Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c’est Olivier DUSSOPT. Bonjour.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d’être avec nous. Ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. On va évidemment parler de la loi sur le plein emploi qui arrive au Sénat cet après-midi. Mais d’abord, un mot de l’actualité, ce week-end, ont eu lieu des manifestations, a eu lieu une manifestation interdite pour Adama TRAORE, à laquelle ont participé des parlementaires de la Nupes, de La France Insoumise, des Verts dont Eric COQUEREL, le président de la Commission des Finances de l’Assemblée, au milieu de gens qui chantent : tout le monde déteste la police. Est-ce que ça pose la question de son maintien à la tête de la Commission des Finances…
OLIVIER DUSSOPT
Le seul fait que vous soyez obligée de formuler la question est une réponse en soi, c’est incroyable et inacceptable, lorsqu’on est parlementaire, lorsqu’on a la chance de porter une écharpe tricolore de législateur, de participer à une manifestation interdite, interdite…
ORIANE MANCINI
Alors, ils disent que ce n‘est pas illégal pour un parlementaire de participer à une manifestation…
OLIVIER DUSSOPT
Interdite par la police, mais il faut savoir qui on est et ce que l’on veut, lorsqu’on fait la loi, on respecte la loi. On respecte la loi, on respecte les décisions de la justice et de l’administration, et on ne s’affiche pas dans une manifestation interdite, qui plus est, une manifestation interdite qui en réalité est une manifestation contre la police, vous l’avez dit, manifester, entouré de gens qui scandent : tout le monde déteste la police, est un scandale absolu. C’est quelque chose d’inacceptable, c’est quelque chose qui n’est pas à la hauteur d’un parlementaire, et la présidente de l’Assemblée l’a dit, elle a dit être atterrée. Je partage le qualificatif.
ORIANE MANCINI
Et pour vous, il ne peut plus rester à la tête de la Commission des Finances après ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce sont les députés de la Commission des Finances qui décident de cela, et ce n’est pas au gouvernement de le dire. Mais qu’on soit président de la Commission des Finances ou député, c’est une fonction en soi qui impose de respecter les décisions.
ORIANE MANCINI
Il est discrédité, vous pensez, le président ?
OLIVIER DUSSOPT
Tous, pas seulement lui, tous. La présidence, c’est la question de la responsabilité des députés.
ORIANE MANCINI
La semaine dernière, les députés de La France Insoumise ont demandé au Conseil d’Etat l’annulation des sanctions qui leur ont été infligées à l'Assemblée pour leur comportement lors des débats sur la réforme des retraites… il y a Thomas PORTES, qui avait été exclu de l'Assemblée parce qu'il s'est mis en scène en ayant posé le pied sur un ballon à votre effigie, Mathilde PANOT prévient que son groupe se tournera vers la justice européenne si nécessaire, c'est-à-dire si ces sanctions ne sont pas annulées, qu’en dites-vous ?
OLIVIER DUSSOPT
Rien, c'est désespérant comme le reste, ce sont les députés qui abîment l'institution de l'Intérieur, qui nourrissent l'antiparlementarisme, vous avez évoqué le débat sur les retraites, j'étais en première ligne, je l’ai mené, vous avez un député qui a posé avec un ballon à mon effigie mimant une décapitation, un autre qui m'a traité d'assassin dans l'hémicycle, 15 jours d'insultes, 15 jours d'invectives, ce sont des modalités d'expression, la présidence de l'Assemblée nationale, la présidente elle-même, le bureau ont décidé d'un certain nombre de mesures, le gouvernement n'a pas à les commenter, ça s'appelle la séparation des pouvoirs, il y a des recours, nous verrons ce que donnent les recours, mais lorsqu'on..
ORIANE MANCINI
Mais le fait qu’ils veuillent faire annuler ces sanctions…
OLIVIER DUSSOPT
Mais lorsqu’on s'expose par son propre comportement, lorsqu'on bafoue le règlement de l'Assemblée, lorsqu'on n'est présent et qu'on ne siège que pour de l'invective et mettre le bazar dans l'hémicycle, il ne faut pas s'étonner lorsque le règlement est appliqué et que des sanctions sont prises.
ORIANE MANCINI
C’est ça pour vous La France Insoumise, ils ne siègent que pour l'invective ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais c’est le cas, ce n’est pas ma vision, c'est ce que nous voyons tous quotidiennement, avec une volonté de blocage, avec une volonté d'insultes, avec une volonté de discrédit des institutions, avec la volonté finalement de renverser les institutions dans lesquelles ils se sont fait élire.
