Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Bonjour Monsieur le Ministre.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Laurence FERRARI.
LAURENCE FERRARI
Bienvenu dans la matinale de Cnews. On va parler des sujets, de vos dossiers, notamment celui du pouvoir d’achat qui préoccupe énormément les Français. Mais d’abord un mot du maire de Saint-Brévin, qui a démissionné, lassé des agressions, des menaces, des insultes qu’il a reçues, parce qu’il voulait implanter un centre d’accueil de demandeurs d’asile dans sa commune. Est-ce qu’il faut mieux protéger les élus locaux, Monsieur le Ministre ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est indispensable. Parce que, ce qui se passe avec le maire de Saint-Brévin, c'est un pas de plus dans la décomposition de la démocratie, dans la violence. Moi je pense qu’il faut durcir les peines contre tous ceux qui menacent ou qui agressent les élus. Nous l’avons fait il y a 2 ans, pour tous ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre, aux policiers, aux gendarmes, je souhaite que nous fassions la même chose pour tous ceux qui s’en prennent aux élus, qui nous représentent, nous, citoyens, qui nous protègent, qui nous défendent, qui travaillent pour nous, qui s’engagent pour nous et qui ont besoin, donc, d’une protection supplémentaire.
LAURENCE FERRARI
Qui attise cette violence ? Est-ce qu’il y a des partis politiques, qui à vos yeux alimentent cette violence ?
BRUNO LE MAIRE
En l’espèce, l’extrême droite attise la violence…
LAURENCE FERRARI
C’est-à-dire ?
BRUNO LE MAIRE
Et de manière beaucoup plus générale, vous avez des groupes d’extrême droite qui sont impliqués, dans beaucoup de violences, mais de manière plus générale, chaque personne, chaque personne qui a accès à la parole publique, doit mesurer les propos qu’il tient, doit faire attention aux gestes qu’il fait. Lorsque je vois un élu de la France Insoumise, qui joue avec la tête d’Olivier DUSSOPT, transformée en ballon de foot, c'est le début de la violence. Lorsque vous avez dans les manifestations, un pantin à l’effigie d’Emmanuel MACRON, du président de la République qui est brulé, c'est le début de la violence. La violence commence toujours par les mots et par les actes symboliques. Et ensuite, elle se transforme en actes concrets, en actes de violence concrets. Donc, faisons attention à chacun des mots que nous prononçons, à chacun des gestes que nous faisons.
LAURENCE FERRARI
Vous vous occupez beaucoup du dossier du pouvoir d'achat, je le disais, l'inflation alimentaire pèse énormément sur le pouvoir d'achat des Français, 16% d'augmentation en un an. Vous avez rencontré hier les représentants de la distribution, LECLERC, INTERMARCHE, CARREFOUR, ils veulent ouvrir de nouvelles négociations avec les industriels. Ils disent : les prix baissent, et en revanche, on ne les voit pas baisser sur les étiquettes. Vous menacez les industriels de, éventuellement, les taxer. Est-ce que cela suffira ? Comment est-ce que vous allez les forcer à répercuter ces baisses sur les prix ?
BRUNO LE MAIRE
Ecoutez, moi je ne veux une seule chose, c'est que les prix alimentaires baissent pour nos compatriotes. Parce qu'aujourd'hui, la flambée des prix alimentaires pèse terriblement sur leur pouvoir d'achat. Ce que nous avons obtenu hier avec Olivia GREGOIRE, qui est déjà une très belle avancée, c'est que le trimestre anti-inflation, qui a marché, - 13% sur les produits dans le trimestre anti-inflation, va être prolongé au-delà du 15 juin. Ensuite, ce qui va soulager une fois encore les difficultés de nos compatriotes face à la flambée des prix alimentaires. Ensuite je regarde les marges qui sont faites par les uns et par les autres, je constate qu'aujourd'hui des marges des distributeurs sont réduites, parce qu’elles financent le trimestre anti-inflation. Je vois que les marges de certaines grandes multinationales ont augmenté, parce que les prix ont baissé, les prix de gros, et les prix de vente, eux, restent très élevés. Donc les marges de ces multinationales ont augmenté. Je leur demande juste une chose : faites un effort, vous aussi participez à la lutte contre l’inflation, réduisez vos marges pour réduire les prix pour nos compatriotes. Et je ne dis pas toutes les multinationales, je fais d’ailleurs très attention à regarder très précisément là où ça se porte bien.
