Texte intégral
LEA SALAME
Avec Yaël GOOSZ ce matin nous recevons le ministre délégué aux Comptes publics dans " Le grand entretien " de la matinale, questions et réactions au 01 45 24 700 et sur l’application France Inter, Gabriel ATTAL bonjour.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
YAËL GOOSZ
Bonjour.
LEA SALAME
Merci d’être avec nous ce matin, vous êtes là pour nous détailler votre plan de lutte contre la fraude fiscale présenté aujourd’hui, on va y venir largement et dans le détail, on a beaucoup de questions sur ce plan, mais d’abord un mot sur l’état du pays au lendemain des cérémonies du 8 mai. Emmanuel MACRON a commémoré hier la victoire des Alliés sur les nazis sur des Champs-Elysées quasi vides, tout rassemblement avait été interdit aux alentours, comment vous avez trouvé cette image d’un Président seul le 8 mai, vous trouvez ça un peu triste, comme a dit Eric CIOTTI tout à l’heure ?
GABRIEL ATTAL
Il y a eu ces dernières années, déjà, des périmètres d’interdiction de rassemblements, notamment le 8 mai, pour des raisons de sécurité, évidemment on le regrette, maintenant si la question qui est posée est de savoir si le Président est seul, comme vous le disiez, ou s’il ne peut pas aller au contact, moi je dis tout l’inverse. On l’a vu sur un marché à Dole, on l’a vu à Pérols de l’Hérault aller au contact des Français, ça se passe très bien, en tout cas de manière tout à fait républicaine, quand il se déplace au contact des Français. Ensuite vous avez, parfois, des militants politiques, ou syndicaux, qui veulent faire du bruit, perturber des moments, et en plus des moments de communion, très solennels, comme le 8 mai…
YAËL GOOSZ
Mais là on est un 8 mai, Gabriel ATTAL, le 8 mai on célèbre la victoire sur le nazisme, les Champs-Elysées sont vides.
GABRIEL ATTAL
Mais est-ce que vous auriez trouvé normal, puisqu’il y avait aussi un déplacement à Lyon, qu’il y ait, au pied du cachot où se trouvait Jean MOULIN, des militants se déclarant eux-mêmes résistants comme l’était Jean MOULIN ? Je pense qu’il y a un moment, quand vous avez des cérémonies, notamment le 8 mai, je pense qu’on peut se rassembler autour de la mémoire de ceux qui sont morts pour la France.
LEA SALAME
Mais vous avez raison, et on ne pouvait pas se rassembler autour des Champs-Elysées ce jour-là, hier, qu’est-ce que ça dit de l’état du pays ?
GABRIEL ATTAL
Mais comme ça avait été le cas l’an dernier sur une autre partie, sur un périmètre aussi, d’interdiction de rassemblements pour des raisons de sécurité. Je rappelle qu’il y a aussi des enjeux de sécurité dans notre pays, de menaces qui sont présents, moi je fais confiance à nos services, au ministère de l’Intérieur, quand ils prennent des décisions pour garantir la sécurité des personnes.
YAËL GOOSZ
Expliquez-nous Gabriel ATTAL, comment on peut d’un côté s’inquiéter de la moindre casserolade et de l’autre, comme c’était le cas samedi dernier en plein coeur de Paris, laisser défiler des centaines de néofascistes encagoulés ?
GABRIEL ATTAL
Alors moi j’ai vu ces images, moi j’ai un profond dégoût pour ces groupuscules d’extrême-droite, pour les idées qu’ils véhiculent…
YAËL GOOSZ
Oui, mais vous les laissez manifester !
LEA SALAME
Vous les laissez manifester.
