Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Info le 22 février 2024, sur la contestation des agriculteurs, les lois Egalim, le contrôle de la grande distribution, la simplification des normes en matière agricole et l'entrée au Panthéon du résistant d'origine arménienne Missak Manouchian.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN-REMI BAUDOT
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Jean-Rémi BAUDOT.

JEAN-REMI BAUDOT
Le Salon de l'agriculture ouvrira ses portes samedi, c'était l'ultimatum posé par les agriculteurs pour obtenir des réponses concrètes, pour voir dans leurs fermes les effets des mesures annoncées, est-ce que deux jours avant ce salon vous pensez avoir répondu à leurs attentes ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'on a répondu à une grande partie des attentes qui avaient été posées lors des rendez-vous qu'avaient menés le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture, Marc FESNEAU, fin janvier, et aujourd'hui 80  des demandes qui ont été remontées par les agriculteurs, qui avaient fait l'objet d'un engagement par le Premier ministre, sont soit mises en oeuvre…

JEAN-REMI BAUDOT
C'était la liste des 10 points qui avaient été mis en avant par…

AGNES PANNIER-RUNACHER
62 points, 62 qui avaient été, je dirais… 62 engagements du Premier ministre, et sur ces 62 engagements vous en avez 80% qui sont soit mis en oeuvre, soit qui vont être mis en oeuvre au sens où le texte est prêt, il est dans la phase de consultation, mais tout est finalisé, soit on est en train d'avancer assez singulièrement sur les sujets, et je pense notamment sur les sujets européens, vous savez que lundi Marc FESNEAU ira au Conseil européen de l'agriculture sur un agenda de simplification pour l'agriculture, ça c'est surtout les textes européens.

AGATHE LAMBRET
Justement on va rentrer dans le détail, mais l'agriculture va être placée dans une loi parmi les intérêts fondamentaux de notre nation au même titre que notre sécurité ou notre défense nationale, ça veut dire quoi, qu'est-ce que cela changera concrètement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Concrètement ça veut dire que lorsque le juge aura à apprécier des sujets en lien avec l'agriculture il pourra mettre cet intérêt national au regard d'autres objectifs et donc finalement rééquilibrer les choses par rapport à un certain nombre de textes d'application directe en France, et donc ça permet à l'agriculture d'avoir une plus forte part de voix dans la mise en oeuvre des lois qui la concerne, et ça c'est très important, les agriculteurs l'attendent. Ce n'est pas des paroles, c'est des actes, c'est des contentieux qui avancent plus vite, c'est des contentieux qui sont tranchés dans le sens des agriculteurs.

AGATHE LAMBRET
Ce qu'ils attendent c'est surtout une meilleure rémunération…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Rémunération, bien sûr.

AGATHE LAMBRET
Le gouvernement présentera une nouvelle loi Egalim d'ici l'été, alors cette loi elle était déjà censé permettre une meilleure rémunération, ça sera la quatrième en six ans, est-ce qu'il ne faudrait pas déjà appliquer les textes existants ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors déjà on les applique et on voit le progrès que ça a amené, sans lois Egalim la rémunération, notamment des éleveurs laitiers, ne serait pas celle qu'elle est aujourd'hui, mais on le voit aujourd'hui dans des conflits qui ont lieu, on a vu hier les tensions autour de l'entreprise LACTALIS, on ne va pas assez loin, et l'enjeu de cette nouvelle loi c'est de tirer les enseignements des précédentes, on nous dit c'est bien ce que vous avez fait, ça a permis d'apporter du revenu aux agriculteurs, mais ce n'est pas parfait d'abord parce qu'il y a des stratégies de contournement, il y a des tricheurs, et ces tricheurs, il faut que ce soit très clair, que la fête est finie et que maintenant ils doivent respecter la loi, mais surtout qu'ils ne doivent pas utiliser les ambiguïtés de la loi pour différer son application…