LAURENCE FERRARI
Alors lesquelles ? Celles qui sont internationales ?
BRUNO LE MAIRE
Je donne juste un exemple, dans le secteur du lait, l’industrie du lait, je vois bien que les marges restent réduites, parce que les prix du lait restent très élevés. Donc je le dis pour LACTALIS, pour DANONE, qui s’inquiètent, je ne fais pas n’importe quoi, je regarde attentivement là où il y a des marges, et quand des multinationales gardent des marges importantes, alors que nos compatriotes souffrent de l’inflation, je leur dis : faites un effort. Je les verrai mercredi prochain, soit ces multinationales qui ont des marges importantes, font un effort, et tant mieux, et tout le monde participera à la solidarité nationale, soit elles ne le font pas et dans ce cas-là je garde toutes les options sur la table.
LAURENCE FERRARI
Mais, est-ce que finalement, ça n’est pas l'Etat au fond qui bénéficie le plus de cette inflation ? Parce que la TVA elle va dans vos caisses, enfin les caisses de l'Etat, évidemment.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais l'Etat, il met en place le bouclier sur le prix du gaz, le bouclier sur l’électricité, ça nous coûte des milliards d'euros. On nous reproche d'ailleurs parfois trop protéger contre l'inflation, vous avez l'indemnité carburant transport qui coute aussi à l'Etat. Nous avons mis en place une protection massive et efficace contre l'inflation, mais je peux vous dire que l'Etat ne se fait pas de gras sur la hausse des prix, au contraire, il protège, ça coûte cher, et maintenant que l'inflation doit diminuer à partir de l'été, il faudra bien revenir à des dépenses plus raisonnables.
LAURENCE FERRARI
L'une des conséquences de cette hausse des coûts, notamment de l'énergie, c'est les défaillances d'entreprises. Le nombre de défaillances cumulées autour des derniers mois, est en hausse de 47,1 %. Comment est-ce que vous pouvez nous dire qu'on crée des entreprises en France, alors qu'en réalité on en ferme ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien parce que pendant 2 ans vous avez beaucoup moins de faillites qu'il y en a eu d'ordinaire. Parce qu’il y a eu une protection massive avec le quoi qu'il en coûte, les entreprises ont été très protégées. Là encore nous revenons à la normale, à une situation normale. Mais dans un temps normal il y a plus de 50 000 faillites d’entreprises chaque année, donc nous faisons très attention évidemment à la situation des entreprises, mais ça fait partie de la vie économique d'avoir des entreprises qui se portent bien, d'autres qui ont des difficultés. L'Etat vient à la rescousse de celles qui sont viables, mais ça fait partie aussi de la vie économique d'avoir des entreprises, 50 000 par an, qui font faillite.
LAURENCE FERRARI
Encore un mot de l'inflation, parce qu'encore une fois c'est le sujet de préoccupation majeur des Français. Quand est-ce qu'elle va enfin décroître dans notre pays ? Le pic, le fameux pic dont on parle depuis plus d'un an, vous le voyez pour quand cette fois-ci ? Michel-Edouard LECLERC pense, pas avant l’été.
