Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à Europe 1 le 11 avril 2023, concernant les déclarations d’Emmanuel Macron sur Taïwan, l'Union européenne, la croissance économique, l'inflation et la réforme des retraites.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ;
  • Sonia Mabrouk - Journaliste

Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bienvenue sur Europe 1 et bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Sonia MABROUK.

SONIA MABROUK
Les déclarations d’Emmanuel MACRON sur Taiwan provoquent un tollé aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, notamment en Allemagne et chez nous en France. Le président français a affirmé que la pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter à un rythme américain et à une surréaction chinoise. Après ces propos, Emmanuel MACRON est accusé de s’agenouiller devant la Chine, que répondez-vous ?

BRUNO LE MAIRE
Je réponds que le président de la République a parfaitement raison, parfaitement raison de réclamer l’indépendance et la souveraineté européenne, comme il le fait depuis 2017, nous n’avons pas vocation, parce que nous sommes les alliés des Etats-Unis, et nous sommes évidemment les alliés des Etats-Unis, nous partageons les mêmes valeurs, nous partageons beaucoup d’intérêts économiques en commun, mais ce n’est pas parce que nous sommes les alliés des Etats-Unis que nous devons être contre la Chine. Et nous n’avons pas à être pris à partie dans cette rivalité qui existe entre les Etats-Unis et la Chine ; nous voulons bâtir l’indépendance européenne, renforcer l’Europe…

SONIA MABROUK
Ça, c’est du long terme, mais là, c’est un sujet brûlant, Taiwan, on n’arrive pas à comprendre, Monsieur le Ministre, une telle déclaration faite dans l’avion de retour de Chine. Est-ce que le président a voulu être disruptif, est-ce que c’est une provocation, mal calculée, ou est-ce que c’est pesé ou soupesé, comme vos mots ce matin ?

BRUNO LE MAIRE
Mais tout cela est pesé et soupesé, comme ce que je vous dis ce matin, il n’y a pas de raison de se précipiter, nous, nous choisissons la voie du dialogue, c’est celle qui est portée par l’Europe, c’est celle qui a été portée lors du déplacement du président de la République en Chine. Est-ce que ce n’est pas préférable à une logique de confrontation et d’accélération de quelque conflit que ce soit, est-ce que vous avez vraiment…

SONIA MABROUK
C’est l’Europe qui pense cela ou la France ?

BRUNO LE MAIRE
Est-ce que vous avez vraiment l’impression que l’Europe, qui est déjà confrontée à la guerre en Ukraine, a besoin d’un conflit supplémentaire, est-ce que le monde a besoin d’un conflit supplémentaire ? Non. Donc je le redis avec beaucoup de force, ce qu’a dit le président de la République est nécessaire, nous devons bâtir l’indépendance européenne, et l’indépendance, Sonia MABROUK, ce n’est pas simplement l’indépendance économique, militaire, financière, c’est aussi quelque chose d’encore plus précieux, l’indépendance de penser, être capable de penser…

SONIA MABROUK
Ça, ce sont des grandes déclarations, des grands mots…

BRUNO LE MAIRE
Non, ce n’est pas des grandes déclarations…

SONIA MABROUK
Ça n’engage à rien, Monsieur le Ministre…

BRUNO LE MAIRE
Mais si, ça engage à quelque chose, ça engage à dire…

SONIA MABROUK
Concrètement, à quoi ?

BRUNO LE MAIRE
Ça engage concrètement à se dire que sur les sujets économiques, sur les sujets financiers, sur les sujets géopolitiques, l’Europe doit avoir sa propre pensée stratégique, elle est alliée des Américains, mais elle n’a pas la même pensée stratégique nécessairement que les Etats-Unis. Est-ce que vous pensez que les Etats-Unis sur les sujets qui sont les miens, comme l’économie, se demandent quelles vont être les conséquences de leur Inflation Reduction Act lorsqu’ils décident de renforcer les intérêts économiques américains, de subventionner massivement leur industrie, est-ce qu'ils se préoccupent de savoir quel impact ça va avoir sur l'Europe ? Non. Eh bien, il faut que nous apprenions-nous aussi à penser par nous-mêmes, c'est ce que réclame le président de la République depuis 2017…

SONIA MABROUK
Mais qui est ce " nous ", Bruno LE MAIRE, est-ce que c’est l’Europe ou est-ce que c’est la France ?

