Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l'Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140).
(…)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire tout le plaisir que j'ai à vous retrouver, pour la troisième année consécutive – l'amour dure trois ans, monsieur le rapporteur général (Sourires.) –, pour vous présenter le projet de budget pour 2020 avec M. le ministre de l'économie et des finances.
La politique fiscale et économique conduite sous l'autorité du Président de la République lors de ces deux derniers exercices budgétaires a permis d'obtenir des résultats importants : le chômage a baissé continuellement, la croissance est restée dynamique, bien plus que celle de nos voisins, le pouvoir d'achat des Français a crû de façon inédite et les impôts ont baissé comme jamais au cours d'un mandat d'un Président de la Ve République. Ces résultats, nous les devons en partie à notre politique économique, à notre conviction en matière de maîtrise des dépenses publiques et à la transformation structurelle de nos politiques publiques, qui nous ont permis de réduire à la fois nos impôts et nos déficits.
Les résultats sont là ; ils sont incontestables.
Ainsi, 40 milliards d'euros de dépenses publiques auront été évités entre 2017 et 2020. Je rappelle que, en 2017, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, les dépenses publiques représentaient 55% du PIB ; nous en sommes désormais à 53,4% du PIB : 1,6 point de dépenses publiques en moins, donc.
Rien qu'en 2020, les impôts baisseront de plus de 9 milliards d'euros pour les ménages et de 1 milliard d'euros pour les entreprises.
Le déficit public aura baissé de près d'un tiers entre son estimation par la Cour des comptes dans son rapport sur la gestion du gouvernement précédent, au lendemain de notre arrivée – 3,4% du PIB –, et 2020. Le budget présenté par le Gouvernement prévoit un déficit de 2,2% du PIB : 1,2 point de déficit en moins, donc.
Pour la première fois depuis dix ans, la dette publique baisse, très légèrement certes – la décrue est de 0,1 point –, après une stagnation, sachant que nous réalisons la sincérisation de la dette de la SNCF, qu'aucun gouvernement n'avait voulu engager.
Après 2018 et 2019, nous sommes déterminés à maintenir le cap sur le front de notre politique économique comme sur nos objectifs de finances publiques. L'ampleur inédite de la réponse que nous avons apportée à l'urgence économique et sociale nous conduit sans doute à faire des modifications, mais sans changer de cap.
Je voudrais d'ailleurs souligner la sincérité avec laquelle nous présentons désormais les comptes de la Nation – cette sincérité est saluée par l'ensemble des observateurs. Nous avons fait, en y étant très attentifs, les économies de gestion qu'il fallait ; je salue, à ce propos, l'accord auquel sont parvenus le Sénat et l'Assemblée nationale dans le cadre de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion d'un projet de loi de finances rectificative qui n'était que de fin de gestion, sans aucun article fiscal, donc sans aucune augmentation d'impôt – le Sénat, qui demandait depuis bien longtemps qu'il en soit ainsi, l'a noté.
Alors que le Président de la République a annoncé, au lendemain du grand débat, des dépenses ou des recettes supplémentaires ou en moins, avec d'évidentes conséquences macroéconomiques, nous avons réussi – le PLFR est là pour en témoigner – à faire par ailleurs les économies nécessaires pour tenir le déficit antérieurement prévu. Cela prouve à la fois le dynamisme de notre économie et la sincérité des comptes que présente le Gouvernement à la représentation nationale.
Cela fait deux fois, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement ne présente pas de décret d'avance, fait exceptionnel : ce n'était jamais arrivé depuis la promulgation de la LOLF. Le décret d'avance était une mauvaise habitude, relevant soit de l'insincérité budgétaire soit du défaut d'autorisation parlementaire. Vous avez vous-mêmes fait preuve, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de la réunion de la CMP sur le PLFR, de l'indépendance qui sied à la fonction parlementaire, en rouvrant et en fermant des crédits, ce qui montre qu'il nous est possible de travailler ensemble dans un climat de confiance, malgré les différences politiques qui nous séparent.