ORIANE MANCINI
Donc, ils sont hors du champ républicain…
OLIVIER DUSSOPT
La Première ministre l'a dit, leur comportement le démontre.
ORIANE MANCINI
Elisabeth BORNE justement qui a fait une grande interview hier au Parisien Aujourd’hui en France, elle promet des moyens massifs pour protéger les Français le 14 juillet avec notamment l'interdiction de vente et de transport de mortiers, est-ce que c’est le signe d'une réelle inquiétude du gouvernement autour de ce week-end du 14 juillet ?
OLIVIER DUSSOPT
C’est le signe d’une grande vigilance et d’une grande attention. La Première ministre l’a dit, nous prenons un certain nombre de mesures, et le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, est mobilisé à 100 % évidemment pour garantir le fait que les choses se passent le mieux possible, nous savons que les nuits du 13, du 14 juillet sont souvent des nuits malheureusement où il se produit des incidents, où il peut y avoir des feux d'artifice clandestins avec des mortiers qui n'ont rien à faire là où ils sont, il peut y avoir parfois malheureusement incendies de voitures aussi. Et donc, puisque ce sont des nuits qui sont parfois des nuits de tension, ça nécessite après les événements des derniers jours encore plus de vigilance que les autres années ; c'est tout le travail du ministère de l'Intérieur, c'est tout le travail des forces de police, les mêmes que les députés Insoumis insultent en participant à des manifestations comme on l’a évoqué…
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que la page des émeutes n’est pas terminée pour vous ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faut être extrêmement vigilant. Le président de la République l'a dit, la mobilisation des forces de sécurité a permis de ramener le calme, a permis de rétablir l'ordre, et c’est une bonne chose, mais il faut être extrêmement attentif, comme tout le temps, et c'est la mobilisation des forces de sécurité qui nous le permet.
ORIANE MANCINI
Il y a une mobilisation dans les petites villes aussi, que vous connaissez bien, est-ce que ça vous inquiète le fait que ça ne se soit pas cantonné aux banlieue, aux grandes villes, comme ça a été le cas précédemment ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, la lecture de ce qui s'est passé nécessite un peu de temps, lorsqu’on regarde les choses avec un peu de précision, un peu de distance aussi, et qu'on essaie de comprendre, d'abord, ça montre qu'il faut du temps pour bien analyser, bien savoir ce qui s’est passé, je pense que tous ceux qui réagissent à ces événements et à ces nuits d'émeutes avec des certitudes ou des convictions préétablies, celles qu'ils sortent à chaque fois, qu'il y a le même type de mouvement ou le même type d'incident, sont peut-être dans l’erreur, on parle…
ORIANE MANCINI
C’est-à-dire, pour être plus clair ?
OLIVIER DUSSOPT
On parle beaucoup de banlieues, on parle beaucoup de quartiers, il y a un peu plus de 550 communes en France qui ont sur leur territoire des quartiers classés quartiers politique de la ville, parmi ces 550 ou 560 communes, plus de 150 n'ont connu aucun incident, et à l'inverse, il y a entre 150 et 200 communes qui n'ont aucun quartier classé politique de la ville, qui sont considérées comme allant plutôt bien au sens des indicateurs socio-économiques, qui ont connu des incidents, il y a des endroits où ce sont les symboles de l'Etat qui ont été attaqués, je pense notamment à Nanterre, aux agents du ministère du Travail, du ministère des Solidarités, dans ce qu’on appelle la DRIEETS, la délégation régionale pour l'emploi, l'économie, le travail des solidarités, c'est le bâtiment et le drapeau bleu blanc rouge qui ont été attaqués, dans d'autres endroits, ce sont des pharmacies ou d'autres commerces, donc soyons très vigilants. Aucune violence n’est acceptable, on l'a dit, aucune violence n'est acceptable, n'est excusable, mais prenons peut-être un peu de temps pour bien comprendre ce qui s'est passé avant de nous précipiter sur des explications toutes faites.
ORIANE MANCINI
Et vous le dites, ça a eu des conséquences sur le travail, sur les commerces, sur les salariés, est-ce que vous arrivez à les mesurer aujourd’hui, ces conséquences ?
