Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité Femmes Hommes ou Hommes Femmes, comme on voudra ; et de la Lutte contre les discriminations. On va parler d'européennes un petit peu et puis ensuite, nous ouvrirons vos sujets. Ségolène ROYAL va annoncer son soutien à la liste La République en Marche, vous confirmez ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne confirme pas mais c'est ce que j'ai lu comme vous dans la presse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'en savez pas plus ! N'est-ce pas un peu de l'opportunisme total de sa part ? Elle a voulu prendre la tête d'une liste réunissant toute la gauche ; et voilà qu'elle se rallierait à Emmanuel MACRON maintenant ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi j'ai beaucoup d'estime pour Ségolène ROYAL, que j'ai demandé à rencontrer quand j'ai été nommée et qui m'a donné de très nombreux, très bons conseils de méthode pour faire exister les sujets d'égalité femme homme. Donc moi, je pense que ce serait un ralliement très positif mais pour l'instant, elle ne s'est pas exprimée et je ne crois pas qu'elle apprécie qu'on la fasse parler. Néanmoins, il y a par exemple Elisabeth GUIGOU qui (elle) s'est exprimée dans une tribune ; et des propos qui soutiennent l'engagement pro-européen de la part de quelqu'un qui a été chargé des Affaires européennes, je crois que c'est un signal…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut dire qu'Elisabeth GUIGOU comme Ségolène ROYAL ont très envie d'être commissaires européennes aussi !
MARLENE SCHIAPPA
Et c'est leur droit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais c'est leur droit, non mais ceci explique cela peut-être. Emmanuel MACRON va-t-il s'impliquer dans la campagne vraiment, samedi dimanche il est déjà impliqué, mais est-ce qu'il va aller encore plus loin ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne sais pas. Ce qu'on observe, c'est que le Président a eu en tout cas le courage de porter cet engagement européen de longue date, avant même la campagne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a été critiqué pour cela…
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait, je rappelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Critiqué pour cet engagement de ces derniers jours !
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, mais même avant, pendant la campagne présidentielle c'était le seul candidat qui a mené une campagne présidentielle en défendant son engagement européen, avec des drapeaux européens dans les meetings. Ensuite, il s'est engagé pour faire réexister la voix de la France dans la dialogue européen pour faire peser la France ; et on a vu qu'il y a eu un certain nombre de réussites. Avant-hier, il y avait Tech For Good avec cet appel de Christchurch avec beaucoup de chefs d'Etat et de chefs de gouvernement du monde entier à l'Elysée, sous le leadership d'Emmanuel MACRON. Donc on voit que cette stratégie pour faire exister la France dans le monde et portée par le président, elle fonctionne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore une question avant de passer à la PMA, le Premier ministre qui a parlé de PMA hier chez nos confrères de France Info…
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Premier ministre a aussi donné une autre information sur les 80 et 90 km/h, alors je sais bien que ce n'est pas tout à fait votre secteur Marlène SCHIAPPA, mais dites-moi, si j'ai bien compris le Conseil départemental choisira quels seront les tronçons qui repasseront à 90 km/h. N'est-ce pas une décision électoraliste, franchement à quelques jours des européennes ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne le crois pas, je pense qu'il y avait une volonté très forte et affirmée du Premier ministre de sauver des vies, tout simplement sur les routes en défendant cette mesure des 80 km/h…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est lui qui défend ardemment les 80 km/h.
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait. Et là en commission, la décision qui a été prise c'est de confier la main sur ces sujets aux présidents des Conseils départementaux, qui sont ceux qui connaissent le mieux les routes de leur département au quotidien, pour qu'ils puissent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a fini par reculer !
MARLENE SCHIAPPA
Non, je ne crois pas que ce soit un recul, je pense qu'au contraire l'idée c'est d'avoir écouté et la demande pendant le grand débat, c'était beaucoup aussi d'écouter les territoires, d'écouter les élus locaux, etc. Et cette question des 80 km/h, elle a pu être crispante, on pense que c'est très intelligent de la part du Premier ministre de garder son cap, en rappelant les engagements qui sont les siens sur la sécurité routière pour sauver des vies. Et d'ailleurs les 80 km/h, c'est une mesure qui a déjà porté ses fruits, mais aussi de permettre une forme de souplesse en fonction des départements avec les élus locaux qui connaissent le mieux leur territoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La PMA confirmation, le projet de loi sera donc présenté en Conseil des ministres avant les vacances !
