Texte intégral
Monsieur le Rapporteur Général,
Mesdames et Messieurs les députés,
Je suis très heureux de vous retrouver avec Gabriel Attal pour présenter le premier budget de ce nouveau quinquennat et le sixième budget consécutif pour notre majorité.
Ce n'est pas un budget de rigueur, ce n'est pas un budget de facilité, c'est un budget responsable et protecteur dans des temps de grandes incertitudes. Et c'est un budget qui veut tenir le juste équilibre entre la protection nécessaire de nos compatriotes et le rétablissement indispensable des finances publiques. C'est par ailleurs un budget qui tient la ligne économique qui a toujours été la nôtre depuis 2017 avec beaucoup de constance : le travail, la rémunération du travail, la juste rémunération du travail, la croissance et l'investissement.
Ce budget, je le disais, il a été défini dans une période de très fortes incertitudes économiques. Je n'en citerai que quelques-unes : la poursuite de la guerre en Ukraine, évidemment, avec son issue incertaine qui a un impact majeur sur les prix de l'énergie ; les difficultés économiques de beaucoup de nos partenaires économiques, je pense en particulier aux États-Unis, à la Chine avec sa stratégie contre le Covid ou à l'Allemagne. Je pense également aux mouvements politiques en Europe et à leur incidence éventuelle sur la zone euro.
Dans ce contexte, je tiens à rappeler la résistance de l'économie française. On nous avait indiqué que les 2,3 % de croissance en 2022 ne pourraient pas être atteints, nous avons aujourd'hui une perspective de croissance à 2,7 % pour cette année 2022. Nous avons une consommation des ménages qui a rebondi, un emploi qui se tient, des investissements qui se maintiennent. Pour toutes ces raisons, et malgré toutes les incertitudes que j'ai indiquées, nous maintenons une prévision de croissance positive à 1 % pour 2023.
Quelle est aujourd'hui notre priorité absolue ? Notre priorité absolue, celle dont vous parlent nos compatriotes dans vos circonscriptions, celle dont on me parle dans mes déplacements, c'est l'inflation. L'inflation est une menace directe sur les ménages les plus fragiles. Elle est une menace directe sur les classes moyennes, sur les retraités qui ne peuvent pas augmenter leurs revenus.
C'est un facteur de désorganisation des chaînes de valeurs qui peut obliger certaines entreprises industrielles à réduire leur production, tout simplement parce que la facture d'énergie est trop élevée, voire à délocaliser. Et nous avons eu l'occasion, avec un certain nombre d'entre vous vendredi dernier en Haute-Savoie, de confirmer à quel point l'augmentation des prix de l'énergie avait un impact significatif sur les PME et sur notre tissu industriel.
Notre priorité absolue, je le redis donc, est de faire reculer une inflation qui restera à un niveau élevé dans les mois qui viennent, de l'ordre de 6 %, avant de revenir autour de 4 % dans le courant de l'année 2023.
Comment est-ce que nous comptons nous y employer ? D'abord en maintenant un bouclier énergétique qui est la singularité de la politique économique française. Nous sommes le seul pays de la zone euro à avoir adopté, dès l'automne 2021, sur la proposition du président de la République, un bouclier énergétique qui a maintenu les prix de l'électricité et les prix du gaz à des niveaux raisonnables. Le résultat, c'est que nous avons le taux d'inflation le plus faible de la zone euro et que nous n'atteignons pas les 8, 9, 10, 11 %, 12 % d'inflation que connaissent aujourd'hui certains États membres de la zone euro.
Nous avons donc pris la décision de maintenir ce bouclier énergétique. Les prix du gaz et de l'électricité augmenteront, c'est vrai, mais ils augmenteront de 15 % au début de l'année 2023, alors qu'ils auraient dû augmenter de plus de 100 %. Nous maintenons donc cette protection qui est à la fois juste pour les ménages et efficace pour notre économie. Le coût net de ce bouclier de 16 milliards d'euros : 11 pour le bouclier gaz, 5 pour le bouclier électricité. Mais ce coût serait de plus du triple si nous n'avions pas déjà en place un mécanisme de redistribution des rentes des énergéticiens.
Et je veux le dire dans le débat que nous aurons évidemment sur la situation de certaines entreprises : nous ne voulons pas de nouveaux impôts, mais nous refusons catégoriquement les rentes. Et donc des énergéticiens qui touchent des revenus exceptionnels non pas parce qu'ils ont investi, mais uniquement parce que les prix flambent doivent reverser ces bénéfices à la collectivité et reversent déjà ces bénéfices à la collectivité. C'est ce qui nous permet de financer le bouclier énergétique et je ne veux laisser aucun doute là-dessus.