BRUNO LE MAIRE
Penser par nous-mêmes, c’est défendre nos propres intérêts…

SONIA MABROUK
Est-ce que c’est la France, est-ce que vous, ce matin, vous nous dites sur Taïwan, c'est la position de la France, parce que c'est la position de l'Europe, parce que, à entendre bien madame Ursula Von DER LEYEN, elle ne pense pas du tout la même chose.

BRUNO LE MAIRE
Je ne sais pas, nous étions avec la présidente de la Commission européenne…

SONIA MABROUK
Oh, vous connaissez sa position…

BRUNO LE MAIRE
A Pékin, nous avons eu un entretien conjoint entre le président de la République, la présidente de la Commission européenne et le président XI Jinping, et il m'a semblé que c'était un message d'unité qui était très fort, et par ailleurs, sans révéler de grand secret, ce qui était au coeur de ces discussions avant Taiwan, c’est l’Ukraine, parce que le vrai sujet pour les Européens, c'est la guerre en Ukraine, et ce que la présidente de la Commission européenne, le président de la République ont voulu faire comprendre au président XI Jinping, c'est que ne pas respecter les frontières d'un Etat souverain, c'était dangereux pour l'ordre politique mondial, et que de ce point de vue, la guerre en Ukraine était pas un conflit régional, mais un conflit qui concernait toutes les grandes puissances, c'est cela qui était au coeur de leurs entretiens.

SONIA MABROUK
A vous entendre, Bruno LE MAIRE, ce matin sur Europe 1, l'idée étant de ne pas se laisser dévorer par les blocs américains et chinois, et en même temps, quand le président est en Chine…

BRUNO LE MAIRE
C’est un excellent résumé, nous n’avons pas être pris entre le marteau et l'enclume, nous avons à bâtir notre propre puissance.

SONIA MABROUK
C’est ce que vous avez dit, vous y étiez aussi, Bruno LE MAIRE, à Pékin, et avec Ursula von DER LEYEN qui peut-être, parce qu'elle vise la présidence de l'OTAN, je ne sais pas, et pour un grand rapprochement avec les Etats-Unis, elle, elle est hyper offensive avec la Chine ; où est notre cohérence ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne crois pas, je connais bien Ursula Von DER LEYEN depuis de nombreuses années, je pense qu'elle partage cette volonté qui est celle du président de la République, qui est celle du chancelier allemand aussi, qui est celle de beaucoup d'autres partenaires européens, de bâtir cette indépendance et cette souveraineté, et je pense que, il faut reconnaître que le premier chef d'Etat en Europe à avoir dit que la souveraineté et l'indépendance devaient être au coeur de l'ambition européenne, c'est le président de la République dans son discours de la Sorbonne de 2017…

SONIA MABROUK
Le dire, c’est bien, mais c’est ce que certains vous reprochent…

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n’est pas simplement, vous savez…

SONIA MABROUK
Monsieur le Ministre, des grands mots, c’est la défense européenne, c’est les serpents de mer en réalité…

BRUNO LE MAIRE
Mais derrière ces grands mots, je vous rassure, il y a des décisions, des décisions nouvelles qui, je pense, marqueront l’histoire européenne, quand nous décidons…

SONIA MABROUK
Un exemple…

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, eh bien, prenez la politique industrielle, pour la première fois depuis des années, nous avons une politique industrielle, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, quand nous décidons que nous devons être plus indépendants, quand on importe ces batteries électriques pour les véhicules électriques à 85 % de Chine, qui a décidé que nous bâtirions nos propres usines de production de batteries électriques, c'est le ministre de l'Economie allemand et c'est votre serviteur, nous l’avons lancée…

