Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la lutte contre le terrorisme au Sahel, à Pau le 13 janvier 2020.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse des chefs d'Etat à l'issue du Sommet du G5 Sahel

Texte intégral

Messieurs, Mesdames les Chefs d'Etat et de gouvernement,
Monsieur le Secrétaire général des Nations unies,
Monsieur le Président, cher Charles,
Monsieur le Haut Représentant,
Monsieur le Président de la Commission,
Chère Louise, Madame la Secrétaire générale,


Merci à vous d'être là. Je veux d'abord commencer par remercier les chefs d'Etat du G5 Sahel, le président Déby, les présidents Keïta, Issoufou, Kaboré et Ghazouani d'avoir accepté cette invitation à Pau après la réunion qui s'est tenue en décembre à Niamey en format G5 Sahel et l'échange que nous avions eu avec le président Issoufou.

Je veux remercier l'ensemble des chefs d'organisations internationales qui sont présents avec nous ce soir, et avec lesquels nous allons poursuivre par un dîner de travail. Je tiens à remercier Monsieur le Maire de Pau pour son accueil dans cette belle ville, maintenant le château, puis le Parlement, réconciliant ainsi toutes les histoires de la ville et de notre pays.

Cette rencontre était un moment important après ce que nos pays ont subi ces dernières semaines. Je veux évidemment ici, avant toute chose, avoir une pensée pour les civils de l'ensemble des pays africains du G5 Sahel qui sont tombés dans le cadre de ce conflit qui dure depuis maintenant plusieurs années, sous le coup des attaques des groupes armés terroristes, et avoir une pensée pour les militaires qui sont tombés, les militaires français, nous en avons honorés tout à l'heure quelques-uns à Pau au RHC, et je vous remercie de votre présence pour cet hommage aux côtés des familles et de leurs frères d'armes.

Je pense aussi à tous les militaires de vos pays, et en particulier à ce que le Niger, encore, a eu à subir ces derniers jours. Je sais le prix du sang qui a été versé par chacun. Cette situation, nous ne voulons pas la laisser perdurer. C'est pourquoi la rencontre de Pau marque à mes yeux un tournant très profond dans la méthode d'approche en reclarifiant le cadre politique, en redéfinissant très clairement les objectifs et les termes, l'organisation de notre intervention commune ainsi que celle de nos partenaires. Je ne serai pas plus long. Je vais laisser d'abord le président Kaboré, je le remercie à nouveau d'être là, exposer les choses en tant que président actif du G5 Sahel. Je dirai quelques mots en complément et nous répondrons à vos questions.

(Intervention du président Kaboré)

Merci Président.

Trois mots en complément, en ce qui me concerne, le premier sur le cadre d'intervention.

Pourquoi la France est au Sahel ? Question qui est souvent évoquée. Pour deux raisons simples. La première, elle a été plusieurs fois rappelée, c'est la lutte contre le terrorisme. Nous sommes au Sahel en guerre contre des groupes armés terroristes qui évidemment frappent des populations amies, sévissent dans la région, s'inscrivent dans cette mouvance internationale et se raccrochent à Al-Qaida, à l'Etat islamique que nous combattons par ailleurs au Moyen-Orient parce que nous savons que c'est une menace qui ne reste jamais locale. Et d'ailleurs les liens avec la menace qui opère en Libye, au lac Tchad - j'y reviendrai - sont aujourd'hui avérés. Et la deuxième c'est que nous sommes là pour permettre aux Etats sahéliens d'assumer leur pleine souveraineté sur leur territoire. Et c'est ce qui est rappelé par la déclaration commune qui vous est soumise et que nous venons ensemble d'agréer. C'est le choix, la décision, la demande des Etats souverains pour préserver leur souveraineté de faire appel à des amis, à des alliés pour combattre justement ces groupes armés terroristes qui sont aujourd'hui une menace avérée à la souveraineté de chacun des Etats où ils opèrent. Aujourd'hui, à travers la déclaration que nous adoptons, les chefs d'Etat du G5 Sahel ont exprimé leur souhait de la poursuite de l'engagement militaire de la France à travers Barkhane, de nos forces d'engagement, de la présence européenne et de tous les alliés dans le cadre de cette coalition.