OLIVIER DUSSOPT
Elles sont encore en cours d’évaluation, parce que, il y a d'abord des choses qui sont très différentes, très inégales, le ministre de l'Economie et la ministre des PME ont annoncé un certain nombre de mesures, pour ma part, pour ce qui concerne le ministère du Travail, nous avons indiqué à nos services déconcentrés que les commerces, les entreprises qui, du fait de vandalisme, d'incendie, ne peuvent pas fonctionner, sont éligibles à l'activité partielle, et que les commerces et les entreprises qui n'ont pas pu fonctionner pendant quelques jours du fait de couvre-feu, d'arrêt des transports en commun ou de mesures prises par l'autorité administrative, c'est-à-dire par les préfets, peuvent aussi être éligibles à l'activité partielle.
ORIANE MANCINI
Et combien ont eu recours à cette activité partielle ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous sommes en train de le mesurer, parce qu’il y a une particularité dans l’activité partielle, c'est qu’une entreprise qui subit un préjudice de la nature que j'ai évoquée, avec les preuves nécessaires, a 1 an pour déclarer le préjudice. Lorsque vous mettez vos… lorsque vous êtes chef d’entreprise et que vous avez recours à l'activité partielle, vous avez droit jusqu'à 1 an, la plupart des entreprises le font très vite, parce qu'elles ont besoin de trésorerie, elles ont besoin d'aide économique, mais ça prend toujours un peu de temps pour le mesurer…
ORIANE MANCINI
Et vous n’avez pas encore de premiers chiffres ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, non, pas encore.
ORIANE MANCINI
Elisabeth BORNE, dans cette même interview, elle est restée très floue sur le calendrier d'un texte que vous portez avec Gérald DARMANIN, c'est le projet de loi immigration, est-ce que ce texte sera présenté au mois de juillet ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, nous l’avons dit, et la Première ministre l'a dit dans une autre interview, nous ferons un point à la rentrée, il y a des discussions notamment menées par le ministre de l'Intérieur auxquelles je participe aussi sur les différents aspects, l’aspect régalien, l'aspect travail, pour essayer de trouver un chemin, trouver une voie de compromis avec toutes celles et ceux qui le souhaitent. Donc aujourd'hui, les choses sont encore un peu difficiles, parce que nous sommes très attachés, les présidents des groupes de la majorité l'ont dit, très attachés à ce que le texte soit global, à la fois avec un volet permettant d'affermir, de consolider les décisions de l'Etat, son autorité, mais aussi un volet sur l'intégration par le travail, parce que nous considérons que le travail et la maîtrise du français sont les meilleurs outils d'intégration des étrangers…
ORIANE MANCINI
Mais il sera présenté quand… ?
OLIVIER DUSSOPT
La Première ministre a évoqué la perspective du mois de novembre, je crois…
ORIANE MANCINI
Elle parle d’un débat au Parlement à l'automne…
OLIVIER DUSSOPT
Plutôt à l'automne…
ORIANE MANCINI
Mais du coup, la présentation en Conseil des ministres, vous, vous tablez sur quand ?
OLIVIER DUSSOPT
La date n'est pas fixée…
ORIANE MANCINI
Mais ce sera septembre, octobre ?
OLIVIER DUSSOPT
Et donc, nous avançons dans les discussions et nous verrons au fil des discussions.
ORIANE MANCINI
En tout cas, il n’y aura rien en juillet ? Les discussions n’aboutiront pas d’ici la fin du mois ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas que ça puisse aboutir dans les 15 jours qui viennent.
ORIANE MANCINI
Qu’est-ce qui bloque alors ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a des divergences, la majorité sénatoriale et les deux groupes LR l'ont dit, ils ont fait des propositions sans rien mettre sur la question du travail par exemple, ils ont aussi fait des propositions qui s'affranchissent ou obligent à sortir du cadre des traités européens, ce qui n'est pas la position de la majorité. Donc les discussions vont se poursuivre, il y a dans les derniers jours des priorités un peu différentes liées à l'actualité, mais prenons un peu de temps tout simplement.