Nous ne sommes pas pour le laisser faire, laisser aller. Nous ne sommes pas pour des impôts supplémentaires. Nous sommes contre les rentes, et nous récupérons le produit des rentes, notamment des énergéticiens, pour financer notre bouclier énergétique. Et je me réjouis que la Commission européenne ait repris à son compte ce mécanisme, preuve de sa justice et de son efficacité.
Protéger nos compatriotes contre l'inflation, c'est également protéger tous ceux qui travaillent, et tous ceux qui paient des impôts. Nous avons pris la décision d'indexer le barème de l'impôt sur le revenu sur le niveau de l'inflation hors tabac, soit 5,4 %. Je rappelle que nous aurions pu indexer le barème de l'IR sur les salaires. Nous avons fait un autre choix, et nous le revendiquons. Nous avons évité à tous ceux qui sont soumis à l'impôt sur le revenu de payer davantage d'impôts. C'est le sens de ce choix stratégique qui a été fait avec le barème de l'impôt sur le revenu. Ça veut dire très concrètement que le revenu disponible après impôt restera le même pour tous les ménages, même si les salaires augmentent. Ceux qui travaillent sont donc récompensés de leur travail, et n'en sont pas privés par l'inflation.
Nous voulons également protéger les entreprises. Et là aussi, c'est d'une grande constance par rapport à la stratégie qui a toujours été la nôtre. Nous avons refusé que la crise du Covid, et que la récession brutale qui a suivi la crise du Covid n'emporte des pans entiers de l'économie française, et ne conduise à des dizaines de milliers de faillites. Nous ne voulons pas que ce qui n'est pas arrivé pendant la crise du Covid arrive en raison de l'inflation. Et nous voulons protéger notre tissu industriel contre les ravages de la flambée des prix de l'électricité et des prix du gaz.
Pour les plus petites entreprises, celles qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros et qui ont moins de 10 salariés, elles sont protégées par les tarifs régulés de vente, avec une hausse qui sera limitée à 15 %.
Pour toutes les autres entreprises, nous mettrons en place un guichet simplifié pour des aides jusqu'à hauteur de 2 millions d'euros, qui sera opérationnel le 3 octobre. Le précédent n'a pas fonctionné, nous l'avons donc corrigé et simplifié. Nous avons notamment retenu comme critère le fait d'avoir des bénéfices en baisse sur un mois au lieu des trois mois précédents, et simplifier également le critère du chiffre d'affaires.
Reste la question des entreprises qui sont exposées à la concurrence internationale, et qui ont des factures d'énergie particulièrement élevées. Là encore, je reprends l'exemple des décolleteurs de la vallée de l'Arve qui produisent des pièces de moteurs automobiles, par exemple, s'ils vont sur un marché chinois ou sur un marché américain, et qu'ils expliquent qu'ils ont dû faire passer des hausses de 5 %, 10 %, 15 %, 20 % à cause des prix d'électricité, là, le marché chinois, le marché américain leur dit : "mais désolé, non, il n'y a pas d'augmentation des prix de l'énergie, donc on ne voit pas pourquoi on payerait plus cher." Donc c'est bien ces entreprises-là qui consomment beaucoup d'énergie, qui sont exposées à la concurrence internationale et ne peuvent pas répercuter sur le prix, qu'il faut protéger en priorité absolue.
J'ai fait des propositions à la Commission européenne de simplification du dispositif existant, qui est insuffisant et trop complexe. J'ai demandé d'une part que le critère de la part de l'énergie dans le chiffre d'affaires, qui est actuellement de 3 %, soit abaissé. J'ai demandé qu'il soit calculé non pas sur l'année précédant l'année 2022, mais durant l'année. Parce que vous avez des entreprises qui ont une part de l'énergie dans leur chiffre d'affaires, qui peut représenter 1 % ou 2 % en 2021, mais en 2022, ça représentera 5 % ou 6 %, elles ne sont pas éligibles. Donc il faut modifier ces règles de calcul, en ajustant le calcul sur l'année n et pas sur l'année n-1.
J'ai également demandé que le critère d'Ebitda en baisse sur trois mois soit supprimé. Ça n'a aucun sens pour une entreprise industrielle d'attendre que l'Ebitda soit négatif sur trois mois au bout d'un mois. En général, l'entreprise industrielle se retrouve déjà dans de très grandes difficultés. Nous retiendrons donc comme critère unique la baisse des bénéfices sur un mois.