AGATHE LAMBRET
Qu'est-ce qu'il y aura dans cette de loi de différent, parce qu'on va parler en détail des fraudes, mais qu'est-ce qu'il y aura dans cette loi, il y aura un prix plancher, il y aura l'interdiction de la vente à perte pour les agriculteurs, enfin il y aura des mesures concrètes qui feront qu'on ne sera plus dans la même situation qu'aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr qu'il y aura des mesures concrètes. D'abord je veux dire qu'il y a deux parlementaires qui ont été missionnés pour tirer les enseignements de l'application des lois précédentes et pour faire des propositions, donc si cette loi on était aujourd'hui en capacité de l'écrire, on l'aurait fait, là on fait ce que vous dites, on tire le résultat, on regarde comment elles ont été appliquées, ce qui manque, ce qu'il faut ajouter. Les trois intuitions que nous avons c'est, un, il faut que la construction du prix parte de la réalité du prix, du coût de production des agriculteurs…

JEAN-REMI BAUDOT
Mais ça ce n'était pas déjà un peu le cas des lois précédentes ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais on le voit, il y a encore des ambiguïtés et donc il faut être encore plus direct, encore plus clair, mettre une forme de régulation supplémentaire, pour que ce soit incontournable.

JEAN-REMI BAUDOT
Un prix minimum dans la loi peut-être.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas un prix minimum parce que ça part de la réalité du prix dans les exploitations. Il y a une deuxième intuition qu'on a, c'est qu'il faut aller plus loin justement dans ces indicateurs de prix. Toutes les professions aujourd'hui, qui dépendent d'Egalim, je pense notamment à la filière viande, n'ont pas encore complètement établi ces indicateurs du prix, et du coup ça rend moins opérant le fait de construire un prix sur la base de ces indicateurs de prix. Je rentre un peu dans la technique et je m'en excuse, mais ce qu'il faut comprendre à la fin c'est que nous voulons donner du revenu aux agriculteurs, les trois précédentes lois ont permis de rééquilibrer le rapport de force entre agriculteurs, industriels, grande distribution, la grande distribution continue à contourner, en tout cas certains d'entre eux, à contourner le système, et donc nous serons absolument dans la sanction et nous ne laisserons pas faire ces contournements.

JEAN-REMI BAUDOT
Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a quelques instants vous parliez de ces agriculteurs qui ont envahi le siège de LACTALIS, ça fait des semaines qu'ils réclament une juste rémunération de leur lait, mais en vain, LACTALIS c'est 28 milliards d'euros de chiffre d'affaires, est-ce que ce n'est pas un peu David contre Goliath ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est pour ça qu'il faut rééquilibrer, c'est à ça que sert la loi. Aujourd'hui vous avez un dispositif de médiation qui a permis de rendre de l'argent à certains agriculteurs dans des phases d'instruction entre rémunération des agriculteurs et rémunération des industriels, vous avez un nouveau système qui est un arbitrage, qui est également en cours pour obtenir des résultats, donc on gagne des euros, euro par euro, entre les agriculteurs et les industriels, et les industriels…

JEAN-REMI BAUDOT
Mais quand LACTALIS propose 42 euros par…

AGATHE LAMBRET
42 centimes.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et les industriels eux-mêmes doivent pouvoir obtenir une juste rémunération de la matière première agricole, parce que ça aussi c'est important.

AGATHE LAMBRET
Mais, ça fait des semaines que les agriculteurs se battent contre LACTALIS, on le disait, 28 milliards de chiffre d'affaires, LACTALIS leur proposait 40 centimes le litre de lait, alors qu'ils auraient besoin plutôt de 45 centimes, voire de 50 centimes, LACTALIS a concédé une hausse de 2 centimes à 42 centimes, que fait le gouvernement, on les laisse se battre tout seuls ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je signale que c'est l'égide du médiateur de l'Etat que ces discussions se poursuivent et qu'elles se poursuivent pour s'achever dans les semaines qui viennent, il y a des dates butoirs, il y a une procédure contradictoire, mais le travail est mené par le médiateur de l'Etat, ça, ça n'existait pas…

AGATHE LAMBRET
Là il y aurait un intérêt à mettre un prix minimum, non ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, pardon, ça, ça n'existait pas avant, ça n'existait pas avant, il faut quand même le dire, cette rémunération qui a sauvé des milliers d'éleveurs laitiers, parce que c'est ça la réalité, ces dernières années ces lois Egalim ont permis de rendre du revenu aux agriculteurs. Est-ce que c'est suffisant ?

AGATHE LAMBRET
Il y en a moins de 50 000 des éleveurs laitiers en France aujourd'hui.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. Est-ce qu'il faut aller plus loin ? oui, et c'est ce que nous faisons.