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que ce n’est plus une priorité aujourd’hui…
OLIVIER DUSSOPT
Ça reste une priorité, ça reste un besoin, je crois, sur les deux aspects, mais il faut trouver une voie, il faut trouver les moyens d'avoir une majorité dans les deux Chambres, à l'Assemblée et au Sénat, les attentes ne sont pas forcément les mêmes…
ORIANE MANCINI
Non, et alors ce qui bloque notamment du côté des Républicains, c’est la partie de votre texte, c'est-à-dire les titres de séjour pour les travailleurs dans les métiers en tension, les travailleurs étrangers qui exercent dans les métiers en tension, est-ce que vous êtes prêt à reculer sur cette partie, pour trouver un compromis avec Les Républicains ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons dit que nous étions ouverts à toutes les discussions, notamment sur les questions de critères permettant l'accès à ces titres de séjour, mais de quoi parlons-nous, nous parlons d'hommes et de femmes qui sont des étrangers non communautaires, puisque dès lors que vous êtes étranger, mais européen, vous bénéficiez d'une liberté de travail, d'une liberté de circulation, donc on parle d'étrangers non communautaires, qui sont sur notre territoire depuis longtemps, dans le texte, le premier texte, nous avions mis 3 ans en disant que nous étions ouverts à une discussion sur ce délai-là, qui travaillent de manière légale, c'est-à-dire qu'ils ont un contrat de travail, mais leur situation personnelle est irrégulière, souvent, ce sont des hommes et des femmes qui avaient une carte de séjour, et cette carte de séjour n'a pas été renouvelée, parfois pour des raisons liées à leur situation, parfois pour des raisons plus administratives de délais, et donc, ce que nous disons, c'est que dès lors que vous exercez dans un métier en tension, où nous avons besoin de main d’oeuvre, nous avons besoin de personnels, que vous êtes là, sur le territoire depuis longtemps, que vous travaillez de manière légale, il faut sécuriser leur situation, nous sommes très loin de la question de l'appel d'air. Donc nous sommes prêts à réfléchir sur les critères….
ORIANE MANCINI
Donc à les durcir ?
OLIVIER DUSSOPT
Certains sénateurs évoquaient la possibilité de 5 ans plutôt que 3, pourquoi pas, mais…
ORIANE MANCINI
Ça, vous êtes prêt à aller sur ce terrain ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais regardons cela, la question n'est pas de dire aujourd'hui, ça, je prends, ça, je ne prends pas, c'est un ensemble, il y a un ensemble, le texte ne s'arrête pas à une seule mesure, et il y a un ensemble de mesures, et donc, c'est une discussion plus globale qu'il faut avoir.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu’un accord vous semble possible, vous discutez depuis des semaines, il n’y a toujours pas de texte ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous le souhaitons, à chacun de prendre ses responsabilités et de faire des concessions.
ORIANE MANCINI
Les Républicains aussi ? Ils sont prêts à quelles concessions, vous, qui discutez avec eux ?
OLIVIER DUSSOPT
C’est à eux qu’il faudra poser la question…
ORIANE MANCINI
Vous en parlez avec eux ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne suis pas leur porte-parole.
ORIANE MANCINI
Mais vous êtes optimiste sur un accord ?
OLIVIER DUSSOPT
Je l’espère toujours et nous nous battrons pour l’avoir.
ORIANE MANCINI
Et s’il n’y a pas d’accord, qu’est-ce que vous ferez, est-ce que vous passerez quand même ce texte ou est-ce que vous l’abandonnerez ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais vous voulez que je réponse à des questions qui ne se posent pas, pas de politique fiction, et chaque chose en son temps.
ORIANE MANCINI
Sur les syndicats que vous rencontrez mercredi avec Elisabeth BORNE, quel est le menu de ces rencontres ?
