Interview de M. Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, à Sud Radio le 11 mars 2021, à propos de la stratégie sanitaire et vaccinale, de la "loi Climat" et de la représentation proportionnelle.

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Intervenant(s) : 
  • Marc Fesneau - Ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Bonjour.

PATRICK ROGER
Quelle est la stratégie du gouvernement ? Certains soignants ne comprennent pas qu'il n'y ait pas de reconfinement en Ile-de-France, voilà, c'est selon certains, compte tenu de la forte tension dans les hôpitaux franciliens.

MARC FESNEAU
La stratégie du gouvernement, elle est simple : elle est à la fois la stratégie de la vaccination, on a vu ce qui s'est passé le week-end dernier, avec des centaines de milliers de personnes qui ont été vaccinées. La deuxième stratégie, c'est d'adapter la réponse territoriale, en fonction de ce qu'est la situation sanitaire. La situation sanitaire, c'est à la fois la tension hospitalière, le cas échéant, c'est le taux d'incidence et c'est la présence des variants, et au fur et à mesure on ajuste les dispositifs. Le ministre de la Santé s'exprimera cet après-midi sur les ajustements qu'il y a lieu de faire chaque semaine, la volonté…

PATRICK ROGER
Oui mais justement, cette question territoriale, si on suit, est-ce qu'il est normal que Dunkerque et Nice restent confinées, alors que le taux est quasiment le même qu'en Ile-de-France, et qu'il y a aussi les variants, donc…

MARC FESNEAU
On est toujours sur les, alors, considérez quand même, j'imagine avec moi, confiner 12 millions d'habitants n'est pas de la même nature que de confiner une ville…

PATRICK ROGER
Ah non non, bien sûr.

MARC FESNEAU
… ou la Côte d'Azur, comme on dit. Par ailleurs, on est toujours dans les mêmes débats au fond. Quand on prend une mesure nationale, on nous dit : ça n'est pas assez territorialisé, et quand on prend une mesure territorialisée, et je peux le comprendre, certains peuvent avoir le sentiment qu'ils sont, eux, ou stigmatisés ou pénalisés, quand d'autres le seraient moins. Mais ce n'est pas la logique.

PATRICK ROGER
Bon, la stratégie la stratégie c'est tout faire pour éviter le reconfinement.

MARC FESNEAU
La stratégie, depuis le début, c'est de tout faire pour éviter un confinement, avec les conséquences économiques, sociales, sociétales, que ça pose. On peut penser que, à la fois on sait que c'est un virus saisonnier, deux, que la stratégie vaccinale qui va monter en puissance, le Premier ministre a annoncé hier, d'ailleurs confirmant le plan de charge qui avait été celui annoncé en décembre, on oublie trop souvent de le dire, au fond on est absolument dans le rythme qui avait été prévu et annoncé par le Premier ministre au mois de décembre. D'ici la fin du mois d'avril, une dizaine de millions de Français qui seront vaccinés, et on voit bien que dans les pays qui comme nous sont dans des stratégies vaccinales de cette nature, petit à petit on arrive à sortir de la pression de l'épidémie et c'est l'espoir qu'on peut avoir.

PATRICK ROGER
Bon, eh bien on verra si effectivement ce plan de marche sera bien suivi. Qu'est-ce que vous pensez, avant de venir sur la Loi climat, qu'est-ce que vous pensez de l'affaire des profs menacés à Grenoble, avec les accusations d'islamophobie relayées par l'UNEF et d'ailleurs aussi une grande majorité des autres enseignants localement ?

MARC FESNEAU
Moi, je trouve que cette pratique qui consiste à jeter en pâture des noms, y compris quand il peut y avoir des désaccords idéologiques ou politiques cette pratique est désastreuse, on l'a vu là avec des enseignants, on le voit parfois avec tel ou tel, on le voit parfois aussi avec des responsables ou des élus locaux ou des élus nationaux, je trouve que c'est une pratique détestable en démocratie, parce qu'au fond dans les esprits généraux ça ne porte pas à conséquence forcément, mais il y a toujours des gens qui en tirent des conclusions ou des conséquences et qui après passent à l'acte, et donc je pense que la responsabilité collective c'est de ne pas stigmatiser, de ne pas antagoniser. On peut avoir des débats, on peut avoir des débats publics, on peut avoir des débats pacifiés et pas des débats qui au fond, quand on n'est pas d'accord, font qu'on vous met votre photo et votre nom en vous traitant, en vous stigmatisant, ou en indiquant ce que vous êtes ou ce que vous n'êtes pas. Et moi je pense que c'est une responsabilité collective dans la société hyper violente dans laquelle on vit.