JEAN-REMI BAUDOT
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée à l'Agriculture, on se retrouve dans un instant, juste après le Fil info.

(…)

AGATHE LAMBRET
Toujours avec Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. On parlait à l'instant du contournement de la loi Egalim. Bruno LE MAIRE avait annoncé, il y a deux semaines, que 124 contrats signés entre industriels et distributeurs ne la respectent pas. Il leur avait donné dix jours pour se mettre en conformité. Où en est-on ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, une partie des contrats ont trouvé un point d'équilibre. Et vous savez que nous avons un processus qui se tient en deux mois, et donc ça continue pour les quelques contrats qui restent à négocier, à être discutés. Je veux dire…

AGATHE LAMBRET
Il n'y a pas eu de sanction, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je veux dire ici, si, les sanctions ont été prononcées, des sanctions ont été prononcées. C'est un contradictoire. Quand vous faites une sanction, vous avez quelques semaines qui sont laissées à la partie adverse pour se justifier. Ça, c'est l'Etat de droit, mais notre…

AGATHE LAMBRET
Des sanctions de 5 millions d'euros comme…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Des sanctions qui peuvent effectivement être… qui vont taper au porte-monnaie des distributeurs. Et je veux dire ici, moi, j'ai prononcé il y a quatre ans une sanction contre LECLERC de 117 millions d'euros. Cette sanction, elle fait aujourd'hui l'objet d'un recours devant la justice.

JEAN-REMI BAUDOT
Donc quatre ans plus tard !?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Mais pourquoi ? Parce que LECLERC a utilisé tous les artifices possibles pour rendre inapplicable cette sanction. Ils sont allés à la Cour européenne des Droits de L'homme. Je pense que la Cour européenne des Droits de L'homme a autre chose à faire que de se préoccuper d'une sanction administrative…

AGATHE LAMBRET
Vous ne pouvez pas remettre en cause les différentes strates de la justice…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne le remets pas en cause, mais je dis que la Cour européenne des Droits de L'homme dans notre représentation, c'est les Droits de L'homme qu'elle protège. Ce n'est pas un sujet commercial et de déséquilibres de relations commerciales. Ils sont allés à la Cour européenne des juridictions européennes…, ils sont allés… de l'Union européenne, et aujourd'hui, plutôt, hier, la Cour d'appel de Versailles a bien dit que nous étions compétents pour juger de ces 117 millions d'euros, et que donc, nous allions juger au fond ces 117 millions d'euros…

AGATHE LAMBRET
A quel titre ? Pourquoi cette sanction ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est très intéressant parce que ça montre que nous n'avons pas la main qui tremble. Mais ça montre aussi que ceux qui sont sur les plateaux pour expliquer qu'ils défendent les agriculteurs et qu'ils défendent le revenu ne sont pas forcément dans la mise en oeuvre de la loi, tout aussi propres qu'ils prétendent l'être.

JEAN-REMI BAUDOT
Vous passez un peu au name and shame, là, on a l'impression que le ton monte aussi avec les distributeurs…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, parce que, si vous voulez, on a fait beaucoup de pédagogie, on a fait des contrôles pédagogiques, on a accompagné les distributeurs, on a accompagné l'industrie. Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est qu'il y a des gens qui font le travail. Il y a des gens qui signent des conventions tripartites et qu'il y en a qui ne le font pas. Et le problème, c'est que ceux qui signent des conventions tripartites reviennent vers nous et nous disent : vous voyez, moi, je fais le travail, et en fait, je me retrouve à être moins compétitif que mes concurrents. Et donc, c'est intenable comme situation, et c'est pour ça que nous devons systématiquement sanctionner les tricheurs.

AGATHE LAMBRET
Et Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a aussi la fraude aux étiquettes. Sur 1.000 établissements contrôlés, 372 ne respectent pas le label Origine France ou font de la tromperie sur la marchandise. Finalement, tout ça, ça montre que les distributeurs fraudent, comme le disaient les agriculteurs, ils ne sont pas paranos, ils avaient raison ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi, j'ai fait un contrôle hier inopiné dans une grande surface en Seine-Saint-Denis. Ce que vous voyez, c'est qu'il y a deux sujets, où vous avez effectivement de la tromperie, c'est-à-dire que vous avez un produit qui est annoncé comme Français. Vous regardez, vous retournez la barquette, et vous vous apercevez qu'il a été produit en Nouvelle-Zélande ou en Espagne. Ça, c'est une vraie tromperie, et puis, vous avez des négligences, des glissées. Vous avez par exemple un panneau viande française, la moitié du rayon, les trois quarts du rayon sont viande française, et viennent se glisser un peu de viandes belges. Donc là…

AGATHE LAMBRET
Vous croyez que c'est de la négligence, ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, si vous voulez, on est entre gris clair et gris foncé, mais, là aussi, on l'a dit, il y aura 10.000 contrôles sur la question de l'origine, et on va très rapidement demander aux distributeurs de corriger cela.