SONIA MABROUK
Mais voilà une contradiction, Bruno LE MAIRE…

BRUNO LE MAIRE
Et nous allons avoir nos propres usines de production de batteries, vous voyez donc que ce n'est pas parce que nous sommes alliés des Etats-Unis que nous sommes contre la Chine, et que nous ne bâtissons pas notre propre indépendance. Dans la relation avec la Chine…

SONIA MABROUK
Mais pardonnez-moi, n’y-a-t-il pas une contradiction, parce que là, ce sont des barrières, évidemment, des outils de défense au commercial…

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n’est pas des barrières, c’est simplement de l’indépendance…

SONIA MABROUK
Et en même temps, on lorgne sur le marché chinois…

BRUNO LE MAIRE
Je vais parler encore plus simplement, c'est simplement avoir nos propres batteries, c’est avoir notre propre production, c'est se dire : l’hydrogène vert, on va le produire chez nous, les batteries électriques, on va les produire chez nous, les panneaux solaires qu'on importe massivement de Chine, il faut qu'on les produise chez nous, les semi-conducteurs, il faut qu'on les produise chez nous, ça s'appelle réindustrialiser la France, ça s'appelle reconquérir 30 années d'abandon de l'industrie française, et croyez-moi, j'y travaille avec le ministre de l'Industrie Roland LESCURE…

SONIA MABROUK
Après un quinquennat quand même, Monsieur le Ministre…

BRUNO LE MAIRE
Mais tout cela remonte à 6 ans.

SONIA MABROUK
C’est vrai.

BRUNO LE MAIRE
Je ne me suis pas réveillé hier matin en me disant : tiens, je rentre de Chine, tout d'un coup, il faudrait qu'on ait nos propres aux batteries électriques, ça fait 4 ans qu'on a lancé l'initiative sur les batteries électriques, ça fait 3 ans que nous nous sommes battus pour les semi-conducteurs, et nous engageons maintenant un projet de loi sur l'industrie verte qui va nous permettre de renforcer encore ce mouvement d'indépendance industrielle nationale et européenne.

SONIA MABROUK
Alors dans quel contexte mondial, vous partez dans les prochaines heures à Washington pour les réunions du FMI, de la Banque mondiale, au coeur de ces rencontres, une croissance mondiale, on va dire, pas folichonne, qui reste faible, en dessous de 3%. Quelles conséquences pour nous ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, d’abord, ne cédons pas, là aussi, au pessimisme ambiant, le FMI vient de confirmer que la croissance française se maintiendrait en 2023, son évaluation, c'est 0,7, je crois que ça fait des mois qu'on nous explique qu'il y aura une récession en France, que la situation va être dramatique, non, la croissance française est là, elle est solide, la France résiste mieux que beaucoup d'autres pays européens en matière d'inflation, maintenant, il faut rester justement le plus solidaire possible, voir avec tous les autres pays membres du G20, membres du G7, quelles sont les bonnes stratégies économiques, d'abord, pour se débarrasser de l'inflation, qui est un fléau qui pèse sur les plus modestes, qui pèse sur les plus fragiles, et nous devons avoir une stratégie collective pour faire baisser l'inflation, je maintiens notre perspective qui est de la faire baisser en 2023, regarder ensuite comment renforcer notre croissance. Et puis, troisième sujet qui sera abordé, comment ne pas abandonner les pays qui sont en développement, les pays qui sont les plus fragiles, les pays qui sont les plus touchés par les conséquences de ces difficultés économiques, pour que nous n’ayons pas demain à en subir des conséquences.

SONIA MABROUK
Sur l'inflation, avant d'entrer dans les détails en France, le pic justement, en août 2022, vous dites qu'on est au pic, en janvier 2023, Elisabeth BORNE parle d'un pic, le Gouverneur de la Banque de France parle d'un pic en mars, en fait, ce n'est le plus un pic, c'est une Arlésienne ?