PATRICK ROGER
De plus en plus violente ?

MARC FESNEAU
De plus en plus violente…

PATRICK ROGER
Ça c'est vrai, ça n'est pas qu'un…

MARC FESNEAU
C'est une société, mais pas la société française. La société occidentale…

PATRICK ROGER
DUPOND-MORETTI disait : "Non non, ça n'existe pas, a n'est pas aussi violent que ça".

MARC FESNEAU
Non mais cette société, on voit bien qu'elle est traversée de ce phénomène-là, et donc il faut qu'on fasse attention et qu'on soit vigilant ? Vous ne m'avez jamais entendu sur votre radio ou ailleurs, d'ailleurs, faire autre chose que d'avoir des mots qui soient des mots qui disent ce que je pense, et qui ne soient pas des mots qui soient stigmatisants.

PATRICK ROGER
La Loi climat, vous êtes en charge des Relations donc avec le Parlement et de la Participation citoyenne, entre les écologistes qui sont plutôt attachés à Barbara POMPILI et les plus libéraux, est-ce qu'il n'y a pas un risque de déchirure là, y compris au sein de la majorité ?

MARC FESNEAU
Ecoutez, à chaque texte qui pose des questions et des enjeux importants, on nous dit : "Est-ce qu'il n'y a pas des risques de fracture ou de déchirure ?". Moi je vois les débats qui se passent en commissions, qui sont des débats moi je trouve éclairés et intéressants, et il n'y a pas un camp contre un autre, il y a la volonté collective d'avancer sur la question du défi climatique, répondant en cela à la sollicitation qui était celle du président de la République, en réunissant 150 citoyens pour essayer de trouver des pistes de solutions. Donc la question n'est pas de trouver un camp contre un autre, la question c'est de résoudre à la fois cette équation, et de la rendre supportable pour les Français. La rendre acceptable pour les Français, d'embarquer le plus grand monde possible, parce que sinon, je ne connais de politique qui fonctionne quand on fait contre les gens. Et donc il faut le faire avec les gens et embarquer et tenir compte de la situation…

PATRICK ROGER
Donc là c'est ce que vous dites à Barbara POMPILI : attention, ne faisons pas trop …

MARC FESNEAU
Non, je dialogue beaucoup avec Barbara POMPILI et avec les autres ministres concernés par cette Loi climat, le ministre de l'Agriculture, le ministre de l'Economie et des Finances, je pense qu'il faut qu'on trouve et qu'on tienne un point d'équilibre, c'est la responsabilité politique.

PATRICK ROGER
Bon, parallèlement il y a toujours le projet de référendum là pour l'inscription dans la Constitution ou pas ? C'est votre objectif ?

MARC FESNEAU
C'est l'objectif. La lecture se poursuit encore aujourd'hui à l'Assemblée nationale, avec un texte qui est strictement issu de ce qui avait été les propositions de la Convention citoyenne, il sera donc délibéré là en fin de semaine, et ensuite il arrivera au Sénat, et on verra le débat du Sénat, et le président de la République s'est engagé sur la…

PATRICK ROGER
Quel calendrier alors ? Parce qu'entre toutes les…

MARC FESNEAU
On voit bien qu'un calendrier, soit il y a un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale, on voit plutôt un horizon de début d'automne, ça ressemble à ça en termes de calendrier, parce qu'il faut quand même une campagne, je crois que le délai est de 6 semaines, le temps de convoquer les choses, il faut saisir le Conseil constitutionnel, enfin je vous passe les détails de la procédure…

PATRICK ROGER
Est-ce que c'est vraiment la priorité ? Vous, vous y êtes favorable à ce référendum ?

MARC FESNEAU
Non mais je trouve en tout cas que la question d'inscrire au rang constitutionnel et d'ailleurs on peut avoir des désaccords sur la terminologie, mais j'entends beaucoup de monde dire "ça n'est pas inintéressant de poser la question", il me semble que cette question est intéressante et en plus je trouve que tout ce qui fera parler de ce sujet et qui permettra d'éveiller les consciences, est une bonne nouvelle.

PATRICK ROGER
Projet en revanche qui risque d'être abandonné, c'est la réforme de la proportionnelle, et pourtant c'était une promesse d'Emmanuel MACRON, qui tient à cœur aussi à François BAYROU du MoDem, vous appartenez à cette famille politique, c'est une déception pour vous ou pas ?