JEAN-REMI BAUDOT
Pourquoi avoir autant attendu pour les contrôles ? Enfin, j'imagine bien qu'il y en avait avant, mais…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, il y en avait avant, Jean-Rémi BAUDOT…

JEAN-REMI BAUDOT
Non, mais, on est bien d'accord, mais…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous le savez…

JEAN-REMI BAUDOT
On n'attend pas que les ministres aillent se déplacer dans les supermarchés en Seine-Saint-Denis pour vérifier qu'il y a des problèmes dans l'étiquetage…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que nous avons fait avec la DGCCRF, qui est sous l'égide de Bercy, c'est de remonter comme priorité absolue ces contrôles dans la grande distribution. Vous savez que la DGCCRF, elle a d'autres sujets, les fraudes à la rénovation thermique, les fraudes à la location…

AGATHE LAMBRET
Mais pourquoi vous ne l'avez pas fait plus tôt, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, nous mettons le paquet pour vérifier que l'étiquetage est correct. Et moi, je le dis aux auditeurs qui nous écoutent : regardez, parce qu'en tant que consommateur, on a un rôle à jouer, on a un rôle à jouer. Et il faut se méfier par rapport aux indications…

AGATHE LAMBRET
Bien sûr, mais le gouvernement aussi, Agnès PANNIER-RUNACHER…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut retourner les barquettes, il faut vérifier que c'est produit en France, c'est aussi ça, ce signal que nous devons envoyer aux agriculteurs.

AGATHE LAMBRET
Est-ce que vous faites votre mea culpa aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est que nous voulons consommez français.

AGATHE LAMBRET
Agnès PANNIER-RUNACHER, est-ce que vous faites votre mea culpa, est-ce que vous reconnaissez que vous auriez dû écouter les agriculteurs plus tôt ? Il a fallu attendre que les tracteurs sortent pour que l'exécutif passe à l'action…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous savez, je prends l'exemple des jachères par exemple, qui est un point qui est remonté très fortement de la part des agriculteurs. Ça fait plusieurs mois qu'on y travaille…

JEAN-REMI BAUDOT
Des terres qui sont laissées libres…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Que Marc FESNEAU y travaille, et qu'il a obtenu en janvier justement, à peine quelques jours après les premiers mouvements des agriculteurs, une position de la Commission européenne. Et ça, c'est très important. C'est-à-dire, on n'a pas attendu que les agriculteurs bougent pour faire bouger des choses. Donc maintenant, ce qui est bien…

AGATHE LAMBRET
Donc, vous, vous dites : on n'a rien à se reprocher, on a tout fait dans les temps ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne dirai jamais ça, il faut toujours balayer devant notre porte…

AGATHE LAMBRET
Vous reconnaissiez des erreurs, un petit retard à l'allumage peut-être ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, moi, je dirais qu'on a énormément de travail à faire sous l'angle de la simplification, et que ça, on doit balayer devant notre porte, qu'effectivement, on a tendance à vouloir, parfois, depuis Paris, parfois même dans les services déconcentrés, à faire des choses qui sont trop précises, trop imposées…

AGATHE LAMBRET
Imposées d'en haut, sur lesquelles vous devez reculer ensuite…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sans tenir compte de la réalité du terrain…