GABRIEL ATTAL
Pour un certain nombre de slogans qu’ils véhiculent – je vais y venir – j’ai écouté ce qu’a dit le ministère de l’Intérieur sur le sujet, ce qu’ils ont dit c’est que lors d’une précédente manifestation ils avaient pris un arrêté, pour interdire la manifestation, qui avait été cassé par la justice administrative sous prétexte qu’il n’y avait pas eu de débordements dans leurs précédents rassemblements. Je pense qu’il n’y a rien de pire que de voir ces groupuscules gagner au tribunal administratif contre l’Etat. Moi je pense que l’enjeu c’est de dissoudre et d’interdire les groupuscules, les groupements d’extrême-droite quand on le peut, et je peux vous dire on n’a pas eu la main qui tremble. Moi j’étais au conseil des ministres quand on a dissous le Bastion social, Blood and Honour Hexagone, les Zouaves de Paris, qui sont des groupuscules, des associations, des comités, d’extrême-droite, ultranationalistes, et je pense que…
YAËL GOOSZ
Mais ils étaient dans la rue samedi !
GABRIEL ATTAL
Alors je ne crois pas que c’était ces comités-là…
YAËL GOOSZ
Si, membres des Zouaves…
GABRIEL ATTAL
En question, mais vous avez une action qui doit être menées, à mon avis, pour interdire et dissoudre ces groupuscules dès lors qu’il y a suffisamment d’éléments qui montrent qu’ils véhiculent des idées extrémistes, antisémites, racistes.
LEA SALAME
Avant d’aller sur votre plan antifraude, encore une question, Yaël, sur la réforme des retraites, parce que ce n’est pas totalement fini à l’Assemblée nationale.
YAËL GOOSZ
Ce n’est pas fini, dans 30 jours, une journée à haut risque pour vous à l’Assemblée, le 8 juin, proposition de loi du groupe LIOT, ce groupe charnière à l’Assemblée, pour abroger la réforme des retraites. Les députés se prononceraient, indépendamment cette fois-ci d’une motion de censure, sur le texte en lui-même, qu’est-ce que vous allez faire, il y a peut-être une majorité pour l’abroger.
GABRIEL ATTAL
Ecoutez, il y aura peut-être un débat le 8 juin, moi je constate que ce texte est porté par des responsables politiques, des députés, qui il y a encore quelques mois soutenaient la retraite à 65 ans, qui avaient même, pour certains d'entre eux, je pense aux députés de COURSON, déposé des amendements pour porter l'âge légal de départ à 65 ans, qui aujourd'hui proposent de revenir aux 62 ans, je constate aussi qu'ils ne remettent pas en cause les mesures sociales qui ont été portées dans le cadre de la réforme que nous avons portée et qui a été adoptée, c’est donc bien qu’elles sont soutenables…
YAËL GOOSZ
Arithmétiquement vous pouvez perdre le 8 juin, qu'est-ce que vous faites ?
GABRIEL ATTAL
Non, mais attendez, moi je ne me place pas dans cette perspective-là, il y aura un débat, le 8 juin c'est le 8 juin, on aura l'occasion d’en parler largement…
YAËL GOOSZ
Vous ferez de l’obstruction pour empêcher que le texte soit examiné ?
GABRIEL ATTAL
On aura l’occasion d’en reparler largement d'ici là, sur votre antenne ou ailleurs.
LEA SALAME
Alors, dans les cortèges contre la réforme des retraites, les manifestants disent non à votre réforme des retraites, mais ils protestent aussi contre les inégalités, ils réclament plus de justice sociale. Est-ce que le plan contre la fraude sociale, que vous nous présentez ce matin, va contribuer à plus de justice sociale dans le pays, quelle est, en deux mots, la philosophie de ce plan ?