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif, c'est d'abord de faire un point sur les différentes discussions qui ont eu lieu depuis des rencontres bilatérales, puisque, avec la Première ministre, nous avons rencontré chacune des organisations syndicales représentatives et chacune des organisations patronales représentatives pour entendre leurs priorités dans les semaines et les mois qui viennent, ils se sont vus entre eux, il y a eu un certain nombre de réunions, qui ne sont pas des secrets, des comptes-rendus ont même été publiés dans la presse, et il y a eu des contacts et des échanges entre mon cabinet, le cabinet de la Première ministre, les organisations syndicales, j'ai eu moi-même des contacts plus ou moins formels avec beaucoup d'entre eux. L'objectif est de pouvoir voir ce qui dans les mois qui viennent peut définir un agenda social qui soit le plus partagé possible, certains sujets sont portés par les partenaires sociaux dans un cadre qu'on peut qualifier d’autonome, avec, ils l'ont dit eux-mêmes, la volonté d'avancer et poursuivre un certain nombre d'accords qu'ils ont passés, pour avancer et faire des diagnostics sur des questions liées à la prévoyance, pour regarder comment ils peuvent améliorer la gestion des groupes de protection sociale. Il y a des sujets sur lesquels le débat et la négociation sont évidemment possibles entre eux, mais qui relèvent de ce qu'on appelle l'article L1 du code du travail, je pense par exemple à l'emploi des seniors ou encore les parcours professionnels, les reconversions, et tout ce qu'on peut faire pour améliorer la prévention de l’usure…
ORIANE MANCINI
Justement, un mot sur l'emploi des séniors, parce que Bruno LE MAIRE, hier, disait sur l'emploi des seniors, il faut arrêter le gâchis. Est-ce que vous allez prendre de nouvelles mesures ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faut arrêter le gâchis, parce que le plus grand des gâchis, c’est le gâchis des compétences, nous avons un taux d'emploi des seniors qui a augmenté, mais qui reste très inférieur à la moyenne européenne, et nous avons un certain nombre de dispositions, certaines ont été corrigées par la réforme des retraites, qui sont des incitations à sortir les seniors du marché de l'emploi, je prends un exemple, pardon, il est un peu technique, mais nous l'avons corrigé avec la réforme des retraites, il est plus intéressant et il était plus intéressant de proposer des ruptures conventionnelles à des salariés à deux ans ou deux ans et demi de la retraite plutôt que de leur payer une indemnité de retraite, parce que le régime social et fiscal de la rupture conventionnelle était plus favorable, c'est une incitation à sortir les seniors du marché de l'emploi. Donc nous corrigeons un certain nombre de choses…
ORIANE MANCINI
Ça, ça a été corrigé, mais il y a aussi des choses qui ont été retoquées, est-ce que vous allez rediscuter de l’index senior, par exemple ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a deux mesures qui étaient dans la réforme des retraites, dont le Conseil constitutionnel a considéré que ça n'était pas leur place sans se prononcer sur le fond, c'est le CDI pour les demandeurs d'emploi seniors, proposé par les sénateurs, c'est l'index senior. Il y a d'autres mesures qui sont possibles.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous allez les remettre sur la table ?
OLIVIER DUSSOPT
Laissez-moi aller au bout et je vais vous répondre. Il y a d’autres mesures possibles. Il faut, par exemple, accompagner la reprise d’emploi des seniors qui ont perdu le leur, peut-être par des incitations. Il y a des questions relatives à la reconversion, au reclassement, à l'accès à la formation. Tout cela, y compris les mesures qui ont été retoquées par le Conseil constitutionnel peut être discuté par les partenaires sociaux. Nous allons voir avec justement dans cette réunion comment est-ce qu'on procède. Est-ce qu'ils considèrent que cette question de l'emploi des seniors est la première des priorités et dans ce cas-là, il faut qu'on puisse mettre en place le cadre de discussion très vite. Est-ce qu'ils considèrent que cette discussion doit commencer après d'autres ? Il y a des discussions qui relèvent de leur initiative, de leurs compétences. Je pense notamment aux règles sur l'Agirc-Arrco, le régime complémentaire de retraite. Il y a des sujets que nous devons aborder, eux et nous, parce qu’en matière d'assurance chômage les règles sont fixées jusqu'au 31 décembre 2023. Et au-delà du 31 décembre, dans le cadre des lois telles qu'elles ont été votées, il faut que les partenaires sociaux se saisissent à nouveau de ce sujet-là. Et donc nous allons essayer de poser, ça ne veut pas dire trouver des points d'accord sur le fond mais voir quels sont les sujets qui sont prioritaires, à quelle échéance ils sont abordés et avec quelle méthode.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous souhaitez que ce CDI senior et l’index senior entrent en vigueur ?
OLIVIER DUSSOPT
Je souhaite qu’ils soient au menu des discussions des partenaires sociaux. Et si les partenaires sociaux considèrent que ce sont de bonnes mesures et s'ils aboutissent à un accord, parce qu’il y a plusieurs étapes, interprofessionnel, le président de la République, la Première ministre, moi-même avons dit que s’il y avait un accord dans ce cadre-là et sur ces sujets-là, nous ferions comme sur la question du partage de la valeur : c'est-à-dire une transposition de l'accord intégralement et fidèlement.
ORIANE MANCINI
Il y a trois têtes nouvelles chez les partenaires sociaux, au MEDEF, à la CGT, à la CFDT. Est-ce que c'est une chance ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas si c'est une chance parce que ça n'est pas au gouvernement de choisir ses interlocuteurs.
ORIANE MANCINI
Bruno LE MAIRE l’a un peu dit hier : c’est une chance, ça apporte un nouveau regard.
