Déclaration de Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux, sur la proposition de résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation des persécutions des Assyro-Chaldéens de 1915 comme génocide, à l'Assemblée nationale le 29 avril 2024. .

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Chrysoula Zacharopoulou - Secrétaire d'État, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux

Circonstance : Discussion d'une proposition de résolution à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation des persécutions des Assyro-Chaldéens de 1915 comme génocide (no 2512).

(…)

M. le président
La discussion générale est close.
Sur l'ensemble de la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux
La présente proposition de résolution porte sur la reconnaissance comme génocide et la condamnation des persécutions subies par les Assyro-Chaldéens en 1915. Les orateurs qui se sont succédé à cette tribune ont rappelé les faits, d'une cruauté inouïe, qui se sont déroulés sur les hauts plateaux anatoliens et dans la plaine de Mésopotamie, au moment même où les Arméniens subissaient, en ces mêmes lieux, un génocide.

La réalité historique du massacre dont furent victimes les Assyro-Chaldéens ne fait pas de doute. Le nombre de victimes est évalué entre 200 000 et 300 000. Entre 1915 et 1918, plus de la moitié de la population assyro-chaldéenne a ainsi été assassinée. Des actes de torture et de barbarie ont été commis ; des villages ont été rasés ; des églises ont été détruites ou profanées. Les Assyro-Chaldéens ont été exterminés de manière intentionnelle et systématique, comme les Arméniens, en même temps qu'eux et avec eux.

Les massacres ont été rapportés par de nombreux témoins. Ils ont été abondamment étudiés et documentés par les historiens, notamment le professeur émérite Joseph Yacoub, de l'université de Lyon, avec l'aide de son épouse. Je tiens à saluer leurs travaux.

Je sais que la mémoire de ces massacres demeure vivante et douloureuse. Elle marque encore l'âme, la chair et les histoires familiales de tous les descendants de ces Arméniens, Assyriens, Chaldéens et Syriaques, orthodoxes ou catholiques, qui ont connu le pire, lors de cette terrible année 1915, sur les rives de la mer Noire.

Ils sont nombreux à avoir trouvé en France un refuge. Ils en ont appris la langue et en ont épousé la culture. Arrivés avec leur cortège de drames et de souffrances, ils ont néanmoins su s'intégrer dans notre pays ; ils ont apporté leur pierre à notre maison commune, dans les domaines économique, culturel, académique et politique. Je mesure la demande – forte – de reconnaissance de leur identité, de leur histoire et de la tragédie subie par leurs ancêtres. Je tiens à leur rendre hommage, sincèrement et solennellement, au nom du Gouvernement.

Face à la mémoire, toujours vive, de ce terrible passé, ces peuples méritent toute notre solidarité et tout notre respect. Il y va de notre lien, historique, politique et moral, avec les Chrétiens d'Orient. Comme l'a déclaré, à maintes reprises, le Président de la République, ce passé nous oblige. En 1536, François Ier signait avec Soliman le Magnifique le traité dit des capitulations, par lequel la France s'engageait à protéger les chrétiens de l'Empire ottoman. Ce passé nous oblige tout spécialement aujourd'hui, alors que les chrétiens de la région, comme d'autres minorités, continuent de souffrir. L'histoire et la situation actuelle des Chrétiens d'Orient nous obligent et exigent de nous un engagement sans faille.

M. Sylvain Maillard
Elle a raison !

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État
C'est pourquoi la France continue et continuera d'agir en faveur des Chrétiens d'Orient et des autres minorités du Proche et du Moyen-Orient.

M. Carlos Martens Bilongo
Les chrétiens de Gaza !

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État
Nous le faisons par fidélité à ces populations et par cohérence avec notre engagement en faveur des droits de l'homme. Nous le faisons aussi parce que nous sommes convaincus que le maintien de la diversité religieuse au Moyen-Orient est une condition indispensable à son cheminement vers la paix, la stabilité et la prospérité.

C'est la France qui a pris l'initiative d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies en mars 2015, avant d'organiser, en septembre de la même année, une conférence internationale pour la protection des victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient, à laquelle a participé le patriarche des Chaldéens catholiques, Louis Raphaël Ier Sako. Le plan d'action adopté à cette occasion demeure une boussole pour la communauté internationale.

La France agit de manière concrète, sur le terrain. Le fonds de soutien aux victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient a permis de soutenir 130 projets, principalement en Irak, pour un montant dépassant 46 millions d'euros depuis 2015. À la demande du Président de la République, le fonds pour les écoles d'Orient aide désormais, à hauteur de 4 millions d'euros par an, les écoles confessionnelles qui permettent d'éduquer des enfants chrétiens et musulmans, côte à côte, dans le respect des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, de tolérance et de respect mutuel. La France agit aussi pour la protection du patrimoine culturel et religieux des Chrétiens d'Orient ou encore contre l'impunité des crimes commis en Syrie et en Irak.

Ces quelques exemples sont bien minces face à l'épaisseur du drame historique que nous évoquons, mais il était utile de rappeler que la France agit pour améliorer le sort des populations concernées, pour leur permettre de demeurer sur leur terre historique ou, si possible, d'y revenir ; elle agit pour contrer les discours de haine et pour jeter les fondations de sociétés inclusives et apaisées, dans lesquelles chacun, quelle que soit sa confession, pourra vivre en citoyen, dans la paix, la sécurité, la liberté et la dignité.

J'ai voulu ici, au nom du Gouvernement, rappeler le passé, honorer la mémoire des victimes et avoir une pensée pour les survivants. J'ai voulu rappeler l'engagement de la France à soutenir les membres des minorités ethniques et religieuses du Moyen-Orient, tant éprouvées par les tragédies de l'histoire, et pourtant admirables dans leur fidélité à la terre, à la foi et à l'identité de leurs pères. J'ai voulu rappeler la nécessité d'œuvrer à l'édification d'un Moyen-Orient apaisé, pacifié et prospère, dans lequel chaque homme, chaque femme, chaque enfant pourra vivre dans la sécurité et la dignité, sans distinction d'appartenance ethnique ou religieuse. Telles sont nos priorités. J'espère qu'elles rassembleront très largement les membres de l'Assemblée nationale, au-delà des clivages partisans.

Je comprends que la proposition de résolution s'inscrit dans le contexte que je viens de décrire. Cependant, je voudrais, au nom du Gouvernement, émettre une réserve de principe : malgré notre conscience des massacres commis en 1915, de leur ampleur, de leur caractère systématique, volontaire et organisé, la reconnaissance de l'existence d'un génocide relève du travail des historiens et de la justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 2 mai 2024