Texte intégral
MAYA LAUQUE
Place à la politique et aux 4V. Jeff WITTENBERG, vous recevez ce matin la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore BERGE. Bonjour à tous les deux.
JEFF WITTENBERG
Bonjour à tous. Bonjour Aurore BERGE.
AURORE BERGE
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Merci d'être avec nous ce matin. Avec vous on va évoquer, on en parlait à 07h30, la politique familiale du gouvernement. Une politique qui est confrontée à la baisse de la natalité, désormais observée d'année en année, on dit que c'est les pires chiffres depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Est-ce qu'on a d'ailleurs la tendance, déjà, pour 2023, alors que 2022 avait déjà marqué une baisse et que le premier semestre n'était pas bon ?
AURORE BERGE
Ce qui est vrai, c'est que depuis 10 ans, vous avez une baisse de la natalité qui s'est aggravée, 2022/2023, on a du mal encore à en expliquer les facteurs. Ce qui m'importe, c'est qu'en fait, on a un décrochage aujourd'hui entre le nombre d'enfants que l'on désire avoir, et puis le nombre d'enfants que l'on a réellement, et donc ça veut dire qu'il faut qu'on accompagne mieux les futurs parents, c'est la raison notamment du congé familial que j'ai pu annoncer, et puis surtout, que les parents se sentent soutenus, qu'il y ait une société aussi beaucoup plus bienveillante vis-à-vis des parents et vis-à-vis des enfants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
JEFF WITTENBERG
Mais, est-ce que vous êtes attentive aussi aux mouvements qui se développent, par exemple de jeunes qui ne veulent pas, qui assument le fait de ne pas vouloir d'enfants ? Il y a un mouvement qui s'appelle « No kid », par exemple, qui a un certain succès. Est-ce que c'est une tendance qui existe et face à laquelle vous devez aussi réagir ?
AURORE BERGE
C'est une tendance qui reste très minoritaire. En réalité, je pense qu'elle est peut-être sur-représentée médiatiquement. Par contre, on a toujours eu à peu près 5 % de personnes qui disaient que quoi qu'il arrive, ils ne voulaient pas avoir d'enfants. Et c'est totalement respectable. L'idée, ce n'est pas de culpabiliser ceux qui ne veulent pas avoir d'enfants, mais ce n'est pas non plus de culpabiliser ceux qui veulent devenir des parents en leur disant qu'ils enfreindraient la planète en le faisant. Donc il faut, à un moment, être modéré.
JEFF WITTENBERG
Mais ce n'est pas un phénomène en augmentation, compte tenu de tout ce qu'on dit sur le réchauffement climatique, collapsologie…
AURORE BERGE
En tout cas, ce n'est pas un phénomène qu'on mesure comme étant en augmentation tendancielle. Non. Je crois qu'il faut juste un peu plus de bienveillance, notamment vis à vis de ceux qui, eux, ont envie d'avoir des enfants. Je rappelle qu'il y a quand même un couple sur quatre aujourd'hui qui souhaite avoir un enfant, qui n'y arrive pas. C'est la question de l'infertilité. C'est un tabou. C'est vécu beaucoup comme une forme de maladie honteuse, alors qu'en fait on peut accompagner, on peut soutenir, et je crois que ça, c'est vraiment notre responsabilité.
JEFF WITTENBERG
Alors, pour donner envie financièrement, si j'ose dire, d'avoir des enfants, vous, vous avez annoncé cette semaine, vous le rappeliez à l'instant, la création d'un congé familial. Alors, qu'on se comprenne bien, ça ne remplacerait pas le congé parental, si j'ai bien compris, ça viendrait à côté, et surtout vous avez dit que ce serait mieux rémunéré que l'actuel congé parental, qui est aujourd'hui de 429 € par mois. Est-ce que vous pouvez être plus précise, madame BERGE ce matin ? Ça veut dire quoi « mieux rémunéré », « beaucoup mieux rémunéré », vous avez même dit ?
AURORE BERGE
Alors, aujourd'hui, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Il y a le congé maternité, évidemment, un congé paternité, et au-delà, il y a un congé parental qui peut aller jusqu'à deux ans ou trois ans s'il est partagé entre les deux parents. Le problème, c'est qu'il est rémunéré au maximum à 430 € par mois. Quand vous gagnez 2 000 ou 3 000 € de revenus et que vous venez d'avoir un enfant, ce qui en général coûte un peu cher, vous pouvez difficilement basculer avec uniquement 430 € d'indemnisation.
