Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans les « 4V » Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Merci. Bonjour.
THOMAS SOTTO
Nouvelle ministre de cette maison dans laquelle on passe et qui s'appelle l'Education nationale. Si on prend vos trois derniers prédécesseurs, Pap NDIAYE est resté un peu plus d'un an, Gabriel ATTAL est resté cinq mois, Amélie OUDEA-CASTERA 26 jours, est-ce qu'on peut sérieusement être ministre de l'Education sans se projeter sur le long terme, qu'est-ce que vous dites ce matin aux parents et aux enseignants qui sont inquiets de cette valse des ministres ?
NICOLE BELLOUBET
Je pense effectivement qu'il faut un peu de temps long, comme d'ailleurs pour toutes les politiques publiques, mais à l'Education particulièrement, parce qu'on a besoin de sérénité, de calme et de se projeter, j'espère pouvoir répondre à l'ensemble de ces objectifs.
THOMAS SOTTO
C'est-à-dire que vous si demain on vous appelait à l'occasion d'un nouveau énième remaniement, on vous disait « tiens, tu ne veux pas aller aux Affaires étrangères », ou « tu ne veux pas aller à Matignon ou ailleurs », ce sera non ?
NICOLE BELLOUBET
Non, je ne veux aller nulle part là, je suis très bien là où je suis, je reste.
THOMAS SOTTO
Vous restez, très bien. Nicole BELLOUBET, alors que deux professeurs, Samuel PATY et Dominique BERNARD, ont été assassinés en France ces derniers mois, on sait qu'il y a environ 500 élèves radicalisés, dont 160 considérés comme particulièrement dangereux, il y a huit jours on vous a posé la question chez nos confrères de BFM, vous avez dit « laissez-moi une semaine, j'arrive », qu'est-ce que vous allez faire de ces élèves ?
NICOLE BELLOUBET
D'abord, juste pour dire que les élèves radicalisés, il y a des niveaux différents de radicalisation, vous avez des élèves qui sont les enfants de familles dont on imagine qu'elles sont radicalisées, d'autres qui ont déjà commis des actes en ne respectant pas certaines valeurs de la République, donc il y a des situations différentes. Un, lorsque nous avons un doute, nous suivons de très près ces élèves, et les proviseurs, les principaux, ont des moyens pour empêcher l'entrée dans les établissements, par exemple. Deux, nous suivons vraiment avec très grande attention leur comportement en classe, s'il y a des difficultés nous pouvons aller jusqu'à un certain nombre de procédures disciplinaires. Trois, nous nous interrogeons et nous souhaitons mettre en place un suivi encore plus fin qui pourra peut-être aller jusqu'à une prise en charge de l'élève dans des classes spécifiques, et c'est cela que nous sommes en train de construire.
THOMAS SOTTO
En dehors de l'établissement éventuellement ?
NICOLE BELLOUBET
En tout cas des classes d'études dont nous cherchons exactement la manière et le périmètre qu'elles pourraient recouvrir.
THOMAS SOTTO
Ce que vous dites c'est que ces élèves sont suivis de près.
NICOLE BELLOUBET
Très près, très près évidemment, mais vous savez, pardon, j'ai déjà vu au ministère de la Justice le suivi de jeunes radicalisés, donc ce n'est pas… qui parfois donne des résultats extrêmement satisfaisants, de déradicalisation, c'est un peu cela que nous souhaitons mettre en place aussi.
THOMAS SOTTO
Il y a aussi certains établissements, certains collèges hors contrat qui posent problème, notamment sur leur financement, c'est le cas du lycée privé musulman Avicenne de Nice, quelle réponse apporter à ce type de situation, financement opaque ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, effectivement, j'ai été avertie il y a quelques temps maintenant que ce collège, c'est est un collège hors contrat privé, à Nice…
THOMAS SOTTO
Lycée privé musulmans, hors contrat.
NICOLE BELLOUBET
Oui, collège…
THOMAS SOTTO
Collège, pardon.