Au cours du quinquennat, 27 milliards d'euros d'impôts auront été rendus aux ménages, 13 milliards d'euros aux entreprises.
M. le ministre de l'économie l'a évoqué, il y aura une baisse sans précédent de l'impôt sur le revenu, de 5 milliards d'euros, conformément à la promesse du Président de la République.
Sous les vivats, sans doute, de la majorité sénatoriale, grâce au prélèvement à la source, qui fut un succès, et grâce au travail de l'administration fiscale, les Français verront dès le mois de janvier prochain cette baisse d'impôt sur leur feuille de salaire ou leur bulletin de pension. Cette baisse bénéficiera en priorité aux 12 millions de foyers fiscaux imposables dans la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu, dont le taux passera de 14% à 11%, pour un gain moyen de 350 euros. Mais ses effets iront bien au-delà de ces 12 millions de foyers : près de 17 millions de foyers, soit 95% de la population imposable, connaîtront une baisse d'impôt sur le revenu dès le mois de janvier.
C'est également l'année prochaine que sera définitivement supprimée la taxe d'habitation sur la résidence principale pour 80 % des Français. Le présent projet de loi de finances prévoit la suppression complète de la taxe d'habitation et sa compensation pérenne et à l'euro près ; le Gouvernement a donc tenu sa parole.
J'ai chargé Olivier Dussopt de défendre les articles en question devant la représentation nationale ; il évoquera avec vous cette transformation très importante de la fiscalité locale. De nombreux amendements ont été déposés par les sénateurs sur cette question ; c'est bien normal venant de la chambre qui représente les collectivités territoriales. Personne, dans la République française, n'avait jamais supprimé un impôt de 22 milliards d'euros ; c'est ce qu'aura fait le Président de la République !
Il s'agit d'une réforme historique, vous le savez, et j'imagine que nous prendrons le temps, au Sénat, comme nous l'avons fait à l'Assemblée nationale, d'en discuter, afin d'acter enfin cette réforme importante et définitive.
Nous baissons les impôts, mais nous ne baissons pas la garde. Le Gouvernement, depuis le début du quinquennat, s'est fixé des priorités, et il s'y tient, en apportant des moyens budgétaires à la hauteur des défis, à commencer par l'accélération de la transition écologique.
Les crédits alloués à la transition écologique et aux transports augmenteront de 3 milliards d'euros sur le quinquennat et de 800 millions d'euros dès 2020, et la trajectoire prévue par la loi d'orientation des mobilités sera respectée. De grands projets seront financés ; j'aurai d'ailleurs le plaisir, demain – je m'excuse par avance de m'absenter ainsi quelques heures du débat budgétaire, mais ce sera le tour du ministre de l'économie et des finances de débattre avec vous –, de signer la convention financière relative à la construction du canal Seine-Nord Europe. Ce chantier compte parmi les engagements financiers pris par ce gouvernement quand d'autres, malgré beaucoup de paroles, n'ont jamais donné le premier coup de pelle dans ce genre de travaux.
Le crédit d'impôt pour la transition énergétique sera recentré et, conformément à l'engagement pris pendant la campagne présidentielle, transformé en prime contemporaine. C'est très important pour le déclenchement des travaux : avec le crédit d'impôt, ceux qui avaient peu de trésorerie devaient attendre que l'argent arrive sur leur compte et, souvent, les travaux n'étaient pas déclenchés. La prime est un dispositif plus juste – nous concentrerons ainsi cette politique publique sur les ménages les plus modestes, les classes populaires et moyennes – et plus efficace : davantage de travaux seront déclenchés, notamment là où ils étaient le plus nécessaire. Plus on est pauvre, en effet, moins on a de revenus, et plus le logement est une passoire énergétique.
La transformation du CITE est très importante, mais c'est une mesure one-off – pardon d'utiliser ce mot anglais déjà employé à propos du CICE. Elle explique une partie du ressaut budgétaire et sera accomplie en deux fois. La prime sera donc plus efficace que ne l'était le crédit, plus généreuse pour les ménages les plus modestes, plus contemporaine ; autrement dit, elle s'inscrit dans le programme présidentiel.