OLIVIER DUSSOPT
C’est le fruit de résultats et de congrès.
ORIANE MANCINI
Vous ne dites pas la même chose.
OLIVIER DUSSOPT
Chacun vient avec sa personnalité, Sophie BINET pour la CGT, Marylise LEON à la CFDT, Patrick MARTIN qui a une grande qualité à mes yeux : c'est qu'il est Rhônalpin, donc nous avons ces origines géographiques en commun.
ORIANE MANCINI
Vous l’avez déjà rencontré ? C’est le nouveau patron du MEDEF.
OLIVIER DUSSOPT
Nous nous connaissions bien lui et moi et depuis longtemps, parce qu'il a été en responsabilité dans ma région, parce qu'il est numéro deux de de Geoffroy ROUX de BEZIEUX depuis longtemps et que nous avons l'habitude de nous voir. C'est un choix des partenaires sociaux. Oui, Bruno LE MAIRE a raison : ça apporte un nouveau regard, ça apporte une forme de renouvellement, c'est le principe même. Ça ne change pas les positions de fond des organisations et ce sont ces positions qui, à mes yeux, sont les plus importantes, au-delà des questions de personnes.
ORIANE MANCINI
Le Sénat entame aujourd'hui l'examen du projet de loi pour le plein emploi. Est-ce que vous pensez toujours obtenir le plein emploi en 2027 ? Parce qu’hier Bruno LE MAIRE avait l'air assez pessimiste sur les prévisions de croissance.
OLIVIER DUSSOPT
C’est l’objectif. Il y a des prévisions de croissance qui sont impactées, qui sont touchées. Les questions liées à l'inflation, à l'énergie, à l'instabilité géopolitique. Nous continuons à avancer.
ORIANE MANCINI
Mais vous pensez que l’objectif du plein emploi en 2027 est tenable ?
OLIVIER DUSSOPT
Je le crois. Je le crois et je crois qu’il faut redoubler d'efforts. Au premier trimestre 2023, notre économie a créé plus de 80 000 emplois nets, et par ailleurs l'emploi que nous créons - c'était 50 000 au quatrième trimestre 2023 (sic) - nous avons créé 1,8 million d’emplois depuis. L'économie a créé 1,8 million d’emplois depuis 2017 et nous nous rapprochons du plein emploi et des 5 %. Et il y a un point qui est qui est intéressant et important, c'est que lorsqu'on regarde les indicateurs sur la qualité de l'emploi et de la nature des emplois crées, pour la première fois depuis une vingtaine d'années en 2022, et ça se poursuit au premier trimestre 2023, 52 %, c'est-à-dire plus de la moitié - ça n'était pas arrivé depuis des années et des années – 52 % des nouveaux contrats sont des CDI. Ça signifie qu'on crée de l'emploi et qu’en plus cet emploi n'est pas de l'emploi précaire comme on l'entend souvent mais plutôt un emploi qui s'améliore en termes de stabilité et de durée des contrats. C’est l'effet des réformes que nous avons menées, notamment sur le bonus-malus. C'est l'effet des tensions de recrutement qui incitent aussi les employeurs à proposer plus de CDI. Et c'est une amélioration de la qualité d'emploi dont chacun peut se satisfaire.
ORIANE MANCINI
La principale mesure de ce texte, c'est la création du réseau France Travail. C'est pour mieux coordonner les acteurs du service public de l'emploi et permettre aux demandeurs d'emploi et aux allocataires de n'avoir qu'un interlocuteur, une porte d’entrée.
OLIVIER DUSSOPT
Plus longtemps et le plus souvent possible effectivement.
ORIANE MANCINI
Les sénateurs, ils ne veulent pas que. Pôle emploi soit rebaptisé. Est-ce que vous allez y arriver ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a deux sujets. Il y a un réseau France Travail qui va réunir tous les acteurs de l'emploi et mieux les coordonner. C'est aujourd'hui Pôle emploi, ce sont les missions locales, Cap emploi pour les personnes en situation de handicap. Les sénateurs en commission a ajouté les maisons de l'emploi, les plans locaux d'insertion par l'économie et l'emploi, ce qui est une bonne chose. Donc ça, c'est le réseau France Travail. Et nous, nous pensons que l'opérateur principal, celui qui est le plus connu aujourd'hui, celui qui va être en charge de la production des référentiels, des systèmes d'information - parce que c'est très technique mais c'est le nerf de la guerre - donc Pôle emploi gagnerait, gagne à transformer et à changer lui aussi de nom pour que ce soit plus visible et devenir France Travail. Les sénateurs disent : le réseau s’appelle France Travail, l'opérateur va s'appeler France Travail, il y a un risque de confusion.