NICOLE BELLOUBET
Effectivement, après plusieurs relances, n'était pas très clair sur ses sources de financement, et c'est contraire à la loi de 2021, la loi anti-séparatisme, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à la rectrice de l'académie de Nice d'appliquer avec clarté la loi de 2021 et de proposer au préfet la fermeture de cet établissement, bien entendu en prenant en compte la situation scolaire des élèves.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire, là à Nice c'est les vacances scolaires, dans une semaine ça ne rouvrira pas ?
NICOLE BELLOUBET
Si, si, nous allons annoncer la fermeture avec une mise en oeuvre décalée pour pouvoir prendre en charge les élèves.
THOMAS SOTTO
Décalée à quand ?
NICOLE BELLOUBET
Décalée à septembre.
THOMAS SOTTO
A septembre, donc tous les élèves seront recasés ailleurs ou ?
NICOLE BELLOUBET
Bien entendu.
THOMAS SOTTO
Evidemment.
NICOLE BELLOUBET
Nous avons là un problème de financement opaque, et c'est cela qui est contraire à la loi.
THOMAS SOTTO
Il y a combien d'établissements comme ça qui posent problème, sur lesquels vous vous interrogez, vous pourriez fermer, vous le savez ou pas encore ?
NICOLE BELLOUBET
Non. Si vous voulez, ce n'est pas tellement un nombre d'établissements que j'ai à ici donner, mais simplement chaque situation est suivie, évidemment suivant… la situation est différente selon que nous sommes dans un établissement hors contrat ou dans un établissement qui est sous contrat avec l'Etat, où les règles ne jouent pas de la même manière.
THOMAS SOTTO
Quand les choses ne sont pas claires, donc la règle c'est la fermeture ?
NICOLE BELLOUBET
La règle c'est d'abord on travaille avec l'établissement, parce que là, en l'occurrence, on avait écrit à plusieurs reprises à cet établissement et les réponses n'étaient pas satisfaisantes.
THOMAS SOTTO
La zone B, donc niçoise, est en vacances, c'est aujourd'hui en revanche la rentrée scolaire pour la zone C et c'est aujourd'hui que va commencer l'expérimentation du port de l'uniforme à l'école, on l'évoquait il y a quelques minutes avec Mathilde TERRIER, test qui va débuter à Béziers, dans l'Hérault. Combien de communes, combien de villes ont postulé pour tenter cette expérience ?
NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, actuellement nous sommes à 92 établissements, au 23 février, je crois, qui se sont portés candidats. Nous souhaitons vraiment développer…
THOMAS SOTTO
Ce n'est pas beaucoup quand même 92, si ?
NICOLE BELLOUBET
Nous nous sommes fixés disons un seuil de 100 établissements pour la rentrée scolaire prochaine, puisque nous sommes dans une expérimentation, au fond le président de la République a souhaité donner un nouvel élan à cette démarche, et cela justifie, parce que ce que nous voudrions voir c'est si oui ou non le port de la tenue peut créer une sérénité dans la classe, peut apaiser le climat scolaire, on sait qu'on apprend bien quand le climat est apaisé, c'est ce que nous voulons voir, et donc nous tentons cette expérimentation autour d'une centaine d'établissements, il y en a 92 aujourd'hui qui se sont portés candidats. J'ai vu que la ville de Béziers était candidate, Monsieur le maire de Béziers aime bien l'exposition médiatique, donc dont acte…
THOMAS SOTTO
Robert MENARD.
NICOLE BELLOUBET
D'autres font la même chose en étant plus discrets, mais ce qui importe pour nous c'est d'avoir les établissements pour tenter cette expérimentation.
THOMAS SOTTO
Je ne vais pas vous ressortir une fois de plus votre désormais fameuse phrase écrite il y a huit ans, lorsque vous ironisiez sur les fariboles, sur le retour à l'autorité et la blouse, vous vous êtes déjà expliquée là-dessus, mais au fond de vous, vous pensez que ça va changer quoi d'avoir un uniforme ou une blouse en classe ?
NICOLE BELLOUBET
C'est ce que je vous dis, l'idée c'est vraiment de voir si cela peut apaiser le climat scolaire, si ça conforte le sentiment d'appartenance…
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous pensez que ça peut permettre de lutter contre le harcèlement scolaire ?