AGATHE LAMBRET
Donc finalement, c'est un échec de la méthode…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous donne un exemple sur les haies, qui est un sujet qui peut paraître anecdotique. En fait, c'est un sujet très important en matière de biodiversité. C'est un sujet très important en matière d'énergie, puisque les haies peuvent fournir du bois énergie, et c'est un sujet important pour les agriculteurs. Les agriculteurs sont soumis à douze régimes différents de haies. Il y a des moments où ils ne peuvent pas couper. Il y a des moments où ils peuvent couper, c'est incompréhensible. Et là, effectivement, il faut faire notre mea culpa, il faut balayer devant notre porte, et c'est ce que nous faisons dans le projet de loi d'orientation pour avoir un seul régime. C'est le fruit souvent de lois qui se sont sédimentées les unes sur les autres. A nous de rendre tout ça beaucoup plus simple. On ne va pas le faire d'ici le Salon de l'agriculture, On a déjà fait des choses, mais c'est un travail qui doit se continuer. Et l'engagement qu'a pris le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture, c'est que tous les mois, tous les mois, à partir de maintenant, on va revisiter toutes les simplifications que nous devons faire…

JEAN-REMI BAUDOT
Alors, en parlant de simplifications…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour faciliter la vie des agriculteurs…

JEAN-REMI BAUDOT
Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a les simplifications, et puis, il y a notamment des indicateurs. Et hier, il y a eu une annonce qui a créé un peu d'émoi auprès des écologistes. L'indicateur français de mesure de l'usage des pesticides est abandonné pour l'indicateur européen, qui est moins contraignant. C'était une demande, notamment de la FNSEA. Est-ce que vous avez céder aux pressions de ce puissant syndicat agricole ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais à quel titre cet indicateur européen serait moins contraignant ?

AGATHE LAMBRET
Eh bien, c'est ce que dit Générations Futures, qui a comparé les résultats en appliquant à la France les deux indicateurs sur la période 2011-2021. Selon l'indicateur européen, l'usage des pesticides baisse de 32% alors qu'il croît de 3% avec le NODU.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, moi, je m'inscris en faux contre ça et contre cette analyse. Ce que fait l'indicateur européen, que ne fait pas l'indicateur français, c'est qu'il mesure le risque de chaque pesticide. Et donc, il pondère les pesticides qui sont les plus dangereux, ceux dont on sait qu'ils portent atteinte à la santé humaine, et ceux dont on sait qu'ils portent atteinte à la biodiversité, plus fortement que des pesticides sur lesquels, soit, nous avons le sentiment qu'ils sont relativement anodins, soit, nous n'avons pas suffisamment d'informations pour vraiment les positionner. Donc, c'est un indicateur de risque et qui, à ce titre, est plus puissant. Et vous pensez bien que c'est un indicateur qui a été réalisé par des scientifiques au niveau de l'Europe. Pourquoi la France serait la seule à avoir un indicateur qui serait différent du reste de l'Europe ? Comment se comparer si on veut être européen, si on veut avoir une agriculture européenne, si on n'a pas le même indicateur que les autres ?

AGATHE LAMBRET
Mais vous prenez l'engagement, ici, Agnès PANNIER-RUNACHER, que l'objectif de réduction de 50 % de l'usage des pesticides d'ici 2030 sera tenu avec ce nouvel indicateur ? Vous êtes prête à prendre cet engagement… ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je vous dis que cet objectif n'est pas modifié. Je crois que le Premier ministre a été très clair sur ce sujet, et que ce que nous voulons faire, c'est prendre l'indicateur qu'utilisent tous les pays européens, et qui a en plus une valeur importante, c'est de mesurer le risque, la réalité du risque des pesticides que nous utilisons. Qui sait aujourd'hui que nous avons réduit en France, que les agriculteurs, puisqu'en l'occurrence, c'est eux qui sont en charge de cela, qu'ils ont réduit en France de 93 %, de 93 %, les pesticides qui sont considérés comme les plus dangereux, qui le sait, ces dernières années ? Et c'est ça qui compte. Au fond, ce qui compte pour nous, c'est de préserver la santé des agriculteurs, parce qu'ils sont quand même en première ligne quand ils dépendent des pesticides. Et c'est de préserver la santé de notre biodiversité et la qualité de l'eau…

AGATHE LAMBRET
Et pas aux dépens de l'écologie…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Que nous buvons.

(Brouhaha)

AGATHE LAMBRET
… MaPrimeRénov' a été rabotée…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et nous avons une ligne rouge très claire, c'est que la santé et la biodiversité sont des priorités, et que les pesticides qui ont un impact, et on a été plutôt plus courageux que d'autres pays…

AGATHE LAMBRET
Ce n'est pas ce que l'on constate, là, Agnès PANNIER-RUNACHER, regardez, on vient d'apprendre ce matin que le budget écologie, développement et mobilité durable a été raboté de 2 milliards d'euros après l'annonce du rabotement de MaPrimeRénov' d'un milliard d'euros, ça veut dire que c'est toujours l'écologie qui trinque.

