Déclaration de Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, sur l'examen de la proposition de loi du bien vieillir et de l'autonomie, le 19 mars 2024.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Fadila Khattabi - Ministre déléguée, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées

Circonstance : Examen en Commission mixte paritaire du projet de loi "Bâtir la société du bien vieillir en France", Assemblée nationale le 19 mars 2024

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie

(…)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées
Nous sommes réunis à l'occasion de l'ultime étape de l'examen de cette proposition de loi qui a au coeur une ambition partagée par notre gouvernement, celle d'oeuvrer concrètement à la construction d'une véritable société du bien vieillir et de l'autonomie. Ses nombreuses dispositions sont autant de briques pour ce chantier du grand âge – chantier majeur, immense, et surtout indispensable à l'avenir de notre pays. Nous l'avons engagé dès 2017, mais il reste encore beaucoup à faire !

Dans dix ans, mesdames et messieurs les députés, un quart des Français aura 65 ans ou davantage. Ce sera peut-être votre cas ; c'est sans doute déjà celui de vos parents ou grands-parents. Il s'agit d'une réalité qui nous concerne toutes et tous, à laquelle nous devons collectivement nous préparer. Au-delà des questions de santé publique et des enjeux évidents liés à la perte d'autonomie liés à cette transition démographique, les rapports avec les aînés en disent long sur l'état d'une société.

En France, le modèle de protection sociale repose sur la solidarité entre générations : c'est là quelque chose dont il faut être fiers, qu'il faut préserver et renforcer ! Depuis 2017, je le répète, le Président de la République en a toujours fait une priorité ; les gouvernements successifs se sont attelés, avec constance et détermination, à sécuriser les services d'aide à domicile, et les établissements. Comment ne pas évoquer la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l'autonomie, par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, qu'en tant que députée, j'ai votée à vos côtés ? Cette mesure et le parachèvement de la transformation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en caisse nationale de sécurité sociale furent l'une des réformes les plus importantes de notre système de protection sociale, depuis son instauration. Rappelons que le budget de cette cinquième branche s'élève cette année à 40 milliards d'euros et sera de 45 milliards en 2027.

Autre réforme ambitieuse que nous avons lancée : la création des services autonomie à domicile (SAD), véritables services intégrés fusionnant le soin et l'aide, afin que chacun puisse être accompagné et soigné chez lui lorsqu'il le souhaite. Maillant tout le territoire, ils permettront au plus grand nombre de vieillir à domicile en toute sécurité.

Face à la crise de confiance qu'a subie le secteur, un plan d'inspection systématique des Ehpad a déjà permis de contrôler la moitié des quelque 7 500 établissements du territoire national. Je peux vous assurer que nous poursuivrons et amplifierons résolument cette démarche consistant à renforcer les contrôles, sans pour autant, bien sûr, jeter l'anathème sur les professionnels du secteur. Je présenterai d'ailleurs dans les tout prochains jours la nouvelle stratégie nationale de lutte contre les maltraitances – je sais que cette cause vous tient à coeur.

Je pense également au service public départemental de l'autonomie, porte d'entrée unique pour accompagner et orienter les personnes vieillissantes ou handicapées, et mieux prévenir la perte d'autonomie : expérimenté dans dix-huit départements, je souhaite qu'il soit généralisé dès 2025.

Enfin, depuis le 1er janvier, MaPrimeAdapt' permet de financer les travaux nécessaires à l'adaptation du logement des personnes âgées ou en situation de handicap, en fonction de leurs besoins spécifiques : alors que 90 % des Français souhaitent vieillir chez eux, ce dispositif concret accompagne ainsi un indispensable virage domiciliaire.

Vous pouvez le constater, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement a déjà beaucoup accompli, avec votre concours, en faveur des politiques du grand âge. Encore une fois, nous menons des réformes ambitieuses qu'à notre arrivée, en 2017, les acteurs réclamaient depuis fort longtemps. Je sais que les objectifs, les convictions, les valeurs qui y président sont largement partagées dans cet hémicycle : ce texte en constitue la preuve. D'initiative parlementaire, il a été élaboré par des députés appartenant aux trois groupes de la majorité présidentielle, réunis en vue de répondre concrètement aux attentes et aux aspirations des personnes âgées comme de ceux qui prennent soin d'elles. Le Sénat y a ensuite apporté son exigence et, dans les deux chambres, de nombreux amendements, issus aussi bien de la majorité que des oppositions de droite et de gauche, ont enrichi la rédaction initiale.