ORIANE MANCINI
Il va y avoir confusion.
OLIVIER DUSSOPT
Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous avons trois jours de débats devant nous. Je pense que les travaux qui ont été faits en commission par les sénateurs de la Commission des affaires sociales sont des travaux de bonne qualité. Il y a quelques points sur lesquels nous avons des désaccords et c'est normal, ça s'appelle le débat parlementaire. Je vais défendre le point de vue du gouvernement devant le Sénat à partir de cet après-midi, et puis nous allons continuer. Le texte sera adopté à l'Assemblée nationale – examiné, pardon à l'Assemblée nationale à l'automne. (coupure d’images) Nous pouvons trouver à la fois sur la question de l'organisation et de l'amélioration du service public de l'emploi autour du réseau et de ce projet France Travail. Sur la question de l'accompagnement des allocataires du RSA avec cet objectif de…
ORIANE MANCINI
On va en parle de France Travail.
OLIVIER DUSSOPT
Et sur l’emploi des personnes en situation de handicap, on peut trouver beaucoup plus de convergence que de différence.
ORIANE MANCINI
On va parler du RSA mais sur France Travail, il y a un autre sujet d'inquiétude, c'est la place des collectivités.
OLIVIER DUSSOPT
Elle se renforce.
ORIANE MANCINI
Le Sénat veut faire en sorte que les collectivités conservent leurs prérogatives. Par exemple, Régions de France dénonce un projet recentralisateur.
OLIVIER DUSSOPT
Il faut nous dire en quoi. Il n'y a aucune disposition, il n'y a pas une virgule dans le texte, pas une, qui modifie les compétences des collectivités locales. Ni la répartition entre l'Etat et les collectivités, ni la répartition entre les collectivités entre elles. Pas une ligne. Donc je veux bien qu'on nous dise que c’est recentralisateur mais il faut nous dire pourquoi. Et d'ailleurs, il y a treize régions en métropole et sur les treize régions, nous en avons six qui ont soit signé soit voté avec l'Etat, avec le gouvernement pour mettre en place des protocoles de préfiguration de France Travail en parallèle au débat parlementaire. C'est la preuve que ça ne va pas si mal dans les relations avec chacune des régions sur ce sujet-là. De la même manière, je sais qu'il y avait des inquiétudes sur les missions locales. Les missions locales restent les missions locales. Elles gardent leur statut et elles continueront à être financées par l'Etat et non pas par l'opérateur, qu'il s'appelle Pôle emploi ou France Travail. Donc nous allons le faire. Les collectivités, nous leur donnons plus de place parce qu'elles siégeront toutes au comité national, elles siégeront au comité régional avec un pilotage Etat-région, au comité départemental avec un pilotage Etat-département, et puis nous voulons des comités France Travail par bassin de l'emploi. Et la grande nouveauté pour les collectivités, c'est qu'en siégeant dans ces comités France Travail, elles vont participer à définir les priorités de la politique de l'emploi, priorités que l'opérateur - aujourd'hui Pôle emploi, peut-être demain France Travail - sera chargé de mettre en oeuvre. Donc nous leur donnons une place dans la définition des priorités du service public de l'emploi, c'est plutôt une amélioration qu'un retrait.
ORIANE MANCINI
L'autre question, l'autre partie de ce texte, c'est la question du RSA. Vous souhaitez une contrepartie dans une logique de droits et de devoirs - c'est ce que vous dites - et donc 15 à 20 heures d'activité hebdomadaire pour les allocataires. Sauf que ce n'est pas inscrit dans la loi, les sénateurs veulent que ce soit inscrit dans la loi. Est-ce qu’il n’y a pas un manque de courage politique à ne pas l’inscrire noir sur blanc ?
