technologiques à venir, tous les usages, les métiers et les organisations qui s'en trouveront métamorphosés.
De vos ateliers, de vos démonstrations, de nos dialogues, c'est un même appel qui émane : allons plus loin encore, allons plus vite aussi. Repoussons les limites de notre imagination et de nos technologies. Ne nous laissons pas freiner par rien ni personne et créons le cadre qui nous permettra d'agir.
Cet appel, je l'ai entendu. Nous l'avons tous entendu, Armées, directions, services. Monsieur le chef d'état-major des Armées, monsieur le délégué général pour l'armement, monsieur le secrétaire général pour l'administration, je sais quel est votre travail, votre engagement, votre détermination. Nous nous sommes mis en ordre pour gagner la bataille de l'innovation ; et en 18 mois, que de chemin parcouru !
Nous avons réaffirmé notre soutien aux PME et ETI. En avril, nous avons lancé le Plan Action PME pour bouger les lignes, rendre le ministère accessible à tous, pour donner aux PME et aux ETI toute leur place et tout le respect qu'elles méritent. Nous renforçons nos actions concrètes pour mieux les écouter, les accompagner, et même les aider à l'international avec la création du label « Utilisé par les Armées ».
Nous avons consolidé le dispositif RAPID, qui vient en aide à tant de PME et porte tant des succs exposés ici. Je sais combien il est apprécié.
Il est aujourd'hui renforcé et soutient les innovations jusque dans leur phase d'expérimentation.
Nous avons mobilisé le talent de nos acheteurs et de nos juristes pour expérimenter de nouvelles pratiques d'achats au service de l'innovation. Car en tant que premier acheteur de l'Etat, nous nous devons de montrer la voie et l'exemple.
Je n'oublie pas que les idées viennent aussi de nos militaires. Nous avons donc conforté la Mission pour l'Innovation Participative, qui depuis 30 ans soutient, contre vents et marées parfois les innovateurs au sein de ce ministère. Cette mission a permis de magnifiques réalisations. Je pense au projet Med Pack, récompensé au concours Lépine cette année, et qui, sur les théâtres d'opération comme pour les secours civils sauvera de nombreuses vies. Je pense aussi au projet Auxylium, le smartphone de nos forces Sentinelle, né de la vision d'un homme et de la détermination de tous. Cette mission est essentielle. Nous allons la faire évoluer pour mieux accompagner les innovateurs dans leur démarche d'entreprenariat ou d'intraprenariat.
Nous avons noué des partenariats avec des incubateurs et des accélérateurs. Nous avons commencé par celui de l'Ecole Polytechnique. Et la semaine dernière, j'étais à Station F pour y marquer l'arrivée du ministère des Armées. Il s'agit de deux étapes fortes et je vous le promets, ce ne sont certainement pas les dernières.
Et pour coordonner toutes ces initiatives, nous avons créé l'agence de l'innovation de défense. Elle fédère tous les acteurs de l'innovation du ministère, toutes les énergies, toutes les volontés. Elle est un repère pour tous ceux qui ont une idée et veulent lui donner sa chance. Elle est ouverte sur l'économie civile, sur l'Europe, visible à l'international.
Ce forum est l'acte fondateur de l'agence de l'innovation de défense. Et je crois pouvoir le dire, c'est un acte réussi.
Cher Emmanuel Chiva, en vous nommant à la tête de cette agence, j'ai fait le choix de l'expérience, de l'ingéniosité, de l'esprit d'entreprendre. Vous savez l'importance de cette agence pour la réussite opérationnelle de la France. Vous savez les espoirs qu'elle suscite et les défis qu'elle doit relever. Je ne veux pas vous mettre de pression, mais c'est un peu de l'avenir de notre défense qui est entre vos mains. Alors soyez certain, que vous pouvez compter sur ma confiance, mon soutien et ceux de tout le ministère des Armées.
L'agence doit disposer de toutes les chances et de tous les outils pour réussir.