MARC FESNEAU
Qui nous tient tous à cœur pour une raison qui est, pas seulement et principalement une question d'engagement, c'est une question parce que je pense que dans, on parlait du débat public qui est parfois caricaturé entre les opposants et la majorité, je pense que c'est une voie pour pacifier le débat public, pour essayer de trouver des points de convergence sur un certain nombre de sujets, sans que chacun ait le sentiment qu'il renonce à ce qu'il est. Et puis ça participe évidemment de la représentation plus large d'un certain nombre de formations politiques qui font des scores importants et qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale. Le débat est sur la table, donc vous présagez d'une issue…

PATRICK ROGER
Le président de l'Assemblée a déclaré craindre qu'il ne soit trop tard pour mettre ça en place hier.

MARC FESNEAU
Il a dit factuellement, effectivement, il craint qu'il ne soit trop tard. Il n'a pas dit qu'on ne le ferait pas, il n'a pas dit que c'était une…

PATRICK ROGER
Quand même, ça sent un peu l'enterrement ça.

MARC FESNEAU
Ecoutez, on regardera, mais je pense que ce qui est important c'est qu'un débat se noue, d'ailleurs au sein de la majorité mais aussi au sein des oppositions, certains l'ayant réclamé depuis longtemps, et c'est à eux aussi de donner la parole, parce que ça n'est pas une affaire de la majorité, c'est une affaire de nos institutions et de débat démocratique. Et donc il faut que le débat soit sur la table, il reste du temps pour le faire le cas échéant, si on trouve les voies et moyens un compromis et d'un consensus, et donc c'est à ce moment-là qu'on en reparlera.

PATRICK ROGER
Oui, bon j'imagine que François BAYROU en tout cas ne doit pas être content de cette tournure. Est-ce qu'il y a de la friture d'ailleurs entre François BAYROU et le chef de l'État ?

MARC FESNEAU
Non il n'y a pas de friture…

PATRICK ROGER
On l'a lu dans la Presse ces derniers jours.

MARC FESNEAU
Oui, mais enfin, pardon de le dire ainsi, je vois bien tous les cadres, les conseillers, les conseillers ministériels qui parlent toujours sous le coup d'ailleurs du off et de l'anonymat, ce qui est plus commode pour pouvoir dire un peu tout et n'importe quoi. Moi je peux attester et témoigner, pour avoir dialogué encore hier avec François BAYROU, que ce n'est pas l'esprit de François BAYROU. François BAYROU, il a toujours eu un esprit de responsabilité, on n'est pas dans des querelles de nature de celle qui est annoncée dans la Presse. Et donc le travail qu'on a à faire, qui est celui du MoDem, qui est la part du MoDem depuis 2017, c'est à la fois d'être solidaire de la politique gouvernementale, d'essayer de l'accompagner et puis en même temps de porter nos propres paroles et François BAYROU s'y tient, et je ne vois pas pourquoi il ne s'y tiendrait pas encore, d'ailleurs il n'a nulle intention d'être dans autre chose que d'exercer sa propre responsabilité dans le cadre qu'il s''était défini en 2017.

PATRICK ROGER
Est-ce que vous allez être candidat finalement aux régionales ?

MARC FESNEAU
Il n'est pas encore temps de poser ces questions-là, si je peux me permettre…

PATRICK ROGER
Ah ben attendez, si, eh bien si, tout le monde…

MARC FESNEAU
Vous avez parlé de la question sanitaire, il ne vous aura pas échappé par ailleurs que dans le texte qui a été délibéré au mois de, là, dans les récentes semaines, il a été décidé qu'il y aurait une clause de revoyure d'une certaine façon, le 1er avril. Le 1er avril on saura si les élections se tiennent. Aujourd'hui, à date, il me semble que les choses sont possibles, mais c'est bien d'attendre et de procéder par étapes, et nous verrons à ce moment-là et je m'exprimerai, pardon de vous le dire, à ce moment-là dans ma région.

PATRICK ROGER
Il y a un débat autour du front républicain, d'une manière ou d'une autre, depuis quelques temps aussi, il y a des membres de la République En Marche, CASTANER, GUERINI, qui disent par exemple qu'ils voteraient MELENCHON en cas de 2ème tour, MELENCHON – LE PEN. Et vous ?