GABRIEL ATTAL
Moi je me suis engagé, dès mon arrivée à Bercy il y a un peu moins d'un an, à bâtir, à la demande du président de la République, un plan de lutte contre toutes les fraudes, fiscales, sociales et douanières. C’est un enjeu de finances publiques, mais c'est aussi un enjeu de cohésion nationale, parce que la réalité c'est qu'il y a des fraudes, il y a des fraudes fiscales, des fraudes sociales, et il y a une écrasante majorité des Français, qui travaille, qui paye des impôts, et qui est victime de ces fraudes, et donc il faut lutter contre ces fraudes. Je présente aujourd'hui le plan de lutte contre la fraude fiscale, la philosophie, puisque vous me le demandez…
LEA SALAME
Alors justement, juste, parce que vous citez toutes les fraudes, effectivement vous deviez présenter aujourd'hui un plan contre toutes les fraudes, les fraudes fiscales, et les fraudes sociales, finalement c'est quoi, face aux critiques qui vous accusent de mettre les deux fraudes en même temps vous avez préféré distinguer les deux plans, c'est-à-dire qu'aujourd'hui c'est le plan contre de lutte contre la fraude fiscale, c'est-à-dire en gros la fraude des riches, la fraude venue du haut, et vous estimez que la fraude sociale viendra plus tard, vous aviez peur d'une polémique ?
GABRIEL ATTAL
Non. Alors d'abord, sur la fraude sociale, il y a aussi la fraude des entreprises, puisqu’il y a la fraude aux cotisations sociales qui ne sont pas payées par les entreprises, mais je pense que c'est important, il y a beaucoup de mesures, pour la clarté du débat, de pouvoir le faire en plusieurs fois sur quelques jours ou quelques semaines, puisqu’avant la fin du mois de mai je présenterai le volet social du plan.
LEA SALAME
Mais on est d’accord, pour que les auditeurs comprennent bien, que la fraude fiscale aujourd'hui en France représente 10 fois plus que la fraude sociale ?
GABRIEL ATTAL
Alors, on vient sur le sujet de l'évaluation, qui est un sujet qui est très compliqué…
YAËL GOOSZ
Pourquoi on est incapable d'évaluer clairement les choses ?
GABRIEL ATTAL
D’abord, si on savait précisément combien il y avait, on saurait où c'est et on serait capable d'aller les récupérer. Il y a beaucoup d'experts qui travaillent sur ce sujet, ça va de 30 milliards à 100 milliards d'euros, sur la fraude fiscale, et l'une des mesures du plan, d'ailleurs, et c'est demandé par un certain nombre d'ONG, de partis politiques, c'est la mise en place d'un conseil d'évaluation de la fraude fiscale, moi je veux que les experts qui ont des analyses différentes soient dans une même pièce, avec des parlementaires, des personnalités qualifiées, pour être capables d'évaluer la réalité de la fraude fiscale. On a eu beaucoup d'avancées ces dernières années, notamment sur le sujet de la fraude à la TVA, une étude de la Direction générale des finances publiques et de l'INSEE, par extrapolation, qui est assez précise et scientifique, estime à 20 milliards d'euros par an la fraude à la TVA dans notre pays, c'est pour ça qu'une des mesures que je porte c'est la facturation électronique entre les entreprises, qui va se développer à partir de l'année prochaine, et qui va nous permettre de faire des pas de géant dans la lutte contre la fraude à la TVA. Mais sur la philosophie du plan, puisque vous me demandiez…
LEA SALAME
Mais aujourd’hui vous nous dites, vous nous confirmez que 80% des sommes redressées aujourd’hui par le fisc, viennent des riches ?
GABRIEL ATTAL
Alors, 80 % des sommes redressées dans des contrôles sur place c'est 10 à 15% des dossiers, donc oui, des dossiers pour lesquels il y a des montants très importants, c'est pour ça que la philosophie de mon plan c'est de concentrer l'effort sur les ultra-riches, les multinationales, mais d'alléger aussi la pression sur les classes moyennes, sur les petits patrons, les patrons de PME, pour leur redonner aussi un peu d'oxygène, voilà la logique du plan, j'assume effectivement de dire que je veux concentrer les efforts sur la très grande fraude, et notamment la fraude internationale.
YAËL GOOSZ
Pour ça il faut des mains, il faut des bras pour faire ces contrôles fiscaux, vous avez prévu l'embauche de 1500 agents supplémentaires, et la CGT Finances vous répond ce matin, 1500 embauches c’est ridicule puisque vous avez supprimé 15.000 postes en 10 ans, vous répondez quoi ?