AGNES PANNIER-RUNACHER
En l'occurrence, les 1 milliards d'euros viennent dans le budget de l'écologie. Moi je comprends qu'il y a un milliard d'euros sur l'énergie. J'étais anciennement en charge de l'Energie, il y a aussi des ajustements qui sont liés à la réalité des prix de l'énergie par exemple. C'est-à-dire, c'est la prise en compte de la réalité de nos soutiens aujourd'hui, quand on n'en a plus besoin, ça fait des économies sur le budget de l'Energie. Donc je ne vais pas rentrer dans le détail, parce que je ne suis plus en charge, et je n'ai pas les détails des annonces, mais je vais prendre le sujet de l'agriculture, le budget de l'Agriculture doit aussi faire des efforts. Ils sont pour l'essentiel sur le fonctionnement du ministère de l'Agriculture. Il n'y a que 10 millions d'euros sur les crédits d'intervention. C'est dire à quel point aujourd'hui, nous avons la volonté de faire de l'agriculture une priorité du gouvernement.

JEAN-REMI BAUDOT
L'agriculture et le Salon de l'agriculture, dont on va parler dans un instant, juste après le Fil Info avec vous, Agnès PANNIER-RUNACHER, juste après le Fil Info.

(…)

AGATHE LAMBRET
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. " Gabriel ATTAL vient de nous raconter une belle histoire pour nous apaiser, nous faire croire que ça se passera bien, mais ça va mal se passer " a prévenu le président de la Coordination rurale à propos du Salon de l'agriculture, vous êtes sereine à J-2 ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je m'attends à ce que les discussions soient franches et directes. Je veux dire que le Salon de l'agriculture c'est un moment où on met un coup de projecteur sur notre agriculture française, alors ça doit être à la fois une fête, une fierté, vous avez des agriculteurs qui viennent présenter leurs produits, qui viennent nous présenter leur excellence, et ça doit être une fête conviviale pour l'ensemble des Français, je rappelle qu'il y a 600 000 visiteurs au Salon de l'agriculture, et ça il faut absolument le préserver. En même temps…

AGATHE LAMBRET
Et est-ce qu'Emmanuel MACRON va débattre avec les agriculteurs, est-ce qu'il doit commencer par un grand débat ?

JEAN-REMI BAUDOT
C'est quoi franches et directes, comme vous dites ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En même temps je pense qu'effectivement, dans les discussions que le président va avoir, que le Premier ministre, que le ministre de l'Agriculture, que moi-même nous aurons, ou que d'autres ministres, il y aura effectivement des échanges sur lesquels on mettra les choses sur la table, mais c'est très bien, ça permet effectivement d'avancer. Et encore une fois, je le dis, il y a tout ce que nous faisons pour répondre à la colère des agriculteurs, et le Premier ministre a fait le point, et je crois qu'il a été très précis, et a montré que nous avions avancé, mais qu'il restait encore du travail, et tout ne se termine pas…

AGATHE LAMBRET
Et il y a d'autres annonces qui sont prévues au Salon de l'agriculture, sur l'élevage par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a des annonces qui sont prévues au Salon de l'agriculture, effectivement, cela a été dit, le plan de souveraineté pour l'élevage sera annoncé au Salon de l'agriculture, et il y a tout ce que nous ferons derrière. Le sujet de l'agriculture ne s'éteint pas le dernier jour du salon, bien au contraire. Toute la mise en oeuvre, le projet de loi d'orientation agricole que nous allons porter avec Marc FESNEAU, le travail que nous allons faire sur la simplification, le travail que nous allons faire sur le prochain agenda stratégique de la Commission européenne, vous savez que la Commission européenne va être renouvelée, enfin, c'est le moment de poser nos idées et de dire voilà ce que nous voulons pour l'agriculture européenne, nous Français, sachant qu'en plus on a quand même une voix qui pèse en Europe sur ce sujet-là.

