Texte intégral
STEPHANIE DE MURU
Bonjour Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
STEPHANIE DE MURU
Merci d'avoir accepté notre invitation. Alors, les nuits de violences sont derrière nous, en tout cas on l'espère fort, l'heure est au bilan, on parle de plus de 1100 bâtiments publics touchés, dont 269 commissariats et 243 écoles, est-ce que vous avez déjà une idée du coût de la reconstruction et de sa durée ?
STANISLAS GUERINI
Pas nécessairement sur le coût, il sera évidemment très important, il sera très important aussi en termes de services publics, qu'on aura du mal à rendre dans certains lieux. Vous savez, il y a beaucoup d'agents publics, des travailleurs sociaux, des gens qui donnent des droits au fond, qui ont été extrêmement choqués, parfois de revenir le matin et de voir le lieu où ils exerçaient, un centre social, une maison France service, incendié, et parfois de faire face à des usagers qui ne comprenaient pas qu'on ne puisse pas justement leur assurer leurs droits. Donc je crois qu'on a à la fois un impératif, c'est de protéger nos agents publics, de les accompagner, moi j'ai voulu déclencher très rapidement un plan pour pouvoir les accompagner, travailler différemment, déclencher parfois la protection fonctionnelle, c'est la responsabilité aussi de l'employeur public, de l'Etat, de pouvoir protéger les agents publics, et puis de reconstruire. Dans tous ces lieux où on rend du service public parfois il va falloir faire différemment, vous savez quand il y a une mairie qui a été incendiée, il y avait parfois une maison France services à l'intérieur, eh bien il va falloir faire différemment, c'est-à-dire avoir des agents publics qui sont dans un autre bâtiment…
STEPHANIE DE MURU
Justement, comment vous faites différemment, parce que votre rôle en tant que ministre de la Fonction publique c'est d'assurer la continuité de ces services publics, ça sera possible quand on voit les chiffres terribles, 243 écoles détruites, tout le monde pourra aller à l'école à la rentrée ?
STANISLAS GUERINI
A chaque fois, vraiment votre question c'est l'occasion pour moi de rendre hommage aux agents publics, ils sont parfois critiqués, les fonctionnaires, tous ceux avec lesquels j'ai pu échanger, j'ai échangé avec de nombreux fonctionnaires ces derniers jours, ils avaient une obsession, c'était la continuité du service public, ils sont là pour ça, et la première question qu'ils se sont posées c'est comment est-ce que je vais continuer à faire mon devoir, et donc on va trouver les solutions…
STEPHANIE DE MURU
Et ils vont pouvoir le faire…
STANISLAS GUERINI
Oui.
STEPHANIE DE MURU
Les écoles seront ouvertes à la rentrée ?
STANISLAS GUERINI
Oui, parce qu'on va pouvoir placer les agents dans d'autres bâtiments, parfois, vous voyez, on développe des bus pour pouvoir justement aller aider nos concitoyens, ceux qui sont parfois les plus éloignés, du numérique par exemple, pour rendre ce service-là, poursuivre les choses, donc il y a un certain nombre de développements qu'on prévoyait de faire pour améliorer nos services publics, mais là, à très court terme, moi je vais mobiliser tous les moyens pour pouvoir le plus rapidement possible assurer cette continuité du service public, c'est notre mission, c'est notre responsabilité.
STEPHANIE DE MURU
En tout cas Emmanuel MACRON a annoncé un plan d'urgence de reconstruction, ça a suscité beaucoup de réactions de Français, on l'a entendu ici même sur notre antenne, les auditeurs qui ne sont pas forcément ravis, voire même en colère, de payer les dégâts des casseurs avec leurs impôts, alors c'est vrai Stanislas GUERINI que c'est moralement difficilement acceptable de demander à des Français, à des citoyens, qui respectent la loi, de payer pour des délinquants, surtout quand on demande des efforts aux Français, après par exemple la séquence des retraites.
STANISLAS GUERINI
Bien entendu, bien entendu, et d'ailleurs il faut systématiquement le rappeler. Parmi les millions de personnes qui vivent dans les villes qui ont vécu ces épisodes-là, de violences urbaines, c'est une infime minorité, quelques milliers de personnes…
STEPHANIE DE MURU
Oui, mais qui a fait beaucoup de dégâts.