Depuis près de deux ans, il a fait l'objet de divergences, certes, mais députés et sénateurs ont majoritairement eu à coeur d'avancer ensemble, de concert avec le Gouvernement, qui soutient le texte. Nous en sommes à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire : je me réjouis que celle-ci ait été conclusive et je remercie sa présidente, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, les deux rapporteures, Mme Annie Vidal et Mme Laurence Cristol, et tous ses membres, députés ou sénateurs, qui ont su travailler dans un esprit constructif. Grâce à ce texte, nous progressons sur le chemin d'une société du bien vieillir pour toutes et tous : les personnes âgées, leur famille, ainsi que celles et ceux qui les accompagnent au quotidien, autrement dit les aidants.

Faute de pouvoir revenir sur toutes les mesures du texte, je voudrais en citer quelques-unes, particulièrement emblématiques de son esprit, qui consiste à proposer des changements ancrés dans la vie quotidienne et répondant à des besoins exprimés par les intéressés.

Je pense, par exemple à la consécration du droit de visite dans les Ehpad, afin que l'on ne puisse plus, par principe, refuser à une personne âgée de recevoir un parent ou un ami chez elle (Mme Maud Petit applaudit) – car pour ses résidents, l'Ehpad est un lieu de vie, un chez-soi. En vertu de la même idée, je me réjouis de la place que nous donnons aux animaux de compagnie dans ces établissements. (Mêmes mouvements.) Quitter son domicile constitue toujours une rupture ; devoir, à cause de cela, abandonner un chien ou un chat, c'est la double peine.

J'ai encore pu le constater hier à La Maison du cèdre bleu, à Saint-Pierre-du-Perray, où une résidente a pu conserver son chien, tandis que l'Ehpad possède déjà deux chats : la présence d'un animal maintient le lien social, et peut même contribuer à réduire la prise de médicaments et retarder les effets du vieillissement. Je tiens ici à remercier les députés qui se sont fortement engagés en faveur de cette mesure – je tourne la tête à droite, à gauche, afin de saluer M. Philippe Juvin et M. Jérôme Guedj. Consciente des inquiétudes qui persistent chez certains, je prends devant vous l'engagement de travailler à un décret d'application équilibré, concerté avec les professionnels, les associations, pour que ce droit s'applique dans le respect le plus strict des exigences d'hygiène et de sécurité.

Je pourrais également mentionner le renforcement de l'habitat inclusif, les dispositions concernant la lutte contre les maltraitances, dont certaines font partie de notre stratégie nationale, ou encore celles relatives à l'amélioration des conditions de travail des aides à domicile, qui comprend notamment une carte professionnelle de stationnement et une aide financière liée à leurs déplacements, qui pèsent sur leur pouvoir d'achat. Sur ce point comme sur les autres, il reste du travail, mais nous avançons dans le bon sens.

Mesdames et messieurs les députés, « il y a on ne sait quelle aurore dans de la vieillesse épanouie », écrivait Victor Hugo : bel écho à notre ambition commune, celle du bien vieillir ! Le fait que nous vivions plus longtemps doit être une chance pour tous.

M. Christophe Bex
Pour tous !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
Nos réformes ambitieuses, mais aussi les dispositions utiles, concrètes, réalistes que le Parlement a inscrites dans ce texte y contribueront. Après l'adoption de la proposition de loi, il nous restera, si vous le voulez bien, trois priorités : la gouvernance, pour clarifier la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales, notamment les départements ; le développement de l'habitat intermédiaire, pour que ceux qui ne peuvent plus vivre seuls, mais gardent une certaine autonomie, accèdent à un accompagnement personnalisé ; le financement, le nerf de la guerre, pour décider collectivement qui paie quoi entre la sécurité sociale et l'État, entre les différentes générations, finalement entre les Français eux-mêmes.

Un député du groupe RN
Ah !

M. Christophe Bex et M. Frédéric Mathieu
Rien n'est gratuit !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
C'est un véritable choix de société qu'il nous faudra faire ensemble. Le Gouvernement souhaite, sur ces trois points, ouvrir le débat avec les premiers intéressés : je m'engage devant vous à ce que nous en discutions avec vous, avec tous les Français,…

M. Boris Vallaud
Nous sommes d'accord avec tous les Français !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
…à en tirer toutes les conséquences législatives qui s'imposent – je vous le dis, monsieur Vallaud ! Ce n'est qu'avec l'engagement des collectivités, des départements, que nous pourrons mener à bien ces concertations et dégager les voies de réforme appropriées. Vous l'aurez compris, cette proposition de loi est une pierre de plus dans notre chantier du grand âge,…

M. Thibault Bazin
Il y faudra plusieurs pierres !

M. Pierre Cordier
Il faut beaucoup de pierres pour construire un mur !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
…ni la première ni la dernière, mais une pierre indispensable à la construction de notre modèle social en vue d'une meilleure prise en charge de la dépendance. C'est pourquoi je vous invite à voter largement en sa faveur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, ainsi que sur les bancs des commissions. – Mmes Maud Petit et Estelle Folest applaudissent également.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 21 mars 2024