JEFF WITTENBERG
Alors, qu'est-ce que vous proposez ?
AURORE BERGE
Donc, l'idée, c'est de dire : on crée un droit supplémentaire, un droit nouveau pour les parents, de manière à ce que, après le congé maternité et paternité, ils aient enfin un congé familial, qu'ils puissent prendre soit en même temps, le père, la mère ou les deux parents, soit successivement, l'un après l'autre, mais qui soit beaucoup mieux indemnisé. L'objectif...
JEFF WITTENBERG
C'est-à-dire ? Pardon, il faut parler chiffres à un moment.
AURORE BERGE
Alors, il faut parler chiffres, c'est pour ça qu'on a lancé des concertations avec les organisations syndicales et patronales. L'idée, c'est évidemment que ce soit proportionné au niveau de revenus que vous aviez auparavant, parce que c'est comme ça que vous avez la possibilité...
JEFF WITTENBERG
Si par exemple vous gagnez 2 000 €…
AURORE BERGE
Vous arrêtez ou pas.
JEFF WITTENBERG
... prenons un cas pratique.
AURORE BERGE
Alors, c'est ça que l'on est en train de définir avec les organisations, mais on ira bien au-delà des 430 €, qui soit aujourd'hui le maximum, quel que soit votre niveau de revenus, et surtout, l'idée, c'est vraiment que ce soit proportionné à votre dernier salaire. Et je crois que c'est important, parce que si vous envisagez d'avoir un enfant, la première question aujourd'hui que vous vous posez, la première angoisse, c'est : comment je vais pouvoir faire garder mon enfant, et est-ce que je vais avoir du temps auprès de mon enfant ?
JEFF WITTENBERG
Je me permets d'insister...
AURORE BERGE
Là, se dire qu'on va pouvoir avoir plusieurs mois auprès de son enfant, qu'on soit le père, la mère, l'un des deux parents, eh bien je crois que c'est assez déterminant.
JEFF WITTENBERG
Proportionné, ça pourrait être quoi, la moitié d'un salaire ?
AURORE BERGE
On est en train d'y réfléchir, le mieux possible, de manière encore une fois à ce que les familles, notamment les classes moyennes, ne renoncent pas à la possibilité, parce que c'est un droit, ce sera une liberté nouvelle qui leur sera accordée, de passer du temps auprès de leur jeune enfant.
JEFF WITTENBERG
Que ce soit le père ou la mère, disiez-vous…
AURORE BERGE
Bien sûr.
JEFF WITTENBERG
Il y a 1 %, on l'entendait dans le reportage de 07h30, des pères qui prennent leur congé parental, donc c'est plus qu'une écrasante majorité qui sont des mamans, d'abord.
AURORE BERGE
Mais c'est aussi très lié à la question de l'égalité professionnelle. Quand vous continuez à avoir des écarts salariaux entre les femmes et les hommes, si le salaire le plus important, reste celui du père, eh bien évidemment, la corrélation, c'est que c'est plus difficile de vous arrêter quand vous êtes le salaire le plus important. Donc c'est les deux sujets qu'on doit affronter de front. C'est la question évidemment de l'égalité salariale, professionnelle, entre les femmes et les hommes. Le fait qu'il faut sortir de cette logique qui fait que quand vous êtes une femme et que vous avez un enfant, vous avez une rupture très violente dans votre progression en termes de carrière, et faire en sorte aussi de mieux rémunérer, de mieux indemniser ce nouveau congé familial.
JEFF WITTENBERG
Il y a aussi le sujet des familles monoparentales, des familles recomposées, du rôle des beaux parents. Tout ça, c'est dans votre portefeuille. Comment vous faites connaître cette politique ? Aujourd'hui vous êtes là pour en parler, mais est ce que tous les Français connaissent les dispositifs que vous voulez proposer ? Bon, aujourd'hui il y a le congé familial, comment vous allez mieux faire connaître cette politique ?