OLIVIER DUSSOPT
Non. Deux points. D'abord ce que nous voulons effectivement, c’est revenir à l'esprit du RMI. En 1988 quand le RMI a été créé, c'était considéré à juste titre comme un revenu de subsistance - personne n'est riche au RSA - accompagné d'une logique d'insertion d’un contrat d'engagement que nous voulons rénover, parce qu'aujourd'hui moins de la moitié des allocataires se voient proposer un contrat d'engagement réciproque. Et donc il faut réinvestir sur l'accompagnement, parce que la meilleure des choses à faire quand on parle des allocataires du RSA, c'est de considérer que la vraie solidarité c’est de les sortir du RSA, de les aider à en sortir. Et nous ne sommes pas quittes de notre devoir de solidarité quand nous avons versé 607 euros à un homme ou une femme sans revenus. Nous en sommes quittes lorsqu'on l'a aidé à sortir du RSA. Nous avons écrit dans la loi que ce contrat d'engagement réciproque doit tenir compte de l'âge, du niveau de formation, de l'endroit où on vit, des freins. Les freins, c'est est-ce que vous avez une voiture, est-ce que vous avez une possibilité de déplacement, est-ce que vous avez des enfants et une possibilité de garde d'enfants ? Les sénateurs souhaitent que ces 15, 20 heures, que les 15 heures soient inscrites comme un minima. Je comprends la démarche mais j’ai deux interrogations que je partagerai avec le Sénat. La première, c'est que nous savons qu'un certain nombre d'allocataires du RSA sont trop éloignés de l'emploi et, malheureusement, ont une vie tellement cabossée que 15 heures d'entrée comme ça, c'est trop compliqué et il faut être certainement plus progressif. C'est d'ailleurs pour ça qu'à l'article 6 du projet de loi, nous avons prévu que pour certains - les plus en difficulté - il puisse y avoir un accompagnement social avant d'envisager l'accompagnement professionnel. La deuxième difficulté, la deuxième interrogation, c'est que nous sommes dans une mise en place progressive. 15-20 heures d'activité, il faut pouvoir faire en sorte qu'elle soit adaptée, personnalisée partout sur les territoires. Aujourd'hui, songez qu'il y a un allocataire sur 100, presqu’un allocataire sur 5, 18 %, qui n'a aucun suivi.
ORIANE MANCINI
Mais du coup, est-ce que vous êtes prêt quand même à réfléchir là-dessus avec les sénateurs ou ça ne sera pas inscrit ?
OLIVIER DUSSOPT
Dans 15 départements, c'est un sur 3. Je suis prêt à travailler avec les sénateurs pour trouver une formulation qui permette à la fois de respecter leur volonté, parce que je la partage et que l'objectif du gouvernement, c'est que le maximum, et en vérité tous les allocataires puissent accéder à 15 à 20 heures d'activités d'insertion et d'accompagnement, tout en veillant à ce que pour celles et ceux pour lesquels ça ne sera pas possible - parce que nous avons des hommes et des femmes qui sont très abîmés par la vie, très cabossés et qu'il faut respecter - il puisse y avoir des possibilités dérogatoires de manière à ce que ce soit progressif. Beaucoup de sénateurs sont ou ont été élus locaux, ont siégé dans des départements, ont siégé dans des commissions qui instruisent les questions relatives au RSA ils savent cette réalité.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur le RSA. Est-ce qu'il faut le suspendre pour les parents de mineurs délinquants comme le demandent Les Républicains ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne suis pas persuadé que la suspension du RSA soit une solution à un problème de parentalité. Il y a d'autres motifs. Je pense que les parents de très jeunes mineurs - on a vu dans les derniers incidents des mineurs de 11, 12, 13, 14 ans - doivent être mis face à leurs responsabilités.
ORIANE MANCINI
Mais pas via le RSA pour vous.
OLIVIER DUSSOPT
Je crois plus à la contravention, je crois plus aux dédommagements qu'à la suspension d'un minimum de subsistance. Parce que parfois, vous savez, il y a des fratries, il y a des frères et soeurs qui n'ont pas commis les mêmes actes qu’un grand frère ou un petit frère qui aurait fait une énorme bêtise et même commis un délit et qui mériterait sanction.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot Olivier DUSSOPT. Il y a des rumeurs de remaniement qui sont de plus en plus insistantes, est-ce que vous êtes inquiet ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous avez dit le mot : « il y a des rumeurs », et donc les rumeurs ça ne se comment pas. L’essentiel, c'est d'être au travail. Tout ça n'appartient qu'au président de la République.
ORIANE MANCINI
Pas d’inquiétude de votre côté.
OLIVIER DUSSOPT
La question n'est pas là, ça appartient au seul président de la République.
ORIANE MANCINI
Et on suivra, bien sûr, l'examen du projet de loi pour le plein emploi. Ce sera à partir de cet après-midi dans l'hémicycle du Sénat. Merci beaucoup.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
Merci Olivier DUSSOPT d'avoir été notre invité.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 11 juillet 2023