BRUNO LE MAIRE
Il commence déjà, même si ce n’est pas perceptible dans le porte-monnaie de chacun, mais il commence déjà à décélérer. L'été prochain, c'est toujours la date que j'ai fixée, nous devrions voir l'inflation ralentir plus significativement, et notre objectif avec les distributeurs, je l'espère que les industriels, c'est de casser la spirale inflationniste sur les prix alimentaires, à l'automne, vers le mois d'octobre. Mais ça suppose que les négociations commerciales sur les prix rouvrent maintenant. Les distributeurs ont même été très précis, il faut que ces négociations rouvrent avant la fin du mois de mai. Si elles ne rouvrent pas avant la fin du mois de mai, eh bien les prix vont continuer à augmenter y compris jusqu'à l'automne, c'est pour ça qu’aujourd'hui je sonne le rappel de tout le monde, je mobilise tout le monde, je mets tout le monde autour de la table, et notre objectif commun, distributeurs, industriels, pouvoirs publics, doit être casser la spirale inflationniste d'ici l'automne prochain. Et c'est maintenant que ça se joue.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous êtes d'accord avec Michel-Edouard LECLERC, qui dit que l’on ne reviendra jamais aux prix d'avant, au fond l'inflation va rester structurelle.
BRUNO LE MAIRE
Elle sera structurellement plus élevée, oui, mais je ne l’ai là aussi jamais caché.
LAURENCE FERRARI
Quoi qu’il arrive.
BRUNO LE MAIRE
Pour une raison qui est une bonne raison, qui est que nous relocalisons nos productions. C'est vrai pour l'agriculture, c'est vrai pour l'industrie, et c'est sûr, on va parler de batteries électriques, c'est plus cher de produire une batterie électrique en France, mais socialement c'est mieux, en termes d'emploi c'est mieux, pour la création d'emplois d'ouvriers c'est mieux, et pour l'environnement et la planète c'est infiniment mieux. C'est pour ça que, à la sortie de cette crise inflationniste on aura probablement une inflation structurellement plus élevée que celle que nous avons connue au cours des 20 dernières années.
LAURENCE FERRARI
On va parler d'industrie. Vous serez dans quelques heures avec le chef de l'Etat à Dunkerque, justement une firme taïwanaise doit annoncer l'ouverture d'une usine de batteries électriques. Emmanuel MACRON veut réindustrialiser la France, à la bonne heure, ce que je veux, dit-il, c'est un vrai plan Marshall de la réindustrialisation de nos territoires économiquement perdus. Sauf que c'était en 2017, qu'il a dit ça Monsieur LE MAIRE, qu'est ce qui s'est passé depuis ? Rien ?
BRUNO LE MAIRE
Ça a donné des résultats. Eh bien non, pas rien. Si vous regardez, je pense que les faits et les chiffres sont sans appel. Au cours des trois dernières décennies, 2,6 millions d'emplois industriels détruits. Une saignée révoltante, un abandon la culture ouvrière, 600 usines qui ont fermé, un désastre économique et je dirais même un désastre moral. En 2017…
LAURENCE FERRARI
Et humain.
BRUNO LE MAIRE
Et humain. En 2017, nous avons pris les décisions courageuses, qui étaient indispensables pour réindustrialiser. Après on a des décisions, c'est nos décisions fiscales, qui sont vilipendées par tout le monde. Ah, ils font la politique des riches, ils baissent les impôts, ils baissent l'impôt sur les sociétés, ils baissent l’impôt sur le capital ! Ce n’est pas la politique des riches, c'est la politique de l'industrie, c'est la politique des ouvriers, c'est la politique des territoires. Parce qu'en ayant une imposition du capital moins chère, l'industrie qui consomme beaucoup de capital, PROLOGIUM, c’est 5,6 milliards d'euros d'investissements, c'est beaucoup de capital. Eh bien l'industrie revient, le territoire redevient attractif, et en 6 ans nous avons au cours des deux dernières années, 200 usines ouverts, 80 000 emplois ouvriers crées. C'est la première fois depuis 30 ans que nous recréons des emplois ouvriers et que nous rouvrons des usines. Maintenant, on veut accélérer. On a une opportunité, c'est la transition écologique, on va avoir besoin d'hydrogène vert, de batteries électriques, de véhicules électriques, de panneaux solaires, eh bien on veut utiliser cette transition écologique comme moyen d'accélérer la réindustrialisation de la France.