BRUNO LE MAIRE
Je répète, je pense, depuis septembre, octobre 2022, deux choses, la croissance française se maintiendra en 2023, dont acte, et l'inflation devrait commencer à refluer mi 2023, je maintiens ces prévisions.

SONIA MABROUK
Les prix alimentaires, Bruno LE MAIRE, progressent, avant de voir la courbe s'inverser, il faudra encore du temps, et surtout, que ce soit répercuté, vous avez adressé un courrier en ce sens aux industriels de l'alimentation, est-ce que votre inquiétude, c'est que ces baisses, quand elles seront concrètes, ne soient pas répercutées, et justement prégnantes et concrètes pour les consommateurs ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, c’est exactement ça, j'ai du mal à comprendre que les répercussions à la hausse soient immédiates, et les répercussions à la baisse prennent plus de temps, je trouve ça inacceptable et révoltant pour le consommateur, et je sais à quel point c'est difficile aujourd'hui pour des millions de nos compatriotes de se nourrir correctement, de nourrir sa famille correctement, je sais à quel point dans toutes les grandes surfaces, dans toutes les GMS, on me dit que les consommateurs font de plus en plus attention, chacun regarde les prix, chacun remplit moins son caddie, donc moins longtemps cette situation durera, mieux ce sera pour tout le monde.

SONIA MABROUK
Et donc…

BRUNO LE MAIRE
Donc j’ai adressé un courrier à tous les grands industriels, ça ne concernera pas les petites PME, mais à tous les grands industriels en disant : écoutez, moi, je suis les cours du blé, ils ont été divisés quasiment par 2 en quelques mois, je suis les cours de l'énergie, ils ont baissé, je suis les cours du fret maritime, ils ont également baissé. Donc nous souhaitons que ces baisses sur les prix de gros, sur les prix de transport, se répercutent le plus vite possible…

SONIA MABROUK
Avant l’été, dès cet été…

BRUNO LE MAIRE
Dont les prix alimentaires, avant l'été, donc j'ai adressé cette lettre aux grands industriels pour qu'ils rouvrent les négociations commerciales avec les distributeurs, et que les prix puissent baisser le plus rapidement possible.

SONIA MABROUK
Il y a une part, pour le dire… d'opportunisme de la part de ces grands industriels ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas commencer à juger les uns…

SONIA MABROUK
Ça vous met en colère, vous êtes choqué, d’ailleurs, et surtout ceux qui font leurs courses sont choqués de voir cette distorsion…

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais ce qui me choque, c’est des difficultés que peuvent rencontrer nos compatriotes, nous les protégeons avec le président de la République contre l'inflation depuis maintenant 2 ans, nous avons mis en place un bouclier énergie, nous avons mis en place une indemnité carburant transport, nous faisons le maximum de ce que l'Etat peut faire pour amortir le choc, et d'ailleurs, les résultats sont là, nous avons – je le redis – un des taux d'inflation les plus faibles de la zone euro. Mais il faut que chacun joue le jeu, notamment les grandes industriels…

SONIA MABROUK
Sinon ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, sinon, on prendra toutes les mesures qui peuvent être à la disposition du ministre de l'Economie pour garantir ce que…

SONIA MABROUK
Ah, le bâton, alors !

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n’est pas le bâton, c'est simplement la justice, notre pays a besoin de justice, et la justice face à l'inflation, c'est que l'Etat fasse son travail, il le fait, que les pouvoirs publics fassent leur travail, ils le font, mais que les grands industriels le fassent aussi.

SONIA MABROUK
Dans ce contexte général, Bruno LE MAIRE, on cherche des économies partout, une lettre en ce sens va être envoyée par Elisabeth BORNE aux ministères, alors l'idée, c'est de dégager plusieurs milliards d'économies pour le budget 2024, vous en parlez déjà depuis longtemps, c'est une foire aux idées, chacun va y aller de sa proposition ?

