Interview de M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Bleu le 17 novembre 2023, sur la baisse du niveau scolaire des élèves et la sécurité dans les établissements scolaires.

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Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Média : France Bleu

Texte intégral

SALAH HAMDAOUI
Pourquoi le niveau des élèves baisse-t-il ? Trop d'élèves par classe et des profs mal formés ? Trop de réformes ou trop d'écrans ? 04 67 58 60 00 ; venez donner votre avis à celui qui est concerné au premier chef, le ministre de l'Education nationale, Gabriel ATTAL, qui est notre invité, Anne PINCZON DU SEL.

ANNE PINCZON DU SEL
Parce que vous êtes, Gabriel ATTAL, dans l'Hérault pour deux jours. Vous étiez là hier, Vous êtes là aujourd'hui, bonjour.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

ANNE PINCZON DU SEL
Alors vous étiez à Mauguio pour déambuler dans le centre-ville, notamment boulangerie, pharmacie, bureaux de tabac. D'abord, qu'est-ce qu'un ministre de l'Education nationale vient faire dans une boulangerie ou un bureau de tabac ?

GABRIEL ATTAL
Pour échanger avec les Français, notamment les parents d'élèves, les familles. J'en ai rencontré un certain nombre parce qu'évidemment ils ont des choses à dire sur l'école de leurs enfants, des échanges très directs. Et puis à Mauguio, surtout avant, je me suis rendu à la base nautique où j'ai échangé avec les jeunes du Pôle espoirs, les jeunes qui sont en sport études. Moi, je crois beaucoup à cette excellence par le sport. On a un très beau centre de voile ici à Mauguio ; j'ai échangé avec eux, je veux doubler le nombre d'élèves en sport études dans les deux ans qui viennent.

ANNE PINCZON DU SEL
Ça, c'est pour le sport de haut niveau, mais on sait que les élèves français, même si le nombre d'heures de sport a un petit peu augmenté à l'école, les élèves français, dans leur quotidien, font assez peu de sport. Comment remédier à ça ?

GABRIEL ATTAL
C'est ce qu'on est en train de changer. D'abord à l'école primaire, vous savez que maintenant, on essaye de déployer ce qu'on appelle les 30 minutes d'activité physique quotidienne par jour donc quotidienne à l'école primaire. Et ensuite, au collège, on va rajouter 2 heures de sport par semaine pour ceux qui le souhaitent et pour développer les sports…

ANNE PINCZON DU SEL
Vous essayez. C'est compliqué quand même de développer ça ? De mettre ça en place ?

GABRIEL ATTAL
Parce qu'on a beaucoup d'établissements scolaires, parce qu'ils ne sont pas tous organisés de la même manière. Il y a certains endroits où vous avez la place pour organiser ces activités physiques, d'autres endroits où c'est plus compliqué. Et aujourd'hui, dans 80% des écoles primaires, vous avez ces 30 minutes qui sont déployées, qui sont finalement une forme de d'initiation, de démarrage dans la pratique sportive. Évidemment, ensuite, on souhaite que les jeunes s'y engagent encore plus fortement et pourquoi pas, s'engagent en sport études, c'est-à-dire un parcours qui est aménagé avec des semaines aménagées pour pouvoir pratiquer le sport encore.

ANNE PINCZON DU SEL
25 000 sportifs de haut niveau, les jeunes en sport études après les JO, c'est l'objectif ?

GABRIEL ATTAL
2025, à la rentrée de 2025. Oui, je pense que ça peut être un des héritages des Jeux Olympiques, c'est d'avoir une pratique sportive plus développée dans l'éducation nationale. C'est bon pour la santé des jeunes. C'est bon parce que le sport, ça transmet des valeurs : le dépassement de soi, l'esprit d'équipe, la solidarité, et c'est évidemment bon pour ça aussi.

ANNE PINCZON DU SEL
On a beaucoup parlé là, depuis la rentrée, des fausses alertes à la bombe dans des établissements scolaires. Ici dans l'Hérault, on en a eu, à Béziers, à Bédarieux, à Montpellier, effectivement, ces derniers jours. Est-ce que vous en savez un petit peu plus sur le profil de ceux qui lancent ces alertes ? Il y a des gens qui ont été interpellés ?