MARC FESNEAU
Moi, ça me fait penser à un sketch que vous aurez peut-être en tête, de Raymond DEVOS, cette affaire, qui disait : "on vous met devant un choix, faites l'amour, pas la guerre", et il répondait "il y en a peut-être qui voudraient faire autre chose". Je n''ai pas envie d'avoir à choisir au 2ème tour entre monsieur MELENCHON et madame LE PEN, et je pense que tous ceux, et je ne parle pas de ceux de la majorité qui disent, au fond il ne faut pas polariser autour de madame LE PEN et qui ne polarisent le débat qu'autour de "je suis le meilleur face à madame LE PEN", mais qui se mettent en situation que madame LE PEN ne soit pas au 2ème tour ou que monsieur MELENCHON ne soit pas au 2ème tour, parce que leur responsabilité c'est celle-là, moi au 1er tour et au 2ème tour je voterai pour Emmanuel MACRON s'il est candidat. Donc moi, que de mon côté c'est clair. Et que de leur côté ils fassent naître des candidatures qui soient suffisamment crédibles pour pas qu'on se retrouve dans cette obligation, à chaque fois, d'avoir à choisir entre MELENCHON ou LE PEN. On peut peut-être offrir autre chose aux Français. J'ajoute qu'en cumule de voix, ils sont 37% dans les sondages, donc il y a 63% de Français qui ne souhaitent pas ça. Peut-être que la grande victoire démocratique, ce serait qu'on sorte de ça, donc c'est à ça qu'il faut s'attaquer me semble-t-il.

PATRICK ROGER
Bon. Marc FESNEAU, question avec Cécile de MENIBUS.

CECILE DE MENIBUS
Chaque année, 700 000 enfants sont harcelés à l'école et en dehors des établissements scolaires. Est-ce que c'est un sujet qui vous touche de près ? Est-ce que vous, enfant ou adolescent, vous avez subi peut-être des moqueries blessantes ou une sorte de harcèlement ?

MARC FESNEAU
Je n'ai pas forcément envie de parler de moi, mais ma couleur de cheveux a fait que j'étais distingué parmi les autres, et que j'ai entendu fleurir des choses qui, qu'au fond maintenant me font rire, mais le…

PATRICK ROGER
Ça déstabilise quand même, non ?

MARC FESNEAU
Dans l'enfance et dans l'adolescence, toute différence est parfois durement, comment dirais-je…

CECILE DE MENIBUS
Attaquée.

MARC FESNEAU
Attaquée par les autres. Je me souviens du joueur de rugby Serge BLANCO, qui avait dit un jour : vous avez vécu… Je me souviens de ça, je n'ai jamais réussi à le retrouver au fond, il a dit est-ce que vous avez… "Comment vous avez vécu votre statut d'être métis, au fond ?". Il avait dit : "Pas pire que quelqu'un qui était roux". Et au fond, ce qu'il voulait dire là, qui était très juste, c'est que, dès qu'on est un peu différent, parfois on n'est pas… L'enfance est à la fois bienveillante et en même temps dure avec ceux qui sont différents. Et je pense qu'étant père de famille, il faut toujours faire attention à éduquer ses enfants avec l'idée qu'il faut accepter la différence de l'autre, et que la différence n'est pas une offense, et qu'au fond c'est une richesse, et que oui, il faut y être sensible. J'en ai beaucoup moins souffert que plein de gens sur bien d'autres sujets, donc vous ne me voyez pas d'ailleurs larmoyant dans l'affaire, mais je perçois quelque chose en tout cas que j'ai perçu, auquel il faut être très sensible, parce que, et il faut que le corps enseignant, mais il le fait beaucoup, que des gens qui sont dans l'écosystème éducatif, veillent toujours à regarder ceux qui sont à côté, parce qu'ils ont quelque chose de différent qui peut être statut social vécu, qui peut être couleur de peau, qui peut être difficultés scolaires, parce que sinon on laisse décrocher des gens et après ils se sentent isolés, et après en plus il y a un effet de meute parfois qui se crée sur les plus fragiles, et auquel il faut veiller. Donc c'est un sujet, vous avez raison de le poser, parce que c'est un sujet de responsabilité collective et d'attention aux plus fragiles et à ceux qui par nature sont distingués des autres ou distinguables des autres.

CECILE DE MENIBUS
Et je rappelle le numéro, le 30 20, si autour de vous quelqu'un était harcelé.

PATRICK ROGER
Merci Marc FESNEAU, ministre délégué en charge des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne.

MARC FESNEAU
Merci à vous.

PATRICK ROGER
Vous étiez ce matin l'invité de Sud Radio. On parlera justement harcèlement tout à l'heure avec un proviseur dans 10 minutes.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 mars 2021