BRUNO LE MAIRE
Non, mais vous avez compris que la seule stratégie qui vaille pour moi en matière économique et financière, ce sont des stratégies de long terme, je le fais pour la réindustrialisation du pays, et depuis maintenant plusieurs années, nous avons engagé cette réindustrialisation, baissé les impôts de production, mis en place de nouvelles filières, comme les batteries électriques, les résultats sont là ; on crée des emplois industriels, on ouvre plus d'usines qu'on n’en ferme. Même chose pour le rétablissement des finances publiques, ce n'est pas la foire aux idées, ça fait un an que j’y travaille, je crois que c'est à votre micro que j'avais dit que nous étions à l'euro près, je l’ai dit, il y a maintenant quasiment un an, et depuis un an, qu’est-ce que nous faisons avec Gabriel ATTAL, le ministre des Comptes publics, eh bien, nous travaillons tous les jours pour chercher des économies, trouver une méthode, envoyer des lettres de cadrage aux ministres sous l'autorité de la Première ministre, Elisabeth BORNE, préparer les Assises des Finances publiques mobiliser tous les moyens, avec un objectif…

SONIA MABROUK
Bien, mais pour quel résultat ?

BRUNO LE MAIRE
Mais pour un résultat qui a déjà été affiché : retourner sous les 3% de déficit public en 2027, j’aurai l’occasion d'ici la fin du mois d'avril de présenter ce qu'on appelle le programme de stabilité, c'est ce que nous prévoyons comme trajectoire des finances publiques d'ici 2027, je peux vous dire ce matin que ce sera une trajectoire ferme, résolue et crédible.

SONIA MABROUK
Il faudra en trouver des économies, vu que ça fond comme neige au soleil pour la réforme des retraites, la semaine est décisive, comme on dit, que la décision du Conseil constitutionnel, Bruno LE MAIRE, quelle serait la pire des décisions pour le gouvernement ?

BRUNO LE MAIRE
Mais un ministre n’a pas à juger la décision du Conseil constitutionnel ni avant ni après.

SONIA MABROUK
Oh, vous la surveillez comme le lait sur le feu…

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je la surveille, oui, c'est normal, nous attendons cette décision…

SONIA MABROUK
Imaginez…

BRUNO LE MAIRE
Mais le Conseil Constitutionnel prend ses décisions de manière libre et indépendante.

SONIA MABROUK
D'ailleurs, une décision dont on ne parle pas assez par rapport à la constitutionnalité du texte, c'est le RIP, c'est le Référendum d'Initiative Partagée, ce serait, dit-on, un poison lent si le Conseil constitutionnel le valide.

BRUNO LE MAIRE
Nous verrons quelle sera la décision du Conseil constitutionnel.

SONIA MABROUK
Le vrai problème réside-t-il dans cette réforme des retraites, ou comme le disent les opposants à Emmanuel MACRON, dans sa manière de gouverner ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je trouve, là aussi, qu'on fait de très mauvais procès au président de la République, on lui fait des procès en légitimité…

SONIA MABROUK
Il n’y a pas de crise démocratique, pas de crise politique, tout va bien ?

BRUNO LE MAIRE
Mais non, non, il n’y a pas de crise démocratique…

SONIA MABROUK
Eh bien, tout va bien !

BRUNO LE MAIRE
Il y a une crise des démocraties, pardon…

SONIA MABROUK
Là, vous noyez le poisson…

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne noie pas le poisson, je vous dis ce que je pense, Sonia MABROUK, je trouve que cette expression crise démocratique en France est inappropriée, et qu'elle ne voit pas le vrai sujet comme souvent, le vrai sujet, c'est que, partout dans le monde, dans les démocraties libérales, effectivement, il y a une crise des démocraties, il y a une crise de la représentation, c’est vrai…

SONIA MABROUK
Il n’y a pas de spécificité, de singularité en France avec tout ce qui se passe, avec parfois les violences, les tensions…