MARLENE SCHIAPPA
Avant les vacances d'été, c'est ce qu'a dit le Premier ministre hier, tout à fait !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand, juin, juin, début juillet ?
MARLENE SCHIAPPA
Avant les vacances d'été, donc oui, autour de cette date-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La PMA qui sera bien étendue aux femmes célibataires et homosexuelles, on est bien d'accord !
MARLENE SCHIAPPA
C'est l'engagement du président de la République oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'elle sera remboursée cette PMA à toutes les femmes ?
MARLENE SCHIAPPA
Nous verrons, le projet de loi est en train d'être travaillé Paris 3 ministres qui sont en charge, il y a Agnès BUZYN, Frédérique VIDAL et Nicole BELLOUBET. Mon souhait personnel c'est évidemment que la PMA soit remboursée par la Sécurité sociale, c'est la position du parti la République en marche. Mais il y aura un projet de loi rédigée par les 3 ministres en charge, que j'appuie au titre de la lutte contre l'homophobie ; et puis ensuite il y aura surtout un débat au Parlement et donc les parlementaires voteront pour dire s'ils sont pour ou contre cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans tous les cas, moi je me souviens en novembre vous étiez venue ici, vous aviez parlé de remboursement. Vous avez dit « ce sera remboursé ».
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait, je reste cohérente avec ma position…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc remboursement oui !
MARLENE SCHIAPPA
C'est mon souhait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
56 % des Français sont favorables à la GPA, vous est-ce que vous avez évolué dans votre position ?
MARLENE SCHIAPPA
Pour l'instant je n'ai pas évolué, mais je pense qu'il faut être très prudent sur ces sujets, pour plusieurs raisons. D'abord je crois qu'il faut penser aux enfants, quand on parle de PMA ou de GPA je pense qu'il faut penser aux enfants qui sont déjà nés, qui existent, qui peut-être sont devant leur télévision et qui entendent des propos qui peuvent parfois être très violents. Donc personnellement, je suis assez opposée à ce qui peut conduire, me semble-t-il, à une forme de marchandisation du corps des femmes et qui me gêne profondément. C'est pour ça je suis plutôt opposée à la GPA, néanmoins j'ai entendu un certain nombre de témoignages, le livre de Marc-Olivier FOGIEL par exemple mais aussi d'autres, de personnes qui ont moins de notoriété…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous pourriez évoluer, vous pourriez faire avancer les esprits ?
MARLENE SCHIAPPA
Je crois que c'est une question sur laquelle, il faut écouter beaucoup les scientifiques, les expertes et les experts et surtout les personnes qui sont les premières concernées. Pour l'instant ma position est celle-là, mais je suis bien sûr à l'écoute de tout un chacun sur ce sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, l'Union européenne doit-elle reconnaître l'homoparentalité et les enfants nés d'une PMA ?
MARLENE SCHIAPPA
Je pense que c'est important de reconnaître les enfants, encore une fois je reviens à ce que je disais tout à l'heure, mais je pense qu'il faut vraiment mettre l'intérêt de l'enfant au centre de tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que dans la loi justement PMA, ce sera abordé cette question de la reconnaissance des enfants nés de PMA ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, c'est la question de la filiation et puis la question derrière de la parentalité par intention.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera dans la loi ?
MARLENE SCHIAPPA
Nous verrons, honnêtement je ne peux vous dire maintenant ce qui sera dans la loi, elle est en train d'être travaillée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous souhaitez que ce soit dans la loi ?
MARLENE SCHIAPPA
Nous verrons. Moi ce que je souhaite c'est que tous les enfants…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais nous verrons, mais vous, vous souhaitez quoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais nous verrons, ça n'est pas… la décision ne m'appartient pas là maintenant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais nous verrons, mais là c'est bientôt cette loi, on est au mois de mai !
MARLENE SCHIAPPA
Il y a d'abord un dialogue. Là-dessus moi ce que je souhaite, c'est par exemple…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel est votre avis vous ?