Nous accompagnons par ailleurs le retour à l'emploi et protégeons les plus vulnérables. L'augmentation de la prime d'activité se poursuit : 4 milliards d'euros d'augmentation entre 2018 et 2022. À la fin du quinquennat, la prime d'activité aura presque atteint les 9 milliards d'euros, contre 3,5 milliards d'euros lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités. Cette prestation sociale vise à augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent : 100 euros de pouvoir d'achat supplémentaire au niveau du SMIC, telle était la promesse du Président de la République au lendemain du grand débat ; cette promesse sera tenue.
La prime exceptionnelle annoncée l'année dernière par le Président de la République sera reconduite, assortie d'une promotion des dispositifs d'intéressement qu'a évoqués M. le ministre de l'économie et des finances. Le lien que le ministre a noué, dans le cadre de la loi Pacte, entre le capital et le travail se trouve ainsi renforcé – vieille idée gaulliste positive pour le salariat français.
Pour la clarté des débats, l'ensemble du dispositif figurera, lorsque le Sénat souhaitera l'examiner, dans le PLFSS, mais il comportera bien une exonération fiscale en plus de l'exonération de cotisations sociales.
L'allocation aux adultes handicapés sera revalorisée de 1,3 milliard d'euros sur le quinquennat ; le minimum contributif fera également l'objet d'une revalorisation, et nous poursuivrons la montée en puissance du plan Pauvreté. Nous allons améliorer le recouvrement des pensions alimentaires, comme s'y est engagé le Président de la République, afin d'être au rendez-vous de la solidarité nationale auprès de ces femmes, notamment, dont l'ex-conjoint ne paie pas la pension. Quant aux pensions les plus modestes, elles seront indexées sur l'inflation, jusqu'à 2 000 euros.
Nous poursuivons en outre le réarmement régalien de l'État.
Les crédits de la mission « Défense » augmentent de 1,7 milliard d'euros, conformément à la loi de programmation militaire.
Les crédits du ministère de la justice augmentent également, conformément à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, afin notamment de créer des équivalents temps plein.
Le ministère de l'intérieur aura bénéficié de la création de 10 000 emplois de policiers et de gendarmes sur le quinquennat, l'année 2020 représentant évidemment, en la matière, une césure, conformément à la trajectoire définie dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Les crédits dévolus au ministère de l'intérieur augmentent d'une manière inédite, de plus de 2 milliards d'euros, le nouveau protocole salarial prévoyant enfin la rémunération des heures supplémentaires des policiers.
Nous préparons l'avenir. Les crédits du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse augmentent de 2,6 milliards d'euros, finançant le dédoublement des classes et la limitation à vingt-quatre élèves par classe, qui comptaient parmi les annonces faites à l'issue du grand débat, mais aussi le déploiement du service national universel, la réforme sans précédent du baccalauréat et l'augmentation de 500 millions d'euros des crédits de la recherche. Nous poursuivons la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir en investissant dans les compétences, c'est-à-dire dans les hommes, comme dans les infrastructures. Ce budget est aussi le budget de l'investissement !
Nous poursuivons également nos efforts en matière de justice fiscale. De concert avec le Sénat, qui a beaucoup travaillé sur cette question, nous assumons de mener une action résolue contre la fraude et l'évasion fiscales.
Nous venons, grâce aux nouveaux outils de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, à la création desquels le Sénat a apporté une contribution particulièrement importante, de connaître des succès sans précédent. L'année 2019 sera l'année où la fraude fiscale aura été la plus combattue, avec des gains considérables pour les finances publiques.
J'en profite d'ailleurs pour saluer le travail effectué par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui a permis d'aboutir, sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, à un texte commun à l'issue d'une CMP conclusive. Je pense en particulier à la fin du verrou de Bercy, dont on voit l'efficacité – 85% de transmissions supplémentaires au parquet –, ou au plaider-coupable, qui nous a permis de régler des contentieux très importants avec les entreprises qui ne payaient pas le juste impôt dans notre pays.