STANISLAS GUERINI
Enormément, et qui sont venus casser, parfois on les présentait, j'entendais certaines forces politiques, la France insoumise les présentait comme des héros révoltés, les comparait à la Révolution, mais quelle perte de repères totale, quelle perte de repères totale…
STEPHANIE DE MURU
Ils sont sortis du champ républicain clairement, pour vous.
STANISLAS GUERINI
Quand on refuse d'appeler au calme, quand on inverse systématiquement les valeurs républicaines, oui, je crois que d'évidence on sort du champ républicain, quand on fait de héros des gens qui sortent de magasins en pleine nuit en étant allé piller un Darty ou d'autres types de magasins, mais comment est-ce qu'ensuite on peut présenter un socle de valeurs cohérent à nos concitoyens ?
STEPHANIE DE MURU
La France insoumise qui s'en prend toujours évidemment aux policiers, c'est leur rhétorique. Des dégâts matériels, mais aussi corporels sur ces policiers, on a dénombré plus de 800 agents, policiers et gendarmes, blessés, vous êtes aussi garant de leur protection, ils sont parfois ciblés jusqu'à dans leur vie personnelle, ça vous inquiète ?
STANISLAS GUERINI
D'abord je veux dire qu'ils sont très courageux. J'étais il y a quelques jours avec le ministre de l'Intérieur, avec Gérald DARMANIN, on est allé à la rencontre de policiers, policiers qui sont parfois blessés, ils sont extrêmement nombreux, vous avez eu raison de le rappeler…
STEPHANIE DE MURU
Qui ne sentent pas toujours soutenus par le pouvoir !
STANISLAS GUERINI
Ils sont extrêmement soutenus, et par le pouvoir, mais surtout par les Français, c'est ça qui importe, n'oublions pas que les Français, massivement, soutiennent les forces de police, soutiennent les gendarmes, soutiennent les sapeurs-pompiers, soutiennent ceux qui sont là pour eux avant tout, pour assurer la protection de nos concitoyens, donc oui… (…) là non plus n'inversons pas les choses, moi je veux aussi saluer leur remarquable sang-froid dans ces nuits de violences urbaines que nous avons vécues, ils ont tout fait, tout fait, pour…
STEPHANIE DE MURU
Le soutien a un petit peu traîné, quand Emmanuel MACRON a pris la parole c'est vrai qu'on a eu beaucoup de policiers qui nous ont dit " voilà, nous on ne se sent pas soutenu, on se sent critiqué, pas soutenu par le gouvernement. "
STANISLAS GUERINI
Je crois que c'est vraiment très sincèrement difficile de faire le procès du gouvernement en indiquant qu'on ne soutient pas les forces de l'ordre, on le fait de toutes les façons possibles, d'abord en défendant l'action des forces de l'ordre, de façon extrêmement juste, le ministre de l'Intérieur, la Première ministre, a eu les mots justes en disant que c'est un policier qui était mis en examen, que ce n'était pas la police qui était accusée dans cette affaire-là, et donc il faut le faire, le faire aussi en leur donnant les moyens de pouvoir assurer, là aussi, leurs devoirs, en mettant plus de policiers dans la rue, en mettant des moyens parfois sur des choses très concrètes, en équipements, en voitures. Voyez, quand on va avec les forces de l'ordre, c'est ces discussions-là qu'on a en réalité.
STEPHANIE DE MURU
Vous l'avez dit, Stanislas GUERINI, des policiers soutenus massivement par les Français, le baromètre IFOP-Fiducial pour Sud-Radio paru ce matin indique que 60% des Français ont une opinion positive, c'est +3 points qu'avant les événements, il y a aussi eu cette fameuse cagnotte dont on a beaucoup parlé, 1,6 million recueilli en soutien au policier qui a tué pourtant le jeune Nahel. Ça dit quoi de l'esprit des Français…
STANISLAS GUERINI
Voyez, là il ne faut pas tout confondre non plus…
STEPHANIE DE MURU
Il y a, en quelque sorte, une France fracturée, ils ont choisi leur camp ?
STANISLAS GUERINI
Non, il ne faut pas tout confondre non plus, moi je ne mets pas le sondage que vous citez, qui montre que très majoritairement les Français soutiennent les forces de l'ordre dans leur action et puis cette cagnotte d'instrumentalisation politique d'un drame, d'un drame humain, il faut aussi le rappeler systématiquement, un jeune homme qui est mort, et ça c'est évidemment avant tout un drame. Donc ne confondons pas tout, je crois que ce sont des moments où il faut garder des repères, il ne faut pas perdre sa boussole dans ces moments-là, je crois que notre responsabilité aussi c'est pouvoir apaiser, c'est de pouvoir continuer à avancer, je crois qu'on a aussi fait le procès de la politique de la ville, de l'argent que nous avions investi, sans la politique de la ville on serait dans une situation bien pire, donc ne perdons pas tous ces repères et surtout évitons, dans des moments qui sont éminemment compliqués, difficiles…
STEPHANIE DE MURU
Les polémiques en tout cas.