MARLENE SCHIAPPA
Je vais vous donner mon avis. Par exemple, les enfants qui sont nés de GPA, notamment à l'étranger, et qui vivent en France, je souhaite qu'ils puissent avoir un accès à l'état civil, la loi le prévoit déjà, elle n'est pas toujours mise en vigueur. Donc qu'il faut que conformément à l'engagement de campagne du président de la République, ces enfants puissent être reconnus, parce que quel que soit le débat idéologique qu'on puisse avoir sur la PMA ou la GPA – et je vais vous donner ma position sur la GPA, je suis plutôt opposée – mais néanmoins les enfants existent, qui sont là, qui sont des êtres humains, je crois qu'il ne faut pas les priver de l'état civil…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Doivent être français !
MARLENE SCHIAPPA
Ils doivent avoir des papiers et un état civil, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et être français. Marlène SCHIAPPA, le droit à l'avortement parce que j'ai vu ça dans plusieurs programmes de candidats aux européennes, de listes, le droit à l'avortement doit-il…
MARLENE SCHIAPPA
Pas dans la liste de BELLAMY, curieusement !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Doit-il devenir un critère obligatoire pour adhérer à l'Union européenne ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne sais pas, moi ce que je vais vous dire c'est que nous portons… la liste de Nathalie LOISEAU porte-le Pacte Simone Veil. Ce pacte, il vise à harmoniser par le haut l'ensemble des droits des femmes dans tous les pays européens. Ca signifiait que dans les pays dans lesquels il y a une menace vis-à-vis du droit à l'avortement, voire une pénalisation de l'avortement, désormais ces pays pourront être invités par le Pacte Simone Veil à dépénaliser l'IVG. C'est le combat que mène la France partout dans le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Malte, Malte qui fait partie de l'Union européenne où le droit à l'IVG est interdit. Et puis la Pologne dont le droit à l'avortement est considérablement réduit.
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait. Mais moi ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a vraiment un danger vis-à-vis du droit à l'IVG. Je reparle de monsieur BELLAMY, mais ça me semble important, je voudrais que chacun soit clair sur ce sujet. La liste conduite par Nathalie LOISEAU, elle est extrêmement claire sur le droit des femmes à avoir un accès à la contraception, à avoir une libre information sur ces sujets et un accès à l'IVG. La liste des Républicains, elle est extrêmement floue là-dessus, monsieur BELLAMY a dit qu'à titre personnel il était opposé à l'IVG, mais il a toujours refusé de répondre à la question de savoir en tant que député européen ce qu'il voterait sur ces sujets. Ça veut dire que nous ne sommes pas à l'abri, si monsieur BELLAMY a beaucoup de députés européens, d'avoir un groupe de pression anti-IVG au Parlement européen. Ce qui peut mener à des régressions gravissimes, comme ce qui se passe en Alabama où non seulement maintenant l'IVG est pénalisé, mais de surcroît les médecins qui le pratiquent risquent 10 à 99 ans de prison. Je ne sais pas si on se rend compte du niveau de régression des droits des femmes au niveau mondial…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et des femmes sont contraintes d'être escortées et camouflées pour avorter dans le Kentucky.
MARLENE SCHIAPPA
Dans le Kentucky, ça tout à fait, absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, d'autres proposent d'inscrire le droit à l'avortement dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Qu'est-ce que vous en pensez ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est un débat qui peut se tenir, moi j'entends que dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne c'est un peu comme dans la révision constitutionnelle, si vous voulez chacun veut mettre ce qui lui emporte. Moi je ne suis pas favorable forcément à ce qu'on ait une politique de traité, de charte, etc. Je pense que ce qui compte, c'est vraiment ce qui est fait au concret, on a beaucoup parlé de l'Europe qui protège et moi, je pense qu'il est en avoir une Europe qui protège les femmes. Et c'est ça que propose la liste Renaissance de Nathalie LOISEAU.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le droit à l'avortement est en danger en France, même en France, est-ce qu'il est en danger ?
MARLENE SCHIAPPA
Il est en danger partout, je vous rappelle qu'en France récemment nous avons dû gérer… la ministre de la Santé et moi-même nous avons dû gérer le cas d'un hôpital en Sarthe, là où je suis élue, qui ne pratiquait plus d'IVG parce que l'ensemble des médecins avait fait valoir leur clause de conscience et, donc, ne souhaitaient pas pratiquer d'IVG. Donc il y a une mobilisation locale, régionale et nationale avec le gouvernement, avec la préfecture, avec l'ARS, avec l'ensemble des médecins, avec l'hôpital lui-même pour avoir une forme d'attractivité pour faire venir des médecins qui ne font pas valoir leur clause de conscience ; et pour assurer une continuité qui n'est pas de rupture du droit sur l'ensemble du territoire. Mais c'est une situation préoccupante, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai même vu que l'actrice américaine Alyssa MILANO appelle les femmes à refuser toute relation sexuelle tant que les femmes n'auront pas le droit de disposer de leur corps. Ce n'est pas une très bonne idée, vous avez dit « ce n'est pas une très bonne idée ».