GABRIEL ATTAL
Alors non, puisque ce n'est pas tout à fait les mêmes périmètres, il y a des postes qui ont été supprimés à la Direction générale des finances publiques, mais qui étaient moins des postes de contrôle fiscal, ou de vérifications, que des postes administratifs liés au calcul de l'impôt ou au recouvrement de l'impôt. Vous savez que ces dernières années on a fait le prélèvement à la source, la dématérialisation des déclarations, on a supprimé la taxe d'habitation, la redevance télé, et donc effectivement il y a des postes administratifs qui ont pu être supprimés, mais sur le contrôle fiscal il y a eu beaucoup moins de réductions d'emplois, il y en a eu…
LEA SALAME
Il y en a eu combien ?
GABRIEL ATTAL
Quelques centaines dans le dernier quinquennat, mais qui ont été liées aussi à l'apport de la numérisation et de l'intelligence artificielle, notamment le data mining qui nous permet aussi d'être plus efficace dans le contrôle fiscal.
LEA SALAME
Alors data mining, sauf mon respect ?
GABRIEL ATTAL
Pardon, excusez-moi, c’est quand…
LEA SALAME
Moi je ne comprends pas là.
GABRIEL ATTAL
C’est quand on croise des données, aujourd'hui vous avez plus de 50% des contrôles fiscaux qui sont orientés par le croisement de bases de données, par exemple une entreprise qui déclare assez peu de chiffre d'affaires, mais beaucoup de crédit d'impôt, ça va biper rouge dans la machine, et donc on va cibler un contrôle fiscal sur cette entreprise. Il y a aujourd'hui autour de 10.000 agents du contrôle fiscal à Bercy, il y en aura 1500 de plus d'ici à la fin du quinquennat. J’ajoute que je double les effectifs du service d'enquêtes judiciaires des Finances, qui sont des officiers judiciaires fiscaux, qui permettent de lutter contre les plus grandes fraudes à enjeu et de travailler avec la justice pour avoir des condamnations.
YAËL GOOSZ
Combien ça va rapporter de plus chaque année, est-ce qu'on peut être concret sur le gain pour les finances publiques, puisque c’est le but ?
GABRIEL ATTAL
Je n’ai pas voulu donner d'objectifs chiffrés, je vais vous dire pourquoi…
LEA SALAME
C’est ça qui frappe les esprits ?
GABRIEL ATTAL
Je sais ce que c’est que la course aux chiffres moi, si je donne un objectif chiffré mes agents, sur le terrain, vont se dire " voilà, je dois faire tant cette année ", et moi je n’ai pas envie qu’ils se retrouvent dans une situation à devoir saler la facture des contribuables pour atteindre le chiffre qu’on leur demande d'atteindre dans l'année, quitte ensuite, l'année suivante, à rendre de l'argent parce qu'ils ont trop prélevé ou trop redressé. Donc je vais vous dire, on a fait des pas de géant ces dernières années, on est à 14,6 milliards d'euros notifiés l'année dernière, c'était une année historique, moi je souhaite qu'on aille le plus loin possible, et donc…
LEA SALAME
C’est quoi le plus loin possible ?
GABRIEL ATTAL
Le plus loin possible c’est de continuer chaque année à progresser dans nos recouvrements de lutte contre la fraude fiscale, c'est pour ça qu'on met plus de moyens
LEA SALAME
Bruno LE MAIRE, à l'instant sur France Culture, dit " le plan de Gabriel ATTAL ne suffira pas. "
GABRIEL ATTAL
Mais, il faut aller encore plus loin, toujours, il faut toujours aller plus loin, il faut renforcer nos moyens, c'est-ce qu'on fait, on renforce nos moyens humains, on renforce nos moyens en termes de contrôles, je souhaite qu'on augmente, je l'ai dit, de 25% les contrôles ciblés notamment sur les plus gros patrimoines, je souhaite aussi m'attaquer à ce qu'on appelle la zone grise.