STANISLAS GUERINI
Oui, de sortir tout le temps les mêmes idées que chacun a eues et remet dans le débat public immédiatement, avec une forme de réflexe pavlovien, je crois qu'on doit avoir du calme, c'est ça la priorité, pour pouvoir ensuite avancer.
STEPHANIE DE MURU
Il n'y a pas que les policiers évidemment qui sont visés, d'autres agents du service public qui sont régulièrement la cible de violences, notamment dans les hôpitaux, qu'est-ce que vous faites ?
STANISLAS GUERINI
Bien sûr. Vous savez, on a vécu des drames ces derniers temps, il ne faut pas que les épisodes les plus récents nous fassent oublier des agents, une infirmière qui a perdu la vie, une professeure, j'étais allé voir son compagnon, et ce sont des moments, évidemment, à chaque fois terribles, mais aussi toutes ces incivilités du quotidien, tous les réseaux qui sont en contact avec le public, nous remontent cela, il y a un niveau, une intensification des incivilités, sur les agents publics, qui pourtant…
STEPHANIE DE MURU
Quelle est votre réponse ?
STANISLAS GUERINI
Rendent ce devoir-là. D'abord de rappeler le droit, c'est ce que j'ai fait il y a quelques jours en indiquant l'ensemble des dispositifs de protection des agents, dans le cadre de leurs fonctions, une administration elle peut accompagner un agent qui est menacé, elle en a même la responsabilité et le devoir, et donc il faut mieux mettre en application ces dispositifs, et je le rappelle, avec des dispositifs qui ont été durcis, sur des gens qui commettent des menaces, voire des violences, sur des agents publics, il y a des sanctions qui seront renforcées et qui ont été renforcées. Je crois qu'on peut aller plus loin, pour mieux mesurer, pour équiper les administrations, un certain nombre d'administration ont mis en place des boutons d'alerte, des caméras de vidéosurveillance, je pense qu'on peut déployer plus massivement, on pourrait améliorer aussi parfois le droit, c'est un débat qu'on aura, faire en sorte qu'une administration elle puisse porter plainte en lieu et place d'un agent public par exemple. Aujourd'hui quand une administration elle ne subit pas un dommage direct, c'est l'agent qui le subit, elle ne peut pas se mettre à la place de l'agent pour porter plainte, voyez, c'est autant de sujets sur lesquels je crois qu'on a la responsabilité…
STEPHANIE DE MURU
Donc des mesures concrètes en tout cas.
STANISLAS GUERINI
De pouvoir avancer, de devoir avancer, je formulerai des propositions dans ce sens.
STEPHANIE DE MURU
Très bien. Stanislas GUERINI, à qui profite politiquement cette séquence d'émeutes, c'est un peu cynique évidemment de se poser la question, mais forcément tout le monde se la pose ? selon le sondage du jour, toujours IFOP-Fiducial pour Sud-Radio, c'est Marine LE PEN, sans surprise certainement, qui en tire les bénéfices, ses prises de position sont saluées par 41% des Français, devant Gérald DARMANIN 33%, et Elisabeth BORNE 31%. Marine LE PEN qui tient un discours d'ordre et d'autorité, ça vous inspire quoi, c'est ce qui manque au gouvernement ?
STANISLAS GUERINI
Moi je crois, la question que vous me posez, à qui profite cette séquence…(…) ça c'est certain, visiblement pas à ces millions de Français qui ont besoin des services publics, qui ont besoin d'être accompagnés et qui subissent extrêmement directement cela, moi il n'y a que ça qui m'intéresse, je ne suis pas très surpris de voir que les populistes, l'extrême-droite en l'occurrence, surfent toujours sur les mêmes difficultés, c'est le seul carburant, dès qu'il y a des problèmes ils en profitent, et d'ailleurs ils en profitent particulièrement quand ils restent silencieux, donc moi…
STEPHANIE DE MURU
Mais Stéphanie de MURU, c'est aussi une demande des Français, vous le sentez bien…
STANISLAS GUERINI
Je crois que notre seule responsabilité, en tant que gouvernement, c'est d'agir pour régler les problèmes, et c'est comme ça qu'on fait reculer les populistes dans le pays, à chaque fois qu'on réindustrialise, qu'on remet des services publics…
STEPHANIE DE MURU
Eh bien là ils sont plutôt en vogue dans les sondages effectivement.