MARLENE SCHIAPPA
Non, en fait je comprends… d'abord j'ai beaucoup de respect pour Alyssa MILANO, c'est une figure de MeToo qui porte à un discours féministe qui est très important dans le monde. Mais sur ce sujet en particulier, j'ai une petite divergence pour plusieurs raisons, d'abord parce que je ne crois pas que la sexualité des femmes doive être envisagée comme un service qui serait rendu aux hommes. Or la notion de grève du sexe, c'est une manière de dire : nous allons mettre fin à ce service. Je pense qu'il est temps de promouvoir au contraire à la fois une liberté de disposer de son corps et, donc, un accès libre à l'IVG, mais aussi une sexualité épanouie pour les femmes. Je ne vois pas pourquoi ce serait un sujet tabou et pourquoi seule la sexualité des hommes dans le cadre hétérosexuel devrait primer et être considéré comme importante. Donc non à la grève du sexe, je n'ai pas l'intention que les femmes se privent une 2ème fois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, la lutte contre les violences faites aux femmes, c'est un sujet ô combien important, 53 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l'année en France, beaucoup, beaucoup trop. Et la France n'est pas très bonne élève en Europe, je regardais les chiffres, l'un des pays d'Europe où l'on recense le plus de féminicides. Pourquoi selon vous, pourquoi, parce que la France est un pays machiste, pourquoi ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord plusieurs choses, je pense qu'il faut être prudent dans les comparaisons qu'on peut mettre en oeuvre, parce qu'en termes de pourcentage vis-à-vis des tranches d'âge, etc., il y a des petites subtilités d'un pays à l'autre. Mais néanmoins je crois qu'aucun pays… et ce n'est certainement pas moi qui vais vous dire que la France est exemplaire sur ce sujet. Je pense qu'il y a un combat culturel à mener, le vrai drame est d'abord… je pense d'abord évidemment à ces femmes et à leurs familles qui peut-être nous regardent et à leurs proches. Moi j'ai réuni par exemple les proches de Julie DOUIB qui est une femme qui a été tuée par son ex-conjoint, les élus locaux, les associations et les services de l'Etat dans une grande table ronde pour comprendre justement, pour refaire tout le film et comprendre ce qui a dysfonctionné. Parce que ce qui est terrible pour nous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est terrible dans le cas de Julie DOUIB, c'était à l'Ile-Rousse, l'Ile-Rousse en Corse, c'est terrible, terrible ce qui s'est passé.
MARLENE SCHIAPPA
Mais tous les derniers cas, les deux choses que l'on peut noter, 1) c'est qu'il y a une recrudescence des féminicides au moment de la séparation ou juste après, je peux vous dire que le discours visant à dire « quittez votre conjoint », certes ! Il est efficace mais il faut derrière qu'il y ait des accompagnements ; et 2) ce qui est le plus terrible pour nous, c'est quand tous les dispositifs de politique publique avait été actionné. Quand les femmes possédaient un téléphone « grave danger », quand elles avaient déposé des plaintes, quand elles avaient fait en sorte d'être avec une ordonnance de protection…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le téléphone « grave danger », c'est un téléphone qui alerte les services de sécurité…
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, c'est un téléphone relié directement qu'on peut donner sur décision de justice à des femmes pour qu'elles appellent. Mais quand on a un ex-conjoint qui est déterminé à tuer et déterminé à la violence, on voit que ces dispositions de politique publique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut aller plus loin, il faut aller plus loin. Le bracelet par exemple, le bracelet qui est associé à un boîtier qui signale aux femmes et aux forces de l'ordre la présence de l'ex-conjoint violent dans la proximité.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, avec la garde des Sceaux nous sommes en train d'étudier plusieurs choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait un moment, mais attendez ! La loi…
MARLENE SCHIAPPA
Ce bracelet, la généralisation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A été votée en 2017 !
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait, la généralisation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et alors qu'est-ce que vous attendez, on est en 2019 !