LEA SALAME
C’est quoi ?
GABRIEL ATTAL
La zone grise c'est ce qu'on appelle parfois l'optimisation fiscale, c'est la fraude internationale qui échappe aux législations, qui parfois se fondent sur des législations qui peuvent être floues…
YAËL GOOSZ
Par exemple ?
GABRIEL ATTAL
Par exemple vous avez, pour les multinationales, ce qu'on appelle les prix de transfert, il y a d’ailleurs des affaires assez médiatiques qui ont été mises en avant, vous avez par exemple des multinationales qui ont pu jouer sur le fait d'avoir la maison-mère dans un pays qui taxe peu, une filiale en France, et qui rapatrient, avec ce qu'on appelle des prix de transfert, les bénéfices faits en France, à la maison mère, pour payer le moins d’impôts possibles en France.
YAËL GOOSZ
Comme McDONALD’S.
GABRIEL ATTAL
McDONALD’S, on leur a mis une amende d’1,3 milliard d'euros l'été dernier pour ça, et donc dans mon plan il y a des mesures qui visent à renforcer les déclarations que doivent faire les entreprises sur leurs prix de transfert et les contrôles qu'on va faire sur ces prix de transfert pour être plus efficace. Il y a aussi, ensuite, tout ce qui est fait dans des Etats non coopératifs, des paradis fiscaux, des trusts…
LEA SALAME
Vous allez envoyer des agents de Bercy au Panama ou à Guernesey, aux Bahamas ?
GABRIEL ATTAL
Oui, on va créer un service de renseignement fiscal à Bercy, avec des agents de renseignements, qui vont pouvoir, sur de la grande fraude internationale, dans des Etats pour lesquels on n'a aucune information, aucune transparence, pouvoir aller recruter des sources humaines, dans des institutions financières, dans des banques, et les rémunérer contre des informations sur des personnes qui hébergent des fonds sans les déclarer, qui échappent aujourd'hui à l'impôt en France.
LEA SALAME
On a encore beaucoup de questions à vous poser et notamment sur les classes moyennes, dans un instant avec Yaël, mais juste une dernière question, vous voulez créer un délit d'indignité fiscale et civique, ça nous a étonnés avec Yaël GOOSZ, qu’est-ce que ça veut dire, ça veut dire par exemple que Jérôme CAHUZAC aurait été condamné en plus de sa peine à repeindre son centre des impôts, parce que j'ai vu que vous vous vouliez…
GABRIEL ATTAL
C’est deux choses différentes…
LEA SALAME
C’est quoi, c’est…
YAËL GOOSZ
Des travaux d’intérêt général.
LEA SALAME
Des travaux d’intérêt général, dont repeindre le centre des impôts j’ai vu, dans votre communiqué.
GABRIEL ATTAL
Il y a deux choses différentes. Pour les fraudes fiscales les plus graves je considère, quand il y a dissimulation d'avoirs à l'étranger, bande organisée, on n’est plus dans la citoyenneté, et donc effectivement je travaille avec mon collègue Eric DUPOND-MORETTI a une sanction d'indignité fiscale et civique, ça veut dire que dans ces cas-là la personne, pendant plusieurs années, n'aurait plus le droit à aucun crédit d'impôt, aucune réduction d'impôt, et perdrait ses droits civiques, donc son droit de vote, il y a un enjeu de constitutionnalité, donc on va saisir le Conseil d’État pour vérifier si c'est constitutionnel, ça c'est sur la sanction d'indignité fiscale et civique. Ensuite, il arrive qu'il y ait des condamnations par la justice pour fraude fiscale, qui ne s'accompagnent pas de privation de liberté, de peine de prison par exemple, et effectivement ce que je dis c'est que je souhaite que dans ces cas-là désormais il y ait une peine complémentaire de travaux d'intérêt général, alors oui c'est l'exemple du gros fraudeur fiscal qui va aller repeindre le centre des impôts, mais ça peut être aussi le commissariat, l'école, des travaux d’intérêt général, je pense que c’est…
LEA SALAME
C’est pour quoi, c’est un espèce de " name and shame " ?