STANISLAS GUERINI
Qu'on apporte des solutions, on fait reculer, alors sans surprise, quand il y a des difficultés et des problèmes, eh bien ils justement vivent de ces problèmes-là et donc ils en profitent.
STEPHANIE DE MURU
Les LR ont présenté hier un plan pour rétablir l'ordre républicain, ils critiquent clairement votre politique sécuritaire, ils demandent de durcir notamment la loi d'immigration, ils vous accusent de vous cacher les yeux sur cette question, c'est une attente de la majorité des Français, 84% selon un sondage ODOXA-Figaro aujourd'hui, lient ces violences à l'immigration. Vous allez bouger vos lignes sur le régalien ?
STANISLAS GUERINI
Je pense qu'il ne faut pas tout mélanger. Il y a une grande lucidité au sein de la majorité sur le fait de la nécessité d'agir pour mieux pouvoir réguler l'immigration, pour pouvoir aussi mieux intégrer des gens qui sont là, qui travaillent, et qui sont utiles à notre pays, donc il n'y a pas une majorité qui s'est réveillée sur ces questions-là, depuis quelques mois déjà on a mis sur la table un projet de loi pour avancer sur ces questions-là, sur lequel évidemment que les Français nous attendent.
STEPHANIE DE MURU
Mais jugé trop mou par une partie, notamment de la droite avec laquelle vous devriez faire un accord pour que votre loi passe.
STANISLAS GUERINI
Après, faire tous les liens… voyez j'entends, pardon, mais j'entends ces derniers jours des propos qui moi me heurte, on voit revenir la rhétorique des Français de papiers, qui est la plus terrible des rhétoriques. Il y a des Français qui aiment notre pays, qui veulent agir, et qui veulent s'intégrer, je crois que ça c'est une ligne qu'on peut entendre. Donc, ne confondons pas tout, ne ressortons pas, je le disais, les vieilles antiennes, à chaque fois qu'il y a une difficulté de croire que c'est tout le temps lié à l'immigration. Vous savez dans beaucoup de villes, qui ont subi ces violences ces derniers jours, il y a beaucoup de personnes, le ministre de l'Intérieur l'a rappelé, qui étaient Français, qui ont été justement incriminées dans ces actes de violence. Donc, pas de confusion, avançons, répondons aux enjeux que les Français nous demandent de régler, l'immigration fait partie de ces enjeux-là, sur lequel on doit avancer, on doit être plus efficace, améliorer nos procédures, et je pense qu'il ne faut pas à faire toutes les confusions et légiférer systématiquement dans l'émotion.
STEPHANIE DE MURU
Malheureusement on arrive déjà à la fin de cette interview Stanislas GUERINI, je ne pouvais pas finir sans vous interroger sur les conclusions de cette enquête sénatoriale et un rapport d'inspection sur les fonds Marianne, ces fonds de 2,5 millions mis en place quelques mois après l'assassinat de du professeur Samuel PATY. Clairement ils accablent votre collègue Marianne SCHIAPPA, qualifiant le processus de sélection de bâclé, d'opaque et de fragmenté, clairement, Stanislas GUERINI, Marianne SCHIAPPA peut-elle rester au gouvernement ?
STANISLAS GUERINI
Elle s'appelle Marlène.
STEPHANIE DE MURU
Marlène, pardon, oui, Marlène, excusez-moi.
STANISLAS GUERINI
Le fait que vous l'appelez Marianne est une forme d'hommage à son combat républicain, pour justement faire respecter les valeurs de la République. Moi j'ai une collègue qui est courageuse, qui est engagée sur ces questions-là, qui a parfois été attaquée, justement parce qu'elle s'engageait sur ces questions-là, et je suis fier d'être à côté d'elle pour mener ces actions, donc on va continuer comme ça.
STEPHANIE DE MURU
Merci beaucoup Stanislas GUERINI, ministre de la Transformation et de la Fonction publique.
STANISLAS GUERINI
Merci à vous.
STEPHANIE DE MURU
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2023