MARLENE SCHIAPPA
Il est en train d'être mis en place. Il y a un autre sujet qui est important, qui est la généralisation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, attendez, attendez ! Mis en place quand, expérimenté quand, où ?
MARLENE SCHIAPPA
Il y a une expérimentation qui est lancée, la garde des Sceaux l'a annoncé, elle a aussi annoncé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où, où l'expérimentation ?
MARLENE SCHIAPPA
Attendez ! Je vais juste au bout !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez ! Allez !
MARLENE SCHIAPPA
Je vais vous répondre mais je vais au bout là-dessus parce qu'il y a 2 choses qui me semblent très importantes. D'abord c'est la généralisation des ordonnances de protection, qui permettent justement d'avoir une véritable protection physique via l'intégrité de ces femmes, ça c'est la première chose. La deuxième chose, c'est que la garde des Sceaux Nicole BELLOUBET a adressé récemment une circulaire à l'ensemble des parquets, pour leur demander d'être plus fermes dans les condamnations. Parce que ce que l'on observe dans tous ces cas que nous avons cités, Julie DOUIB par exemple mais d'autres, c'est qu'il y avait 1, 2, 3, parfois 5 plaintes qui avaient été déposées par ces femmes sans qu'il n'y ait derrière de condamnation. Donc il faut véritablement que ce sujet soit pris en compte à cet égard.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, très bien, je comprends très bien, vous avez raison, mais je reviens au bracelet, ça fait 2 ans que la loi a été votée et on ne voit toujours pas de bracelets portés par ces hommes violents, ces ex-conjoints ou ces conjoints violents.
MARLENE SCHIAPPA
Alors ce n'est pas vrai, il y a…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ce n'est pas vrai ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas vrai, il y a un début d'expérimentation qui a été…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où ?
MARLENE SCHIAPPA
Honnêtement je n'ai pas le lieu là en tête…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ! Moi je vous dis où ?
MARLENE SCHIAPPA
Je n'ai pas le lieu en tête, mais je vous dis que la garde des Sceaux a annoncé… nous a fait une évaluation de la loi à l'Assemblée nationale, elle a annoncé qu'il y a des territoires qui étaient déjà en expérimentation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sera… il y aura une expérimentation bientôt !
MARLENE SCHIAPPA
De ce bracelet. Oui, qui est en train…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça fait 2 ans, vous perdez un temps fou !
MARLENE SCHIAPPA
Non mais si vous voulez Jean-Jacques BOURDIN, on peut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, c'est une question financière ?
MARLENE SCHIAPPA
Non mais moi, je ne souhaite pas qu'il y ait de polémique sur le sujet des féminicides…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne s'agit pas de polémique mais en Espagne, pardonnez-moi de vous dire, en Espagne c'est efficace.
MARLENE SCHIAPPA
Mais c'est parce que c'est efficace que nous le mettons en oeuvre. Et sur ces sujets, on est mobilisé 24 heures sur 24 tous les jours, je suis personnellement des dizaines de cas, encore cette nuit j'ai passé la nuit à gérer par téléphone, avec les personnes et les services de l'Etat qui sont sur place dans un département, la mise en protection d'une femme. Ce sont des choses que je fais depuis des années, que je faisais déjà quand j'étais élue locale. On augmente les places en hébergement d'urgence, on travaille avec le FIT qui est une organisation pour créer un lieu unique de prise en charge des femmes. A Tours, nous avons inauguré avec le député Chalumeau un lieu unique qui est une expérimentation, dans lequel les femmes peuvent venir, être prises en charge, être soignées. Et Laurent NUNEZ, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur était avec moi, parce que dans ce lieu les forces de l'ordre viennent pour que les femmes puissent déposer des plaintes, où nous sommes pleinement mobilisés. Tous les meurtres que nous pourrons éviter, nous le ferons, les politiques publiques qui sont mises en place sont efficaces mais elles ne suffisent pas à elles seules. Et c'est pour ça que nous avons lancé aussi des grandes campagnes de sensibilisation ; et c'est pour ça que nous communiquons, parce que quand je vois dans les émissions de télévision qu'il y a encore des femmes qui sont tuées par leur conjoint et qu'on trouve encore des gens pour justifier cela, pour faire comme si elles étaient responsables, pour dire « oui mais aussi, elle était difficile à vivre », etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez à quelle émission ?