YAËL GOOSZ
Ah non, pas d’anglais Léa.
GABRIEL ATTAL
Je pense que c’est symboliquement important…
LEA SALAME
La honte qui double…
GABRIEL ATTAL
Payer l’impôt, Léa SALAME, c'est un acte de citoyenneté, c'est un acte de civisme fiscal…
LEA SALAME
Non, mais j’essaye de comprendre la philosophie.
GABRIEL ATTAL
Et donc je considère, les travaux d'intérêt général se sont développés massivement ces dernières années, je ne vois pas pourquoi on pourrait les faire sur une certaine criminalité et pas sur une autre, et donc je souhaite effectivement qu'on les développe.
YAËL GOOSZ
Classes moyennes, vous n'avez que ce mot à la bouche Gabriel ATTAL, la dernière fois que vous êtes venu à ce micro vous annonciez un plan Marshall pour les classes moyennes, mais qui sont pour vous les classes moyennes, c’est flou, de qui parlez-vous précisément, ceux qui gagnent combien ?
GABRIEL ATTAL
Les classes moyennes c'est les Français qui vivent principalement de leur travail et qui peuvent compter assez peu sur des aides sociales ou sur un gros patrimoine qui leur permettrait d'avoir une rente. Parfois ils sont propriétaires…
YAËL GOOSZ
C’est encore flou ça, c’est combien de Français… ?
GABRIEL ATTAL
Non, mais parfois ils sont propriétaires, mais en général ils ont un crédit sur plusieurs années, c'est les Français qui n'ont d'un côté pas les aides sociales et de l’autre pas un gros patrimoine qui leur permette de vivre, qui ont essentiellement leur travail.
YAËL GOOSZ
Mais on peut être plus précis sur la nomenclature ?
GABRIEL ATTAL
Vous avez certains experts, certains statisticiens, qui disent que c'est, alors ça va être très technique, entre le quatrième et le sixième décile de revenus, donc ça fait 15 millions de ménages. Je vais vous dire pourquoi je ne fixe pas un revenu, parce que ça dépend aussi de l'endroit où vous habitez, avoir 2000 euros par mois ce n’est pas pareil dans une grande métropole que dans d'autres territoires.
LEA SALAME
Non, mais pourquoi vous opposez les classes moyennes, puisque c’est votre nouveau mantra, dès qu’on vous invite depuis quelques semaines, dès qu'on vous invite vous parlez des classes moyennes, les classes moyennes, les classes moyennes, sans doute parce que les classes moyennes sont de plus en plus tentées de voter pour le Rassemblement national, que Marine LE PEN est en train de les récupérer, que vous êtes en train de les perdre, donc vous essayez de les réattirer à vous, mais pourquoi les opposer aux classes populaires, comme quand vous dites dans " l'Opinion ", il y a quelques jours, que la multiplication des chèques pour aider ceux qui ne travaillent pas face à l'inflation a de nouveau nourri un sentiment d'abandon, pourquoi vous faites cette opposition-là entre les classes moyennes et ceux qui toucheraient des aides et des chèques, que vous-même vous avez décidé d’ailleurs ?
GABRIEL ATTAL
Moi je me déplace toutes les semaines sur le terrain, j'étais dans les Pyrénées-Atlantiques, j’étais dans le Beaujolais, j'étais dans le Gers, chaque semaine je vais à la rencontre des Français, et je rencontre beaucoup de Français qui travaillent, qui me disent c'est dur, il y a l'inflation sur les prix de l'alimentation, c'est dur de boucler ses fins de mois, je paye des impôts et j'ai le sentiment parfois de financer un modèle qui permet à certains de ne pas travailler et qui par ailleurs finance des services publics qui se dégradent.