Il faut désormais aller encore plus loin. À la demande du Premier ministre, j'ai saisi au bond la balle lancée par le Sénat en matière de lutte contre la fraude à la TVA applicable au e-commerce, fraude à la fois massive et méconnue.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous souhaitons également, à partir de 2021, rendre les plateformes redevables de la TVA, en lieu et place du vendeur ou de l'importateur,…
M. Philippe Dallier. Bonne idée !
M. Gérald Darmanin, ministre. … dès lors qu'elles facilitent les transactions ; nous prévoyons d'établir une liste noire des plateformes non coopératives, où seront inscrites celles qui ne respectent pas leurs obligations.
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous allons permettre à l'administration de demander aux entrepôts logistiques des informations sur la provenance et la destination des colis, comme l'ont fait nos amis Britanniques.
Comme l'Espagne ou l'Italie, nous mettrons également en place la facturation électronique – cela évitera la fraude à la TVA – d'ici à 2023, afin notamment de laisser aux PME le temps de s'organiser. Le Gouvernement tient particulièrement à cette disposition, qui permettra sans doute de répondre aux interrogations de la Commission européenne. Cette dernière estime à plus de 10 milliards d'euros la fraude à la TVA pour la France. Nous savons tous que la fraude est un coup de poignard au pacte républicain.
Nous travaillerons sur la liste des États non coopératifs en cas d'évasion fiscale. Nous proposerons une disposition très intéressante sur la domiciliation fiscale des dirigeants, qui entraînera sans doute un certain nombre de discussions. Cette disposition est conforme à l'engagement du Président de la République. Payer ses impôts en France n'est pas honteux, bien au contraire ! La richesse étant créée en France, les dirigeants d'entreprise doivent payer leurs impôts en France.
L'article 57 du projet de loi de finances nous donnera l'occasion de débattre de l'utilisation de l'intelligence artificielle et des réseaux sociaux pour confondre les fraudeurs. Les discussions sur ce sujet ont été intéressantes et vives à l'Assemblée nationale, qui, à la quasi-unanimité, a souhaité encourager le Gouvernement à mener son expérimentation. J'imagine que nous aurons un débat similaire au Sénat sur les moyens donnés à l'administration fiscale pour lutter contre la fraude, comme l'ont fait d'autres pays, tels les États-Unis ou la Grande-Bretagne.
Enfin, nous simplifierons la vie des Français, notamment avec la suppression de la déclaration sociale des indépendants – aujourd'hui les indépendants font trois déclarations, demain ils n'en feront plus qu'une – ou la contemporanéisation des crédits d'impôt et des aides sociales, en particulier les APL, sans parler de la déclaration tacite pour l'impôt sur le revenu. Les Français ne rempliront plus leur déclaration de revenus comme ils le faisaient jusqu'à maintenant : cette simplification permettra d'éviter un certain nombre d'erreurs. Nous améliorerons par ailleurs notre fiscalité par la suppression de petites taxes et la rationalisation des dépenses fiscales inefficientes. Le Gouvernement est bien sûr à l'écoute des propositions du Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de discuter de ce projet de loi de finances pour 2020 avec vous. C'est un projet de loi qui diminue le déficit, réduit les impôts, garantit la croissance, lutte contre la fraude fiscale, simplifie la vie des Français, réforme la fiscalité locale. (Exclamations amusées sur diverses travées.)
M. Jean Bizet. Le rêve !
M. Laurent Duplomb. On se demande pourquoi il y a des manifestations, finalement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi nous réunissons-nous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Bargeton. Vous êtes jaloux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous constatons que le chômage recule et que les impôts baissent. La politique fiscale du Gouvernement y est sans doute un peu pour quelque chose, monsieur le rapporteur général ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe UC.)
source http://www.senat.fr, le 26 novembre 2019