AURORE BERGE
Je crois surtout qu'aujourd'hui il y a trop de dispositifs et que les parents se sentent un peu paumés, si on se dit les choses, sur comment je peux être accompagné, mieux soutenu. Les 1 000 premiers jours de la vie de mon enfant, la question de l'adolescence, la question des moments clés de la vie des familles. C'est pour ça que moi je veux engager un Tour de France de la parentalité...
JEFF WITTENBERG
Un tour de France de la parentalité.
AURORE BERGE
Un tour de France de la parentalité, aller dans les villes qui expérimentent des choses qui sont nouvelles. Vesoul, ils sont extrêmement engagés sur la parentalité. A Arras, ils ont développé des programmes sur les 1 000 premiers jours, au Havre ils sont engagés sur les maternités précoces. Donc l'idée, c'est d'aller partout, où encore une fois, on a les villes qui innovent et mettre autour de la table des magistrats, des pédopsychiatres, les parents, les associations familiales, les enseignants, tout ceux qui finalement créent une alliance autour de nos enfants et autour des parents.
JEFF WITTENBERG
Ce Tour de France, que vous nous révélez ce matin, vous allez vous-même donc l'incarner.
AURORE BERGE
Bien sûr.
JEFF WITTENBERG
Vous allez vous rendre dans ces villes, que vous avez citées ?
AURORE BERGE
Bien sûr, dès début décembre. L'idée, c'est d'engager le maximum de débats possibles, de manière à ce qu'on identifie avec les parents ce qui bloque aujourd'hui, ce qui est vraiment...
JEFF WITTENBERG
C'est une sorte de grand débat, dont parfois il n'est pas sorti de décisions toujours très concrètes.
AURORE BERGE
Il est sorti des décisions concrètes, et l'idée c'est encore une fois, qu'on ait, non pas un empilement du dispositif, mais de la clarté dans ce que l'on met en oeuvre, pour accompagner les parents. L'idée, ce n'est pas encore une fois d'empiler ou de créer des nouvelles choses, c'est de regarder concrètement ce qui fonctionne, en mettant autour de la table les bons acteurs, les acteurs qui parfois ne se parlent pas, des acteurs du monde de la justice, du monde éducatif, les élus locaux, des pédopsychiatres de manière tout simplement à être plus présents parce que c'est aussi un enjeu de politiques publiques. Puis, vous l'avez dit, d'autres très beaux chantiers. : il y a 800 000 familles recomposées, ça pose par exemple la question du statut des beaux-parents qui parfois les ont élevés depuis le tout commencement de la vie de l'enfant mais qui n'ont pas de lien avec eux, qui ne peuvent pas faire de donation, qui se posent la question de la succession.
JEFF WITTENBERG
Donc ça, vous voulez le réformer.
AURORE BERGE
Evidemment.
JEFF WITTENBERG
Ministre des Solidarités et des familles, vous êtes concernée par tous les stades de la vie, de son commencement jusqu'à sa fin. La question de la fin de vie, elle est dans l'actualité puisqu'Emmanuel MACRON a promis un projet de loi avant la fin de l'année. Est-ce que vous confirmez qu'il y aura une loi qui sera proposée au Conseil des ministres sur la fin de vie avant le 31 décembre ?
AURORE BERGE
Il y a un engagement qui a été pris : faire en sorte que dans ce mandat surtout, on puisse mieux réfléchir à comment on fait en sorte d'accompagner cette fin de vie, ce qui n'est pas uniquement la question de l'aide active à mourir, qui est comment on accompagne mieux sur les soins palliatifs. Moi ce qui me concerne, c'est comment on accompagne aussi beaucoup mieux les familles. Ce n'est pas uniquement la personne, c'est aussi tout l'entourage, toute la famille qui doit être beaucoup mieux soutenue et beaucoup mieux accompagnée.
JEFF WITTENBERG
Ça, ce sont les principes madame BERGE. Est-ce que vous, par exemple, vous êtes favorable à l'instauration du suicide assisté, puisque c'est une des options qui est sur la table aujourd'hui ? À titre personnel.
AURORE BERGE
C'est un débat qu'on aura et qu'on a au sein du gouvernement. Moi je vous le dis, ma préoccupation et celle qui sera la mienne…
JEFF WITTENBERG
Oui, mais votre conviction ?