YAËL GOOSZ
Vous ne montez pas les Français les uns contre les autres ?
GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas, au contraire, je pense que quand on agit et quand on prend des mesures pour des Français qui se sentent déclassés, qui se sentent abandonnés, au contraire on rassemble les Français. Moi je ne veux pas qu'il y ait de Français qui se considèrent oubliés de l'action publique. Donc oui, quand je dis qu'on va continuer à bâtir un plan Marshall pour les classes moyennes, c'est continuer à faire ce qu'on a fait depuis six ans, je rappelle qu'on a supprimé la taxe d'habitation, supprimé la redevance télé, baissé l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, défiscalisé les heures supplémentaires, permis de monétiser les RTT…
LEA SALAME
Oui, ça c’est ce que vous avez fait Gabriel ATTAL, c’est vrai, mais vous aviez annoncé, à notre micro il y a un mois, un nouveau plan Marshall et de nouvelles baisses d’impôts…
GABRIEL ATTAL
J’ai dit qu’on allait continuer ce plan Marshall, absolument.
LEA SALAME
Justement, c’est quand les baisses d'impôts et c’est quoi, ce sera une baisse d’impôt sur le revenu, baisse des cotisations sociales, vous allez toucher aux successions, c’est quoi et c’est quand ?
GABRIEL ATTAL
C’est quand ? c’est dès qu’on aura les marges de manoeuvre qui nous permettront de le faire, on va regarder, dans les discussions budgétaires qu'on aura pour le budget 2024, quelles sont nos marges…
YAËL GOOSZ
Ça peut attendre les calendes grecques, parce que vu le niveau de la dette française, 3000 milliards d'euros, comment vous voulez baisser les impôts en plus ?
GABRIEL ATTAL
Non, parce qu’on réduit chaque année le déficit, je rappelle qu'il était de 9% en 2020, de 6,5% en 2021, de 4,7 % l'an dernier, et qu’on va continuer à le réduire jusqu'en 2027, ça nous a pas empêché cette année de prendre une mesure importante pour les classes moyennes, qui font garder leur enfant, ça peut coûter cher, à la crèche, chez une assistante maternelle, il y a un crédit d'impôt qui est plafonné à 2300 euros par an et par enfant, on le porte à 3500 euros par an et par enfant, ça c'est typiquement une mesure pour les classes moyennes qui travaillent, qui font garder leurs enfants, qui dépensent de l'argent pour faire garder leurs enfants, elles pourront déduire davantage de leurs impôts, donc on va poursuivre…
LEA SALAME
Mais ça reste flou…
GABRIEL ATTAL
Mais on va y travailler, on va y travailler avec les parlementaires ?
LEA SALAME
Si je vous entends, pour l’instant il n’y a pas de baisses d'impôts prévues dans le budget 2024, pour l’heure en tout cas.
GABRIEL ATTAL
Alors, il y a la feuille de route qui a été présentée par Elisabeth BORNE, il y a écrit noir sur blanc cette feuille de route que dans le quinquennat il y aura des baisses d'impôts supplémentaires pour les classes moyennes, ensuite, pour définir quel impôt est concerné, dans quelle proportion, on va y travailler, notamment avec les parlementaires, ça peut être l'impôt sur le revenu, ça peut être des cotisations salariales, ça peut être les droits de succession comme vous l'avez évoqué…
YAËL GOOSZ
Eric CIOTTI vous demande les droits de succession.
GABRIEL ATTAL
Tout est sur la table, mais on aura un débat.
LEA SALAME
Eric CIOTTI, qui était là tout à l’heure, vous dit n'oubliez pas la promesse qu’a fait Emmanuel MACRON, Emmanuel MACRON avait dit " on va baisser les droits de succession ", vous ne le faites pas.
GABRIEL ATTAL
On aura un débat sur ce sujet, vous savez on respecte les engagements qu’on a pris devant les Français.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 16 mai 2023