LAURENCE FERRARI
Alors, Emmanuel MACRON a dit quelque chose que l’on a du mal à comprendre. Hier il a dit, il a parlé de l'industrie verte, il dit : on veut une pause dans la réglementation environnementale européenne. Ça veut dire quoi en fait ? Vous voulez revenir en arrière ?
BRUNO LE MAIRE
Certainement pas.
LAURENCE FERRARI
C’est genre : l'écologie c'est bon maintenant, ça suffit ?
BRUNO LE MAIRE
Pause, ne veut pas dire " rec ".
LAURENCE FERRARI
D’accord.
BRUNO LE MAIRE
Pas de retour en arrière. Ça veut dire simplement, il y a des règles. C’est, je le rappelle, les plus exigeantes de toute la planète, donc plutôt que de vouloir toujours les renforcer, il faut les appliquer, et je pense que le président de la République a 1 000 fois raison de dire : mais arrêtons de toujours vouloir ajouter d'énormes, vérifions simplement que celles qui existent, qui sont bonnes, qui sont justes, qui sont nécessaires pour le climat, sont réellement appliquées. Ça vaut pour l'Europe, ça vaut aussi pour la France. Vous savez qu'il y a une disposition réglementaire très importante, qui s'appelle le bilan des émissions de gaz à effet de serre. Chaque entreprise une certaine taille doit le faire. Il n’y en a pas la moitié qui l'ont faite. On nous dit : mais il faut que vous renforciez ce fameux BEGES, ce Bilan des Emissions de Gaz à Effet de Serre. Mais avant de renforcer ce bilan, déjà que les entreprises l'appliquent, le respectent et le publient.
LAURENCE FERRARI
Donc l'écologie est toujours à l'ordre du jour côté …
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n’est pas que c'est à l'ordre du jour, c'est une priorité absolue, et surtout vous ne pourrez pas réindustrialiser si vous ne décarbonez pas dans le même temps le projet de loi industrie verte, que je présenterai dans le détail la semaine prochaine, a vocation justement à accélérer cette réindustrialisation, à diviser par deux les délais d'implantation d'une usine en France, à soutenir financièrement les ouvertures d'usines pour l'hydrogène vert, les batteries électriques, tous les éléments, les pompes à chaleur qui vont participer de la transition écologique, et faire de la France la première Nation décarbonée en Europe. Ça c'est un bel objectif collectif. On cherche désespérément des objectifs collectifs pour la Nation française. En matière économique, être la première économie décarbonée d'Europe, je trouve que c'est un bel objectif.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que le gouvernement que vous représentez, en a fini avec la réforme des retraites ? Le 8 juin à nouveau à l’Assemblée, une proposition de loi portée par le groupe Liot va être votée ou pas d'ailleurs pour abroger l'âge de départ légal. C'est un sparadrap cette réforme des retraites, jamais vous n'allez tourner la page en réalité, les casseroles, les manifestations à chaque déplacement ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il est dans de tourner la page…
LAURENCE FERRARI
C'est une fatalité ?
BRUNO LE MAIRE
… et très franchement je trouve cette proposition de loi un peu lunaire. C’est le droit des députés, mais ils proposent quoi ? On va faire comment pour financer le régime de retraite par répartition en 2030 ? C'est quoi leurs options ? C'est augmenté les cotisations, donc baisser les salaires ? C'est ce qu'ils veulent ? Ils veulent proposer aux Français de baisser les salaires, dans un moment où tout le monde veut plus de rémunération et plus de salaires ?
LAURENCE FERRARI
Ça n’est évidemment pas ce qu’ils veulent.