NICOLE BELLOUBET
Je pense que c'est un des moyens, certainement pas le seul, mais un des moyens qui peut-être peut empêcher cela ou en tout cas… et s'il n'y a pas qu'un seul élève qui est sauvé, enfin sauvé, en tout cas qui ne subit pas le harcèlement, pourquoi ne pas le tenter.
THOMAS SOTTO
On précise, sur le harcèlement, qu'il y a désormais un numéro qui s'appelle le 30 18.
NICOLE BELLOUBET
Alors absolument, le harcèlement scolaire c'est une politique pour nous qui est fondamentale…
THOMAS SOTTO
Un élève par classe harcelé.
NICOLE BELLOUBET
Actuellement nous avons une statistique de un élève par classe, 19 élèves dans le primaire qui sont en risque, dans le primaire, en CM1, CM2, c'est évidemment… nous ne pouvons pas laisser cela comme ça, il y a là-dessus zéro tolérance, il faut être très clair, et donc nous prévenons, nous détectons, c'est le 30 18, le numéro d'appel auquel tout le monde peut avoir accès, et puis nous tentons d'apporter des solutions.
THOMAS SOTTO
Nicole BELLOUBET, on se posait une petite question tout à l'heure en écoutant Mathilde TERRIER sur les tenues, l'uniforme qui sera donné aux filles et aux garçons, il y aura pantalon et jupe pour les filles et les garçons, et il y aura jupe ou short pour l'été, c'est ça, donc les filles seront forcément en jupe ou ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas s'il faudra… au fond c'est un accord entre l'école et la collectivité, je pense qu'il faut que chacun au plus près du terrain voit ce qui est utile.
THOMAS SOTTO
Donc ça on pourra s'adapter au cas par cas, en tout cas on saura d'ici 2026 s'il y aura généralisation ou pas après ces premières expériences.
NICOLE BELLOUBET
Voilà, tout à fait, parce qu'il y aura une évaluation très précise faite par des universitaires qui vont réellement voir la plus-value apportée par les uniformes.
THOMAS SOTTO
Plus près de nous dans le temps, il y a ce choc des savoirs souhaité par le Premier ministre, qui doit se produire essentiellement au niveau du collège. Très concrètement, est-ce que vous pouvez, Madame la ministre, nous expliquer comment vont fonctionner les groupes de niveau dans une même classe, en maths et en français, pour les élèves de 6e et de 5e ?
NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, très simplement, lorsque nous voyons qu'il y a des résultats scolaires qui ne sont pas bons, et donc nous devons agir, pour agir il faut prendre en charge l'hétérogénéité des élèves, c'est indispensable, et donc évidemment accompagner ceux qui ont le plus de difficultés, dans des groupes qui seront des groupes de taille réduite, on a parlé de quinze, et dans les matières fondamentales, le français et les maths…
THOMAS SOTTO
Donc c'est en plus des heures communes ?
NICOLE BELLOUBET
Non, ce sera sur…
THOMAS SOTTO
Sur les mêmes heures.
NICOLE BELLOUBET
Ils ont 4 heures 30 en 6e de français et de maths, donc pendant ce temps-là les élèves qui ont des difficultés sur tel ou tel domaine seront pris en charge de manière singulière, et ainsi nous pourrons, tout en gardant des classes hétérogènes, puisque dans les autres matières ils seront évidemment ensemble…
THOMAS SOTTO
Il n'y aura pas de classes de niveau, il n'y a pas les bons d'un côté, les classes de bons et les classes de cancres ?
NICOLE BELLOUBET
Ah non, ça vraiment ce n'est pas possible.
THOMAS SOTTO
Il n'en n'est pas question.
NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas possible.
THOMAS SOTTO
C'est du soutien scolaire votre truc en fait !
NICOLE BELLOUBET
Ah non, ce n'est pas du soutien scolaire, c'est de l'apprentissage qui est différencié selon le niveau des élèves dans telle ou telle compétence.
THOMAS SOTTO
Evidemment, quand on fait des groupes dans la classe, il faut plus d'enseignants, il faudra 2000 postes supplémentaires au collège…
NICOLE BELLOUBET
Oui, nous l'avons évalué à 2300 postes.
THOMAS SOTTO
Où est-ce que vous allez aller les chercher ?
