Texte intégral
Vous le savez, je suis farouchement pro-européenne et je suis une avocate engagée en faveur d'une Europe de la défense solide, mais la souveraineté française ne peut et ne doit pas se dissoudre dans l'Europe, elle doit au contraire en sortir plus forte.
Dans cet arrêt de la CJUE, qui portait sur un cas slovène, les juges découpent l'activité militaire en pièces détachées : il y aurait les militaires en opération et puis les autres. Mais découper ainsi l'action militaire en morceaux n'est conforme ni à l'histoire de nos armées ni à l'ambition que nous avons pour elles.
Cette décision méconnaît, vous le savez mieux que quiconque, la réalité du quotidien de nos militaires, la réalité de leur mission, celle d'être l'ultima ratio de notre pays, le dernier rempart de la nation.
La France est la première armée d'Europe. C'est une puissance nucléaire. C'est désormais le seul pays européen membre du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela nous oblige et nous confère aussi une responsabilité éminente dans le concert international. Il nous faut donc pouvoir conserver toute notre agilité.
C'est pourquoi nous sommes en train d'analyser très précisément les conséquences de cet arrêt pour déterminer la meilleure réponse et, je le redis, s'il apparaît que la seule solution est de faire évoluer la directive, alors nous nous engagerons résolument dans cette voie afin de permettre aux Etats membres qui le souhaitent d'exempter totalement leurs forces armées de son application.
Il n'y aura donc pas en France une armée à deux vitesses. Je ne le souhaite pas, les militaires ne le souhaitent pas et les Français ne le souhaitent pas.
Je vais me répéter et je vous prie de m'en excuser, mais je veux insister sur une dimension à laquelle je sais que vous êtes également attachée. En matière de construction européenne, nous voulons une Europe forte et efficace, mais une Europe qui respecte la compétence des Etats membres prévue par les traités en matière de défense. Je le redis donc avec gravité : la France n'entend pas déléguer sa compétence dans l'organisation des forces armées.
L'action militaire et collective ne représente pas la somme d'emplois du temps individuels. La fierté de nos militaires est d'accomplir la mission qui leur est confiée quelles que soient les circonstances et de faire primer ce principe sur toute autre considération. La responsabilité des chefs militaires est de veiller non seulement à la santé des militaires, mais aussi à leur moral, et d'y veiller de manière pragmatique.
Ne nous méprenons pas, les militaires ont de lourdes obligations, mais celles-ci font l'objet de compensations adaptées dans le cadre de leur statut général. Or cette organisation donne pleinement satisfaction et, je crois, fait l'admiration de tous.
La Cour de justice de l'Union européenne a joué son rôle et nous jouerons le nôtre. Dès lors que les conséquences de cet arrêt auront été analysées, nous prendrons les initiatives qui s'imposent. Nous n'hésiterons pas, je le redis, à faire évoluer le droit si nécessaire.
Vous disiez à l'instant que la voie est étroite. Elle existe cependant. Nous devons avec rigueur, sans nous dérober à nos responsabilités, assurer, en tout temps et en tout lieu, la sécurité des Français. S'il nous faut certes prendre acte des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il nous faut aussi assumer la nécessité de faire évoluer le droit de l'Union quand cette évolution est nécessaire pour construire une Europe forte.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2021