AGATHE LAMBRET
Agnès PANNIER-RUNACHER, le président a fait savoir que le RN serait inspiré de ne pas se rendre à l'hommage à Missak MANOUCHIAN, invoquant l'esprit de décence et le rapport à l'Histoire, vous trouvez normal, dans ce genre de circonstance, de renvoyer le Rassemblement national à son passé ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, je crois que sur ce sujet particulier, où les familles des 23 de " L'affiche rouge " ont fait savoir qu'elles ne souhaitaient pas que le Rassemblement National soit là, la moindre des décences, sur ce moment qui est un moment, je dirai aussi de reconnaissance de ce qu'ont fait ces héros de la Résistance, qui étaient leurs familles, qui ont versé leur sang, ce serait d'écouter ce que disent les familles. Le Rassemblement national, son problème c'est qu'il a oublié que dans son histoire, un de ses fondateurs est un membre de la Waffen SS, dans son histoire, c'est un fait, et le Rassemblement national a beau avoir ripoliné la surface, la réalité c'est qu'ils ont toujours les mêmes arrière-pensées, ils portent toujours les mêmes valeurs.

AGATHE LAMBRET
Mais le président disait qu'il ne fallait pas les attaquer sur le terrain des années 90 justement, avec les arguments des années 90, ce n'est pas contradictoire, ça dépend des jours ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardon, " l'Affiche rouge " c'est un fait qui est arrivé en 1943, on n'est pas en 2023, on ne parle pas de ce qui se passe à l'Assemblée nationale, on parle d'un moment de mémoire, alors si on est conformément à la mémoire, eh bien on ne réécrit pas ce qui s'est passé en 1943. Ce sont les nazis, et c'est la police française, vichyste, qui a fait les filatures et qui est à l'origine de l'exécution des 23 résistants étrangers qui se sont battus contre l'envahisseur allemand, et, factuellement, un des fondateurs du Front National est un Waffen SS, donc ne mélangeons pas tout, s'il vous plaît.

JEAN-REMI BAUDOT
Alors, il y a l'histoire du Rassemblement National, Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a aussi les fréquentations actuelles du Rassemblement national, Marine LE PEN et Jordan BARDELLA ont déjeuné avec la coprésidente de l'AfD, qui est le grand parti d'extrême droite allemand, ça s'est passé mardi à Paris, alors que la députée RN avait récemment pris ses distances avec ce parti d'extrême droite après la révélation d'un projet de " remigration " des étrangers et des citoyens non assimilés auquel l'AfD avait participé, ça a créé des manifestations massives en Allemagne. Est-ce que ça signifie quelque chose pour vous, que Marine LE PEN et Jordane BARDELLA soient si proches de l'AfD allemande ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que les masques tombent. Encore une fois, le Rassemblement national a ripoliné la surface, mais ils ont toujours le même fonds de commerce, et c'est pour cela que nous continuerons à nous battre contre les idées du Front National, quand ils en ont, je vais prendre un exemple, sur l'agriculture je n'ai toujours pas compris ce que proposait le Rassemblement national, j'ai bien compris qu'il surfait sur les peurs, j'ai bien compris qu'il y avait des jours pairs où ils étaient pour la PAC et les jours impairs où ils étaient contre la PAC, mais je n'ai pas compris quelles étaient les propositions du Rassemblement national pour permettre aux agriculteurs de vivre plus dignement et pour permettre à notre agriculture de faire sa transition agroécologique.

AGATHE LAMBRET
Et pourquoi vous n'avez pas de candidat pour les Européennes encore, qu'est-ce qui cloche, de tête de liste ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On est en train de travailler sur le sujet. Vous savez que, peut-être, à la différence d'autres formations, nous nous sommes aussi au travail en ce moment, et donc c'est quelque chose qui…

AGATHE LAMBRET
Vous n'avez pas le temps.

AGNES PANNIER-RUNACHER
On nous sollicite énormément, et effectivement un certain nombre de figures de proue de la majorité sont ministres, doivent délivrer, on parle du Salon de l'agriculture, on peut parler de ce qu'on fait sur l'industrie, on peut parler de ce qu'on fait sur l'énergie, on peut parler de ce qu'on fait sur la santé, donc, vous le voyez, la première chose qu'attendent les Français c'est qu'on ait des résultats.

JEAN-REMI BAUDOT
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, merci beaucoup d'avoir été l'invitée du 8.30 France Info


source : Service d'information du Gouvernement, le 23 février 2024