BRUNO LE MAIRE
Mais la France a toutes ces singularités, je dis simplement que, aujourd'hui, le grand débat, celui qui nous concerne tous, c'est l'opposition entre des régimes autoritaires, comme la Chine par exemple, comme la Russie et d'autres régimes qui sont des démocraties qui traversent des crises de représentation, parce qu'aujourd'hui, le peuple français, comme beaucoup d'autres peuples démocratiques, dit déléguer son pouvoir, que ce soit à des représentants, à des députés, à des sénateurs, à un président de la République, une fois pour toutes, ça ne nous convient plus, nous voulons pouvoir intervenir davantage dans le débat public…

SONIA MABROUK
Déléguer…

BRUNO LE MAIRE
C’est ce qui fait…

SONIA MABROUK
… Peut-être à d’autres institutions européennes peut-être…

BRUNO LE MAIRE
C’est ce qui fait la crise des démocraties partout à travers la planète. Mais, prenons, je pense, le sujet au bon niveau, ça nous permettra d'apporter les bonnes réponses.

SONIA MABROUK
Ah, il fallait le prendre avant alors, il est peut-être un peu trop tard, là, sur la réforme des retraites…

BRUNO LE MAIRE
Mais qui a proposé un grand débat, c'est le président de la République, qui a proposé qu'il y ait un Conseil National de la Refondation, c'est le président de la République, qui a ouvert…

SONIA MABROUK
Des grands machins…

BRUNO LE MAIRE
Qui a ouvert la concertation…

SONIA MABROUK
Des grands machins pour beaucoup de monde…

BRUNO LE MAIRE
Sur les retraites depuis maintenant plusieurs mois…

SONIA MABROUK
Bien, Bruno LE MAIRE, je vais vous citer un soutien…

BRUNO LE MAIRE
Enfin, j’adore les reproches qu’on nous fait, on nous dit : vous n’avez pas assez concerté…

SONIA MABROUK
Ça va vous faire plaisir…

BRUNO LE MAIRE
Vous n’avez pas assez dialogué, mais ça fait depuis le lendemain des élections présidentielles, que sur cette réforme des retraites, nous avons ouvert le dialogue avec les syndicats, avec nos compatriotes…

SONIA MABROUK
Bien, je vais vous citer un soutien…

BRUNO LE MAIRE
Nous avons donné plus de temps que ce qui était prévu. Nous avons ramené l'âge légal, 65 ans, proposition du président de la République à 64 ans…

SONIA MABROUK
Mais alors, tout va bien, on se demande pourquoi le pays est…

BRUNO LE MAIRE
Je ne dis pas que tout va bien…

SONIA MABROUK
Une partie du pays…

BRUNO LE MAIRE
Je ne dis pas que tout va bien. Je mesure parfaitement les inquiétudes et les angoisses de nos compatriotes sur la rémunération du travail, sur les difficultés au travail, sur la manière dont on redonne du sens à sa carrière professionnelle, mais pour autant, qu'on ne nous fasse pas des reproches infondés sur le manque de concertation ou de dialogue, alors que cela fait un an que nous dialoguons et que nous cherchons la voie de la concertation.

SONIA MABROUK
Je vais vous citer en conclusion un soutien inattendu en la personne de Françoise HARDY pour qui, une réforme des retraites est nécessaire vu les réalités économiques, je vous vois sourire, c'est précieux un tel soutien ?

BRUNO LE MAIRE
Non, mais j'ai lu les propos de Françoise HARDY…

SONIA MABROUK
C’est rare…

BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas dire mieux, elle a raison de rappeler…

SONIA MABROUK
Dans le Journal du Dimanche…

BRUNO LE MAIRE
Que quand on a un pays où il y a beaucoup de dettes, où il y a un régime social qui est très généreux, un régime de retraite par répartition, la responsabilité politique, aussi difficile soit-elle, c'est de garantir les équilibres financiers de ce régime social, c'est ce que nous essayons de faire avec le président de la République et la Première ministre.

SONIA MABROUK
Merci Bruno LE MAIRE d'avoir été notre invité ce matin. Bonne journée à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement,le 17 avril 2023