AURORE BERGE
Celle qui sera la mienne très clairement, c'est 1/ qu'on ait un débat extrêmement respectueux, et notamment - j'y tiens - à l'Assemblée nationale parce qu'on ne peut pas tomber dans la caricature ou dans l'hystérie sur un sujet qui est aussi intime et aussi sensible. 2/ On respecte du coup les opinions et, encore une fois, moi je suis aussi la ministre des personnes qui sont en situation de handicap, les personnes qui sont les plus vulnérables et il faut qu'on soit très attentifs à la manière avec laquelle on accueille aussi toutes les fragilités dans notre société.
JEFF WITTENBERG
On en vient au sujet d'actualité le plus brûlant du moment, la guerre entre Israël et le mouvement Hamas et ses conséquences en France. Alors que les actes dirigés contre les symboles et les personnes juives ont explosé ces derniers jours depuis le 7 octobre, est-ce que vous serez présente à la marche contre l'antisémitisme dimanche à Paris ?
AURORE BERGE
Oui, bien sûr, je serai présente. C'est pour moi une évidence. Je pense que la question, ce n'est pas tellement qui va être présent, mais pourquoi on y va et pour qui on y va.
JEFF WITTENBERG
Un peu quand même. Il y a malaise, vous le voyez notamment autour de la présence du Rassemblement national. Olivier VERAN, votre collègue porte-parole du gouvernement, a dit qu'il n'y était pas bienvenu, le RN, et pourtant il sera là.
AURORE BERGE
Mais moi ce que je dis juste, c'est que je ne veux pas que la présence de certains ou l'absence des autres, fassent qu'on parle plus de ça que de pourquoi on va marcher, de pourquoi on va manifester et de pour qui on le fait. J'ai apporté ce portrait. Ce portrait, c'est celui de Mia. J'ai rencontré sa maman et son papa - et son frère, pardon - sa maman et son frère.
JEFF WITTENBERG
Qui est une des otages retenus dans la bande de Gaza.
AURORE BERGE
Le 7 octobre dernier, il y a 40 Français qui ont été assassinés, qui ont été exécutés et il y a encore 8 Français qui sont retenus en otage. Je veux qu'on voie leurs visages, je veux qu'on entende leurs noms, je veux qu'on entende leurs familles parce que la vie de ces familles, elle s'est arrêtée le 7 octobre dernier. Ce sont des gens qui ne dorment plus, qui ne vivent plus. C'est une mère qui est angoissée tous les jours de se demander ce qui se passe pour sa fille qui est retenue dans la bande de Gaza. C'est pour cela qu'on doit les manifester et c'est pour cela qu'on doit être très nombreux dans la rue dimanche. Il ne faut pas qu'il n'y ait que des politiques, il ne faut pas qu'il n'y ait - je le dis très clairement – que des Juifs qui viennent dimanche manifester. Il faut que tous les Français se sentent concernés par la question de l'antisémitisme et de la montée de l'antisémitisme dans notre pays.
JEFF WITTENBERG
Mais est-ce que vous comprenez aussi les réticences, notamment à la France insoumise, de ceux qui disent que si on va à cette manifestation, c'est qu'on soutient un gouvernement israélien qui aujourd'hui bombarde la bande de Gaza avec aussi des victimes civiles très importantes ?
AURORE BERGE
La France insoumise utilise tous les prétextes pour ne pas marcher contre l'antisémitisme. La France insoumise, de manière évidente, essaye de flatter des bas instincts qui sont en train de se réveiller dans notre société. Flatter l'antisémitisme, c'est dégueulasse. Aujourd'hui, on a des concitoyens juifs dans notre pays qui changent leur nom sur leur boîte aux lettres et sur leurs interphones. Qui changent leur nom sur Uber ou sur Deliveroo parce qu'ils ont peur. Donc si on n'est pas tous en capacité de faire bloc, de le dénoncer, de dénoncer de manière très claire les actes terroristes du 7 octobre dernier perpétrés par le Hamas, où 1 400 personnes ont été exécutées, assassinées et 40 Français - encore une fois, je le rappelle – je crois que c'est important qu'on soit très nombreux dimanche.
JEFF WITTENBERG
Vous l'avez dit. Merci Aurore BERGE.
AURORE BERGE
Merci à vous.
JEFF WITTENBERG
Ministre des Solidarités et des Familles dans le gouvernement. Bonne journée.
AURORE BERGE
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 novembre 2023