Deuxième remarque je voulais faire, c'est que nous avons clarifié aujourd'hui, comme l'a dit le président Kaboré, les objectifs qui sont les nôtres. Une fois ce cadre politique réaffirmé sans ambiguïté, nous avons un objectif militaire et un objectif politique. L'objectif militaire c'est la zone des Trois Frontières comme cela a été rappelé entre le Mali, le Burkina et le Niger. La priorité c'est l'Etat islamique du Grand Sahara, ce qui ne nous empêche pas de combattre tous les groupes armés terroristes. Mais c'est l'ennemi prioritaire car c'est le plus dangereux tel qu'avéré. Pour atteindre cet objectif nous changeons la méthode en mettant en place une coalition militaire avec un commandement conjoint entre la force Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel, en concentrant nos efforts sur cette zone et donc en intégrant nos forces de renseignement, nos forces militaires sur cette zone avec une latitude d'engagement beaucoup plus forte. Au-delà de cela, d'ores et déjà fort de notre convergence avec les homologues sahéliens, j'ai décidé d'engager des capacités de combat supplémentaires : 220 militaires pour amorcer cette dynamique viendront gonfler les troupes d'ores et déjà présentes sur le terrain de Barkhane. Tous les pays partenaires qui le souhaitent sont les bienvenus pour rejoindre cette dynamique : partenaires européens, partenaires africains et internationaux. Et je veux ici remercier en particulier nos partenaires européens qui ont accepté de s'engager dans la task force Takuba qui rassemblera d'ici quelques mois des forces spéciales de plusieurs pays européens. Je pense que c'est une démarche extrêmement importante.

L'objectif politique c'est la consolidation de l'Etat, le retour de l'Etat partout et dans toutes les régions. Nous avons évoqué le retour justement de l'Etat malien à Kidal, la consolidation de l'Etat burkinabé, et cet objectif politique est indispensable et complémentaire de l'objectif militaire. Parce que le but de nos ennemis c'est l'effondrement de la souveraineté nationale et c'est le même défi auquel est confronté le président Issoufou par les attaques répétées, et je veux encore une fois le remercier d'être parmi nous quelques jours après une attaque très dure et une situation intérieure extrêmement dure. Mais il sait combien l'engagement commun que nous prenons ce soir est aussi clé à ses côtés.

Enfin, comme l'a dit le président Kaboré, ce que nous proposons de lancer ce soir c'est une grande coalition internationale pour le Sahel qui aura vocation à rassembler de manière cohérente les différents volets de l'action internationale : la lutte contre le terrorisme, que je viens de rappeler, le renforcement des capacités militaires, comme il l'a évoqué, avec l'engagement justement aussi de la présence onusienne à travers la MINUSMA, le travail avec en particulier l'Union européenne (EUTM, EUCAP) le travail avec l'Union africaine et la CEDEAO ; le troisième pilier qui est l'appui au retour de l'Etat ; le quatrième pilier qui est le pilier développement avec en particulier l'Alliance pour le Sahel.

Nous aurons l'occasion dans les prochains jours et les prochaines semaines de travailler avec nos partenaires pour rendre cette coalition pour le Sahel pleinement opérationnelle. Nous aurons une conférence sur le Sahel le 26 mars prochain à Bruxelles en marge du Conseil européen. Je tiens à remercier évidemment le président Michel et le Haut représentant Borrell pour leur présence et leur engagement et remercier aussi la chancelière Merkel pour son engagement au travers de l'Alliance pour le Sahel et le Partenariat pour la sécurité du Sahel que nous avions lancés ensemble à Biarritz. Et puis nous avons acté une clause de rendez-vous avant l'été à l'invitation de la future présidence en exercice du G5, la Mauritanie que je remercie. Et donc nous aurons à notre niveau au plus tard dans six mois ce rendez-vous. Dans trois mois, rendez-vous au niveau ministériel et une coordination bimensuelle pour justement faire avancer ce sujet.

Cette coalition et tout ce travail est inséparable de deux autres engagements sur lesquels les Etats présents et la communauté internationale continuent d'agir : la crise dans la région du lac Tchad, et plusieurs l'ont ici rappelé, et évidemment la situation en Libye et je sais la mobilisation du secrétaire général des Nations Unies, de son représentant. Je veux ici redire notre volonté à tous de pouvoir avoir dans les meilleurs délais une conférence internationale - avec la chancelière nous avons encore échangé sur ce point - et l'engagement de l'Union africaine dans le règlement de la crise interne libyenne est également un élément indispensable de ce succès. Et donc on le voit bien, cela fera partie des échanges que nous aurons dans un instant, tout cela se tient. C'est aujourd'hui en tout cas une clarification du cadre politique, une précision et un renforcement de nos objectifs militaires et politiques et surtout des nouveaux termes d'engagement que nous avons ainsi posés. Nous n'avons pas le choix, il nous faut maintenant des résultats. Nous allons poursuivre ce travail dans quelques instants avec le président du Conseil européen, le Haut représentant de l'Union européenne, le secrétaire général des Nations unies, le président de la Commission de l'Union africaine et la secrétaire générale de la Francophonie que je remercie encore pour leur présence. Et avant cela nous allons répondre aux quelques questions qui sont prévues.