Enfin, j'ai demandé que le plafond des aides soit doublé, qu'il passe de 25 à 50 millions d'euros pour le plafond à 50, de 50 à 100 millions d'euros, de façon à apporter les sommes nécessaires pour les entreprises qui en ont le plus besoin et qu'on les factures d'énergie les plus importantes.
Nous aurons les réponses de la Commission européenne dans les prochains jours. Je peux déjà vous dire que les modifications de ces règles d'aides d'État qui devaient intervenir le 1 janvier 2023 grâce à l'intervention de la France, interviendront en octobre de cette année.
C'est bien pour cela qu'avec le président de la République, nous avons recommandé à toutes les entreprises de ne pas signer leurs contrats énergétiques pour l'année 2023 et d'attendre que ces nouvelles règles soient établies.
Enfin, s'agissant des collectivités locales, je rappelle qu'un fonds de 430 millions d'euros a été mis en place lors du PLF 2022 et que 30 000 communes bénéficient actuellement du tarif réglementé et sont donc protégées par le bouclier tarifaire.
Dans ce budget, nous poursuivons aussi les transformations de notre économie pour atteindre les objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés avec le président de la République et la Première ministre : le plein emploi en 2027 et le passage sous les 3 % de déficit public.
Pour cela, notre stratégie reste la même : le soutien à la croissance, la réduction des dépenses et les réformes de structure. Le soutien à la croissance, il se voit et il se lit dans la baisse des impôts de production que nous continuons à porter, qui est la traduction d'une politique de l'offre qui vise tout simplement à permettre à notre tissu économique, et notamment notre tissu industriel, de se développer.
Nous sommes la seule majorité depuis 25 ans à avoir engagé la baisse des impôts de production et je considère que cette baisse est indispensable pour accélérer la reconquête industrielle de la nation française. Vous ne pouvez pas garantir la reconquête industrielle du pays quand les industries sont lestées d'un tel boulet au pied. Nous les avons réduits de 10 milliards d'euros, nous les réduirons à nouveau de 8 milliards d'euros mais nous le ferons pour tenir compte de la situation des finances publiques en deux fois sur 2023 et sur 2024. Et nous vous proposons, pour garantir que la parole soit tenue, d'inscrire cette trajectoire sur deux ans dans le PLF 2023.
Pour soutenir la croissance, nous nous appuierons évidemment aussi sur l'innovation, notamment sur France 2030. Nous avons inscrit 6 milliards d'euros d'engagements dans le budget 2023. Et nous veillons à ce que tout cet environnement plus favorable, tout ce financement de l'innovation se traduise bien concrètement par des décisions de relocalisation, de production industrielle, de sites industriels, de chaînes de valeur dans notre pays. C'est ce que nous avons fait avec GlobalFoundries sur les semi-conducteurs, avec STMicro à Crolles et c'est ce que nous voulons obtenir de l'industrie automobile ou d'autres secteurs industriels.
Le deuxième volet de cette stratégie de rétablissement des finances publiques, c'est évidemment la réduction des dépenses. Le "quoi qu'il en coûte", était la bonne réponse face à l'effondrement de notre économie. Il nous a évité des dizaines de milliers de faillites, une explosion du chômage et au bout du compte, il a été moins coûteux que les dépenses qui auraient été nécessaires pour réparer une crise économique majeure. Mais le "quoi qu'il en coûte" serait une faute économique en période d'inflation.
Nous avons mis fin aux "quoi qu'il en coûte". Nous ne rétablirons pas le "quoi qu'il en coûte". Et je ne veux laisser aucune ambiguïté là-dessus. Rétablir le "quoi qu'il en coûte", c'est tout simplement alimenter l'incendie inflationniste. C'est au contraire des aides ciblées qu'il faut mettre en place sur les secteurs, les personnes, les industries, les entreprises qui en ont le plus besoin. Nous avons donc mis fin aux crédits de relance.
Nous avons mis fin aux dispositifs d'urgence. Je sais qu'il y a parfois des demandes pour rétablir des dispositifs globaux de ce type-là. Nous ne le ferons pas car ce serait une faute économique. Par ailleurs, Gabriel Attal aura l'occasion d'y revenir. Les dépenses publiques, leur progression restera inférieure au rythme de l'inflation. Preuve de notre détermination à contenir l'augmentation de la dépense publique.