MARLENE SCHIAPPA
Je pense à énormément de prises de parole…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quelle émission, mais qui, quoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne vais pas revenir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais attendez, Marlène SCHIAPPA, si, ça mérite…
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien très bien, eh bien revenons dans ces cas-là sur le sujet qui m'a été suffisamment reproché, je pense par exemple à des émissions autour d'Alexia DAVAL, qui a été tuée par son conjoint et pour laquelle on a entendu pendant des semaines, sur les radios, sur les télévisions et dans la presse écrite, des gens témoigner pour dire : « Oui mais aussi elle était un peu difficile à vivre etc. ». Je vous invite à regarder par exemple le travail qui est mené par une blogueuse qui s'appelle Sophie GOURION, autour d'un tumbler qui s'appelle « Les mots tuent ». Elle recense tous les articles de presse quotidienne régionale qui qualifient mal les féminicides qui disent que ce sont des drames passionnels, qui mettent en cause la femme qui a été frappée par son conjoint. Donc le message, on termine là-dessus, je suis longue mais c'est un sujet important. Le message c'est que les entourages doivent se manifester. Ce n'est pas la femme qui toute seule, quand elle est victime de violences ou sous emprise, qui peut se sortir seule de cela. Il faut que les témoins aillent auprès des commissariats de police, qu'ils s'adressent à la plateforme que nous avons mise en place avec Christophe CASTANER. Je termine juste en donnant numéro du 39 19, si des gens nous écoutent et ont connaissance de situations telles que celle-là, il faut qu'ils aillent voir les forces de l'ordre ou téléphoner au 39 19.
JEAN-JACQUES BOURDIN
39 19. Congé paternité. Vous disiez : il faut prendre en Europe ce qui se fait de mieux dans les pays européens. L'Espagne, congé paternité, 8 semaines. 8 semaines.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ne pourrions-nous pas l'instaurer aussi en France ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais je crois qu'il faut améliorer le congé paternité, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais vous l'améliorez, on est à 11 jours nous.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, justement, nous avons commencé à travailler là-dessus, en deux temps. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons priorisé l'amélioration du congé maternité, nous avons créé un congé maternité pour les femmes agricultrices…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je vous parle du congé paternité.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, je vais y venir, les choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, je ne veux pas que vous parliez du congé maternité…
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que je veux que vous me parliez, parce que je veux que vous répondiez précisément…
MARLENE SCHIAPPA
Mais moi je trouve ça dommage…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que l'on n'étend pas le congé paternité en France ? Vous savez pourquoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Dites-moi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour une raison financière.
MARLENE SCHIAPPA
Mais ce n'est pas vrai. Le Premier ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que le président de la République a bloqué la circulaire européenne, a décision…
MARLENE SCHIAPPA
Alors, maintenant le Premier ministre est député européen aussi, c'est formidable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pourquoi…
MARLENE SCHIAPPA
Non, mais tout ce que vous venez de dire n'est pas vrai, avec tout le respect que je vous dois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas vrai. Le Premier ministre Edouard PHILIPPE a lancé une étude auprès de l'IGAS, une mission auprès de l'Inspection générale des affaires sociales, pour que des scénarios d'amélioration du congé paternité, soit meilleure rémunération, soit l'étendre dans la durée, soit les deux, soit présentée au ministre en charge et que nous puissions arbitrer sur les différentes scénarios qui sont proposés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y avait bien un projet de la Commission européenne, on est bien d'accord.
MARLENE SCHIAPPA
Il y avait un projet de directive européenne qui a été discuté. Ce projet il a été voté avec le soutien de la France, il représente une amélioration pour de nombreux pays, il y a des pays qui n'avaient pas de congé paternité, qui grâce à cette directive ont maintenant une dizaine de jours de congé paternité. C'est une nouveauté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'en France le congé paternité sera allongé ? Oui ou non ?