NICOLE BELLOUBET
Eh bien nous avons les emplois, nous les avons, donc il faut maintenant mettre tout cela en place pour la rentrée prochaine.
THOMAS SOTTO
Vous avez des emplois parce que, j'imagine, beaucoup de profs, de parents, même de profs, là qui doivent un peu lever le sourcil en se disant quand même, on manque de profs, on n'arrive pas à recruter, alors il y a évidemment de très bons profs, mais tous les parents le savent aussi, parmi ces profs-là c'est la loterie, il y a, dans l'Education Nationale, des profs recrutés à la va-vite quelques jours avant, des enseignants qui n'ont rien à faire dans l'Education nationale, est-ce que ça ce n'est pas le coeur du problème, est-ce qu'on peut faire semblant de continuer à ne pas le voir ?
NICOLE BELLOUBET
Non, moi je ne veux pas faire semblant, nous aurons des enseignants devant nos élèves et nous allons…
THOMAS SOTTO
Des bons enseignants ?
NICOLE BELLOUBET
Mais, Monsieur Thomas SOTTO, y a-t-il toujours des bons journalistes ? Non…
THOMAS SOTTO
Non, assurément pas.
NICOLE BELLOUBET
Nous faisons, avec évidemment l'ensemble des personnels que nous recrutons, les enseignants contractuels que nous recrutons ils sont sélectionnés par des inspecteurs et donc ils ont évidemment les qualités pour enseigner. Mais je voudrais surtout dire que nous devons faire un effort d'attractivité pour la profession d'enseignant et nous devons, et c'est ce que nous allons faire, rénover la formation initiale de nos enseignants, c'est la tâche à laquelle je m'attelle dès maintenant.
THOMAS SOTTO
Tout ça ça fait beaucoup dans un contexte d'économie générale, il y a 10 milliards d'économies à aller chercher sur le budget 2024, pour votre ministère ce sera à peu près 700 millions, 692 millions…
NICOLE BELLOUBET
Pas tout à fait, 680 millions, oui.
THOMAS SOTTO
Sur quoi vous allez rogner ?
NICOLE BELLOUBET
C'est un petit peu compliqué à expliquer, mais il faut savoir que dans un ministère il y a toujours, en début d'année, des financements, qui sont accordés, mais qui sont gelés en cas de difficultés, de coups durs, etc.
THOMAS SOTTO
Un bas de laine.
NICOLE BELLOUBET
En quelque sorte ; ce sont ces financements-là, cette réserve de précaution, que nous allons rendre et qui, en grande partie, nous permettra de répondre à cet effort collectif que nous devons faire.
THOMAS SOTTO
Alors que chaque euro compte, il y a un autre sujet qui crispe les syndicats, c'est le livret pédagogique sur les Jeux olympiques, je crois que vous en avez entendu parler, il va être distribué à tous les écoliers du CP au CM2, accompagné d'une jolie pièce frappée par la Monnaie de Paris, coût de l'opération 16 millions d'euros, est-ce que c'est bien raisonnable ?
NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, c'est un élan collectif, les Jeux Olympiques, nos élèves doivent y participer, ils sont presque déjà dedans, comme nous le sommes nous-mêmes, et donc ce livret leur permet de bien mesurer ce que signifient les Jeux Olympiques pour notre pays. La pièce de 2 euros…
THOMAS SOTTO
Très belle défense, ça a été décidé avant votre arrivée évidemment, est-ce que vous l'auriez fait ?
NICOLE BELLOUBET
Non mais… la pièce de 2 euros, si vous voulez, le président MITTERRAND avait fait graver une pièce, qui a été également distribuée dans les écoles, c'était une pièce, je crois, de 1 franc à l'époque, pour le bicentenaire de la Révolution française, donc nous n'innovons pas, mais nous prolongeons les élans collectifs.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Nicole BELLOUBET d'être venue dans les « 4V. »
NICOLE BELLOUBET
Merci.
THOMAS SOTTO
Qu'est-ce que vous aimeriez avoir comme appréciation sur votre bulletin de troisième trimestre de ministre de l'Education ?
NICOLE BELLOUBET
A tout donné.
THOMAS SOTTO
A tout donné, mais doit continuer ses efforts. Merci, bonne journée à vous.
NICOLE BELLOUBET
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2024