Enfin, je veux là aussi être très clair sur le sujet, nous ne pourrons pas rétablir nos finances publiques, baisser la dette, réduire les déficits si en plus de la croissance, en plus de la réduction des dépenses, nous n'envisageons pas des transformations structurelles qui sont, je crois, au cœur de ce que notre majorité a promis au peuple français.
Nous poursuivrons donc la réforme de l'assurance chômage et nous engagerons une réforme des retraites. Cette réforme des retraites, nous ne la faisons pas pour le plaisir de faire une réforme des retraites, nous la faisons d'abord parce qu'elle a été promise par le président de la République lors de sa campagne présidentielle et qu'elle fait donc partie du mandat qui a été confié par le peuple français au président de la République et à cette majorité.
J'ai toujours été convaincu qu'il valait mieux en matière politique tenir ses promesses et que 6 mois après les élections, dire que nous pourrions abandonner une promesse de campagne centrale sur laquelle il y a eu des débats, il y a eu des échanges, il y a eu parfois des controverses, parfois des critiques, mais ce débat était tranché, tranché par le peuple souverain qui s'est prononcé en faveur d'un candidat qui proposait une réforme des retraites avec une modification de l'âge légal de départ à la retraite et les critères de calcul de cette retraite. Eh bien, j'ai la conviction qu'il vaut mieux tenir parole en matière politique.
J'ai également la conviction que si nous voulons financer notre modèle de solidarité, il y a deux voies qui se présentent devant nous parce que ce modèle est généreux, efficace et nous y sommes tous attachés mais il est coûteux. Donc, il faut bien le payer. Vous avez deux manières de le payer : soit vous augmentez les impôts, ça n'a jamais été la voie de la majorité, soit vous dégagez plus de recettes, plus de prospérités, plus de travail. C'est notre voie et c'est celle qui amène une réforme des retraites. Enfin, je suis convaincu pour en finir sur mes convictions sur ce sujet que vous connaissez déjà, que l'on peut faire une réforme juste, responsable dans des délais raisonnables tout en arrivant à obtenir l'adhésion de nos compatriotes.
Enfin, ce budget reste fidèle à notre détermination à accélérer la transition écologique et accélérer la transition énergétique. Je vais être honnête comme à chaque fois avec vous. Nous pourrions certainement faire mieux. Et il est évident que le budget est un peu déporté dans un sens qui n'est pas celui que nous aurions souhaité par les aides et les subventions à nos compatriotes en matière de gaz et en 2022 en matière de carburants. Nous l'admettons, nous le reconnaissons et je pense que c'était une nécessité face à la crise de l'inflation.
Pour autant, je voudrais souligner un certain nombre de décisions qui sont dans ce budget et qui sont importantes pour accélérer le verdissement et je pense que nous devons faire plus et faire mieux dans les mois qui viennent.
Le budget de Ma Prime Renov va passer de 2 milliards d'euros en 2022 à 2,5 milliards d'euros en 2023. C'est une augmentation très significative. Et comme cela est apparu pendant un dialogue de Bercy qu'avait lancé le Ministre des Comptes publics, nous devons travailler ensemble à une amélioration de l'efficacité de ce dispositif, en passant de rénovation par gestes individuels à des rénovations globales. Je pense que ça peut être un des débats intéressants de ce PLF 2023.
Nous mettrons en place 1,3 milliard d'euros pour le verdissement du parc automobile. Nous accélérerons donc la transformation de ce parc. Nous mettrons en place un fonds vert doté de 1,5 milliard d'euros, créé à la demande de la Première ministre pour les collectivités territoriales.
Enfin, je tiens à insister sur le fait que nous amorçons un virage radical en matière de garantie export. Pour la première fois de son histoire, la France n'accordera plus aucune garantie export pour aucune énergie fossile. Depuis l'exploration jusqu'au raffinage en passant par le transport, c'est un choix radical que nous avons fait dans ce domaine.
Je termine enfin par les éléments de finances publiques pour rappeler que notre objectif en 2023 est bien de tenir les 5 % de déficit public et de ramener la dette à un peu plus de 111 % en fin d'année. Tout cela demandera de la fermeté. Tout cela demandera de la constance. Tout cela demandera aussi de l'imagination et je remercie Daniel Labaronne et les parlementaires qui ont travaillé avec lui sur un ensemble de propositions pour réduire la dépense publique.
Toutes ces propositions qui nous permettront de respecter nos engagements nationaux et nos engagements européens seront les bienvenues.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 27 septembre 2022