Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec RFI le 5 août 2023, sur la situation politique au Niger.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q - Vous avez rencontré le Premier ministre nigérien, y a-t-il des décisions qui ont été prises avec lui, et vous a-t-il donné des nouvelles du président Bazoum ?

R - C'est le gouvernement légitime du Niger qui est notre interlocuteur. Donc le Premier ministre et moi venons de nous entretenir pour constater que la communauté internationale est unanime à condamner cette tentative, condamner cette aventure menée par quelques militaires au Niger pour demander le retour immédiat à l'ordre constitutionnel, demander la restauration de la démocratie au Niger et avoir assorti à ces demandes très claires, d'une part, de mesures qui sont d'ores et déjà appliquées par la CEDEAO, et également, assorti d'un délai, d'une menace qu'il faut prendre très au sérieux d'intervention d'une force régionale si les putschistes devaient ne pas écouter les demandes des chefs d'Etat de la région, et devaient ne pas restaurer la démocratie immédiatement, c'est-à-dire dans le délai de sept jours, lequel expire demain, dimanche.

Q - Est-ce que justement la France soutient cette intervention ? Est-ce que la France pourrait avoir un rôle dans cette opération ?

R - Nous n'en sommes pas là. Les décisions qui ont été prises par la CEDEAO constituent une pression, constituent une demande claire de la part des pays de la région, en relayant celle de l'ensemble de la communauté internationale, de restaurer l'ordre constitutionnel, de respecter la volonté du peuple nigérien dans le délai de sept jours. C'est-à-dire, en clair, de renoncer au pouvoir. Ces efforts sont en cours, ils ne sont pas achevés, nous sommes encore à l'intérieur de ce délai. Je crois que la perspective qu'il faille en venir à d'autres moyens doit être prise très au sérieux. Les chefs d'état-major des pays de la région se sont réunis, ont fait des préparatifs. Donc maintenant, il est temps pour les putschistes de renoncer à leur aventure.

Q - La junte, justement, a dénoncé les accords militaires avec la France. Quelle est la mission des militaires français aujourd'hui au Niger ? Et est-ce que vous craignez, éventuellement, qu'ils soient visés ?

R - La présence des forces françaises au Niger se fait sur la base d'accords qui ont été signés avec les autorités légitimes de ce pays il y a plusieurs années, donc elles sont présentes au Niger à la demande de ces autorités. Depuis le coup d'Etat, la France a suspendu sa coopération, tant civile que militaire. Bien évidemment, nous ne reconnaissons pas les décisions prises par les putschistes, nous ne reconnaissons que les décisions des autorités légitimes.

Q - Mais est-ce que cette situation remet en cause le dispositif antiterroriste français imaginé après Barkhane ?

R - Ça n'est pas à l'ordre du jour, même si, je le redis, cette coopération a dû être suspendue. La demande unanime de la communauté internationale est, je le répète, c'est de restaurer la démocratie immédiatement. Donc il y a jusqu'à demain pour renoncer à cet aventurisme, ces aventures personnelles, et restaurer la démocratie au Niger. Les coups d'Etat n'ont pas lieu d'être, ils sont inacceptables, ils font un tort considérable aux pays qui les pratiquent, et il est donc inacceptable, du point de vue de la communauté internationale, du point de vue des pays de la région, et illégitime évidemment, de se lancer dans de telles tentatives. De plus, nous voyons qu'il y a, depuis quelques jours, une répression qui est en cours. Des atteintes à la liberté de la presse, des arrestations de ministres... alors que le Niger qui avait élu démocratiquement son président, doit retourner à l'ordre constitutionnel, doit voir la volonté du peuple nigérien respectée. Voilà le message très clair, et de la France, et de l'ensemble de la communauté internationale. Les coups d'Etat n'ont plus lieu d'être et ne sont plus de mise, c'est le coup d'Etat de trop, c'est inacceptable.

Q - Des nouvelles du Président Bazoum ?

R - Certains ont des contacts avec le Président Bazoum qui, lui-même, en a avec l'extérieur, le Président de la République a eu l'occasion de l'avoir un certain nombre de fois, il correspond avec lui, il n'est pas le seul, j'avais tout à l'heure, lors de l'entretien avec le Premier ministre Ouhoumoudou, à nouveau la possibilité de constater que le Président Bazoum communique avec l'extérieur.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 août 2023