Nous n'allons pas perdre de temps et demain soir, j'inaugurerai l'ID-Lab. C'est ce qu'on appelle, un tiers-lieu. Un endroit en dehors de Balard, mais je vous rassure, pas trop loin. Un endroit où on peut même rentrer plus facilement. Un environnement différent, ouvert. Un lieu d'expérimentation, de créativité collective. Un lieu de passage, de rencontre, un endroit où l'on peut à la fois travailler, discuter, coder d'une main et jouer au babyfoot de l'autre.
Dans ce lieu, l'agence de l'innovation de défense développera bientôt ses propres outils. Et dans les prochaines semaines, une première promotion d'une vingtaine de projets seront sélectionnés. Ils seront accélérés et déployés au cours de l'année 2019.
Nous avions besoin enfin, pour compléter notre palette, d'un outil pour investir directement au capital des start-up et des PME auxquelles nous croyons. C'est pourquoi nous avons créé Definvest, le premier fonds d'investissement piloté par la DGA et Bpifrance. Il s'est fait connaître et reconnaître. Il accompagne des pépites technologiques qui intéressent directement notre défense. Definvest a déjà accompli déjà trois investissements et je suis fière d'annoncer qu'il a hier réalisé le quatrième dans la start-up SINTERmat. Grâce à un processus novateur de métallurgie des poudres, elle permet de créer des matériaux d'une résistance exceptionnelle.
Cette entreprise capitalise sur plus de quinze ans de recherches, sur le soutien de la DGA. C'est le parfait exemple de ce que doit être l'alliance entre l'excellence académique et la réussite industrielle. Cet investissement, c'est la preuve que civil et militaire ne sauraient être séparés quand il s'agit d'innovation.
Du pneu au plasma lyophilisé, tant d'innovations militaires sont passées et passent encore dans le domaine civil. Quant au civil, il ne cesse d'inspirer les technologies militaires et de les enrichir. Faisons tomber les barrières et laissons entrer l'économie civile au sein du ministère des Armées.
Il nous faut penser globalement, ne pas opposer la petite entreprise au fleuron industriel. Il s'agit de l'avenir de notre défense, il s'agit de la sécurité et de la liberté de la France, alors toutes les bonnes volontés sont bienvenues.
La France, grâce à la DGA notamment, a cette capacité exceptionnelle à mener avec brio les programmes les plus complexes sur des durées très longues. C'est un atout que nous devons entretenir mais qui ne doit pas devenir un carcan.
Si une rupture technologique intervient, si une opportunité majeure apparaît nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre le prochain programme. Alors comme la DGA le fait par sa transformation, et je veux saluer, Joël Barre, votre engagement indéfectible pour la réussir, soyons capables de plus de flexibilité, d'adaptation et de réactivité.
Je le dis d'autant plus fortement que nos Armées entament aujourd'hui un renouveau historique. La loi de programmation militaire, ce sont 295 milliards d'euros pour notre défense. Ce sont des livraisons, des commandes pour toutes nos forces. C'est la modernisation du ministère au travers de 16 chantiers ambitieux. C'est l'augmentation, dès 2022, à 1 milliard d'euros par an des moyens consacrés à l'innovation et aux études.
Mais cette LPM, comme le voulait le Président de la République, c'est aussi le fondement des Armées du XXIe siècle.
Elle prend pleinement en compte les évolutions de notre contexte stratégique. Cette loi de programmation militaire nous donne les moyens de prendre pleinement le tournant de l'intelligence artificielle, du cyber, du new space. Ces nouvelles technologies transformeront les conflits en profondeur ; il faut immédiatement en comprendre les ressorts et en saisir les opportunités.
Alors nous avons décidé d'investir fortement dans l'intelligence artificielle. De 10 millions d'euros par an en 2017, nous y consacrerons 100 millions par an en 2022. Nous avons besoin d'experts, aussi, et nous avons déjà commencé à recruter parmi les meilleurs et les plus prometteurs des ingénieurs et des docteurs en intelligence artificielle, en vision, en robotique.
Nous avons lancé des projets, noué des partenariats. Et très bientôt, l'agence de l'innovation de défense, lancera un challenge sur l'intelligence artificielle dans le domaine spatial. Alors mon message est clair : geeks de toutes régions, unissez-vous, nous attendons vos trouvailles au salon du Bourget de 2019.