GABRIEL ATTAL
Oui, c'est beaucoup de mineurs, parfois très jeunes, qui disent « Je faisais... C'était pour rire, c'était une blague » ou alors « c'était pour ne pas aller en cours, c'était pour louper une interro », etc. Ce n'est évidemment pas acceptable, surtout dans la période qu'on connaît aujourd'hui. On a eu encore un attentat dans un établissement scolaire, je le rappelle, il y a un mois avec le professeur Dominique BERNARD qui a été assassiné. Et donc évidemment, moi, j'appelle à une grande fermeté à chaque fois qu'il y a ces fausses alertes à la bombe. On est à près de 800 fausses alertes à la bombe dans des établissements scolaires depuis la rentrée de septembre. Bien se rendre compte à chaque fois, c'est des établissements qui sont évacués, donc c'est des personnels, des élèves qui sont angoissés, c'est des cours qui sautent ; et donc ce n'est pas acceptable. Je rappelle qu'on encourt jusqu'à deux ans de prison, 60 000 euros d'amende quand on fait une fausse alerte à la bombe. Je pense que c'est important de le rappeler.

ANNE PINCZON DU SEL
Et en matière de sécurité, la présidente de la région Occitanie - Carole DELGA - réclamait un bouton d'urgence, proposait un bouton d'urgence dans tous les lycées. Est-ce que c'est quelque chose qui est envisageable, que vous allez décider de mettre en place ?

GABRIEL ATTAL
Oui, alors la particularité sur les lycées, je le rappelle, c'est que les bâtiments et la sécurité des lycées, ça dépend des régions de France, et pas de l'Etat. Puisque tout ce qui est infrastructure des établissements scolaires, ça dépend des collectivités locales. Et pourtant, évidemment, ce que j'ai dit à Carole DELGA et aux associations d'élus, c'est que l'Etat serait à leurs côtés pour les accompagner. Vous savez, depuis 2017, l'Etat a dépensé 170 millions d'euros pour accompagner les collectivités, que ce soit les mairies pour les écoles, les collèges, les départements pour les collèges, ou les régions.

ANNE PINCZON DU SEL
Donc, c'est une bonne idée ? Vous incitez toutes les collectivités à installer ce genre de bornes d'urgence ?

GABRIEL ATTAL
Oui, absolument. Aujourd'hui, on a trois quarts des collèges et des lycées qui ont une alarme anti-intrusion. Évidemment, il faut tendre vers le 100%. Et donc moi, je soutiens totalement l'appel et la proposition de Carole DELGA sur ce sujet.

SALAH HAMDAOUI
04 67 58 60 00. Pourquoi le niveau des élèves baisse-t-il, On vous a posé cette question sur la page de Facebook et l'application ici de l'application de France Bleu et de France 3. Trop d'élèves par classe ? Des profs mal formés ? Trop de réformes ou trop d'écrans ? 04 67 58 60 00. Venez échanger avec Gabriel ATTAL, le ministre de l'Education Nationale.

ANNE PINCZON DU SEL
Au sujet de cette baisse de niveau, vous le disiez vous-même Gabriel ATTAL, le niveau est inquiétant pour les élèves de 4ème en français et en maths. On fait quoi pour relever le niveau ?

GABRIEL ATTAL
On a fait les évaluations nationales, donc il y a plus de 5 millions d'élèves qui ont passé des évaluations à la rentrée. Qu'est-ce qu'elles nous disent, ces évaluations ? D'abord elles nous disent que tout l'investissement qu'on a mis depuis 2017 à l'école primaire commence à porter ses fruits. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on voit que la génération 2017, celle qui entrait en CP quand le président de la République était élu, qu'on a commencé à réinvestir sur l'école primaire, cette génération qui rentre en 6ème aujourd'hui, elle s'en sort mieux que la génération précédente, la génération 2012.

ANNE PINCZON DU SEL
Donc pour les 6ème, le niveau a plutôt augmenté.

GABRIEL ATTAL
Oui, le niveau a plutôt augmenté. Il faut continuer parce qu'il n'est encore pas satisfaisant pour nous. Mais en tout cas, il y avait un élève sur trois à l'entrée en 6ème en 2017 qui ne maîtrisait pas pleinement la lecture, l'écriture et le calcul. Cette année, c'est un sur quatre. Alors ça reste trop, mais vous voyez que c'est moins qu'il y a cinq ans.

ANNE PINCZON DU SEL
Et en 4ème, c'est plus de la moitié des élèves qui ne lisent pas correctement.

GABRIEL ATTAL
Voilà. Maintenant, la question c'est le collège où effectivement vous avez en 4ème la moitié des élèves qui ne lisent pas correctement et même - je vais vous donner un chiffre qui va vous saisir - un élève sur quatre qui n'a, à l'entrée au collège, même pas le niveau de fin de CM2 en lecture.

ANNE PINCZON DU SEL
Comment ça s'explique ?

GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il faut revoir en partie l'organisation du collège. Parce que la réalité, c'est que ce que vous disent les enseignants aujourd'hui, c'est que quand vous avez…

ANNE PINCZON DU SEL
Mais on apprend à lire avant ça, avant d'arriver en 6ème.

GABRIEL ATTAL
Oui. C'est pour ça que je vous dis que tout ce qu'on a fait sur l'école primaire, il faut continuer à le faire et à investir. On va notamment travailler sur les manuels scolaires, sur l'organisation en cycle puisqu'on voit que ça porte ses fruits que d'investir massivement en primaire. Après, vous avez des élèves qui arrivent au collège, qui n'ont pas les bases et qui n'ont pas le bagage suffisant. Et là, moi les enseignants me disent : avoir au sein d'une même classe des élèves qui savent très bien lire et des élèves qui ne savent pas lire du tout, ça ne permet pas de faire progresser les élèves. Voire ça tire tout le monde vers le bas.

ANNE PINCZON DU SEL
D'autres enseignants ne sont pas d'accord avec ça. On l'entendait ce matin sur France Bleu Hérault avec le SNES FSU qui dit : les groupes de niveau, ce n'est pas une bonne idée ; au contraire, on a besoin d'élèves un petit peu moteurs qui tirent les autres vers le haut, et par contre ce qu'on veut, c'est moins d'élèves dans les classes. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?

GABRIEL ATTAL
Je pense deux choses. 1/ Il faut garder des classes avec différents élèves, et donc vous aurez toujours des élèves moteurs qui tireront tout le monde vers le haut. Mais en tout cas, je pense que pour les matières fondamentales français et mathématiques, oui, il faut avoir ces groupes de niveau, ces groupes de besoins pour coller aux besoins des élèves. Et justement, si on fait ça, on pourra pour le groupe qui réunit les élèves les plus en difficulté, réduire les effectifs et réduire la taille du groupe pour que les enseignants qui sont chargés de faire progresser les élèves les plus en difficulté, évidemment puissent le faire dans des conditions encore plus fortes.

ANNE PINCZON DU SEL
Donc on réduit les effectifs uniquement dans les classes de niveau qui seraient un peu plus faibles. On n'a pas les moyens de réduire les effectifs dans tous les…

GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il faut concentrer les efforts sur ceux qui en ont le plus besoin. Vous savez, c'est ce qu'on a fait, c'est la logique de ce qu'on a fait à l'école primaire et encore une fois, on voit que ça porte ses fruits. Voilà. Ensuite, ce n'est pas la seule mesure. Moi je pense que pour les élèves les plus en difficulté, il faut qu'ils aient des heures en plus de français et de mathématiques et donc ça, on va continuer à avancer sur cette question-là. Il y a probablement d'autres mesures. Vous savez, pour construire ce plan que je présenterai au début du mois de décembre, j'ai aussi sollicité les enseignants. Je leur ai envoyé à tous un questionnaire dans lequel ils peuvent faire des propositions. On est à plus de 200 000 enseignants qui ont répondu à ce questionnaire, et donc ça va nourrir aussi le plan que je présenterai au début du mois de décembre. Moi, c'est évidemment avec eux que je veux avancer. C'est pour ça qu'hier à Mauguio, j'ai aussi échangé avec des enseignants, des CPE parce que c'est les premiers à savoir évidemment ce qu'il faut faire pour améliorer le niveau dans notre école.

ANNE PINCZON DU SEL
Et qui ne se sentent pas toujours écoutés. On a justement ici un prof à Agde qui était cette semaine parmi les neuf finalistes du concours de meilleur prof du monde. Alors ce n'est pas lui qui a été élu au final meilleur prof du monde, il était quand même dans les neuf finalistes. C'est quoi le meilleur prof du monde pour vous ?

GABRIEL ATTAL
Moi je vais vous dire, on a la chance d'avoir plus de 800 000 enseignants qui sont incroyablement dévoués, engagés pour nos élèves. Donc évidemment, quand il y a des concours, c'est une grande fierté d'avoir des Français qui y figurent. Mais moi quand j'échange avec des Français, tous en général se souviennent d'un prof qui a contribué à changer sa vie.

ANNE PINCZON DU SEL
Vous, par exemple ?

GABRIEL ATTAL
Oui, j'ai déjà eu l'occasion de le dire à ma passation de pouvoir. C'était ma prof d'histoire géo, madame BELLAC, qui m'a intéressée à l'histoire-géographie, à l'actualité, probablement à la politique, même si elle était même si elle n'était pas du tout politisée. Et donc je pense que tous les Français ont l'exemple d'un meilleur prof du monde qui a changé leur vie.

ANNE PINCZON DU SEL
Chacun a son meilleur prof du monde.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2023