BRUNO LE MAIRE
D'accord, mais dans c’est quoi les solutions ? Ils vont baisser les pensions des retraités ? Mais qu'ils aillent expliquer aux retraités, qui souvent ont la vie difficile et n’ont pas les moyens d'augmenter leur rémunération, qu'on va baisser leur retraite, mais c'est absolument révoltant. Donc c'est quoi leur solution ? Ou alors c'est la faillite du régime de retraite par répartition, et donc l'égoïsme généralisé. Nous, nous avons le courage avec le président de la République, avec la majorité, de prendre les décisions nécessaires pour équilibrer les comptes. Il y a une réalité qu'on l'oublie trop souvent, dans un monde politique qui est parfois virtuel, c'est qu'il y a des comptes, il y a des Finances, il y a des équilibres financiers à tenir, sinon la réalité vous rattrape. Nous le faisons sur la réforme des retraites, et je souhaite maintenant que nous tournions la page et nous nous engagions sur d'autres sujets.
LAURENCE FERRARI
Même si les Français sont majoritairement hostiles à cette réforme ? Même si les oppositions, que ce soit à Marine LE PEN ou Jean-Luc MELENCHON, continuent de monter au créneau en permanence là-dessus ?
BRUNO LE MAIRE
Marine LE PEN propose de la retraite à 60 ans, très bien, on a vu ce que ça avait donné en 1981, c'est la rigueur 2 ans plus tard parce qu’on ne pouvait pas payer et que du coup il faut augmenter les impôts. C'est ce qu'on veut, c'est vraiment ce que l'on veut ? Jean-Luc MELENCHON, oui, il a des propositions, il dit qu'il faut supprimer les défiscalisations des heures supplémentaires. Mais tout à l'heure nous serons à Dunkerque, moi j'aimerais bien aller dire aux ouvriers qui font des heures supplémentaires défiscalisées "on vous les supprime" ! On va vous supprimez 150, 200, 250 € de rémunération supplémentaire. Il faut aller au bout de la logique, 'il faut aller au bout la réalité, parce que moi je commence à être lassé de tous ces extrêmes qui vous expliquent que face à cette vie compliquée, il y a des solutions extrêmement simples. Si on avait suivi Marine LE PEN, depuis 10 ans, dans toutes ses propositions, on serait sorti de l'euro, on aurait fait comment face à la crise du Covid ? On n'aurait pas eu de dette commune, on n'aurait pas été protégé, on aurait baissé la TVA pour protéger les Français contre l'inflation, ça serait allé dans la poche des distributeurs, et ça aurait été moins efficace que notre bouclier sur le gaz ou sur l’électricité. On serait du côté de Vladimir POUTINE et de la Russie, dans la guerre contre l'Ukraine, au lieu d'être du côté de la liberté comme nous le sommes. On aurait et soigné avec la chloroquine face au Covid, au lieu des mesures que nous avons prises pour lutter avec efficacité contre cette épidémie. Moi je veux dénoncer la simplification extrême, les mesures soi-disant de bon sens qui sont en vérité des illusions, que ne cessent de vendre les extrêmes. Oui la situation est complexe, oui la réalité est complexe, mais l'honneur de la politique ce n’est pas de simplifier à outrance, c'est d'apporter des réponses concrètes et efficaces, c'est ce que nous faisons, sur les retraites et sur le reste.
LAURENCE FERRARI
Et, oui, vous êtes à votre tâche, vous venez de publier ce 13e livre « Fugue américaine », aux éditions Gallimard, qui est consacrée au pianiste Vladimir HOROWITZ, un livre qui fait 470 pages, dont les réseaux sociaux n’ont retenu qu'un tout petit passage, érotique, que désormais les manifestants scandent quand vous arrivez. Je ne peux pas croire que vous n'ayez pas anticipé l'écho que pouvait avoir ce tout petit passage sur les 470 pages du livre, qui évidemment est une œuvre littéraire. Vous l'avez fait exprès ?
BRUNO LE MAIRE
Non.