MARLENE SCHIAPPA
Il va être amélioré. A ce stade…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais attendez, attendez, amélioré, ça veut dire quoi ? Allongé ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, je vais vous expliquer ce que ça veut dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allongé ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Je vais vous expliquer ce que ça veut dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MARLENE SCHIAPPA
Ça veut dire qu'il y a deux scénarios sur la table actuellement, où il est conservé à 11 jours, mais mieux rémunéré, ou il est allongé. L'IGAS est en train de travailler là-dessus, ce sont des sujets sérieux sur lesquels il faut savoir derrière qui finance, je crois que ce n'est pas un gros mot et ça n'est pas un sujet tabou, on ne peut pas m'accuser d'être obsédée par le budget, mais là simplement qui finance ? Est-ce que c'est la solidarité nationale ? Est-ce que ce sont les employeurs et dans ces cas-là ça veut dire qu'il y ait une consultation de partenaires sociaux qui doit être menée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il pourrait peut être allongé.
MARLENE SCHIAPPA
Il pourrait être allongé, il pourrait être aussi mieux rémunéré, mais sur le congé maternité, je suis désolée mais moi je trouve que c'est un sujet important, nous l'avons amélioré pour faire en sorte que les agricultrices qui n'avaient pas de congé maternité digne de ce nom, puissent en bénéficier, de même chez les travailleuses indépendantes. C'était un engagement de campagne du président de la République que j'ai moi-même défendu pendant la campagne, il a été voté et maintenant il est mis en oeuvre, à partir de ce mois-ci.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un dernier mot sur le paiement des pensions alimentaires, c'est très important, parce qu'il y a tant de femmes seules qui malheureusement sont dans le besoin parce que les conjoints ou ex-conjoints ne remplissent pas leur devoir.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la CAF qui va prendre le relais si j'ai bien compris, la CAF qui est déjà concernée, mais comment est-ce que la CAF va aller plus loin ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors il y a un dispositif existant, qui s'appelle l'ARIPA, qui fait justement du recouvrement d'impayés de pension alimentaire. Ce dispositif…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui est rattaché à la CAF ?
MARLENE SCHIAPPA
Qui est rattaché la CAF absolument, il a été créé sous le précédent quinquennat, mais néanmoins ce qu'on observe, c'est que ce dispositif ne fonctionne pas. Un, il est trop peu connu, deux, il est trop complexe parce qu'il y a un certain nombre de documents juridiques etc. qui rendent le système complexe. Trois, il est inefficace. Nous, avec Agnès BUZYN, Christelle DUBOS et Nicole BELLOUBET, nous sommes en train de travailler à améliorer ce dispositif pour que la CAF puisse faire non seulement de l'intermédiation en amont pour éviter les impayés de pension alimentaire, mais aussi puisse prélever automatiquement les pensions alimentaires pour qu'elles soient versées, et je voudrais rappeler que le non paiement de pension alimentaire c'est un délit aux yeux de la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question Festival de Cannes. Hommage à Alain DELON dimanche. C'est une erreur ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, je ne suis pas jury du Festival de Cannes, je suis évidemment en désaccord profond avec les propos qui ont été tenus par Alain DELON. Nous sommes aujourd'hui la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, c'est pour ça que je vous en parle.
MARLENE SCHIAPPA
Le gouvernement est très mobilisé, il y a une recrudescence des actes homophobes assez préoccupante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a une pétition, vous êtes ministre, vous ne pouvez pas signer de pétition…
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si vous n'étiez pas ministre, vous auriez signé cette pétition ?
MARLENE SCHIAPPA
Honnêtement, je ne sais pas. Moi, ce que j'observe, c'est que c'est un prix…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment vous ne savez pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Honnêtement, je ne peux pas vous dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez votre avis sur la question.
MARLENE SCHIAPPA
Oui mais c'est trop facile de vous dire « si je n'étais pas ministre, je ferais ci et ça ». Mon avis c'est que je suis vraiment en désaccord avec les propos tenus par Alain DELON, néanmoins la Palme d'or à Cannes ça n'est pas une palme qui récompense les propos aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas la Palme d'or, c'est un hommage spécial.
MARLENE SCHIAPPA
Excusez-moi, oui, ce n'est pas la Palme d'or, vous avez raison. J'ai oublié. Mais en tout cas ça ne récompense pas les propos d'Alain DELON, et moi ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a une mobilisation contre l'homophobie au quotidien, qui est menée par le gouvernement, avec des référents notamment dans les commissariats, pour que les plaintes pour actes homophobes soient mieux qualifiées. C'est 55 %, une étude l'a révélé avant-hier, 55 % des personnes LGBT + qui ont déjà été victimes d'un acte homophobe. C'est intolérable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Marlène SCHIAPPA d'être venue nous voir ce matin, sur RMC et BFM TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mai 2019