Toutes ces innovations peupleront nos aéronefs, nos bateaux, nos sous-marins, nos blindés. Et n'oublions pas que c'est grâce au travail intense, à la recherche, aux défis technologiques, que nous avons réussi à bâtir les matériels qui font le quotidien de nos forces et le succès de nos Armes. L'innovation, c'est la préparation de l'avenir, c'est le renouveau de nos programmes d'armement. Nous en avons parfaitement conscience et rien que cette année, nous avons lancé plusieurs des projets structurants pour le futur de nos Armées.
La robotique s'intégrera pleinement au programme SCORPION et à notre projet commun avec l'Allemagne de char de combat du futur. Nous sommes déterminés, les expérimentations et les études sont lancées et dès 2022, des robots terrestres intégreront SCORPION.
Nous avons lancé le porte-avions de nouvelle génération. Il sera un aiguillon pour nos idées nouvelles. Il nous permettra de relever des défis techniques et technologiques majeurs comme un nouveau système d'appontage, des nouvelles catapultes, la cohabitation d'aéronefs et de drones. Les études sont lancées. Elles dureront 18 mois et ma consigne est claire : ne vous restreignez pas, toutes les portes sont ouvertes.
Nous nous sommes engagés, aussi, dans le système de guerre des mines maritimes du futur avec des drones sous-marins mis en oeuvre par des drones de surface. Les premiers essais ont débuté et les livraisons se feront en 2022.
Nous avons pris à bras-le-corps, enfin, la question du système de combat aérien du futur. Le SCAF se fera en partenariat avec l'Allemagne. Il montrera la vitalité de l'Europe, permettra à nos industries d'être plus fortes. Il s'agira surtout d'être à la pointe de la défense aérienne, de disposer du meilleur aéronef, le plus sûr et le plus performant, entouré de ces systèmes de drones, d'un système de commandement, en connexion avec des avions ravitailleurs, de renseignement, un porte-avions… C'est tout un système que nous refondons. Un système qui va révolutionner nos modes de combats, nos équipements. Qui va décupler les capacités de nos aviateurs et conforter notre supériorité stratégique.
Cette semaine encore, le SCAF, programme placé sous le leadership de la France, a connu une étape décisive. J'ai rencontré mon homologue allemande, Ursula von der Leyen, et nous sommes convenues qu'il était temps de franchir un pas supplémentaire. Nous avons donc décidé d'entamer les études d'architecture et de conception du SCAF, qui débuteront au tout début 2019. Nous avons décidé aussi de ne perdre aucun temps et de lancer la mise au point des démonstrateurs avion et moteur à compter du Salon du Bourget mi-2019.
Les programmes du futur avancent. Ils protégeront mieux la France, l'Europe. Ils seront plus sûrs pour nos forces. Ils décupleront encore notre capacité opérationnelle.
Pour tous ces programmes, je veux l'imagination, l'inventivité. Ne nous réfrénons pas, car quand il s'agit des Armes de la France, il me revient un mot d'Oscar Wilde : « j'ai des goûts simples, je me contente du meilleur. »
Mesdames et messieurs,
Merci.
Merci pour votre engagement, votre implication. Merci à vous, Gérard Mourou, cette année prix Nobel de physique, et compagnon de route de l'innovation de défense de nous avoir fait l'honneur de lancer ce forum. Merci à vous tous, Armées, directions, services, ingénieurs, entrepreneurs, chercheurs. Vous êtes les artisans de l'avenir de nos Armées. Vous êtes autant de pionniers pour nos forces, pour notre défense, pour notre sécurité.
Grâce à vous, grâce à votre présence, votre inventivité, votre pugnacité, nous montrons aujourd'hui un visage superbe de notre défense. Celui de l'optimisme et de l'espoir. Celui qui a le regard fixé sur l'avenir et jamais cramponné au passé.
Alors ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Continuons ! Bâtissons ensemble ce ministère où la soif de l'audace, supplantera pour toujours la peur de l'échec. Ce ministère où l'on peut tenter, convaincre, développer. Ce ministère qui sera le refuge des novateurs, l'espoir des créatifs.
N'ayons pas peur. Ni de nos idées, ni de celles des autres. En un mot, innovons, toujours.
Source https://www.defense.gouv.fr, le 23 novembre 2018