LAURENCE FERRARI
Vous vous doutiez de l’effet que ça aurait ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, c’est un roman, c'est un personnage de fiction, c’est une personne qui s’appelle Julia, qui a beaucoup de sensualité, il y a des personnages qui ont de la sensualité dans ce livre, qui s'expriment. Dans quel monde sommes-nous, où nous n'arrivons plus à faire la différence entre un roman, un ouvrage de fiction, des personnages de fiction, et celui qui écrit ?
LAURENCE FERRARI
Mais ça vous touche que l’on ne retienne que ce passage-là ?
BRUNO LE MAIRE
Ça ne me touche pas du tout. Je dis, je trouve juste qu'il faut lire le livre. Celui qui écrit, n'importe pas beaucoup, l'écrivain n'importe pas beaucoup, ce qui compte c'est le livre, c'est l'histoire, c'est l’histoire d'HOROVITZ, c'est l'histoire de ce pianiste de génie, c'est de l'histoire de cette Julia, c'est l'histoire de Franz WERTHEIMER, le héros du roman, qui lui échoue, là où Vladimir HOROWITZ remplit son destin. C'est ça qui est intéressant, c'est ça le livre, c'est ça l'histoire, ce n’est pas les 10 linges qu’on a extraites, qui font la force un personnage, mais qui ne résument pas l'aventure qu'est ce livre.
LAURENCE FERRARI
Et le temps qu'on vous reproche, d'avoir placé à cette écriture, le fait de dire, voilà, un ministre dans un pays en crise, ne devait ne faire que ça, alors que l’on ne reproche pas aux hommes politiques qui font du jogging ou de la boxe, d’avoir des loisirs. Vous trouvez ça injuste ?
BRUNO LE MAIRE
Mais exactement, est-ce qu’on reproche… L’injustice fait partie de la vie politique et de la vie tout court, donc non ça ne me touche pas. Mais est-ce qu'on reproche à un homme politique d'aller faire du jardinage, de faire de voyages, de prendre du temps pour lui, eh bien non, heureusement, Dieu soit loué. Là, le temps libre que j'ai, depuis 10 ans, ce livre m'a demandé 10 ans de travail, il est consacré à l'écriture, c'est mon évasion, c'est ma ligne de fuite. Chaque homme, chaque femme politique a sa ligne de fuite, et chacune de ces lignes de fuite est parfaitement respectable, le jardinage comme écriture.
LAURENCE FERRARI
Encore un mot d'Elisabeth BORNE qui a décidé de porter plainte contre le livre de notre consœur Bérangère BONTE " BORNE la secrète ", aux éditions de l'Archipel, pour atteinte à la vie privée. L'ouvrage mentionne notamment un compagnon qui serait en réalité pacsé avec une autre femme, selon notre consœur. Est-ce que vous auriez porté plainte et est-ce qu'au fond les hommes et femmes politiques n’ont plus droit à la vie privée ?
BRUNO LE MAIRE
Si, je pense que nous avons droit à une vie privée. Nous avons droit à une vie privée. Je ne connais pas la vie privée d'Elisabeth BORNE, la vie privée d’Elisabeth BORNE ne regarde qu’elle. Je sais juste que c'est une très bonne Première ministre, avec laquelle je travaille très bien, et je pense qu'il est important de séparer sa vie publique et puis sa vie privée, son espace privé.
LAURENCE FERRARI
Mais il faut être transparent aussi ? Il faut dire la vérité aux Français ?
BRUNO LE MAIRE
Transparent sur ses convictions, transparent sur ce qu'on fait, transparent sur ses engagements politiques oui, mais chacun a droit aussi à ses jardins secrets.
LAURENCE FERRARI
Vous auriez porté plainte ?
BRUNO LE MAIRE
Je n’ai pas eu, Dieu soit loué, de livre comme cela, mais je comprends la démarche d’Elisabeth BORNE, oui.
LAURENCE FERRARI
Merci Pour Bruno LE MAIRE d'être venu ce matin dans la matinale de Cnews.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 16 mai 2023